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jeudi, 19 octobre 2017
Le premier impératif politique
par Laurent Ozon
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Quelles que soient les formes ou les idées auxquelles nous pouvons être attachés, ces principes ont tous pour condition, dans leur genèse comme dans leur capacité de réalisation historique, l’existence de populations distinctes pour les porter. Pas plus que les idées ne tombent du ciel, les créations de l’histoire, celles de l’esprit comme les autres, sont le résultat d’interactions entre plusieurs facteurs. Mais le facteur principal c’est l’acteur lui-même. Nous sommes, individuellement et collectivement des acteurs de l’histoire des techniques, sciences, politiques, arts et guerres. Nous sommes donc en premier lieu le facteur d’influence le plus évident de ce qui arrive et aussi de ce qui n’arrive pas. La nature profonde de ce que nous sommes, notre savoir-faire, notre vitalité, nos peurs, nos représentations collectives, nos créations, procèdent de nos particularités. Ces particularités telles qu’elles sont à un moment de l’histoire, influencent au premier chef, l’ensemble des domaines de réalisation des sociétés humaines.
Il serait assez facile de faire des comparaisons entre sociétés, entre pays dans tous les domaines. Du taux d’alphabétisation au nombre de brevets déposés par millier d’habitants, de la stabilité des institutions au Produit Intérieur Brut (PIB), de l’Indice de Développement Humain (IDH) aux pratiques alimentaires, du nombre de personnes porteuses du HIV à celui de l’âge moyen du premier enfant, du quotient intellectuel au taux de carbone émis, du pourcentage d’athées au niveau de conservatisme. On pourra évoquer les comportements individuels et familiaux comparés entre les Haïtiens et les Japonais lors des catastrophes environnementales qui les touchèrent il y a peu, la position dans la hiérarchie sociale à la troisième génération des Américains d’origine chinoise et de ceux d’origine afro-américaine aux USA, le niveau de diplôme moyen entre les enfants de troisième génération issues du Vietnam et ceux provenant de Turquie en Allemagne en 2013 etc. Il se trouvera toujours quelqu’un pour vous expliquer que ce que vous prenez pour une différence d’aptitude entre deux populations n’est que le résultat des hasards de l’histoire ou d’autres facteurs explicatifs environnementaux nombreux et complexes. Et lorsque certaines personnes vous expliquent que c’est complexe, ils veulent vous dire que toute conclusion à partir des données collectées est impossible et qu’il vaut donc mieux changer de sujet…
Je ne nie évidemment pas que des facteurs environnementaux ou « accidentels » puissent expliquer certaines différences d’aptitudes, de sensibilités, bref des particularités mesurables entre populations qui s’expriment dans l’histoire et leurs réalisations, dans tous les domaines des activités humaines. Mais le facteur qui s’exprime avec le plus de constance pour modeler les sociétés et affecter leurs particularités, c’est la population dont elles sont constituées. Rien de plus, rien de moins.
Prenons un exemple caricatural mais parlant. Si vous transfériez la population de la Papouasie Nouvelle Guinée en Suède et que vous transplantiez la population suédoise en Papouasie Nouvelle Guinée (pays de superficies équivalentes), qui peut soutenir que la Suède et la Papouasie Nouvelle Guinée seraient des collectivités aux caractéristiques maintenues ? Qui oserait prétendre que l’échange des populations de ces deux pays ne changerait pas radicalement les particularités et donc les indicateurs généraux de ces pays ?
Certes, cet exemple est caricatural, mais il a le mérite de rappeler une évidence : si l’histoire d’un pays est déterminée par ses ressources et de nombreux autres éléments, le facteur le plus déterminant de tous est bien celui des populations qui le composent. Vous pourriez continuer à appeler Suède le pays qui porte aujourd’hui ce nom et son État, État suédois. Qui pourrait sérieusement parier que seulement 50 ans après le transfert de population imaginaire avec la Papouasie, l’ensemble des indicateurs qui permettent d’évaluer dans les grandes lignes, d’un pays, ne serait pas changé fondamentalement ?
Ces indicateurs, qu’ils soient économiques, culturels, technologiques et scientifiques, politiques ou sociologiques peuvent bien-sûr êtres toujours discutés. On peut dire que le PIB ne mesure pas le taux de bonheur brut et que le taux d’alphabétisation est un paramètre occidental. Mais quoi que l’on pense de ces paramètres, ils seraient différents. Radicalement différents. Indirectement et progressivement, les pays en question verraient se modifier l’ensemble de leurs particularités.
La condition de l’existence des formes historiques, de ces idées, de ces principes auxquels l’un et l’autre peuvent être attachés, dans notre histoire ou celles d’autres sociétés humaines, c’est l’existence, la persistance du substrat de population qui les a fait apparaître et qui est évidemment capable de les porter dans l’Histoire. C’est donc logiquement ce point qui constitue l’impératif politique dont tout dépendra toujours.
20:37 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : laurent ozon, famille, politologie, sciences politiques, théorie politique, philosophie politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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