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jeudi, 20 décembre 2018

Lumière allemande : sur le peintre symboliste Fidus, cofondateur du mouvement de « réforme de la vie »

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Lumière allemande : sur le peintre symboliste Fidus, cofondateur du mouvement de « réforme de la vie »

Par Thomas Wyrwoll

En créant son œuvre intitulée « Prière à la Lumière », Fidus a donné au mouvement de jeunesse allemand l’image par excellence à laquelle celui-ci s’identifiait. Fidus était, en son temps, un illustrateur de livres parmi les plus connus.

De son vrai nom Hugo Höppener, ce peintre et ce réformateur de la vie, est né le 8 octobre 1869 à Lübeck. A l’âge de seize ans, ses parents l’envoient suivre les cours préliminaires de l’Académie de Munich. Il n’y resta pas longtemps. Après seulement trois mois, le futur Fidus rejoint Karl Wilhelm Diefenbach, peintre de son état et père fondateur du mouvement de « réforme de la vie ». Diefenbach venait de quitter la capitale bavaroise pour s’installer à Höllriegelskreuth. Dans cette petite localité bavaroise, il cherchait à échapper à l’étroitesse étouffante de la ville et à fonder une « communauté ». Les Munichois se moquaient de lui et le surnommaient « l’apôtre du chou-rave » (Kohlrabi-Apostel). Il prêchait le végétarisme et une vie proche de la nature, la culture nudiste et un rejet des rigidités exigées par les églises et la société. Höppener devint son principal disciple. Après avoir purgé une brève peine de prison pour nudité sur la voie publique, à la place de son maître-à-penser, celui-ci lui décerna le titre honorifique de « Fidus », le Fidèle.

fidusportrait.jpgEn 1889, Fidus reprend les cours réguliers qu’il s’était promis de suivre à Munich. Il y fait la connaissance de Wilhelm Hübbe-Schleiden, originaire, lui aussi, d’Allemagne du Nord, converti à la théosophie de l’occultiste Madame Blavatsky et partisan d’une politique coloniale allemande. Ce nati de Hambourg était un ami intime de Madame Blavatsky et de son adepte américain Henry Steel Olcott, qui avait fondé aux Etats-Unis une secte théosophique. La religiosité théosophique de Steel Olcott était un mélange obscur de bribes hétéroclites tirées des religions d’Asie et de trucs de prestigiditateur, qui avait pourtant acquis une notoriété internationale. Il faut aussi rappeler que ce cher Henry travaillait accessoirement pour le gouvernement américain. Pour rassembler leurs adeptes allemands, Hübbe-Schleiden édita une revue mensuelle, intitulée Sphinx, dont le graphiste principal fut évidemment le jeune Fidus. Cette collaboration dura trois ans. Influencé par les idées glanées dans la revue, Fidus fit siennes celles d’un « cercle de vie » et d’une « thérapie par la lumière ».

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Il ne cessa d’entretenir des relations avec son vieux maître Diefenbach, pour lequel il élabora une frise monumentale « Per Aspera ad Astra », musique pour enfants. Cette grande œuvre enthousiasma les critiques à Vienne, suite à une exposition des travaux de Diefenbach, mais le grand public se montra beaucoup plus réticent. Diefenbach était quasi ruiné et s’enfuit en Egypte avant de revenir en 1897 à Vienne pour y fonder la communauté d’artistes « Humanitas » à Himmelhof.

Fidusjugend.jpgFidus, lui, quitta Munich pour Berlin, où il travailla pour des revues telles Jugend, Pan et Simplicissimus. Plus tard, il collabora à Kraft und Schönheit et à Die Schönheit. Le regard de Fidus sur la beauté naturelle du corps humain et son style « Art Nouveau », quelque peu édulcoré, firent de lui le graphiste le plus connu d’Allemagne au tournant du siècle.

Dans les premières années du 20ème siècle, Fidus crée son œuvre picturale la plus connue, « la prière à la Lumière », dont l’artiste élabora, successivement, plus de dix versions différentes ainsi que de nombreuses œuvres connexes.

La peinture nous présente un homme jeune, très abstrait, debout sur un sommet de montagne, devant un ciel de lumière, tendant les bras, euphoriquement, vers le Soleil. Le motif devint immensément populaire après la « Fête de la jeunesse » tenue sur le mont Hoher Meissner en 1913. Ce fut l’image à laquelle le mouvement de jeunesse s’identifia spontanément. Le personnage de la peinture adopte, de fait, une posture spéciale, ressemblant  -et ce n’est pas un hasard- à la rune Algiz ou Ehlaz, que l’écrivain viennois Guido « von » List, un ésotériste de la veine folciste (völkische) considérait, au début du 20ème siècle, comme la « rune de la vie ».

Le jeune homme, joyeux et plein de vie, qui se tourne vers la lumière, a fait vibrer l’époque : un nombre incalculable de reproductions de cette œuvre ont été imprimées, depuis la petite carte postale jusqu’aux impressions de qualité et de grand format.

Dans les années 1920, l’art de présenter les corps, propre à Fidus, devient quelque peu répétitif : sa créativité en souffre, son aura d’artiste en pâtit. Une partie de son œuvre sera interdite d’exposition par Hitler. Plus tard, les Soviétiques ne l’apprécieront pas davantage, même s’il peignit quelques portraits de Staline, pour survivre. Dans l’Allemagne en ruine de 1948, il est frappé d’une thrombose. Son œuvre sombra alors dans l’oubli pour longtemps.

Thomas Wyrwoll.

(article tiré de « zur Zeit », Vienne, n°45/2018, http://www.zurzeit.at ).

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