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vendredi, 25 juin 2010

Culture et nature: un même combat pour "Synergies"

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Culture et nature: un même combat pour «Synergies»

 

En 1971, j'adhérais, sous le numéro 1063, à la SEPANSO (Société pour la Protection de la nature dans le Sud-Ouest). A cette époque, nous étions encore peu nombreux à nous préoccuper d'écologie et ce sont nos actions qui ont contribué à la prise de conscience actuelle en faveur de l'environnement. C'est dire que le combat des responsables de SYNERGIES pour défendre la nature n'a rien de nouveau ni d'un intérêt de mode.

 

L'homme, le plus grand prédateur que la Terre ait jamais connu, dévaste à son profit immédiat, et sans mesure, une nature qui a construit son équilibre au cours de millions d'années. En se multipliant sans limite, en se donnant une puissance et une audace toujours plus grandes, avec ses besoins insatiables, l'homme consomme, détruit, envahit et pollue tout ce qui a le malheur de présenter le moindre intérêt pour notre appétit physiologique, technique ou financier. Ce comportement ressemble un peu à celui des termites. Nous avons transformé la Terre en gruyère, l'atmosphère en étuve et l'eau en cloaque: nous sommes donc une termitière frénétique qui crée des objet artificiels en détruisant le donné naturel.

 

Lorsque l'on prend conscience de la folie que représente le “progrès”, on devient un combattant mobilisant ses énergies pour obliger sa propre espèce à se contrôler, à maîtriser cette pulsion frénétique, acquisitive et destructrice, à limiter ses besoins, à se contraindre à respecter la vie végétale et animale, à respecter les millions et les millions d'années de maturation qui résident au sein de tous ces êtres vivants. Ce respect est la condition première à tout équilibre.

 

A l'opposé d'un certain message de la Genèse, où Yahvé dit à Adam de soumettre la Terre à son bon vouloir et à ses convenances, nous affirmons que la Terre et la Vie ne sont la propriété de personne; rien sur cette Terre ne peut être arraisonné définitivement et enclos, soustrait au Tout et régi selon des lois différentes de la loi globale, tellurique ou “gaïenne” (de “Gaia”, la Terre). La Terre est un perpétuel chantier, où les transformations s'effectuent lentement, où êtres et formes évoluent ou involuent, subissent la loi de l'entropie. Or, ayant remplacé l'unité des religions cosmiques par une dualité créationniste, les religions récentes ont dégagé dangereusement l'homme de sa filiation avec la Nature, l'ont soustrait à ses responsabilités et l'ont conduit à la catastrophe imminente qui nous guette.

 

SYNERGIES a donc décidé de participer à la lutte planétaire pour la sauvegarde de la nature, sans laquelle nous ne pourrions vivre biologiquement, poétiquement et spirituellement. Après avois aidé une revue écologique (Le Recours aux forêts)  à se développer et à prendre un créneau, à monter sur la brèche pour ce combat nécessaire, le Directoire de Synergies a décidé d'aller plus loin et de créer une «AMICALE ÉCOLOGIQUE EUROPÉENNE». Cette amicale n'aura pas vocation à se lancer dans des opérations spectaculaires, à imiter Greenpeace, mais devra simplement relier et informer les membres de SYNERGIES qui s'intéressent aux problèmes écologiques ou qui militent dans des organisations ou des partis écologiques partout en Europe. Nous ne souhaitons pas créer un parti vert de plus, mais former une agence d'information pour soutenir l'action au quotidien de ces militants persévérants, qui trouverons dans les travaux que nous publierons ou traduirons des argumentaires pour étayer leur combat et leurs discours. Nous croyons que l'écologie ne doit pas s'enfermer dans des approches politiciennes car l'écologie concerne tout le monde, indistinctement: il s'agit de sauver notre biosphère en danger de mort.

 

Ainsi donc, que ceux d'entre nous qui soutiennent notre démarche nous le fassent savoir afin que nous les tenions au courant des progrès de cette «AMICALE ÉCOLOGIQUE EUROPÉENNE».

 

Gilbert SINCYR.

Commentaires

LETTRES

Hombourg, le 4 juin 1799.


Mon cher,
Ta sympathie et ta fidélité sont pour moi un bienfait de plus en plus grand et aussi ce que tu es, ton assiduité, l'heureuse habilité avec laquelle tu partages ton esprit et tes forces entre les affaires professionnelles et la libre formation, ton courage, ta modestie, tout cela me réjouit toujours davantage. Cher Karl! Rien ne me réconforte autant que de pouvoir dire à un être humain: j'ai foi en toi! Il est vrai que l'impureté, la médiocrité des hommes me gênent souvent plus qu'il ne faudrait, mais j'éprouve aussi plus de joie que d'autres quand je rencontre dans la vie la Bonté, la Vérité et la Pureté; c'est pourquoi je ne puis accuser la nature de m'avoir fait sentir l'imperfection avec tant d'acuité, puisqu'elle me fait reconnaître aussi la beauté avec une joie d'autant plus profonde. Si je parviens un jour à moins ressentir dans l'imperfection l'indéfinissable l'indéfinissable souffrance qu'elle me cause si souvent et à en discerner exactement le point précis, momentané et spécifique, sachant alors reconnaître aussi la beauté propre aux bonnes choses et leur caractéristique, sans trop m'arrêter à l'impression générale, si un jour je parviens à cela, alors mon âme connaîtra plus de repos, et mon activité progressera plus régulièrement. Car si nous ne ressentons certains défauts que de façon infinie, nous sommes naturellement portés à ne vouloir y remédier que de façon infinie, de sorte qu'en certains cas nos forces s'engagent dans une lutte confuse, stérile, épuisante parce qu'elles ne savent pas exactement à quoi tient cette insuffisance, ni comment corriger, remédier à cette insuffisance, à celle-là précisément. Tant que rien ne me choque dans mon travail, tout va bien; mais la moindre erreur, que je ressens tout de suite trop vivement pour pouvoir l'envisager clairement, me met parfois dans un état de tension inutile. Cela m'arrive dans mon activité professionnelle comme dans la vie courante, dans mes rapports avec les gens – grand enfant que je suis! Cette sensibilité n'est certainement pas un mauvais don de la nature, mais si elle n'est pas encore parvenue chez moi au discernement du sentiment précis, cela provient notamment de ce que que j'ai senti trop d'insuffisance et trop peu de perfection dans les situations et les caractères.- Tu verras qu'aujourd'hui les êtres dont l'organisation est plus humaine, les âmes que la nature semble avoir le plus nettement formées pour l'humanité, sont partout les plus malheureux, du fait même qu'ils sont plus rares qu'en d'autres temps et d'autres lieux. Les barbares qui nous entourent détruisent nos meilleures forces avant qu'elles n'aient pu éclore, et ce n'est qu'en prenant solidement et profondément conscience de ce destin que nous éviterons du moins de sombrer dans l'indignité. Il faut chercher la perfection , faire cause commune avec elle autant qu'il se peut, puiser réconfort et guérison dans le sentiment de cette perfection et acquérir ainsi la force de déceler ce qui est grossier, faux, difforme non seulement dans la souffrance, mais en soi, en ce qui constitue son caractère et son défaut spécifique. D'ailleurs il ne doit pas être trop difficile de vivre en paix avec les hommes, pourvu qu'ils ne nous portent pas atteinte et ne nous gêne pas directement. Le mal n'est pas qu'ils soient tels qu'ils sont, mais qu'ils considèrent ce qu'ils sont comme la seule chose valable, sans rien admettre d'autre. Je suis hostile à l'égoïsme, au despotisme, à la ,misanthropie, mais je m'attache de plus en plus aux hommes, car je reconnais dans les petits comme dans les grands côtés de leur activité et de leurs caractères un seul et même caractère originel, un seul et même destin. Oui, c'est ce besoin d'avancer, de sacrifier un présent assuré à quelque chose d'incertain, de différent, de meilleur et de toujours meilleur, que je considère comme la cause première des faits et gestes de tous les hommes qui m'entourent? Pourquoi ne vivent-ils pas comme les bêtes des forêts, frugales, réduits au sol, à la nourriture qui se trouve à leur portée et dont elles dépendent par nature, comme l'enfant lié au sein de sa mère? Il n'y aurait plus de soucis, plus de peines-pas de plaintes, peu de maladies, peu de discorde, plus de nuit d'insomnie, etc. Mais cela serait aussi peu naturel à l'homme que en sot naturels les tours de forces que celui-là lui fait faire. Favoriser la vie, accélérer et perfectionner la marche permanente de la Nature, idéaliser ce qui de l'homme, et tous ses arts, ses occupations, ses déficiences et ses souffrances procèdent de ce besoin. Pourquoi y 'a t'il des jardins et des champs? Parce que l'homme veut se faire une vie meilleure. Pourquoi le commerce, la navigation, les villes, les Etats avec leur tumulte, leur bon et leur mauvais côté? Parce que l'homme veut se faire une vie meilleure. Pourquoi les sciences, les arts, une religion? Parce que l'homme veut se faire une vie meilleure. Même lorsqu'ils s'acharnent à se détruire mutuellement, c'est encore parce qu'ils ne peuvent se contenter du présent, parce qu'ils veulent le transformer, et c'est ainsi qu'ils se précipitent prématurément au tombeau de la Nature et qu'ils accélèrent la marche du monde.
Ainsi, la grandeur et la médiocrité de l'homme, le meilleur et le pire ont la même origine et, dans l'ensemble, tout est bien. Chacun accomplit à sa manière, plus ou moins bien, sa mission d'homme qui consiste à multiplier la vie et la Nature, à l'accélérer, à la particulariser, séparer , lier. Il faut bien reconnaître que cet instinct originel, celui d'idéaliser, d'accélérer, de façonner, de développer et de parfaire la Nature n'anime plus guère l'activité des hommes; ce qu'ils font, ils le font par habitude, par imitation, par obéissance à la tradition et par suite des besoins que leurs ancêtres leur ont artificiellement créés. Mais pour continuer dans la voie de leurs pères, celle du luxe, de l'art et des sciences, etc., il faudrait que les descendants fussent animés du même besoin qu'eux; pour s'instruire, il faudrait qu'ils fussent organisés comme les maîtres. Mais cet instinct s'est bien affaibli chez ceux qui pensent par eux-mêmes, de manières originale, ou chez les inventeurs. Tu vois, mon cher, que je viens de formuler un paradoxe: le besoin formatif et artistique avec toutes ses modifications et variétés est un véritable service que les hommes rendent à la nature. Mais ne savons-nous pas depuis longtemps que tous les courants épars de l'activité humaine se jettent dans l'océan de la Nature, de même qu'ils y prennent leur source? Les hommes font presque toujours leur chemin à l'aveuglette, en maugréant et à contrecoeur et trop souvent de manière grossière et vulgaire? Leur faire voir ce chemin afin qu'ils s'y engagent les yeux grands ouverts, avec joie et dignité, tel est le rôle de la philosophie, des beaux-arts, de la religion, issus eux-mêmes de ce besoin. La philosophie révèle ce besoin à notre conscience et lui assigne son objet infini dans l'idéal qui renforce et purifie ce besoin. L'art lui expose son objet infini sous une forme vivante, par la représentation d'un monde supérieur; et la religion lui donne l'intuition et la foi que ce monde supérieur réside là où il le cherche et veut le créer, c'est-à-dire dans la Nature, dans son propre univers et dans celui qui l'entoure, comme une disposition cachée, un esprit qui attend son épanouissement.
La philosophie, l'art, la religion, ces prêtres de la Nature agissent donc d'abord sur l'homme et n'existent d'abord que pour lui; et c'est seulement en conférant à son activité réelle, qui agit directement sur la nature, une noble orientation, de la force et de la joie, que celles-ci agissent à leur tour sur la nature et agissent indirectement sur elle de façon réelle. Tous trois- mais surtout la religion- ont encore un autre résultat; c'est d'amener l'homme, dont l'activité dépend de la matière que lui offre la Nature, qui fait partie, en tant que puissante force motrice, de son organisation infinie, à ne pas se considérer comme le maître et le seigneur de celle-ci. Si grands que soient son art et son activité, il devra s'incliner avec piété et modestie devant cet esprit de la Nature qu'il porte en lui, qui l'entoure et qui fait sa force et son élément. Quoi qu'ils aient fait et puissent encore faire sur le plan de l'art et de leur activité générale, les hommes ne peuvent rien produire de vivant, ni créer par eux-mêmes les éléments qu'ils transforment et façonnent; ils peuvent développer les offres créatrices, mais la force elle-même, étant éternelle, n'est pas issue des mains de l'homme.
Voilà pour ce qui concerne l'activité humaine et la nature. Je voudrais bien pouvoir t 'exposer cela comme mon âme le ressent et comme je le vois quand je regarde les êtres qui m'entourent, chacun dans son univers; car j'en retire consolation et paix profondes, et je me sens partout réconcilié avec la multiplicité des occupations des hommes, j'éprouve une satisfaction profonde à les voir si assidus et je participe davantage à leur activité et à leurs souffrances. Ce n'est pas un mince projet, cher frère, que de vouloir exposer l'organisation d'une Eglise esthétique, et il ne faudra pas t'étonner de rencontrer en cours de route, pour autant que j'en puise juger, des obstacles qui te sembleront presque insurmontables. Un exposé philosophique des éléments constitutifs de l'idéal en général et de ses implications présente déjà un nombre de difficultés; un exposé philosophique de l'idéal de toute société humaine, de l'Eglise esthétique, est peut-être plus difficile encore à mener à bien; Mets-toi pourtant courageusement au travail. C'est par le plus difficile que l'on exerce le mieux ses capacités, et cela te falicitera en tout cas la compréhension approfondie de tous les autres rapports sociaux en ce qu'ils sont et peuvent être.
Je me suis laissé entraîner si loin sur le terrain de nos idées favorites, qu'il ne me reste plus de temps pour parler plus longuement de toi et de moi.
De toute façon, il me faudra attendre encore quelque temps avant de pouvoir te fixer à mon sujet, te dire comment je pense vivre à l'avenir et quand je pourrai peut-être aller vous voir, mes chers! Ah, voilà des êtres vraiment bons! Me suis-je écrié, pleurant de joie à la lecture de vois trois lettres.
Pour terminer, je te transcris un passage de ma tragédie, la Mort d'Empédocle, afin de te donner une idée approximative de l'esprit et du ton de l'ouvrage auquel je m'attache en ce moment avec toute la lenteur de l'amour et de l'effort. […]

A présent je te dis adieu, cher Karl. Ecris-moi sitôt que tes occupations et les circonstances voudront bien le permettre.


Ton Hölderlin.

Écrit par : Olipien | lundi, 12 juillet 2010

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