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mercredi, 28 janvier 2009

Hypathie, vierge martyre des païens

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Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - COMBAT PAÏEN - DÉCEMBRE 1990

B. Favrit-Verrieux:

Hypathie, vierge martyre des Païens

"Dors, ô blanche victime en notre âme profonde,

Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos;

Dors! l'impure laideur est la reine du monde

Et nous avons perdu le chemin de Paros (…)

Demain, dans mille années,

Dans vingt siècles, —qu'importe au cours des destinées—

L'homme étouffé par vous se dressera (…)

Votre œuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable".

Leconte de Lisle (Hypathie et Cyrille)

Alexandrie, 415. Cinq ans après le sac de Rome, alors que l'Empire s'écroule, l'Egypte vit à l'heure des derniers feux du paganisme antique. L'Occident est acquis à la cause du "Galiléen", l'Orient résiste encore, mais il n'est qu'en sursis. La ville égyptienne abrite une population multiconfessionnelle; la cohabitation s'avère de plus en plus difficile. Face aux Juifs et aux païens "Hellènes": les partisans de Jésus, manœuvrés par l'évêque Cyrille, et qui comptent bien se rendre maîtres de la place.

Dans cette atmosphère tendue se dresse Hypatie, la vierge des païens et, si l'on en croit les relations de Socrate (1) et Damaskios, l'ultime rempart du paganisme. Son père, prêtre des dieux et scientifique de renom, lui a enseigné la mathématique, l'astrologie et la philosophie. Elle a grandi dans le culte des dieux; elle sait que tout flanche et agonise autour d'elle; pourtant, elle se refuse à suivre la théorie des conversions. Un combat sans espoir, perdu d'avance… En cela réside toute sa signification.

Hypathie enseigne la philosophie, elle a le verbe haut mais la grâce l'habite; tous les témoignages convergent lorsqu'il s'agit d'évoquer sa grande beauté. On a coutume de la représenter au milieu d'un cénacle, le cercle de ses fidèles qui, avec elle, refusent de voir les dieux s'exiler pour céder la place aux religions de l'intolérance.

Les Juifs et les chrétiens s'affrontent à coups d'émeutes et de pogroms sous les regards inquiets d'Hypatie et des siens; à quand leur tour?… Il y aussi la lutte d'influence que se livrent Oreste, préfet de la ville, et l'évêque Cyrille. Pour une cause mal définie, le préfet d'Alexandrie aurait fait torturer à mort un chrétien, un provocateur dont les Juifs ont exigé la tête. L'affaire dégénère bientôt et c'est le massacre entre les deux communautés. Cyrille, qui a l'avantage de la supériorité numérique, fait détruire les synagogues et expulser les Juifs. Puis, emporté par son élan, l'évêque harangue ses troupes qui jettent l'anathème sur le représentant de Rome. Oreste cherche alors à se concilier les faveurs d'Hypatie dont l'influence est toujours notoire pour tenter de réduire Cyrille et ses moines fauteurs de troubles. On rapporte aussi que frappé par la beauté de la jeune femme, le préfet d'Alexandrie, bien que baptisé, aurait longuement hésité à s'engager sur le voie du paganisme. Il n'en fit rien.

Lorsque la vierge païenne est prise à partie en pleine ville par la foule chrétienne fanatisée qui l'arrache de sa voiture et la traîne au Caesarium, il ne réagira pas. Sur les marches du temple impérial, Hypatie est "déshabillée, tuée à coups de tessons, mise en pièces… Ses restes sont ensuite promenés dans les rues et brûlés…" (3). Désormais, Cyrille et Oreste peuvent envisager la réconciliation…

Dans son avant-propos à un ouvrage de Gabriel Trarieux (4), George Clemenceau eut cette phrase: "Hypatie contre Jésus. La Grèce toujours contre sa mère l'Asie, la beauté contre la bonté, fût-il jamais plus passionnante tragédie?" Passionnantes ou pas, il est des tragédies dont les païens que nous sommes ne peuvent s'accommoder et veulent éviter. Contre l'éradication de la beauté et le règne du lit de Procustre, nous devons montrer notre détermination face à l'intolérance qui règne chez nous et le retour des tabous et des amalgames minables. Nos spécificités, notre religiosité européennes nous ont toujours enseigné de ne pas nous agenouiller, nous encaloter, nous voiler, nous asservir, de privilégier l'amour des libertés pour que s'élève l'être face à ses sensibilités identitaires. Hypatie, la chaste et belle païenne, n'a pas voulu se taire et se prosterner. Elle a montré la voie. Souvenons-nous du culte d'Athénée Poilias qu'elle tenta d'honorer jusqu'au bout et de sa croisade contre le Crucifié.

B. Favrit-Verrieux.

Notes:

(1) Histoire de l'Eglise.

(2) Vie d'Isidore.

(3) Chronique des derniers païens - Pierre Chuvin (Les belles Lettres: Fayard, Paris, 1990).

(4) Hypatie - Cahiers de la quinzaine (Paris, avril 1904).

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