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mercredi, 24 juin 2015

L'École de Francfort et le conditionnement social (la matrice du multiculturalisme - CIA)

L'École de Francfort et le conditionnement social (la matrice du multiculturalisme - CIA)

 

L’École de Francfort (en allemand Frankfurter Schule) est le nom donné, à partir des années 1950, à un groupe d'intellectuels allemands réunis autour de l'Institut de Recherche sociale fondé à Francfort en 1923, et par extension à un courant de pensée issu de celui-ci, souvent considéré comme fondateur ou paradigmatique de la philosophie sociale ou de la théorie critique. Il retient en effet du marxisme et de l'idéal d'émancipation des Lumières l'idée principale que la philosophie doit être utilisée comme critique sociale du capitalisme et non comme justification et légitimation de l'ordre existant, critique qui doit servir au transformisme.

Parmi ses premiers membres, on compte Max Horkheimer (1895-1973), qui fut le directeur de l'Institut à partir de 1930, son collègue Theodor W. Adorno (1903-1969) avec qui il écrira après-guerre La Dialectique de la raison, sorte de critique de la société de consommation, Erich Fromm (1900-1980), considéré comme l'un des fondateurs du freudo-marxisme et qui mêla psychanalyse et sociologie quantitative, Walter Benjamin (1892-1940), écartelé entre ses influences messianiques hébraïques et un marxisme inspiré de Lukács (1895-1971), ou encore le juriste, davantage social-démocrate, Franz Neumann (1900-1954). Dans son projet général des années 1930, qui voit la montée en force des fascismes, l'Institut de Recherche Sociale vise à favoriser la collaboration interdisciplinaire et à mêler philosophie et sciences sociales, dans une optique critique qui se veut détachée tant du « marxisme orthodoxe » incarné par le léninisme, l'URSS et la Troisième Internationale que du « marxisme révisionniste », c'est-à-dire social-démocrate, de Bernstein (1850-1932).


L'arrivée d'Hitler au pouvoir contraint l'Institut à fermer ses portes et ses membres, dispersés, à l'exil. Une partie d'entre eux, notamment Horkheimer, Adorno et Marcuse (1898-1979) iront aux États-Unis, où ils rouvriront l'Institut à New York. En 1950, l'Institut rouvre ses portes à Francfort. C'est cette période qui verra les premiers écrits célèbres sur la société de consommation, tels que La Dialectique de la Raison (1944/47), d'Adorno et Horkheimer, ou Éros et civilisation (1955) de Marcuse. En 1958, après une série d'allers-retours entre l'Europe et les États-Unis, Adorno prend la succession d'Horkheimer à la tête de l'Institut.


Les années 1950-1960 voient s'ouvrir une nouvelle phase de l'École de Francfort, tant en raison du nouveau contexte international (guerre froide puis Détente et « coexistence pacifique ») que de la venue d'une nouvelle génération de penseurs, tels Habermas (né en 1929), qui après s'être éloigné de l'Institut à l'époque de L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise (1962), y reviendra donner des cours au milieu des années 1960, qui formeront l'ossature de Connaissance et intérêt (1968). L'un de ses élèves, Axel Honneth (né en 1949), célèbre pour sa théorie de la reconnaissance, est aujourd'hui l'actuel directeur de l'Institut.

Source : Les non-alignés

Faire revivre l’idée de la souveraineté

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Faire revivre l’idée de la souveraineté

Un monde multipolaire a besoin de règles pour une vie commune en paix

par Karl Müller

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Le fait que l’âge d’une «puissance mondiale unique» est passé est indéniable. Il est bien évident que le monde est devenu «multipolaire», qu’il n’y a donc plus de puissance hégémonique dominant le monde entier. La Chine, la Russie, les nations de l’Amérique latine, l’Asie et aussi l’Afrique ne suivent plus les instructions de Washington. Même en Europe il y a de plus en plus de voix qui exigent davantage d’autonomie.


Le livre récemment paru de Wilfried Scharnagel, ancien rédacteur du journal de la CSU bavaroise et intime de l’ancien président du parti Franz Josef Strauss, montre bien cela. Le livre vaut la lecture. Déjà son livre paru en 2012 «Bayern kann es auch allein. Plädoyer für den eigenen Staat» a rencontré beaucoup d’attention. La nouvelle parution est intitulée «Am Abgrund. Streitschrift für einen anderen Umgang mit Russland». Ce livre ne se distingue pas seulement par une considération de la politique russe axée sur la compréhension mais aussi par une critique solide en particulier de la politique des Etats-Unis et de la politique européenne et allemande qui se soumet aveuglément aux directives de Washington.


Cependant la transition vers un monde multipolaire n’a pas encore rendue notre monde plus sûr et pacifique. La situation en Ukraine et maintenant aussi en Macédoine – pour nous Européens les foyers de tensions les plus proches – le montre clairement. Pour tous ces deux pays, l’issue du développement reste encore ouverte. Il n’y a pourtant aucun doute que les pertes humaines au cours de ces explications violentes seront irréparables. Les morts en Ukraine et en Macédoine ne pourront pas être ressuscités. Seuls des charlatans et des risque-tout y voient les dégâts collatéraux d’un changement historique mondial.


Le fait que le gouvernement macédonien accepte maintenant des élections anticipées et suspend l’accord de tracement du gazoduc russo-turc «Turkish Stream» en le conditionnant d’un contrat entre l’UE et la Russie, peut être qualifié de manière différente. Mais il est sûr que le développement est en constante évolution, et que l’issus pour la Macédoine reste également incertaine.


Il y a des activistes des «droits de l’homme» qui dessinent la situation en Macédoine sous les couleurs les plus sombres. Un exemple en est la contribution de Xhabir Deralla dans le magazine de l’Europe de l’Est Ostpol du 20 mai. De telles voix secondent une UE qui réclame la supervision de la Macédoine – bien que la Macédoine ne soit pas du tout membre de l’UE. Il est significatif que le commissaire de l’UE Johannes Hahn, qui entame les négociations avec le gouvernement et l’opposition, en Macédoine, déclare après le repli du gouvernement macédonien, qu’une «perspective euro-atlantique» persisterait pour le pays («Neue Zürcher Zeitung» du 3/6/15). On devine par le biais de quels clichés (nous = UE + USA) on pense encore à Bruxelles.


S’y ajoute l’influence directe et massive des Etats-Unis sur les événements en Macédoine comme sur l’ensemble des Balkans européens. La lecture de l’analyse très révélatrice publiée le 4 juin «Mazedonien im Visier» [«La Macédoine dans la ligne de mire»] (https://buergerstimme.com/Design2/2015/06/mazedonien-im-visier/) est recommandée. Citons-en seulement un passage significatif: «Une place énorme sur la colline qui domine la ville, est réservée à l’ambassade américaine. A part les bâtiments visibles d’une taille impressionnante, l’ambassade s’étend encore à huit étages souterrains qui ont été construits par les Américains. Les habitants de Skopje comparent le bâtiment modeste à deux étages de l’ambassade de la Fédération de Russie, situé entre une maison et un hôtel dans une rue latérale, à un kayak face au porte-avions de l’ambassade américaine.»


De l’autre côté on peut lire chez «Sputniknews», agence de presse russe, du 3 juin: «Turkish Stream: les Européens cherchent à s’attirer la connexion pipeline» Si c’est juste, ce qu’on rapporte, le gouvernement russe peut attendre en toute tranquillité l’évolution. Il y a différentes alternatives à un tracement à travers la Macédoine. Beaucoup d’Etats européens convoitent toujours le gaz russe.


Comment le conflit évoluera dans le monde multipolaire actuel reste ouvert. Ce n’est pas une perspective d’attendre jusqu’à ce que le plus fort s’impose ou que les problèmes disparaissent. Il faut par contre réfléchir d’urgence pour trouver, formuler et fixer des règles acceptées de tous les côtés et garantissant une coexistence pacifique.


Déjà pendant la Seconde Guerre mondiale et avant tout dans les semaines qui ont suivi la fin de la guerre en Europe, beaucoup de responsables du monde entier se sont investis – après l’échec de la Société des Nations – pour la deuxième fois dans la création d’une base d’un monde multipolaire qui soit pacifique, pour éviter une répétition des horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Les responsables du monde ne sont pas partis de l’idée d’un gouvernement mondial tout-puissant, mais de nations souveraines qui se mettent d’accord sur les bases du futur ordre mondial tout en respectant différents systèmes politiques et organisations de sociétés. La Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 est l’expression de ce principe en dehors de toute prétention au pouvoir des puissances victorieuses de la guerre.


Qu’est-ce que le monde avait appris par les deux guerres mondiales? C’était la liberté de choix des peuples, c’était la souveraineté des citoyens et des Etats qui avaient été piétinées pendant les guerres. Ceci ne devrait plus jamais arriver. La reconnaissance du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et de la souveraineté et intégrité de l’Etat est un trait de caractère essentiel d’un ordre mondial pacifique et juste. Cela devraient constituer les éléments de base du droit international moderne.


Mais encore 45 ans plus tard, après la fin de la guerre froide, ces principes n’ont toujours pas pris vie, comme cela aurait été possible, par exemple grâce aux approches prometteuses de la Charte de Paris. Au lieu de cela, l’Ouest se considérant comme gagnant de la guerre froide, a parlé d’une «fin de l’histoire» ce qui réaffirmait son hégémonie durable en dépit de tout droit. Par la suite, le droit international fut rompu à plusieurs reprises par l’alliance occidentale (USA + OTAN + UE).


Mais malgré la transition au monde multipolaire au XXIe siècle, il n’y a jusqu’à présent pas de garant sûr et partout accepté du droit international, du droit à l’autodétermination et de la souveraineté.


 L’Ukraine et la Macédoine montrent en outre que des gouvernements corrompus sont particulièrement réceptifs à des «révolutions de couleur». Les stratèges à l’arrière-plan peuvent renouer avec la critique justifiée des citoyens pour donner de l’eau à leurs propres moulins. Mais cela ne justifie en aucun cas de montrer les autres du doigt. Tout au contraire: quel gouvernement actuel peut prétendre qu’il n’a pas de secrets honteux à cacher? D’autant plus il faut le citoyen souverain qui prenne soin de l’ordre dans son entourage et sa communauté, avant qu’on lui impose «un nouvel ordre» qui sert les intérêts d’autrui. Si le droit à l’autodétermination des peuples fait sans conteste partie intégrante de la souveraineté de l’Etat, il faut que le citoyen souverain se considère comme le point de départ et porteur de la souveraineté de sa communauté, de son Etat, de sa nation et se comporte conformément.
Mais aussi les gouvernements de la communauté des Etats ne doivent plus continuer à assister sans rien faire à la lutte des grandes-puissances avides de pouvoir et causant déjà maintenant d’immenses dégâts. Tous les gouvernements du monde doivent en appeler au droit international et s’engager pour que le nouveau monde multipolaire obtienne un ordre pacifique de liberté et la souveraineté.     •

 «En outre, il s’agit – mot-clé ‹ordre mondial› – d’un nouvel esprit et d’un nouveau cadre solide entre l’Est et l’Ouest. On aurait pu mettre un terme à la querelle au sujet des pactes militaires au moment du tournant historique il y a un quart de siècle. On l’a raté. Maintenant, on doit, malgré ce retard inutile, créer un nouvel ordre de paix dans un nouveau monde. L’abîme d’un danger de guerre, comme actuellement la querelle au sujet de l’Ukraine, ne doit plus jamais se rouvrir. L’Europe et l’Amérique d’un côté, et la Russie de l’autre, doivent trouver une base d’équilibre durable entre les intérêts et de collaboration basée sur la confiance.»

Wilfried Scharnagl

Après sa visite à Poutine, Giscard prend tout le monde à contrepied

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Après sa visite à Poutine, Giscard prend tout le monde à contrepied

Auteur : Roland Hureaux
Ex: http://zejournal.mobi

Il y a près d'un mois, l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing a rencontré Vladimir Poutine. Contrairement à son image de libéral pro-américain, il a ensuite défendu dans la presse une position pro-russe. Une vision de la realpolitik dont le but est l'indépendance de l'Europe face aux Etats-Unis.

En prenant une position favorable à Poutine dans l'affaire ukrainienne, Valéry Giscard d'Estaing a pris tout le monde à contrepied.

La grande presse s'est contentée de signaler la rencontre entre Giscard et Poutine le 28 mai dernier et ses déclarations les plus générales : "Les relations entre l'Europe et la Russie seraient meilleures si Bruxelles était réellement indépendant". On n'a guère répercuté que l'ancien président est allé beaucoup plus loin dans un entretien avec Politique internationale, une revue pourtant atlantiste : il y justifie l'annexion de la Crimée qui, selon lui, a toujours été russe, et pense que "probablement" les événements de la place Maïdan et le renversement du président Ianoukovitch, il y a un an, sont le résultat d'une manipulation de la CIA.

Il considère que les sanctions, non seulement ne sont pas dans l'intérêt de l'Europe, mais sont contraires au droit international. 

Valéry Giscard d'Estaing prend ainsi à revers une classe politique française et européenne tellement tétanisée qu'aucune figure de premier plan n'y ose encore critiquer la ligne aveuglément proaméricaine de l'Europe occidentale à l'égard de la Russie. La servilité des dirigeants européens au dernier G7 est à cet égard significative. Une ligne proche de l'assujettissement dans le cas de Hollande qui, en refusant de livrer les Mistral sur ordre de Washington, discrédite la parole de la France.  

L'ancien-président prend aussi à contrepied tous ceux qui le tenaient depuis toujours, à tort, pour un "libéral atlantiste". C'est oublier qu'en 1981, il fut vaincu par une coalition de la gauche unie et de l'ambassade des Etats-Unis et qu'il avait en revanche reçu, contre le parti communiste, l'appui discret de l'ambassade d'URSS. Ses positions de fin de mandat où il avait cherché à jouer un rôle d'intermédiaire entre l'Est et l'Ouest (le "petit télégraphiste" dit Mitterrand) n'étaient guère appréciées à Washington. On peut certes discuter leur opportunité à un moment où la menace venant de Moscou était bien plus sérieuse qu'aujourd'hui. Mais elle témoignait d'une indépendance dont nous avons perdu l'habitude.

Différence de posture, différence d'envergure aussi avec tous ceux qui prétendent aujourd'hui à la magistrature suprême. Le président-académicien n'envisagerait-il pas de  se présenter à la primaire de droite ?

La position de Giscard est proche, ce n'est sans doute pas un hasard, de celle de son vieil ami Helmut Schmidt qui, il n'y a pas si longtemps, vitupérait la politique irresponsable de la commission de Bruxelles, à la fois incompétente et belliciste, faisant courir, selon lui, à l'Europe le risque de la guerre mondiale.

En prenant cette position audacieuse, Valéry Giscard d'Estaing va dans le sens de l'opinion française éclairée, celle qui ne se laisse pas influencer par le matraquage anti-Poutine des médias, une opinion de plus en plus décalée par rapport à la positon officielle de Hollande - et de la direction de l'UMP. Il y a un ou deux ans, les pro-russes se trouvaient isolés dans les dîners en ville. Aujourd'hui c'est inverse : presque personne, en dehors de quelques intellectuels ne prend plus parti pour les Etats-Unis dans les affaires de l'Ukraine.

Il ne s'agit bien entendu pas d'être pro-ceci ou pro-cela. Il s'agit que notre diplomatie soit celle de nos intérêts et non pas des intérêts de quelqu'un d'autre. Cela suppose qu'on évacue toutes considérations infantiles sur "qui est le bon ? " et "qui est le méchant ? " auxquelles se résume aujourd'hui la diplomatie dite des droits de l'Homme. En d'autres circonstances cela pourrait nous conduire à être antirusse - ou antisoviétique, mais en aucun cas à l'alignement absurde sur les Etats-Unis dont nous sommes aujourd'hui les témoins.


- Source : Roland Hureaux

TAFTA: À la croisée des chemins

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TAFTA: À la croisée des chemins

Auteur : Christian Berdot
Ex: http://zejournal.mobi

19 OGM autorisés d’un coup, dont 17 destinés à l’alimentation humaine et animale ! Proposition d’assouplir les règles d’importations pour faciliter l’entrée des OGM dans l’Europe. Autorisation de procédés chimiques de nettoyage des poulets, dont la javel. Création d’un « Organe de coopération règlementaire » pour superviser toute nouvelle norme ou réglementation. La Commission est en train de démanteler notre sécurité alimentaire, la protection de l’environnement et de brader notre système démocratique !

En fait, la Commission prépare de longue date le terrain pour les deux accords de libre échange, le CETA avec le Canada et le TAFTA/TTIP avec les États-Unis. Elle a ainsi à plusieurs reprises voulu forcer les autorisations en faveur des rinçages chimiques : en 2008, par exemple, en proposant d’autoriser quatre substances pour les volailles (dont les lavages à l’eau de javel et l’acide peroxyacétique). En 2013, après une demande officielle des États-Unis, la réglementation de l’Union européenne a été modifiée afin de permettre l’utilisation de l’acide lactique pour nettoyer les carcasses de bœufs, alors même que ce procédé pourrait servir à dissimuler des normes d’hygiène alimentaire trop basses ou déficientes. Actuellement, la Commission prépare l’autorisation du premier rinçage chimique pour volaille en Europe. Les poulets à l’eau de javel, les porcs à la ractopamine, les bœufs aux hormones, pourraient rapidement venir égayer nos repas. Quant aux 19 OGM, leurs autorisations étaient en suspens, nous dit-on. En effet, il n’y avait pas de majorité qualifiée (1), ni pour rejeter la demande ni pour l’autoriser.

Mais combien de fois faudra-t-il expliquer que les fameux blocages invoqués par la Commission ont une cause seule et unique cause : depuis 15 ans, les multinationales des biotechnologies et de la chimie – et leurs alliés : responsables politiques et syndicats favorables au complexe agro-industriel et financier – refusent de reconnaître le droit souverain des peuples à décider de ce qu’ils veulent avoir dans leurs assiettes et dans leurs champs. Cela fait 15 ans que, par tous les moyens, dans l’opacité des coulisses bruxelloises et des bureaux ministériels nationaux, les multinationales – aidées par des responsables politiques et syndicats à leur botte – font pression et sapent gravement les fondements mêmes de nos institutions démocratiques.

Depuis des années, la Commission pousse pour ouvrir les portes de l’Union européenne aux OGM. On se rappelle, par exemple, comment la Commission a autorisé en février dernier, le maïs TC1507, alors que 19 pays sur 28 avaient voté contre, ainsi que le Parlement européen ! Nous n’avons pas oublié non plus les manoeuvres de Manuel Barroso qui essayait de passer dans le dos des ministres de l’Environnement et de l’Agriculture européens pour mieux les contourner et accélérer l’autorisation des OGM dans l’Union européenne. Et surtout dernièrement, la Commission a commencé à procéder au démontage des procédures d’autorisation des OGM dans l’Union européenne, avec l’aval des gouvernements nationaux. Ce qui nous a été présenté comme une « avancée démocratique » est un sommet d’hypocrisie.

Comment est-on passé d’un texte en faveur des interdictions des OGM à un texte en faveur des multinationales ? Tout simplement en s’appuyant sur le projet tout droit sorti des cartons d’EuropaBio, le groupe de pression des biotechnologies, et plus précisément d’un document de 2012 intitulé « Une nouvelle stratégie pour le dossier des OGM ». Ce document concluait qu’une nouvelle approche est nécessaire pour rompre avec l’immobilisme européen concernant les plantes GM. Il incluait une « proposition amendée de nationalisation », posant comme condition que les États membres ne puissent mettre en place une interdiction nationale que s’ils ont préalablement demandé à la compagnie de s’abstenir de commercialiser l’OGM dans leur pays et que si la compagnie a refusé.

Extraordinaire : la Commission proposait tout simplement que des États aient d’abord à demander à des firmes privées l’autorisation d’interdire des OGM sur leurs territoires ! En décembre 2014, les députés européens limitaient un peu les dégâts et obtenaient que les États ne soient pas obligés de négocier avec les fabricants d’OGM. Alors que pour des domaines ridiculement secondaires, il y a obligation d’avoir une législation et des procédures identiques dans toute l’Union européenne, pour des domaines aussi importants que les OGM, la sécurité de notre alimentation et de notre environnement, la Commission se défausse et donne la possibilité aux États membres de décider eux-mêmes !

Ce n’est pas une avancée démocratique, c’est un piège lourd de conséquences. En fait, ce démantèlement de la législation encadrant les OGM n’est qu’un avant-goût de ce que la Commission a accepté dans le traité avec le Canada (CETA) et finalise avec les États-Unis, dans le TAFTA. En effet, alors que la Commission concoctait ce traquenard en faveur des multinationales des biotechnologies et de la chimie, nous obtenions une copie de l’avant-projet d’accord de libre échange avec le Canada, le CETA. On pouvait y lire que la Commission avait accepté un « objectif conjoint » ayant pour but de « promouvoir, pour les produits des biotechnologies, des processus d’autorisation efficaces, basés sur la science » et surtout de favoriser « une coopération en matière réglementaire, afin de minimiser les effets négatifs sur le commerce dûs aux pratiques réglementaires relatives aux produits des biotechnologies ».

L’accord final reprenait ces recommandations que l’on retrouve dans le projet d’accord avec les États-Unis. Lors des négociations de début février sur le projet de traité de libre échange avec les États-Unis (TAFTA/TTIP), la Commission européenne soumettait un document portant sur la sécurité alimentaire et le bien-être animal. La Commission y propose notamment de tout simplement aligner les normes de l’UE sur celle des États-Unis et/ou du Codex Alimentarius, organe de l’Organisation Mondiale du Commerce. Il s’agit en effet d’aligner ce chapitre du TAFTA sur le chapitre SPS de l’OMC (SPS pour mesures sanitaires et phytosanitaires) !

Rappelons que les États-Unis autorisent quand même 82 pesticides interdits en Europe (2), et que certaines teneurs maximales en résidus de pesticides du Codex Alimentarius peuvent être 1 500 fois plus élevées que celles de l’UE. Dans le cas du carbaryl, pesticide utilisé sur les choux, la teneur maximale autorisée aux États-Unis est 2 100 plus élevée que celle de l’UE ! (3) La coopération réglementaire pose donc de gros problèmes.

Surtout face à l’intransigeance des États-Unis. Le ministère de l’Agriculture des États-Unis indiquait que :

« L’élimination de barrières commerciales injustifiées dans le domaine sanitaire et phytosanitaire (SPS) est une priorité élevée pour le gouvernement des États-Unis ».

D’autre part, l’Association nationale du soja pense que « le TTIP doit aborder les politiques clés de l’Union européenne relatives aux biotechnologies qui sont discriminatoires envers les exportations états-uniennes. Elles doivent être remplacées par une politique d’étiquetage libre et non discriminatoire envers les OGM. Il n’y a aucune raison sanitaire, nutritionnelle ni de sécurité alimentaire pour que des produits alimentaires contenant des ingrédients biotechnologiques soient étiquetés, et l’introduction d’ingrédients biotechnologiques ne devrait aucunement être stigmatisée par un étiquetage ».

Comment arriver à des réglementations communes entre deux blocs, Canada- États-Unis d’un côté et Union européenne de l’autre, qui ont des approches, des positions et des procédures aussi différentes, aussi antagonistes et finalement inconciliables ? Cela ne peut se faire qu’en sacrifiant les normes et les exigences de l’Union européenne et/ou en acceptant l’importation de produits canadiens ou états-uniens qui respectent des normes domestiques beaucoup plus faibles ou inexistantes. À part abandonner toutes nos protections, aucune position commune n’est possible avec ces pays-là.

Et ce n'est pas tout. Dans ce même document soumis par la Commission en février - dans lequel on retrouve de nombreux points déjà présents dans l'accord avec le Canada -, la Commission propose la création d'un « Organe de coopération réglementaire» doté de pouvoirs énormes : toute nouvelle réglementation ou norme devra d'abord être examinée par cet organe, avant même d'être soumise aux Parlements européen ou nationaux. Les industriels pourront donc directement dicter leurs exigences à cet « Organe » qui tiendra les États sous tutelle.

Le but de cette proposition de la Commission est de s'assurer que les réglementations seront appliquées de façon à minimiser les effets négatifs sur le commerce « tout en garantissant le respect des exigences de la partie importatrice » (Article 7.1). Entre les « effets négatifs » sur le commerce ou ceux sur notre santé, et l'environnement, le choix est vite fait !

Mais l'effet est double : non seulement les réglementations existantes pourraient être rapidement taillées en pièces, mais toute nouvelle réglementation urgemment nécessaire dans certains domaines pourrait être tuée dans l'œuf, comme :

- l'étiquetage des produits carnés ou laitiers provenant d'animaux nourris avec des OGM et/ou obtenus par clonage ;

- toute nouvelle définition des OGM incluant les plantes mutées (4) ;

- toute réglementation encadrant les nanotechnologies ou la biologie de synthèse ;

- toute réglementation s'attaquant aux perturbateurs endocriniens, et aux néonicotinoïdes qui tuent les abeilles.

Ces nouvelles mesures sont absolument indispensables pour protéger les citoyens et l'environnement et nous devons les imposer, même si elles ne sont, pour les négociateurs du TAFTA, que des « obstacles inutiles au commerce ». Jaydee Hansen du Center for Food Security confirme nos craintes :

« Ce traité pourrait annuler tous les efforts actuels pour réglementer ces nouvelles technologies que sont les nanotechnologies, la biologie de synthèse, le clonage des animaux et les animaux modifiés génétiquement ».

Pour qu'aucun État n'ait l'idée saugrenue de protéger ses concitoyens et son environnement, en maintenant ses systèmes de protection élevés, les États seront donc d'abord mis sous la tutelle de « l'Organe de coopération règlementaire » qui examinera toute norme ou réglementation et ne l'acceptera qu'avec l'aval des multinationales. Mais en plus, les États récalcitrants courront le risque d'être traînés soit devant l'OMC, soit devant des tribunaux d'arbitrage privés, dans le cadre du mécanisme de règlement des différends (RDIE ou ISDS en anglais), prévu dans les deux traités (5) (CETA et TAFTA). La Commission se moque franchement de nous en prétendant que les États pourront interdire, pour ne citer qu'eux, des OGM ou certains produits chimiques toxiques.

Les investisseurs ont été clairs : ils considèreront, par exemple, les nouvelles réglementations comme des obstacles au commerce, ce qui leur fournira un argument pour déposer un recours juridique et réclamer des compensations prohibitives. Le Conseil de la Chimie des États-Unis a demandé que les représentants pour le commerce des États-Unis signalent qu'il poursuivrait devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) toute obligation par l'Union européenne d'étiquetage des nanomatériaux, comme étant un obstacle au commerce.

Cette année en janvier, certains - peu nombreux - ont fêté les 20 ans de l'Accord de Libre Échange Nord-Américain (ALENA). À la lumière de ce qui s'est passé avec l'ALENA, nous pouvons clairement voir ce qui nous attend avec le TAFTA. Il ne s'agit pas de vagues craintes, mais de constatations. Voilà ce que nous dit Bill Waren des Amis de la Terre États-Unis :

« L'ALENA est la principale raison pour laquelle les normes de protection du travail, de l'environnement et de la santé publique, sont aussi basses aux États-Unis, comparées à celle de l'Europe. Ce que vous promet le TAFTA, c'est un nivellement par le bas des normes européennes pour atteindre celles des États-Unis... post-ALENA. Si vous souhaitez un flux accéléré de la richesse des 99 % de la population vers le 1% des plus riches, le démontage de la protection de l'environnement, des aliments dangereux sur la table de votre cuisine, la destruction des petites exploitations agricoles familiales, des coûts médicaux prohibitifs avec des multinationales pharmaceutiques qui augmentent sans raison leurs prix, et un contrôle presque total par les multinationales des gouvernements et de l'économie, alors il faut tout faire pour ratifier le TAFTA ».

Mais est-ce bien ce que nous voulons ? Non ! Alors faisons le savoir, et fermement. Nous sommes à la croisée des chemins : soit nous abdiquons tout pouvoir aux multinationales, soit, nous citoyens, entamons la reconquête de nos droits. !

Notes :

1 - Chaque État membre voit son vote pondéré suivant son poids démographique. À partir du 1er novembre 2014, la majorité est de 55% des
voix pondérées d'au moins 15 États membres représentant 65% de la population de l'Union (Inf'OGM) 

2 - Listes de 82 pesticides interdits dans l'UE, mais autorisés aux E-U, p. 7, 8 et 9. CIEL : « Lowest common Denominator - How the proposed
EU-US trade deal threatens to lower standards of protection from toxic pesticides » : http://ciel.org/Publications/LCD_TTIP_Jan2015.pdf

3 - Même document, liste comparative des résidus maximum autorisés aux États-Unis, dans l'Union européenne et par le Codex Alimentarius,
p. 12, http://ciel.org/Publications/LCD_TTIP_Jan2015.pdf 

4 - En 2013, on estimait à 20% les cultures de tournesol déjà rendues tolérantes aux herbicides : http://www.amisdelaterre.org/Alerte-des-
OGM-non-declares.html
 

5 - Dans ce rapport, les Amis de la Terre présentent des exemples où des investisseurs européens ont poursuivi des États européens, en s'appuyant sur les clauses de protection des investisseurs présents dans les accords bilatéraux entre pays européens. Ils ont obtenu des compensations allant jusqu'à 2 milliards d' ! : http://www.amisdelaterre.org/Les-couts-caches-des-traites.html

Le cas de l'Espagne aussi illustre bien ces mécanismes de règlements des différends entre investisseurs (RDIE) et États : http://www.amisdelaterre.org/Espagne-du-reve-solaire-au.html


- Source : Christian Berdot