mercredi, 24 juin 2015
Après sa visite à Poutine, Giscard prend tout le monde à contrepied
Après sa visite à Poutine, Giscard prend tout le monde à contrepied
Il y a près d'un mois, l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing a rencontré Vladimir Poutine. Contrairement à son image de libéral pro-américain, il a ensuite défendu dans la presse une position pro-russe. Une vision de la realpolitik dont le but est l'indépendance de l'Europe face aux Etats-Unis.
En prenant une position favorable à Poutine dans l'affaire ukrainienne, Valéry Giscard d'Estaing a pris tout le monde à contrepied.
La grande presse s'est contentée de signaler la rencontre entre Giscard et Poutine le 28 mai dernier et ses déclarations les plus générales : "Les relations entre l'Europe et la Russie seraient meilleures si Bruxelles était réellement indépendant". On n'a guère répercuté que l'ancien président est allé beaucoup plus loin dans un entretien avec Politique internationale, une revue pourtant atlantiste : il y justifie l'annexion de la Crimée qui, selon lui, a toujours été russe, et pense que "probablement" les événements de la place Maïdan et le renversement du président Ianoukovitch, il y a un an, sont le résultat d'une manipulation de la CIA.
Il considère que les sanctions, non seulement ne sont pas dans l'intérêt de l'Europe, mais sont contraires au droit international.
Valéry Giscard d'Estaing prend ainsi à revers une classe politique française et européenne tellement tétanisée qu'aucune figure de premier plan n'y ose encore critiquer la ligne aveuglément proaméricaine de l'Europe occidentale à l'égard de la Russie. La servilité des dirigeants européens au dernier G7 est à cet égard significative. Une ligne proche de l'assujettissement dans le cas de Hollande qui, en refusant de livrer les Mistral sur ordre de Washington, discrédite la parole de la France.
L'ancien-président prend aussi à contrepied tous ceux qui le tenaient depuis toujours, à tort, pour un "libéral atlantiste". C'est oublier qu'en 1981, il fut vaincu par une coalition de la gauche unie et de l'ambassade des Etats-Unis et qu'il avait en revanche reçu, contre le parti communiste, l'appui discret de l'ambassade d'URSS. Ses positions de fin de mandat où il avait cherché à jouer un rôle d'intermédiaire entre l'Est et l'Ouest (le "petit télégraphiste" dit Mitterrand) n'étaient guère appréciées à Washington. On peut certes discuter leur opportunité à un moment où la menace venant de Moscou était bien plus sérieuse qu'aujourd'hui. Mais elle témoignait d'une indépendance dont nous avons perdu l'habitude.
Différence de posture, différence d'envergure aussi avec tous ceux qui prétendent aujourd'hui à la magistrature suprême. Le président-académicien n'envisagerait-il pas de se présenter à la primaire de droite ?
La position de Giscard est proche, ce n'est sans doute pas un hasard, de celle de son vieil ami Helmut Schmidt qui, il n'y a pas si longtemps, vitupérait la politique irresponsable de la commission de Bruxelles, à la fois incompétente et belliciste, faisant courir, selon lui, à l'Europe le risque de la guerre mondiale.
En prenant cette position audacieuse, Valéry Giscard d'Estaing va dans le sens de l'opinion française éclairée, celle qui ne se laisse pas influencer par le matraquage anti-Poutine des médias, une opinion de plus en plus décalée par rapport à la positon officielle de Hollande - et de la direction de l'UMP. Il y a un ou deux ans, les pro-russes se trouvaient isolés dans les dîners en ville. Aujourd'hui c'est inverse : presque personne, en dehors de quelques intellectuels ne prend plus parti pour les Etats-Unis dans les affaires de l'Ukraine.
Il ne s'agit bien entendu pas d'être pro-ceci ou pro-cela. Il s'agit que notre diplomatie soit celle de nos intérêts et non pas des intérêts de quelqu'un d'autre. Cela suppose qu'on évacue toutes considérations infantiles sur "qui est le bon ? " et "qui est le méchant ? " auxquelles se résume aujourd'hui la diplomatie dite des droits de l'Homme. En d'autres circonstances cela pourrait nous conduire à être antirusse - ou antisoviétique, mais en aucun cas à l'alignement absurde sur les Etats-Unis dont nous sommes aujourd'hui les témoins.
- Source : Roland Hureaux
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lundi, 01 juin 2015
Comment Giscard comprend Poutine et dénonce la CIA
Dans la revue Politique internationale d’obédience atlantiste (n °146), Valéry Giscard d’Estaing brave la morgue d’une journaliste du Figaro et défend la position russe en dénonçant les agissements américains.
Ayant réétudié son histoire impériale, « le petit télégraphiste de Moscou » déclare au sujet de la Crimée :
La conquête de la Crimée fut assez dure. Elle ne s’est pas faite au détriment de l’Ukraine, qui n’existait pas, mais d’un souverain local qui dépendait du pouvoir turc. Depuis, elle n’a été peuplée que par des Russes. Quand Nikita Khrouchtchev a voulu accroître le poids de l’URSS au sein des Nations unies qui venaient de naître, il a “inventé” l’Ukraine et la Biélorussie pour donner deux voix de plus à l’URSS, et il a attribué une autorité nouvelle à l’Ukraine sur la Crimée qui n’avait pas de précédent. À l’époque, déjà, je pensais que cette dépendance artificielle ne durerait pas. Les récents événements étaient prévisibles.
L’ancien Président voit, comme tous les observateurs sérieux, un complot de la CIA et une ingérence américaine dans cette affaire est-européenne.
Il faut se demander ce qui s’est réellement passé il y a un an dans la capitale ukrainienne. Quel rôle la CIA a-t-elle joué dans la révolution du Maïdan ? Quel est le sens de la politique systématiquement antirusse menée par Barack Obama ? Pourquoi les États-Unis ont-ils voulu avancer leurs pions en Ukraine ? Les Américains ont-ils voulu “compenser” leur faiblesse au Moyen-Orient en conduisant, sur le continent européen, une politique plus “dure” contre la Russie ?
Giscard devrait se souvenir de son collègue Brzeziński à la Trilatérale ! Puis il tance la politique de sanctions et les menaces sur les hommes politiques russes.
Les États-Unis, ils ont probablement soutenu et encouragé le mouvement insurrectionnel. Et, ensuite, ils ont pris la tête de la politique de sanctions visant la Russie – une politique qui a enfreint le droit international. Qui peut s’arroger le droit, en effet, de dresser une liste de citoyens à qui l’on applique des sanctions personnelles sans même les interroger, sans qu’ils aient la possibilité de se défendre et même d’avoir des avocats ? Cette affaire marque un tournant préoccupant.
Enfin, il remarque que ces euphorisantes sanctions risquent de nuire à tout le monde.
Concernant les sanctions économiques visant non des personnes mais l’État russe, comment ne pas considérer qu’elles font du tort aux deux protagonistes – Russie et Occident – en altérant leurs échanges commerciaux ? Les Américains ont-ils intérêt à provoquer la chute de l’économie russe ? Pour l’Europe, les Russes sont des partenaires et des voisins. Dans le désordre international actuel, face à la flambée des violences au Moyen-Orient, il serait irresponsable de souhaiter que l’économie russe s’effondre.
Les choses vont vite, toutefois, et comme on sait, d’autres économies plus virtuelles menacent depuis de sombrer…
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