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samedi, 16 octobre 2010

Le lobby pro-français en Wallonie

Picard / «  ‘t Pallieterke » :

Le lobby pro-français en Wallonie

 

 

wallonie-france2.jpgEn France, pense-t-on sérieusement à annexer la Wallonie, et même Bruxelles, à la « mère-patrie » hexagonale ? Oui, si l’on croit ce qu’écrivent certains sites sur Internet ou certains journaux. Ainsi, le ministre français des affaires européennes, Pierre Lellouche, se serait exprimé ouvertement, lors d’une réunion, sur les effets positifs qu’aurait une réception de la Wallonie dans le giron de Mère-France. La question demeure ouverte : quel est le degré de réalisme de tels plans ? Quel zèle déploient donc  les décideurs pour que cesse d’exister la frontière qui sépare encore la Wallonie de la France ?

 

Soyons clairs dès le départ : l’intérêt que porte la France à la Wallonie est encore relativement réduit. Il existe certes quelques parlementaires néogaullistes en France qui ont montré un bien vif intérêt pour les anciens départements de Jemmapes (= Hainaut), de Sambre-et-Meuse (Namur), de l’Ourthe (Liège) et des Forêts (Luxembourg wallon + Grand-Duché). Jean-Pierre Chevènement, nationaliste de gauche, lorgne, lui aussi, vers le Nord. En fait, l’intérêt que portent les Français pour ce Septentrion wallon reste fort marginal. Les Français ne connaissent pas trop bien les réalités belges. Lors d’une visite, fin des années 90, le Président français de l’époque, Jacques Chirac, s’était demandé si « la Belgique comptait en fait plusieurs cantons ».

 

Cet intérêt assez chiche pour la Wallonie procède de tout un éventail de raisons. D’abord, Paris ne s’est intéressé qu’aux régions flamandes bordées par l’Escaut. Ensuite, la Wallonie n’est, pour les Français, qu’une sorte d’annexe délabrée du « Nord ». Elle est à leurs yeux une région dépourvue d’intérêt. De surcroît, on sait aussi en France que ce n’est pas seulement la Wallonie mais la Belgique tout entière qui se trouvent partiellement sous contrôle économique français, par le biais des « secteurs utiles », notamment via la position dominante qu’occupe Electrabel/GDF/Suez. Les Français savent aussi que les frontières existantes sont des vaches sacrées à l’intérieur de l’UE. Paris a bien l’intention de toujours les respecter. Sauf s’il y a évidemment une majorité claire et nette de Wallons qui opterait pour une annexion à la France. La situation peut rapidement se modifier.

 

Pour le moment, ce n’est certainement pas le cas. Le lobby pro-français en Wallonie est actuellement faible. Il s’agit surtout de personnages qui lorgnent vers le Sud depuis des décennies comme les chefs de file du « Rassemblement wallon », Paul-Henry Gendebien et le constitutionaliste liégeois François Perin. Or le poids politique de ces deux hommes est inexistant. Comme on le sait fort bien, le parti rattachiste RWF n’a jamais été capable de dépasser 1% des voix en Wallonie.

 

Cette situation pourrait peut-être se modifier complètement en cas de dislocation de la Belgique. Si tel est le cas, une attitude pro-française pourrait subitement émerger en Wallonie, pour autant qu’elle soit latente. Pour avancer une telle hypothèse, nous n’avons qu’un seul exemple historique : au lendemain de la seconde guerre mondiale, beaucoup d’associations wallingantes se sont engouées pour la France. C’est un fait : le mouvement wallon (officiel) a toujours cherché à se profiler comme un mouvement de résistance antiallemand se référant à la personnalité du Général De Gaulle. La date du 18 juin 1940 est significative à cet égard. Ce jour-là, rappelons-le, De Gaulle prononce, depuis Londres, son fameux appel à poursuivre la lutte contre l’Allemagne. Or la date du 18 juin est aussi, par un pur hasard, celle de la bataille de Waterloo en 1815. Pour les tenants du wallingantisme, ce fut une défaite calamiteuse car, en conséquence, les Wallons furent inclus dans le « Royaume-Uni des Pays-Bas », instance politique qu’ils abominent. Nous ne devons pas oublier non plus que la « Congrès National Wallon » de 1945 avait opté pour une annexion à la France. S’il y a scission de la Belgique, cette vieille histoire sera certainement exhumée du placard.

 

Cependant, cette nostalgie des Wallingants s’avèrera insuffisante pour amener une majorité du peuple de Wallonie dans le giron de la France. Pour réussir une pareille opération, il faut des hommes politiques connus et populaires. Il y en a : quelques politiciens socialistes comme Christophe Collignon ou Claude Eerdekens lorgnent depuis longtemps vers la France. Ils se sentent étroitement liés à la région « Nord/Pas-de-Calais », qui est un bastion rouge. Ils n’auront de cesse de souligner que la Wallonie et cette région du Nord de l’Hexagone ont beaucoup de points communs.

 

Quelques figures de proue de la mouvance libérale portent leur regard plus loin : vers Paris. C’est bien connu : une personnalité comme Didier Reynders était fort heureux de voir la Banque Fortis reprise par BNP-Paribas. Cet homme connaît son chemin dans les salons de la capitale française. Il est d’ores et déjà écrit dans les étoiles que Reynders, quand il quittera la politique, occupera à Paris une fonction importante à la BNP-Paribas.

 

Si besoin s’en faut, Reynders est prêt à jouer les utilités et à devenir l’une des chevilles ouvrières du lobby pro-français de Wallonie. Il sait qu’il obtiendra, pour ce faire, le soutien de l’homme d’affaires wallon Albert Frère, qui est devenu plus français que belge. Frère a été l’un des personnages les plus importants quand il s’est agi de vendre à l’encan quelques grandes entreprises belges à la France. Parmi les protagonistes français de cette affaire, nous avons les dirigeants de Dexia, dont Pierre Mariani, qui auront tout intérêt en cas de scission de la Belgique à conserver de solides liens économiques avec le Septentrion wallon (et avec le reste aussi…).

 

Picard / « ‘ t Pallieterke ».

(article paru dans «  ‘t Pallieterke », Anvers, 22 septembre 2010).    

 

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