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mercredi, 24 mars 2010

Muray est grand et Luchini est son prophète

Muray est grand et Luchini est son prophète

Philippe-Muray_2334.jpgSamedi, 15 h, théâtre de l’Atelier. Fabrice Luchini vient tranquillement s’assoir près d’une table couverte de livres. La salle est comble. Il avait déjà enchanté les fans de grands textes avec ses lectures de Nietzsche, de La Fontaine et d’autres auteurs de calibre. Il s’attèle cette fois-ci à l’œuvre de Philippe Muray, l’écrivain contempteur de la société hyperfestive et des rebellocrates, polémiste de haut vol disparu en 2006.

Dès la première phrase, le public est conquis. La lecture de Luchini est, pour Muray, plus qu’un hommage, une seconde vie. L’évidence s’impose. Une alchimie s’est produite entre l’impertinence géniale de l’écrivain et l’insolence talentueuse du comédien. Le phrasé unique de ce dernier, sa force d’évocation sans égale donnent toute sa plénitude au texte assassin. Face au règne du Grotesque, usurpateur, c’est un tyrannicide littéraire de la bêtise contemporaine.

Ce qui fait de cette dernière un sujet inédit, selon Muray, c’est le triste mérite d’ajouter, aux formes éternelles du ridicule, l’esprit de sérieux qui suinte aujourd’hui en permanence du nihilisme content de soi.

C’est l’étalage surréaliste, la mise en scène autocentrée de l’Homo Festivus, si fier de succéder à l’homme de l’Histoire et de la différenciation. Aussi, à travers la parole jubilatoire de Luchini, l’auteur de L’Empire du Bien a-t-il à cœur de ne rater aucune de ses cibles. Sa verve énergique volatilise ainsi le culte infantéiste, la peur de la maturité et les fantasmes régressifs qui les traduisent. Son brio décapant pulvérise l’émergence des « agents d’ambiance » et autres « accompagnateurs petite enfance », ces nouveaux emplois créés par Martine Aubry en curieuse amatrice de sots métiers. 

En fin analyste des ressorts profonds du romantisme, il met à jour la démission du bobo ordinaire devant le tragique de la vie, refusant par là-même la frontière pourtant féconde entre beauté et laideur, dignité et petitesse. Les modulations de la voix de Luchini donnent alors tout l’écho mérité au propos lucide de Muray, quand il arrache souverainement le masque du Bien à la banalité du mal, aux petits intérêts sordides qui ne s’avouent plus à eux-mêmes, faute de référent.

Sous les tirs ajustés de cet auteur de grande race, l’époque nous apparaît bel et bien sans l’emballage habituel. On patauge dans le pathos, le moralisme de terreur, le théâtre de rue, le « sourire de salut public », la manie du débat à tout propos, où l’on disserte démocratiquement, avec un minimum d’encadrement médiatique tout de même, d’objets sans consistance définie : un peu de tout et beaucoup de rien.

Si cette liberté de ton vous enthousiasme, n’hésitez pas, le 22 ou le 29 mars, à vous rendre au théâtre de l’Atelier. Un artisan du verbe y célèbre un maître du pamphlet. Muray est grand, et le temps d’une lecture inspirée, Luchini est son prophète.

Philippe Gallion

Texte paru sur le blog du Choc du mois [1] sous le titre « Muray par Lucchini ».


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