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vendredi, 20 décembre 2024

Nicola Cospito : l'Europe a besoin de forces qui luttent contre l'ancien ordre mondial et se montrent sensibles aux nouveaux horizons géopolitiques

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Nicola Cospito : l'Europe a besoin de forces qui luttent contre l'ancien ordre mondial et se montrent sensibles aux nouveaux horizons géopolitiques

Propos recueillis par Eren Yeşilyurt

Source: https://erenyesilyurt.com/index.php/2024/09/12/nicola-cos...

Après avoir commencé cette série d'entretiens sur le révolutionnarisme conservateur, je me suis rendu compte que nous ne connaissions pas les intellectuels italiens. Il existe différents "bassins intellectuels" qui s'accumulent de manière différenciée dans le monde de la Méditerranée. Avec Cospito, nous avons parlé du révolutionnarisme conservateur, de la droite naissante, d'Evola.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs turcs ?

Je suis né à Tarente, dans les Pouilles, en 1951 et je vis à Rome. J'ai obtenu un diplôme de littérature moderne avec les meilleures notes. Je suis journaliste indépendant, traducteur, conférencier et connaisseur de la langue et de la culture allemandes. Je suis l'auteur de plusieurs publications. J'ai enseigné l'histoire et la philosophie dans des lycées pendant 38 ans et j'ai également été professeur adjoint d'histoire des doctrines politiques à l'université E-Campus. Je suis l'auteur du livre I Wandervögel, qui en est à sa troisième édition (plus une en espagnol), avec lequel j'ai présenté au public italien l'histoire du mouvement de jeunesse allemand au début du 20ème siècle. Avec l'historien allemand Hans Werner Neulen, j'ai publié Julius Evola in the secret documents of the Third Reich et Salò Berlin, l'Alleanza difficile. J'ai également publié Nazionalpatriottici et Walter Flex, a Generation in Arms. Avec la Fondation Evola, j'ai publié Julius Evola dans les documents secrets de l'Ahnenerbe et Julius Evola dans les documents secrets de la SS. J'ai édité le magazine d'histoire, de politique et de culture Orientamenti. Je traduis actuellement de l'allemand la bibliographie monumentale du volume Die Konservative Revolution in Deutschland de l'historien Armin Mohler.

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Evola est connu en Turquie comme haute figure de l'école traditionaliste. L'influence d'Evola sur la droite italienne m'a surpris lors de mes recherches. Comment Evola a-t-il influencé la droite italienne ? Comment est-il devenu une figure aussi importante ?

Evola a été et reste en Italie l'un des principaux inspirateurs non seulement des intellectuels de droite, mais aussi des cercles politiques traditionalistes, et ce, avant et après la Seconde Guerre mondiale. Auteur de nombreuses publications traduites en plusieurs langues, il a surtout exercé son influence avant la guerre avec des ouvrages tels que Diorama filosofico, supplément au quotidien Il Regime Fascista. Il a écrit des livres tels Théorie de l'individu absolu (1930), L'homme comme puissance (1927), La tradition hermétique (1931), Révolte contre le monde moderne (1933) et, après la guerre, des essais d'une grande profondeur tels que Chevaucher le tigre (1961), Les hommes au milieu des ruines (1953) et Masque et visage du spiritualisme contemporain (1949).

Partant d'un idéalisme hégélien, vu cependant dans une tonalité romantique, influencé par la pensée de Nietzsche, dans l'exaltation d'un « individu » absolutisé par une profonde conscience de soi sublimée par la prédisposition à l'action, Evola attire l'attention sur le monde de la Tradition, caractérisé dans la lointaine antiquité par des valeurs fondées sur une hiérarchie aristocratique (basée sur les vertus), sur une spiritualité « solaire », virile, limpide, fière, sur une vision organique de l'Etat, par opposition au monde décadent, libéral, démocratique, obscur, né avec le Kali Yuga et qui a accentué sa décadence avec l'avènement de la Révolution française et de la modernité où l'homme est devenu l'esclave du « démon de l'économie », perdant le contact avec une civilisation supérieure. Surtout Révolte contre le monde moderne et Les hommes au milieu des ruines, mais aussi le court essai Orientamenti, sont devenus une sorte de bible pour ceux qui ont voulu s'engager dans une action ascendante, dans la recherche d'horizons spirituels, en allant occuper un champ de bataille qui ne peut jamais être conquis ou occupé par un quelconque ennemi. Les pages d'Orientamenti, comme l'a récemment écrit la revue Il Cinabro, pénètrent le cœur du lecteur et tracent une direction, une orientation à suivre, en éveillant des idéaux d'une grande force.

Rutilio Sermonti, l'un des dirigeants du mouvement Ordine Nuovo, la formation la plus inspirée par les enseignements d'Evola, a affirmé: « en lisant Evola, je n'ai pas découvert Evola, mais moi-même. Et je n'ai jamais reçu de cadeau plus précieux ». Face à l'œuvre destructrice du monde moderne, Julius Evola lance son mot d'ordre: « une seule chose: se maintenir debout dans un monde de ruines ». Nous assistons donc aujourd'hui à une « Renaissance d'Evola » qui se reflète également dans la pensée d'Alexandre Douguine qui, à côté des nouvelles frontières géopolitiques, envisage la recherche d'une nouvelle dimension spirituelle qui s'oppose aux faux mythes et aux icônes du monde démocratique libéral, une recherche inspirée par les idées de Julius Evola.

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Dans l'Allemagne du 19ème siècle, comment le mouvement Wandervogel et d'autres mouvements similaires ont-ils construit l'esprit allemand ? Quelles sont les figures les plus importantes de cette période et quel impact leurs idées ont-elles eu sur l'Allemagne moderne ?

Le mouvement des Wandervögel, également connu sous le nom de Jugendbewegung (mouvement de jeunesse), tire son nom d'un poème de l'écrivain romantique Joseph von Eichendorff. Il est né à Berlin sous la forme d'un cercle d'étudiants sténographes qui se consacraient aux Wanderungen (grandes promenades dans les forêts et les vallées allemandes). L'histoire des Wandervögel commence à la fin du siècle dernier, vers 1896 pour être précis. Selon certains historiens, qui ne voient dans les "oiseaux migrateurs" allemands qu'un mouvement de rébellion contre le système scolaire rigide et schématique de l'ère wilhelminienne, elle s'est achevée en 1914 à la veille de la Première Guerre mondiale, selon d'autres en 1933 avec la Machtübernahme, la prise de pouvoir par les nationaux-socialistes, et enfin d'autres chercheurs sont d'avis qu'elle ne peut être considérée comme définitivement terminée (1).

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Tous s'accordent cependant à reconnaître l'importance et la signification extraordinaires de ce mouvement de jeunesse, dont la connaissance est indispensable pour comprendre et interpréter correctement les transformations psychologiques, politiques et sociales radicales qui ont caractérisé l'Allemagne au cours des dernières années du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle. Fondé par Hermann Hoffmann, étudiant à l'université de Berlin, le mouvement a connu plusieurs dirigeants en alternance, dont le plus influent fut Karl Fischer (photo, ci-dessous), qui lui a insufflé un grand dynamisme en favorisant sa forte expansion dans toute l'Allemagne.

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Le plus grand historien de la Jugendbewegung fut Hans Blüher (buste, ci-dessus) qui lui consacra plusieurs ouvrages. Le grand rassemblement de 1913 sur le mont Meissner, auquel participèrent plus de deux mille jeunes, est mémorable. Lors de ce rassemblement, les voies de la réforme de la vie ont été tracées: la lutte contre l'alcool et le tabagisme, la redécouverte du sacré dans la nature, la valorisation de l'identité nationale germanique et les lignes d'une nouvelle pédagogie ont été tracées. La compréhension du phénomène Wandervogel ne serait pas possible sans tenir compte du fait qu'il trouve ses racines les plus profondes dans le mouvement romantique du début du 19ème siècle et dans le mysticisme national-patriotique qui imprégnait l'âme de la jeunesse allemande à l'époque des guerres de libération où les étudiants étaient aux premières loges de la croisade contre Napoléon. C'est ainsi qu'après la Seconde Guerre mondiale, l'attention des chercheurs et des universitaires s'est concentrée sur l'histoire allemande des deux derniers siècles, avec l'intention spécifique, pour certains, d'identifier dans la culture romantique, hostiles aux Lumières et au rationalisme étriqué des premières décennies du 19ème siècle, les origines de ce que George L. Mosse a appelé « la crise de l'idéologie allemande » (2) et qui a trouvé sa plus grande expression dans les dimensions et les formes politiques du totalitarisme national-socialiste.

Lorsque l'on pense au « fascisme », on pense généralement à Hitler et aux nationaux-socialistes. Qu'est-ce qui distingue le fascisme italien, représenté par Mussolini, du fascisme allemand ?

Par rapport au national-socialisme, le fascisme peut se prévaloir du mérite de la primogéniture dans la naissance d'un mouvement qui visait immédiatement la création d'un État-providence capable de mettre au centre la justice distributive et les intérêts des citoyens, en rétablissant la primauté de la politique sur l'économie. Mussolini montre sa détermination lorsqu'en 1926, face à la spéculation financière internationale, il fixe d'autorité le taux de change de la livre sterling, alors monnaie de référence, à 90 lires. Cette mesure a sauvé l'Italie de la crise de 1929, lorsque la bourse de Wall Street s'est effondrée.

À cet égard, il convient toutefois de noter que les deux mouvements avaient certainement beaucoup en commun en ce qui concerne le dépassement des idéologies du 19ème siècle, l'aversion pour le marxisme et ses principes classistes, le rejet de toutes les opinions matérialistes et antipatriotiques et la nécessité de forger un homme nouveau doté d'une forte identité.

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Le fascisme italien s'est distingué par l'organisation de travaux publicsde grande ampleur. Aujourd'hui encore, il est possible de regarder avec étonnement et admiration l'impressionnante œuvre architecturale du fascisme, ouverte à une vision aérée de l'urbanisme, fondée sur l'exaltation des grands espaces. Nombreuses sont les villes fondées par le régime de Mussolini qui, aujourd'hui encore, témoignent de leur solidité, même face aux catastrophes naturelles. Contrairement au national-socialisme, le fascisme, tout en exaltant le passé et le romanisme impérial, n'est pas caractérisé par le mythe du sang et de la race aryenne, qui, en revanche, a joué un rôle prépondérant en Allemagne.

De même, les lois raciales de 1938, votées dans un contexte d'isolement international et de rapprochement avec l'Allemagne, ne séduisent pas la population italienne qui n'a jamais été antisémite. L'antisémitisme reste confiné à d'étroits cercles intellectuels réunis autour de Giovanni Preziosi et de sa revue La vita italiana. Même pendant les 600 jours de la République sociale italienne, les Allemands ne font pas confiance aux fascistes dans leur gestion de la question juive et restent très méfiants à l'égard des Italiens.

Les révolutionnaires conservateurs allemands s'appelaient eux-mêmes « révolutionnaires conservateurs » pour se distinguer des national-socialistes et des fascistes. Où les chemins du révolutionnarisme conservateur, du fascisme et du national-socialisme se sont-ils croisés et ont-ils divergé?

Le mouvement révolutionnaire conservateur est officiellement né en Allemagne avec la diffusion des idées de l'écrivain Arthur Moeller van den Bruck. C'est lui qui, le premier, a traduit toutes les œuvres de Dostoïevski en allemand. Son œuvre la plus importante est Das Dritte Reich, dans laquelle il fait une critique radicale des principes démocratiques libéraux, appelant à la naissance d'une nouvelle Allemagne impériale.

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En réalité, Moeller van den Bruck, qui reste le principal représentant du mouvement, n'a fait que reprendre ce qui avait déjà été élaboré dans la seconde moitié du 19ème siècle par des penseurs tels que Paul de Lagarde et Julius Langbehn, ce qui avait été énoncé par Arthur de Gobineau et Richard Wagner avec son cercle de Bayreuth, par Stefan George et d'autres intellectuels nationalistes.

La révolution conservatrice, comme l'a bien observé Armin Mohler dans sa thèse intitulée Die Konservative Revolution in Deutschland, a en fait rassemblé de nombreux mouvements intellectuels similaires mais différents, notamment les Völkische, les Bündische, les nationaux-conservateurs, les fédéralistes, les monarchistes, les révolutionnaires nationaux, les bolcheviks nationaux, mais aussi les ésotéristes et les antisémites extrémistes.

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La révolution conservatrice s'est répandue non seulement en Allemagne, mais aussi en Autriche et en Suisse et a été représentée par des penseurs de haut niveau tels que Carl Schmitt, Oswald Spengler, les frères Jünger, mais aussi Max Weber, Max Scheler, Ludwig Klages et Hugo von Hofmannsthal. Le mouvement compte dans ses rangs des historiens, des géographes, des spécialistes de l'histoire de l'art, des conteurs, des poètes et toutes sortes d'intellectuels, et s'appuie sur de nombreuses revues culturelles et la collaboration de diverses maisons d'édition.

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Les révolutionnaires conservateurs, tout en anticipant les exigences du national-socialisme - c'était aussi l'époque des Corps francs, du Stahlhelm et d'autres organisations paramilitaires qui luttaient pour empêcher l'Allemagne de perdre de nouveaux territoires après le Diktat de Versailles - et en mettant l'accent sur la redécouverte de l'esprit germanique avec sa culture paysanne, liée au Blut und Boden, se sont démarqués, voire opposés, à ce dernier au fil du temps.

Dans une certaine mesure, les révolutionnaires conservateurs ont peut-être exprimé des positions plus marquées que le national-socialisme sur le thème des racines, mais en même temps, tout en rejetant les principes de la démocratie libérale, ils n'ont pas entièrement sympathisé avec Hitler, considérant la figure du Führer comme une fonction remplaçable dans un nouveau système politique. Cette idée ne pouvait manquer de susciter des tensions. De même, ils étaient souvent attentifs aux instances mystico-ésotériques qui entraient en conflit avec le pragmatisme politique du NSDAP. Cela les sépare également du fascisme italien, plus attentif aux besoins sociaux et populaires.

La droite se développe en Europe. En y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'il s'agit de conservateurs libéraux. Est-ce vraiment la « droite » qui se développe en Europe ou ces mouvements sont-ils intégrés dans le système mondial?

Certes, la droite se développe en Europe, mais elle apparaît parfois comme une droite invertébrée, pour reprendre les termes du penseur espagnol Miguel de Unamuno. Une droite faible dans son contenu et dépassée dans son nom même. Aujourd'hui, droite et gauche ne signifient en effet presque plus rien et n'expriment plus correctement les forces en présence sur la scène politique. Le monde actuel est caractérisé par l'affrontement entre libéraux et antilibéraux, entre les défenseurs de l'ancien monde unipolaire, consolidé après la chute du mur de Berlin, et ceux qui ont au contraire compris la nécessité de s'ouvrir à une nouvelle dimension multipolaire qui met de côté le suprémacisme américain et crée de nouveaux équilibres mondiaux.

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Le monde change et la naissance des BRICS en est la preuve. Le dollar est en crise mais la droite ne l'a pas compris. De même, le soutien à Israël et au génocide criminel du peuple palestinien est un scandale. La droite ne stigmatise pas assez l'insuffisance de l'Union européenne et le soutien à Zelenski n'est qu'une faveur à la « proxy war » voulue par les Américains pour tenir l'Europe en laisse.

L'OTAN est un facteur de déstabilisation dans le monde et en Italie, par exemple, le gouvernement Meloni agit en tant que plénipotentiaire des États-Unis, ce qui met gravement en péril la sécurité du pays. L'Italie accueille environ 120 bases américaines sur lesquelles le gouvernement n'a aucune juridiction. En cas de conflit mondial, nous serions les premiers à en subir les conséquences néfastes.

Le gouvernement Meloni n'est donc pas du tout souverainiste comme certains continuent à le penser à tort. Le seul qui se sauve est Victor Orban, qui est certainement le plus intelligent et le plus avisé des dirigeants européens. L'Europe a besoin de forces qui luttent contre l'ancien ordre mondial et se montrent sensibles aux nouveaux horizons géopolitiques, par exemple le projet Eurasia qui appelle à de nouvelles alliances et à de nouveaux pactes, à commencer par une Union méditerranéenne dans laquelle la Turquie, par exemple, pourrait jouer un rôle absolument important.

 

jeudi, 20 décembre 2018

Lumière allemande : sur le peintre symboliste Fidus, cofondateur du mouvement de « réforme de la vie »

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Lumière allemande : sur le peintre symboliste Fidus, cofondateur du mouvement de « réforme de la vie »

Par Thomas Wyrwoll

En créant son œuvre intitulée « Prière à la Lumière », Fidus a donné au mouvement de jeunesse allemand l’image par excellence à laquelle celui-ci s’identifiait. Fidus était, en son temps, un illustrateur de livres parmi les plus connus.

De son vrai nom Hugo Höppener, ce peintre et ce réformateur de la vie, est né le 8 octobre 1869 à Lübeck. A l’âge de seize ans, ses parents l’envoient suivre les cours préliminaires de l’Académie de Munich. Il n’y resta pas longtemps. Après seulement trois mois, le futur Fidus rejoint Karl Wilhelm Diefenbach, peintre de son état et père fondateur du mouvement de « réforme de la vie ». Diefenbach venait de quitter la capitale bavaroise pour s’installer à Höllriegelskreuth. Dans cette petite localité bavaroise, il cherchait à échapper à l’étroitesse étouffante de la ville et à fonder une « communauté ». Les Munichois se moquaient de lui et le surnommaient « l’apôtre du chou-rave » (Kohlrabi-Apostel). Il prêchait le végétarisme et une vie proche de la nature, la culture nudiste et un rejet des rigidités exigées par les églises et la société. Höppener devint son principal disciple. Après avoir purgé une brève peine de prison pour nudité sur la voie publique, à la place de son maître-à-penser, celui-ci lui décerna le titre honorifique de « Fidus », le Fidèle.

fidusportrait.jpgEn 1889, Fidus reprend les cours réguliers qu’il s’était promis de suivre à Munich. Il y fait la connaissance de Wilhelm Hübbe-Schleiden, originaire, lui aussi, d’Allemagne du Nord, converti à la théosophie de l’occultiste Madame Blavatsky et partisan d’une politique coloniale allemande. Ce nati de Hambourg était un ami intime de Madame Blavatsky et de son adepte américain Henry Steel Olcott, qui avait fondé aux Etats-Unis une secte théosophique. La religiosité théosophique de Steel Olcott était un mélange obscur de bribes hétéroclites tirées des religions d’Asie et de trucs de prestigiditateur, qui avait pourtant acquis une notoriété internationale. Il faut aussi rappeler que ce cher Henry travaillait accessoirement pour le gouvernement américain. Pour rassembler leurs adeptes allemands, Hübbe-Schleiden édita une revue mensuelle, intitulée Sphinx, dont le graphiste principal fut évidemment le jeune Fidus. Cette collaboration dura trois ans. Influencé par les idées glanées dans la revue, Fidus fit siennes celles d’un « cercle de vie » et d’une « thérapie par la lumière ».

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Il ne cessa d’entretenir des relations avec son vieux maître Diefenbach, pour lequel il élabora une frise monumentale « Per Aspera ad Astra », musique pour enfants. Cette grande œuvre enthousiasma les critiques à Vienne, suite à une exposition des travaux de Diefenbach, mais le grand public se montra beaucoup plus réticent. Diefenbach était quasi ruiné et s’enfuit en Egypte avant de revenir en 1897 à Vienne pour y fonder la communauté d’artistes « Humanitas » à Himmelhof.

Fidusjugend.jpgFidus, lui, quitta Munich pour Berlin, où il travailla pour des revues telles Jugend, Pan et Simplicissimus. Plus tard, il collabora à Kraft und Schönheit et à Die Schönheit. Le regard de Fidus sur la beauté naturelle du corps humain et son style « Art Nouveau », quelque peu édulcoré, firent de lui le graphiste le plus connu d’Allemagne au tournant du siècle.

Dans les premières années du 20ème siècle, Fidus crée son œuvre picturale la plus connue, « la prière à la Lumière », dont l’artiste élabora, successivement, plus de dix versions différentes ainsi que de nombreuses œuvres connexes.

La peinture nous présente un homme jeune, très abstrait, debout sur un sommet de montagne, devant un ciel de lumière, tendant les bras, euphoriquement, vers le Soleil. Le motif devint immensément populaire après la « Fête de la jeunesse » tenue sur le mont Hoher Meissner en 1913. Ce fut l’image à laquelle le mouvement de jeunesse s’identifia spontanément. Le personnage de la peinture adopte, de fait, une posture spéciale, ressemblant  -et ce n’est pas un hasard- à la rune Algiz ou Ehlaz, que l’écrivain viennois Guido « von » List, un ésotériste de la veine folciste (völkische) considérait, au début du 20ème siècle, comme la « rune de la vie ».

Le jeune homme, joyeux et plein de vie, qui se tourne vers la lumière, a fait vibrer l’époque : un nombre incalculable de reproductions de cette œuvre ont été imprimées, depuis la petite carte postale jusqu’aux impressions de qualité et de grand format.

Dans les années 1920, l’art de présenter les corps, propre à Fidus, devient quelque peu répétitif : sa créativité en souffre, son aura d’artiste en pâtit. Une partie de son œuvre sera interdite d’exposition par Hitler. Plus tard, les Soviétiques ne l’apprécieront pas davantage, même s’il peignit quelques portraits de Staline, pour survivre. Dans l’Allemagne en ruine de 1948, il est frappé d’une thrombose. Son œuvre sombra alors dans l’oubli pour longtemps.

Thomas Wyrwoll.

(article tiré de « zur Zeit », Vienne, n°45/2018, http://www.zurzeit.at ).

mardi, 26 avril 2016

L’Europe à pied

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L’Europe à pied

par Georges FELTIN-TRACOL

 

eurpiedcouv38912.jpgPour vivre l’aventure, est-il nécessaire de s’inscrire à une émission pseudo-« survivaliste » de télé-réalité débile ou partir pour des contrées exotiques loin de chez soi ? Non, répondent Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, deux femmes de 22 et 24 ans, qui, du 21 septembre 2009 au 28 juillet 2010, parcoururent – à pied – plus de 6 000 km en visitant une partie du continent européen.

 

L’exploit mérite d’être salué d’autant qu’il n’était pas que physique; il fut aussi humain, culturel et patrimonial. En effet, Mathilde et Fanny, deux amies formées depuis l’âge de 9 ans aux longues marches par un mouvement scout, avaient la ferme intention de récolter auprès des populations rencontrées un maximum de récits populaires locaux. « Nous nous sommes concentrées sur les légendes, racontées de génération en génération. Elles nous semblaient parfaites pour partir à la rencontre de nos cousins européens. Quels seraient nos points communs et nos différences ? Une somme de questions auxquelles nous brûlions de répondre. Non d’un point de vue universitaire, mais par le vécu, le charnel et l’humain (p. 9). » On doit reconnaître que le résultat est très décevant. Pour preuve, elles questionnent un jour dans les Alpes un vieux paysan qui les renvoie aussitôt à des jeunes gens. « Quel paradoxe ! Comment les jeunes pourraient-ils avoir connaissance d’un héritage s’il ne leur a pas été transmis ? C’est tragique, une société sans transmission ! (p. 26) » Le folk lore (ce savoir populaire) s’est évanoui ou se trouve, uniformisé et affadi, dans les guides touristiques présents sur les comptoirs des offices spécialisés.

 

Marche et hospitalité

 

Parties du Ventoux afin d’atteindre l’Aubrac dix mois plus tard, Fanny et Mathilde passent en Provence et en Italie jusqu’à Rome. Elles traversent ensuite la Grèce, d’Olympie à Thessalonique, marchent en Autriche, en Slovaquie, en République tchèque, en Allemagne orientale, au Danemark, circulent en Écosse et en Irlande, avant de revenir en France par la Bretagne, la Mayenne et le Massif Central. Elles avaient convenu au préalable avec leurs parents quelque peu inquiets par cet itinéraire de découvrir la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie en train et ce, pour des raisons bien compréhensibles de sécurité. Elles n’hésitent pas à faire de l’auto-stop – voire de l’« auto-bateau » – et à prendre l’avion (plus simple que la nage pour rallier l’Écosse). En effet, « les règles, nous les fixons nous-mêmes, et si pour 30 km de marche par jour, nous devons faire une demi-heure de stop occasionnellement pour rencontrer quelqu’un ou aller visiter une ville, nous n’allons pas nous en priver ! (p. 44)».

 

Le vif dépit d’assister à la perte du savoir culturel populaire se trouve largement compensé par de nombreuses marques de sympathie exprimées tout au long de leur trajet. Sous la protection d’une très bonne étoile, à moins que cela soit une remarquable Fortuna, Fanny et Mathilde sont souvent bien accueillies, le soir venu. Certains jours, elles se voient claquer les portes. Toutefois, les maisons s’ouvrent devant elles. Ainsi, près de Pontremoli en Italie, se retrouvent-elles « attablées avec les époux, les deux enfants et la grand-mère (p. 54) » pour partager un dîner. Une autre fois, « le Grec qui tient la bicoque ne veut pas nous laisser repartir sans que nous n’ayons fini les plats (p. 84) ». Plus tôt, à Embrun, « un couple nous invite spontanément chez lui. Ils sont d’une gentillesse et d’un naturel fous… comme si nous étions attendues, qu’ils nous connaissaient… vous allez dormir là, prenez une douche, le repas est prêt, nous vous attendons… ça alors ! L’hospitalité est une valeur que certains honorent vraiment (p. 27) ». Mathilde insiste régulièrement sur cette vieille notion d’hospitalité. « L’hospitalité a longtemps été une valeur sacrée et accueillir des inconnus était un devoir. Alors bien sûr, de nos jours, dans notre société individualisée où ce sont les valeurs marchandes, où “ tout s’achète et tout se vend “ qui sont de mise, personne n’est obligé d’accueillir des inconnus chez lui. Notre démarche est donc décalée, mais importante, voire nécessaire. Montrer que d’autres modes de fonctionnement sont possibles et que les échanges peuvent être gratuits. Nous demandons l’hospitalité, les gens nous offrent le gîte et bien souvent le couvert et si nous ne leur proposons pas d’argent, nous leur offrons bien plus : l’occasion de rendre service. Cela peut paraître étrange, mais ce n’est guère souvent possible et lorsque nous repartons, les gens nous remercient presque systématiquement de nous être arrêtées chez eux ! Alors que c’est nous qui devrions leur être redevable ! Ce que nous sommes également, bien entendu ! Mais tout de même, c’est frappant à quel point les gens nous sont reconnaissants (p. 176).»

 

Le fait de marcher des centaines de kilomètres à pied à l’heure du tout-automobile ne peut qu’attirer l’attention des médiats locaux et des habitants, surpris par leur objectif. Fanny et Mathilde suscitent en tout cas intérêt et admiration. En Grèce, « quand le restaurateur apprend que nous faisons le tour de l’Europe à pied, il nous offre le pain (p. 103) ». En outre, elles ne sont pas toujours seules; elles croisent d’autres randonneurs avec qui elles font de temps en temps un bout de chemin quand ne marchent pas à leurs côtés proches amis et parents !

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Voir une autre Europe

 

En Grèce, en Bulgarie, en Roumanie et en Hongrie, Fanny et Mathilde appréhendent une autre réalité, ignorée des Européens de l’Ouest : de vieux contentieux nationaux, frontaliers et territoriaux, de vives controverses consacrées aux mérites théologiques comparés des paganismes, de l’Orthodoxie et du catholicisme romain, et un euroscepticisme certain. « L’Union européenne pense, dans son humble magnanimité, que l’Europe de l’Est et centrale n’aspire qu’à devenir comme l’Ouest : marchande. Mais pas du tout ! D’ailleurs ils rejettent globalement l’Union européenne, qui leur impose les standards occidentaux. Ils la vivent comme une réelle menace de leurs traditions et leur façon d’être qui est typiquement différente de la nôtre, peuples de l’Europe occidentale (p. 147). »

 

Plus concrètement, la lecture de ce carnet de voyage écrit à quatre mains montre que se supporter 24 heures sur 24 et sept jours sur sept devient à la fois épuisant et agaçant. Les moments les plus rudes se déroulent en février – mars en Allemagne, puis au Danemark. Outre le froid, la neige, la pluie, le vent glacial, l’humidité, la platitude de la grande plaine du Nord les mine. « Nous sommes lassées, marre de ces paysages, de la fatigue physique et de ces douleurs… (p. 225) »

 

Fanny et Mathilde retrouvent cependant leur vigueur et leur courage en se posant en Écosse au début du printemps. Elles en apprécient les montagnes, puis se promènent dans la Verte Irlande. Elles ont raison de s’écarter de la perfide Albion. Quant au retour en France, le parcours n’est pas si aisé que cela, car les sentiers de randonnée sont surtout prévus pour la promenade dominicale et nullement pour de vraies randonnées…

 

Dans son essai La Jeunesse au pouvoir, Julien Langella évoque des mouvements juvéniles du début du XXe siècle, en particulier les Mendigoxales basques, cette « petite élite d’alpinistes et de randonneurs », et les Wandervogel allemands, qui fuyaient un monde triste, urbanisé et industriel afin de redécouvrir la culture ancestrale, le patrimoine et l’âme des lieux. Mathilde et Fanny s’inscrivent dans cette tradition, non à l’échelle régionale, mais à l’échelle continentale. Leurs quarante semaines d’efforts sont une subtile initiation à la vie, un passage décisif entre une adolescence révolue et une existence d’adulte qui se profile avec son lot de mariage, d’enfants et d’activités professionnelles.

 

Il serait bien que jeunes filles et garçons répètent à leur tour cette expérience de vie physique, culturelle et sportive (porter 20 kg dans le sac à dos et marcher 30 km par jour, c’est du sport !) lors d’une année sabbatique. Mais serait-ce aujourd’hui souhaitable, possible et réalisable avec l’invasion en cours de l’Europe par des hordes d’immigrés allogènes et la fermeture indispensable des frontières nationales ? Fanny et Mathilde ont profité d’un moment où les flux migratoires massifs n’en étaient qu’à leurs débuts. Le 11 février 2010, la police germanique les prend pour des clandestins et les contrôle ! Parcourir dorénavant l’Italie ou la Grèce serait très risqué, dangereux même, surtout pour de jeunes Européennes. C’est la raison pour laquelle le récit de Fanny Truilhé et de Mathilde Gibelin est important. Elles offrent une belle aventure humaine riche en esprit européen survenue il y a plus de six ans, il y a maintenant une éternité.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, Tour d’Europe. 6 000 kilomètres à pied, Les Amis du Livre européen, 2015, 348 p., 24 € (à commander : 21, rue de Fécamp, 75012 Paris).


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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vendredi, 21 août 2015

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, "Tour d'Europe"

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Chronique de livre :

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, "Tour d'Europe"

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, Tour d'Europe

(Les Amis du Livre Européen, 2015)

Enfin nous pouvons lire le récit de ce fameux tour d'Europe à pied! La question sera donc : à quelle place insérerons-nous ce livre, à côté de quels autres ? Je crois que sa place serait dans la catégorie des "livres qui poussent à l'action". Ces derniers sont rares et précieux, et ont donc une place de choix. Dans sa longue formation, tout militant devra digérer les doctrines des uns et des autres, de la philosophie, des réflexions diverses, mais viendra parfois le moment où il recherchera des témoignages pratiques, plus proches de ses réalités quotidiennes, des ouvrages militants.

Si je me suis tout de suite plongé dans la lecture de ce journal de bord, c'est que j'étais intrigué par la démarche en elle-même. Ayant entendu leur témoignage sur l'émission de radio Méridien Zéro, je trouvais que la réappropriation de sa terre par la marche était une idée audacieuse et tout à fait cohérente. Cela me rappela un passage marquant du roman Ravage de René Barjavel : "En une seconde, l'Amérique, tout à l'heure si proche, venait de reprendre sa place ancienne, à l'autre bout du monde. [...] Chacun allait se retrouver dans un univers à la mesure de l'acuité de ses sens naturels, de la longueur de ses membres, de la force de ses muscles."

Car l'Homme en effet, est "la mesure de toute chose" et lire ce journal c'est un peu prendre la mesure de l'Europe grâce à nos deux vagabondes enracinées (le grand paradoxe indo-européen).

Vous verrez qu'au bout de quelques pages, vous aurez peut-être envie de cesser la lecture ou de fermer le livre, non pas parce que la lecture est ennuyeuse, mais poussé(e) par l'envie de vous chausser solidement et d'aller découvrir la nature inexplorée qui vous entoure. Mais attention, on voit ici que nos aventurières sont formées (scouts depuis l'âge de 8 ans) et une telle marche n'est pas envisageable pour tout le monde. Le moindre désagrément peut vite devenir un cauchemar, loin de chez soi, lorsqu'il fait froid, humide, et que la nuit tombe sur le paysage désertique d'un pays inconnu. Chaussures trop petites, individus louches, toutes sortes de choses renversées dans son sac, froid, chaleur, neige, barrière de la langue, agacement vis à vis de l'autre, moustiques (!!!) on n'imagine pas toujours les difficultés qu'une telle aventure peut entraîner. L'écriture sous forme de journal permet de décrire et de transmettre parfaitement le stress et les inquiétudes de ces petits désagréments, mais aussi les joies des bonnes rencontres et des heureuses surprises. Tout au long du récit, vous découvrirez que nos jeunes filles ne se contentent pas d'un simple exploit sportif. Bien entendu, je parle de "simple exploit sportif", car des tours du monde, d'Europe, de France, à pied, à vélo, en stop, des traversés à la nage, ce n'est pas ce qui manque. Ces prouesses sont honorables, et bien que plutôt sportif je m'en sens parfaitement incapable. Ce que je veux dire par là, c'est qu'en plus d'un exploit physique et sportif, les filles ont réalisé un véritable acte politique et spirituel. C'est en cela que la démarche est cohérente et qu'elle n'entre pas du tout dans le cadre de cette société du spectacle et de la performance où l'on voit fleurir toutes sortes de records absurdes.

Au-delà de la marche et des péripéties, le livre nous offre un tas de réflexions, parfois contemplatives, parfois personnelles, ou d'autres liées à notre identité européenne, accompagnées d'un certain nombre de références littéraires. C'est ce qui rend la lecture enrichissante car il m'aurait semblé rébarbatif de lire plus de 200 pages sur comment mettre un pied devant l'autre... Je vous rassure, ici ce n'est pas le cas!

Autre chose, on pourrait se demander, en mauvaise langue, si "elles l'ont vraiment fait". Et bien oui, je crois qu'on peut dire qu'il s'agit d'un vrai tour d'Europe à pied. Même s'il y a quelques étapes en train ou en stop, cela se justifie toujours dans le récit. Donc non, si vous vous posiez la question, elles n'ont pas triché! Alors si 6000 kilomètres à pied vous paraissent encore insurmontables, du moins dans l'avenir proche, vous pourrez toujours lire ce Tour d'Europe préalablement paru en version numérique il y a quelques mois. En plus, les filles (je deviens familier avec elles mais pourtant je ne les connais pas vraiment), nous offrent la liste du matériel utilisé (très pratique si l'idée germe en vous) et un cahier photo très sympathique qui permet une immersion encore plus forte dans cette aventure.

Franck / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source

samedi, 11 octobre 2014

Tour d’Europe à pied - Deux jeunes femmes racontent

Tour d’Europe à pied
Deux jeunes femmes racontent

 

02/10/2014 – 07H00 Marseille (Breizh-info.com) – Fanny et Mathilde sont deux jeunes femmes qui s’étaient lancées un défi fou : effectuer un tour d’Europe à pied durant une année. Missions réussie il y a quelques années de cela ; elles ont d’ailleurs, sur le retour, traversé la Bretagne, en provenance d’Irlande.
Revenues à leurs études, puis désormais plongées dans la vie professionnelle, les deux jeunes femmes publient aujourd’hui un ouvrage qui raconte leur périple. Un ouvrage qui donnera sans aucun doute envie à d’autres jeunes Européens de partir, à l’aventure, sur les traces de notre longue mémoire.

Entretien.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter toutes les deux ?
Mathilde et Fanny : Nous sommes deux copines comme on en trouve partout, sauf que nos liens d’amitié ont été forgés à l’école de la vie : celle du scoutisme qui fabrique des liens impérissables, créés dans l’effort et la réelle solidarité. Mathilde venait de dépasser la vingtaine d’années et finissait une licence d’histoire, tandis que Fanny de deux ans son aînée achevait son diplôme d’architecture lors du départ. Aujourd’hui, Mathilde est journaliste à Marseille, et Fanny architecte à Paris.

Breizh-info.com : Quelle est la genèse de votre tour d’Europe à pied ?
Mathilde et Fanny : un samedi matin, nous sommes parties pour une marche sauvage, nous avions tellement besoin de nous ressourcer après une semaine chargée d’examens. Nous nous sentions tellement bien que nous avons lancé l’idée, un peu comme un pari : « Et si nous vivions cela pendant un an?».  Et comme nous sommes un peu têtues toutes les deux, nous l’avons fait !

Breizh-info.com : Pourriez-vous en dresser un bilan rapide ? (pays visités, km parcourus, ) ?
Mathilde et Fanny : Ce « pari » s’est transformé en 10 mois et demi de marche sauvage avec 6 000 kilomètres à pied parcouru (plus 2 000 en train), 5 peuples constitutifs de l’Europe côtoyés (les Latins, les Grecs, les Germains, les Slaves et Les Celtes), soit 12 pays traversés.

Breizh-info.com : Des anecdotes particulières ?
Mathilde et Fanny :« Anecdotes » … vous voulez dire « ces choses amusantes, mais qui donnent à réfléchir »?

Commençons par la moins marrante :
Nous étions parties sur les traces des légendes européennes afin de capter les caractères essentiels des Européens et surtout de comprendre ce qui faisait l’unité de l’Europe malgré ses différences. Nous nous sommes rendu compte que la tradition orale s’était perdue, et, avec elle, tout un pan de notre identité. Certains réflexes subsistent, mais on ne sait plus très bien pourquoi … même dans les coins les plus reculés et « préservés », il reste peu de choses et il faut se souvent se rendre dans les bibliothèques pour aujourd’hui trouver des contes populaires. Nous avons un peu réfléchi à pourquoi tout cela a été oublié, si vous lisez l’avant-propos de notre livre, vous le saurez !

Maintenant le côté « amusant » et puis comprenne qui pourra ! (ou qui a marché!)

  • La réaction des gens lorsqu’on leur dit qu’on a parcouru 50 km à pied aujourd’hui : « Ah, d’accord, mais vous n’avez pas froid en short? »
  • La réaction des gens lorsqu’on leur dit qu’on a dormi dehors cette nuit : « Ah … » (bras ballants)
  • La réaction des gens lorsqu’on leur demande une épicerie la plus proche possible pour se ravitailler : « Ah, vous n’en avez que pour un quart d’heure, c’est à peine à 20 kilomètres ».

Breizh-info.com : Sur la fin de votre périple, vous avez traversé la Bretagne, quel souvenir en gardez-vous ?
Mathilde et Fanny : Notre arrivée en Bretagne par l’extrême Ouest rimait avec « retour chez nous ! » : nous avions quitté la France depuis huit mois lorsque nous avons posé le pied sur l’île d’Ouessant ! Nous avons commencé par embrasser le sol français puis nous sommes allés manger un croissant. Et nous avons éclaté de rire, tellement le son des cloches de l’église nous rendait heureuses !

Nous avions également été très bien reçues par la presse locale, notamment Ouest-France, notre aventure était bien avancée, on commençait à nous accorder du crédit! Nous avions également fait un passage à la maison bretonne (Ti-breizh), où nous avions été merveilleusement reçues !

Breizh-info.com : Vous sortez un livre quelques années après. Pourquoi avoir attendu tout ce temps ? Qu’est-ce que le lecteur y trouvera ?
Mathilde et Fanny : Ah ah ! C’est vrai, déjà cinq ans que nous sommes parties ! À notre retour, nous avons passé plusieurs mois à la rédaction … ce n’était pas évident, sans plume particulière et lorsque c’est le premier essai en son genre ! Nous nous étions entendues avec un éditeur à qui nous faisions confiance, mais les choses ont traîné, tellement traînées qu’elles se sont enlisées.

Après cette première déception et cet anniversaire qui arrivait, nous avons décidé de relancer le projet. Bon, c’est sûr, c’est avec nos moyens, mais le voilà enfin,au format informatique… on n’est jamais mieux servi que par soi-même!
Le lecteur y trouvera notre carnet d’aventure. Notre effort aura été, après toutes ces années, de ne pas en modifier le contenu : il est brut. C’est exactement ce que nous avons vécu, ce que nous écrivions  tous les soirs, la lampe rivée sur le front, allongées dans la tente, chacune plongée dans notre carnet. Ce livre sent l’aventure, la sueur et le feu de bois.

Livre à commander en version numérique pour le moment, sur http://tourdeurope.over-blog.com/2014/09/notre-livre-enfin-disponible.html

mercredi, 17 septembre 2014

Tour d'Europe: le livre va sortir!

 tour-d-europe-de-fanny-et.jpgNotre livre va enfin sortir !

par Fanny et Mathilde ( http://tourdeurope.over-blog.com ).

Chers amis, chers inconnus qui ont suivi notre aventure, chers internautes qui découvrent notre blog au hasard de la Toile,

Le 21 septembre 2009, nous partions pour un tour d'Europe à pied sur les traces des légendes européennes. Nous nous étions promis d'écrire le récit de nos aventures. 

Après plusieurs essais infructueux avec des éditeurs et de longs mois de flottement, nous avons décidé de tenir notre promesse !
Le récit de notre aventure, uniquement numérique pour l'instant, sera disponible ce dimanche 21 septembre 2014 sur ce blog.

Veuillez par avance excuser les éventuelles fautes de syntaxe ou d'orthographe, nous n'avons pas bénéficié de relecture professionnelle. Mais malgré ces maladresses, nous espérons qu'en lisant les paragraphes alternés de l'une et de l'autre, vous sentirez la bonne odeur du feu de bois, les crampes après une longue journée de marche, la joie d'un bon repas avec des hôtes inattendus. 

Cinq années exactement après notre départ, nous vous souhaitons une bonne lecture et nous vous donnons un dernier conseil ; qu'aujourd'hui encore, nous ne regrettons pas d'avoir suivi : surtout, n'hésitez pas, lancez vous à l'aventure ! 

 

Partagez l'information et rendez-vous nombreux sur ce blog dimanche pour vous procurer notre livre (3.99€) 

 

Fanny et Mathilde

mardi, 10 septembre 2013

Ich will nicht ohne Narben sterben!

lundi, 08 novembre 2010

Fidus: c'est ainsi que se voyait la jeunesse

Michael MORGENSTERN :

Fidus : c’est ainsi que se voyait la jeunesse

 

fidus45.jpg« Ce qui s’avère nécessaire pour nous, maintenant, ce n’est pas encore davantage d’artificialité ou de luxe technique, mais de nous habituer à éprouver à nouveau de la joie face à notre authenticité spirituelle et à la naturalité de nos corps ; oui, vraiment, nous avons besoin d’apprendre à tolérer la beauté naturelle, du moins dans le domaine de l’art », écrivait Fidus dans le volume édité par Eugen Diederichs pour donner suite de la fameuse rencontre organisée par le mouvement de jeunesse allemand sur le sommet du Hoher Meissner en 1913. Le motif qui l’avait incité à écrire ces lignes fut l’exposition d’un dessin qu’il avait réalisé à l’occasion de cette réunion des jeunes du Wandervogel, un dessin qui s’intitulait « Hohe Wacht » et qui représentait de jeunes hommes nus portant l’épée et aux pieds desquels se trouvaient couchées des jeunes filles, également nues. L’image avait causé un scandale. Plus tard, un dessin de Fidus deviendra l’image culte et le symbole du mouvement de jeunesse ; il était intitulé « Lichtgebet », « Prière à la Lumière ». Sur un rocher isolé, un jeune homme nu étendait les bras et le torse vers le soleil, le visage empreint de nostalgie.

 

Fidus, un artiste célèbre de l’Art Nouveau (Jugendstil) et l’interprète graphique de la « Réforme de la Vie » (Lebensreform) et du néopaganisme, était né sous le nom de Hugo Höppener à Lübeck en 1868, dans le foyer d’un pâtissier. Ses parents l’envoyèrent à l’Académie des Beaux-Arts de Munich, où, très rapidement, il se lia d’amitié avec un peintre excentrique, apôtre d’une nouvelle adhésion à la nature, Karl-Wilhelm Diefenbach. Celui-ci, accompagné de quelques-uns de ses élèves, se retirait régulièrement dans une ancienne carrière abandonnée sur une rive de l’Isar pour y vivre selon les  principes du mouvement « Réforme de la Vie ». Diefenbach pratiquait le naturisme, ce qui alerta les autorités bavaroises qui, très vite, firent condamner le fauteur de scandale à la prison. Höppener accepta de suivre son maître en prison, ce qui induisit Diefenbach à le surnommer « Fidus », le Fidèle.

 

Plus tard, revenu à Berlin, il prendra pour nom d’artiste le surnom que lui avait attribué son maître. Dans la capitale prussienne, il fut d’abord l’illustrateur d’une revue théosophique, Sphinx, ce qui lui permit d’accéder assez vite à la bohème artistique et littéraire berlinoise. Dès ce moment, on le sollicita constamment pour illustrer des livres et des revues ; il travailla aussi pour la revue satirique Simplizissimus puis pour la revue munichoise Jugend, créée en 1896. Cette revue doit son nom au Jugendstil, au départ terme injurieux pour désigner les nouvelles tendances en art. Contrairement au naturalisme, alors en vogue, le Jugendstil voulait inaugurer un style inspiré d’un monde posé comme harmonieux et empreint de spiritualité, que l’on retrouve dans l’univers onirique, dans les contes, dans les souvenirs d’enfance ; et inspiré aussi d’une nostalgie de la plénitude. Une ornementation végétale devait symboliser le refus du matérialisme banal de la société industrielle. Suite à une cure végétarienne de blé égrugé, qui le débarrassa d’une tumeur qui le faisait souffrir depuis son enfance, Fidus/Höppener devint un végétarien convaincu, ouvert, de surcroît, à toutes les médecines « alternatives ».

 

Il cherchait une synthèse entre l’art et la religion et se sentait comme le précurseur d’une nouvelle culture religieuse de la beauté qui entendait retrouver le sublime et le mystérieux. Cela fit de lui un visionnaire qui s’exprima en ébauchant des statues pour autels et des plans pour des halls festifs monumentaux (qui ne furent jamais construits). A ses côtés, dans cette quête, on trouve les frères Hart, Bruno Wille et Wilhelm Bölsche du cercle de Friedrichshagen, avec lesquels il fonda le « Bund Giordano Bruno », une communauté spirituelle et religieuse. En 1907, Fidus se fit construire une maison avec atelier dans le quartier des artistes « réformateurs » de Schönblick à Woltersdorf près de Berlin. Plus tard, une bâtisse supplémentaire s’ajouta à cet atelier, pour y abriter sa famille ; elle comptait également plusieurs chambres d’amis. Bien vite, cette maison devint le centre d’un renouveau religieux et un lieu de pèlerinage pour Wandervögel, Réformateurs de la Vie, Adorateurs de la Lumière et bouddhistes, qui voyaient en Fidus leur gourou. Le maître créa alors le « Bund de Saint Georges », nommé d’après le fils d’un pasteur de Magdebourg qui, après une cure de jeûne, était décédé à Woltersdorf. Fidus flanqua ce Bund d’une maison d’édition du même nom pour éditer et diffuser ses dessins, tableaux, impressions diverses et cartes postales. Dans le commerce des arts établis, le Jugendstil fut éclipsé par l’expressionisme et le dadaïsme après la première guerre mondiale.

 

fidus1.jpgLes revenus générés par cette activité éditoriale demeurèrent assez sporadiques, ce qui obligea les habitants de la Maison Fidus, auxquels s’était jointe la femme écrivain du mouvement de jeunesse, Gertrud Prellwitz, à adopter un mode de vie très spartiate. L’avènement du national-socialisme ne changea pas grand chose à leur situation. Fidus avait certes placé quelque espoir en Adolf Hitler parce que celui-ci était végétarien et abstinent, voulait que les Allemands se penchent à nouveau sur leurs racines éparses, mais cet espoir se mua en amère déception. La politique culturelle nationale-socialiste refusa de reconnaître la pertinence des visions des ermites de Woltersdorf et stigmatisa « les héros solaires éthérés » de Fidus comme une expression de l’ « art dégénéré ». Dans le catalogue de l’exposition sur l’ « art dégénéré » de 1937, on pouvait lire ces lignes : « Tout ce qui apparaît, d’une façon ou d’une autre, comme pathologique, est à éliminer. Une figure de valeur, pleine de santé, même si, racialement, elle n’est pas purement germanique, sert bien mieux notre but que les purs Germains à moitié affamés, hystériques et occultistes de Maître Fidus ou d’autres originaux folcistes ». L’artiste ne recevait plus beaucoup de commandes. Beaucoup de revues du mouvement « Lebensreform » ou du mouvement de jeunesse, pour lesquelles il avait travaillé, cessèrent de paraître. Sa deuxième femme, Elsbeth, fille de l’écrivain Moritz von Egidy, qu’il avait épousée en 1922, entretenait la famille en louant des chambres d’hôte (« site calme à proximité de la forêt, jardin ensoleillé avec fauteuils et bain d’air, Blüthner-Flügel disponibles »). L’ « original folciste » a dû attendre sa 75ème année, en 1943, pour obtenir le titre de professeur honoris causa et pour recevoir une pension chiche, accordée parce qu’on avait finalement eu pitié de lui.

 

Pour les occupants russes, qui eurent à son égard un comportement respectueux, Fidus a peint des projets d’affiche pour la célébration de leur victoire, pour obtenir « du pain et des patates », comme il l’écrit dans ses mémoires en 1947. Le 23 février 1948, Fidus meurt dans sa maison. Ses héritiers ont respecté la teneur de son testament : conserver la maison intacte, « comme un lieu d’édification, source de force ». Jusqu’au décès de sa veuve en 1976, on y a organisé conférences et concerts. La belle-fille de Fidus a continué à entretenir vaille que vaille la maison, en piteux état, jusqu’à sa propre mort en 1988. La RDA avait classé le bâtiment. Les œuvres d’art qui s’y trouvaient avaient souffert de l’humidité et du froid : en 1991, la « Berlinische Galerie » a accepté de les abriter. La maison de Fidus est aujourd’hui vide et bien branlante, une végétation abondante de ronces et de lierres l’enserre, d’où émerge sa façade en pointe, du type « maison de sorcière ». Il n’y a plus qu’un sentier étroit qui mène à une porte verrouillée.

 

Michael MORGENSTERN.

(article paru dans « Junge Freiheit », n°5/1995 ; http://www.jungefreiheit.de/ - « Serie : Persönlichkeiten der Jugendbewegung / Folge 2 : Fidus » - « Série : Personnalités du Mouvement de Jeunesse / 2ième partie : Fidus » ; trad.. franc. : octobre 2010).   

samedi, 06 juin 2009

De nieuwe Branding is uit!

 De nieuwe Branding is uit!

mardi, 05 mai 2009

Littérature de la jeunesse

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Littérature de la jeunesse

Ulrich NASSEN, Jugend, Buch und Konjunktur, 1933-1945. Studien zum Ideologiepotential des ge­nuin nationalsozialistischen und des konjonkturellen "Jugendschriftums",  Wilhelm Fink Verlag, Mün­chen, 1987, 135 S., DM 38.

 

Etude très intéressante sur la littérature de jeunesse pendant le IIIème Reich en Allemagne. Nassen nous y apprend que le na­tio­nal-socialisme se présentait à la jeunesse comme un mouve­ment sous le patronage de la figure de Siegfried, figure qui dit «oui» au combat éternel (Kampfbejahung)  et symbolise le ra­jeu­nissement, l'affirmation de la Vie et de la totalité vitale. Le mou­vement politique, qui doit entraîner la jeunesse dans son sil­lage, se place résolument sous le signe de l'affirmation, du «oui» créateur et s'instaure comme le barrage le plus efficace con­tre les négateurs. L'image mythologique de Siegfried, puisée dans la passé lointain de l'Allemagne, est couplée sans problè­me, par exemple, à l'objet moderne et technique qu'est la moto, qui permet de sentir physiquement la vitesse et le dynamisme. Le national-socialisme reprend ainsi la vieille protestation li­ber­taire du mouvement de jeunesse (Wandervogel),  expression su­blime du conflit entre les générations. Mais son apport spé­ci­fique est plus politique, plus directement lié à l'aventure et à l'installation au pouvoir d'un parti révolutionnaire: la littérature destinée à la jeunesse sera truffée de thèmes comme celui du «Füh­rer», «Sauveur» et nouvelle «image du père», celui du «mi­litant martyr», celui de la «jeunesse, phalange du NS». Seront ainsi exaltés l'esprit de camaraderie, la camp comme forme de vie et aventure planifiée, le «service» comme «sens» de l'exis­ten­ce et comme mode d'harmonisation entre les diverses strates so­ciales. Des valeurs et des mœurs nouvelles sont injectées dans le corps social allemand par l'intermédiaire de la mobili­sa­tion de la jeunesse dans le parti: l'hygiène corporelle, la diété­ti­que, l'eugénisme à connotation raciale, le sport comme pro­ces­sus de maximisation des énergies du corps et donc comme mode d'accroissement de la productivité industrielle et agricole.

 

Nassen, fidèle à quelques critiques énoncées par l'Ecole de Franc­fort, perçoit une certaine esthétique de la destruction dans l'exaltation de la guerre, conçue comme «travail», comme «aven­ture de la technique», comme «initiation». Dans ce cha­pitre, Nassen critique le calcul «fasciste» qui consiste à parier sur le sang versé et refuse d'économiser celui-ci, se mettant en fait en contradiction avec son culte du sang précieux, appelé à re­vigorer l'Europe. Un sixième chapitre de l'ouvrage aborde une question cruciale du national-socialisme, encore trop peu explo­rée en dehors de l'Allemagne: la question de l'histoire et de la pré­histoire. Ces sciences devaient être mobilisées pour donner une image plus exaltante du plus lointain passé européen et pour procurer aux contemporains, secoués par la Grande Guerre, les crises économiques, la déchéance sociale du prolétariat, une ima­ge idéaltypique de ce à quoi doit tendre la mobilisation NS des foules, c'est-à-dire une humanité germanique épurée de tous apports non européens et comparable à l'idéal que Tacite, dans sa Germania,  avait suggéré aux Romains décadants. Pour véhi­cu­ler cet idéal, le régime a fait appel à une imagerie (gravures, chromos, etc.) que Nassen qualifie de «kitsch» NS.

Le livre de Nassen est une petite mine d'informations qu'il se­rait sot de négliger. Qui plus est, elle ouvre des perspectives nou­velles au chercheur et offre une bonne et utile classification des thématiques NS, tout en ayant constamment recours aux tex­tes de l'époque (Robert Steuckers°.