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vendredi, 25 décembre 2009

La nouvelle feinte d'Erdogan

moelzer_fabry.jpgAndreas Mölzer:

 

La nouvelle feinte d’Erdogan

 

Début novembre 2009, le Premier Ministre turc Erdogan a présenté son plan en quinze points pour résoudre la question kurde. Parmi ces quinze points, nous découvrons qu’il serait dorénavant permis d’enseigner la langue kurde dans les écoles, à titre de branche en option. Les villages recevraient à nouveau leurs anciens noms kurdes. Toutes choses qui devraient pourtant être évidentes. Le plan d’Erdogan prouve une chose: que la Turquie, jusqu’ici, a foulé aux pieds les droits les plus élémentaires de la principale de ses minorités ethniques.

 

Mais ce plan ne s’adresse pas en premier lieu aux Kurdes, mais à l’Union Européenne. En donnant le plus grand impact médiatique à son plan, Erdogan cherche à gruger les eurocrates bruxellois, à leur jeter de la poudre aux yeux, pour qu’ils ne voient plus les vices de fonctionnement de l’Etat turc, qui s’étalent pourtant au grand jour. La petite minorité chrétienne qui subsiste dans le pays subit toujours autant de discriminations et rien, dans le plan du premier ministre islamiste, ne laisse entrevoir que leur sort sera amélioré. En outre sur le plan des droits de l’homme, surtout au niveau de la liberté d’opinion et de la liberté de la presse, la situation demeure déplorable; ensuite, Ankara refuse toujours, avec un entêtement consommé, de reconnaître un Etat membre de l’UE: Chypre.

 

En gros, on peut se poser la question: les discriminations subies par la minorité kurde en Turquie prendront-elles véritablement fin? A l’évidence, on peut annoncer beaucoup de choses mais ce qui importe, en ultime instance, c’est la traduction des promesses dans les faits. Le meilleur exemple que l’on puisse citer est le rapprochement avec l’Arménie, qu’avait promis, il y a peu, le gouvernement turc actuel. Rappelons-nous: il y a quelques semaines, l’annonce de ce rapprochement avait fait la une des quotidiens et des agences de presse dans le monde entier. Aujourd’hui, au bout de quelques semaines seulement, nous constatons que la reprise des relations diplomatiques entre Ankara et Erivan sont loin d’être devenues une réalité. La Turquie tente, par tous les moyens, de dicter ses conditions à l’Arménie, et, au Parlement d’Ankara, une résistance virulente se constitue contre la signature de tout traité avec l’Arménie voisine.

 

Il y a tout lieu de croire que le nouveau plan d’Erdogan s’enlisera de la même façon, car le chef du gouvernement turc sait trop bien quelles oppositions il suscitera en politique intérieure. Car, d’une part, les partis d’opposition en Turquie entrent en ébullition chaque fois qu’il est question d’élargir la palette des droits pour les Kurdes et, d’autre part, le gouvernement d’Erdogan n’a plus le vent en poupe, au contraire, il bat de l’aile. Les sondages lui attribuent 32%, ce qui constitue 15% de moins que lors de la victoire électorale qui l’a porté au pouvoir, il y a deux ans. Si cette tendance persistait et si l’opposition en venait encore à gagner du terrain, alors Erdogan n’aura aucun scrupule à lâcher les Kurdes.

 

Andreas MÖLZER.

(article paru dans “zur Zeit”, n°47-48/2009).

 

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