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mardi, 28 mai 2019

Georges Feltin-Tracol: À quoi bon l’Union européenne ?

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À quoi bon l’Union européenne ?

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Camarades, Chers Amis,

Dans un mois, le dimanche 26 mai, plus de quatre cents millions d’électeurs sont conviés à élire leurs 705 représentants au Parlement européen pour la neuvième fois depuis 1979. Inscrite dans le traité de 1951 fondant la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), l’élection au suffrage universel direct d’une assemblée parlementaire supranationale ne se réalise qu’après la ferme insistance du président français Valéry Giscard d’Estaing auprès des huit autres gouvernements de la Communauté économique européenne (CEE).

Renouvelé tous les cinq ans, le Parlement européen symbolise bien ce que peut être l’Union dite européenne élaborée au fil d’une longue série de traités, à savoir un OVNI politique. Existe-t-il beaucoup d’assemblées dans le monde qui détiennent deux sièges, l’un à Bruxelles et l’autre à Strasbourg où s’organise une session hebdomadaire mensuelle ? Connaît-on ailleurs une assemblée dont les membres sont élus sur des modalités électorales variables selon les États membres ? Certes, depuis le traité d’Amsterdam de 1997, la proportionnelle est obligatoire, contraignant le Royaume-Uni à abandonner pour la circonstance le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Mais bien des distorsions demeurent. Le 26 mai prochain, les Français choisiront une liste nationale comme ce fut le cas entre 1979 et 1999. De 2004 à 2014, l’Hexagone se divisait en circonscriptions plurirégionales sans aucune cohérence, à part pour la plus peuplée d’entre elles, l’Île-de-France. La région Rhône-Alpes était ainsi associée à Provence – Alpes – Côte d’Azur et à la Corse. Quant à l’Auvergne, elle intégrait le Limousin et la région Centre – Val-de-Loire.

S’y ajoutent d’autres critères différents. Pour avoir des élus, une liste française doit franchir le seuil de 5 % des suffrages exprimés. En Allemagne, ce seuil présent aux élections législatives et régionales n’est pas requis, ce qui a permis l’élection entre autres d’Udo Voigt pour le NPD. Quant aux candidatures, elles varient aussi. La parité hommes – femmes obligatoire (et discriminante pour les transsexuels !) ne concerne que la France et la Belgique. La présentation de candidats étrangers citoyens d’un autre État membre de l’Union supposée européenne est possible en France depuis le traité de Maastricht de 1992 à la condition d’y résider depuis au moins six mois. Dès la fin des années 1980, l’Italie autorisait les « étrangers proches » de figurer sur des listes sans obligatoirement y vivre. Ainsi, le professeur français de droit constitutionnel Maurice Duverger fut-il député européen du Parti communiste italien de 1989 à 1994, lui qui milita dans sa jeunesse au Parti populaire français de Jacques Doriot…

Depuis quarante ans, les conservateurs démocrates-chrétiens du PPE (Parti populaire européen) et les socialistes dirigent le Parlement européen avec l’appoint souvent négligeable des centristes et libéraux ainsi que, de temps en temps, du groupe des Verts et des régionalistes progressistes – multiculturalistes. Institution multinationale dont la présidence ne dure que deux ans et demi du fait d’un compromis sur sa rotation entre conservateurs et sociaux-démocrates, les groupes doivent respecter deux conditions draconiennes : un minimum de 27 membres appartenant à au moins sept nationalités. Ces règles expliquent la formation tardive du groupe Europe des libertés et des nations qui compte le Rassemblement national. Lors des précédentes mandatures, les députés frontistes ont toujours eu des difficultés pour former un groupe. En 1984, le groupe des Droites européennes présidé par Jean-Marie Le Pen réunissait les Italiens du MSI, un unioniste d’Ulster ainsi qu’un nationaliste grec. En 1989, le groupe devint technique en raison du profond désaccord entre les Republikaners allemands et le MSI à propos du Tyrol du Sud – Trentin – Haut-Adige. À partir de 1994, les députés frontistes siégeaient parmi les non-inscrits, c’est-à-dire sans aucun capacité d’influer sur les débats. En 2007, le frontiste Bruno Gollnisch préside le groupe Identité – Tradition – Souveraineté avant que ITS n’explose quelques mois plus tard après les déclarations tonitruantes d’Alessandra Mussolini, la petite-fille du Duce, qui accusait les Roumains (elle visait en fait les Roms) d’être à l’origine de la délinquance en Italie n’entraînent le départ des six élus du Parti de la Grande Roumanie. Entre 1999 et 2001, Jean-Marie Le Pen avait conclu avec l’Italienne progressiste cosmopolite Emma Bonino un accord pour former un groupe commun (avec le Vlaams Blok, la Ligue du Nord et un député néo-fasciste), le Groupe technique des indépendants. Or ce groupe fut dissous, victime de l’hostilité des autres groupes parlementaires et d’une décision inique de la Cour de justice de l’Union européenne qui estimait incompatibles les sensibilités représentées par le FN et le Parti radical transnational de Marco Pannella, vieil ami de Jean-Marie Le Pen.

ubu.pngLes méthodes de travail du Parlement dit européen s’approchent de la gouvernance du roi Ubu. Outre le rôle majeur, reconnu et officiel des groupes d’influence et/ou de pression (les lobbies), le Parlement de Bruxelles – Strasbourg exerce une co-décision avec la Commission européenne. Il peut même la renverser comme ce fut le cas en 1999 avec la Commission du trilatéraliste luxembourgeois Jacques Santer. En pratique, les parlementaires votent à la chaîne des directives et n’en débattent qu’une fois le scrutin clos. Cette originalité fonctionnelle confirme l’incongruité permanente que s’assigne ce Parlement fictif qui décerne chaque année un prix Sakharov (et non Alexandre Soljenitsyne !) à un quelconque « dissident » quelque part dans le monde entier. Le parlementaire européen se voit en paragon moral et bienfaisant de la planète entière. Il se détourne en revanche du sort des véritables dissidents de l’Occident, à savoir l’Australien Julian Assange, l’Étatsunien Edward Snowden, l’Allemand Horst Mahler, le Breton Boris Le Lay ou les Français Dieudonné, Alain Soral, Vincent Reynouard et Hervé Ryssen, tous persécutés, harcelés, condamnés, voire emprisonnés, pour « crimes » d’opinion.

Au contraire des Allemands et des Britanniques qui noyautent ou ont colonisé les instances de l’UE, les partis politiques français préfèrent y expédier les vaincus des dernières élections, les maîtresses (ou amants) des dirigeants et tous ceux susceptibles de contester l’autorité du chef. En 1979, Jacques Chirac met en position éligible l’ancien Premier ministre et très anti-européen Michel Debré afin de le dévaloriser. Deux ans plus tard, Debré se présente à la présidentielle contre Chirac et ne recueille que 1,66 %.

Le Parlement européen reflète bien ce qu’est l’Union appelée européenne. Celle-ci naît avec le traité de Maastricht et s’adosse aux Communautés européennes du charbon et de l’acier, disparue en 2002, du Marché commun et de l’énergie atomique. Cette union dite européenne établit une citoyenneté européenne supplémentaire à la citoyenneté étatique. Les résidents italiens, portugais, espagnols en France peuvent voter aux élections municipales et européennes, et siéger dans les conseils municipaux. Mais le droit français leur interdit la fonction de maire qui peut parrainer un candidat aux présidentielles et qui participe à l’élection des sénateurs. Hors de France, ces restrictions n’existent pas. L’ancien Premier ministre socialiste français, Manuel Valls, est candidat à la mairie de Barcelone, sa ville natale.

Les souverainistes et autres stato-nationalistes s’horrifient de la participation possible de ces « citoyens européens étrangers » à certains scrutins. À tort ! Nonobstant une personnalité abjecte, Manuel Valls maire de la principale ville catalane rappellerait une pratique habituelle du Moyen Âge et des Temps modernes. Confrontées à des guerres civiles larvées, les communes italiennes recouraient souvent à des podestats extérieurs afin d’être administrées. Terres impériales par excellence, l’Espagne et la Catalogne renoueraient pour l’occasion avec les gouverneurs – officiers de l’Empereur-Roi Charles venus des Pays Bas, de Rhénanie, de Franche-Comté et d’Italie. « Nicolas Perrenot de Granvelle, issu d’une modeste lignée roturière de forgerons comtois, sera le Chancelier de l’Empereur, écrit Robert Steuckers. […] Le recrutement de nobles flamands ou wallons pour l’armée espagnole cessera en 1823 seulement, quand l’argent des mines d’Amérique ne parviendra plus en abondance dans la métropole après l’indépendance des nations créoles. L’Artésien, natif d’Arras, Charles Bonaventure de Longueval, comte de Bucquoy, commandera des tercios espagnols comme des régiments impériaux dans les guerres terribles des deux premières décennies du XVIIe. Henry et John O’Neill commanderont les troupes recrutées dans la Verte Eirinn (1). »

erasmus.pngLe programme Erasmus facilite la formation des étudiants dans d’autres universités européennes. Il stimule un indéniable esprit européen à l’instar de leurs très lointains prédécesseurs qui traversaient toute la Chrétienté médiévale. Il incite à la formation de familles inter-européennes. En 2002, Cédric Klapisch réalisa L’Auberge espagnole, un film bobo autour du quotidien et de la vie sentimentale à Barcelone d’un Italien, d’une Anglaise, d’un Danois, d’un Allemand, d’un Français et d’une Belge. Derrière sa miéverie, ce film relança l’engouement des jeunes Français pour cet excellent programme universitaire. La citoyenneté européenne et Erasmus constituent deux exemples tangibles qui font avancer l’idée européenne de quelques centimètres. Il reste néanmoins plus d’un millier de kilomètres à parcourir !

Les adversaires de l’UE l’accusent de broyer les États-nations et de les fondre dans un machin supranationale. Or son architecture institutionnelle est un savant, subtil et complexe mélange entre la coopération intergouvernementale et un fédéralisme embryonnaire. En acceptant de nouveaux membres, l’Union a dû entériner des compromis qui en font un ensemble politique flou à la plasticité surprenante. Certains membres de l’UE (le Royaume-Uni, l’Irlande, la Roumanie, la Bulgarie) n’appartiennent pas à l’Espace Schengen tandis que d’autres, hors Union européenne, comme la Confédération helvétique, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande en font partie. Des États signataires de Schengen tels le Danemark, le Suède, la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie n’utilise pas l’euro, à la différence de l’Irlande. On oublie aussi que l’euro a cours de manière officielle en Andorre, à Monaco, dans la République de San Marin et dans la Cité du Vatican. La monnaie européenne est enfin de facto la monnaie officielle du Kossovo et du Monténégro.

Exempté de l’euro et de Schengen, le Royaume-Uni a eu toutes les raisons d’adopter le Brexit, sauf que sa clique politicienne anti-Brexit fait tout pour contourner les 52 % en faveur du Leave. L’incompétence crasse de Theresa May et les gesticulations stériles d’un Parlement incapable de prendre la moindre décision enlisent des négociations au point que les électeurs britanniques participeront certainement aux élections européennes à venir alors que 46 sièges britanniques ont été enlevés et les 27 restants redistribués à d’autres États dont la France afin d’assurer une meilleure représentativité démographique. Si en 1990 – 1991 les indépendantistes baltes avaient agi de la sorte, l’URSS existerait toujours, ce qui aurait été probablement un atout pour la construction politique de l’Europe. « Le mur de Berlin est-il tombé trop tôt ? La question joue de cynisme, prévient Luc Pauwels. Du point de vue humain, le communisme s’est naturellement effondré beaucoup trop tard. Mais d’un point de vue politique, il s’avère de plus en plus avoir joué un rôle malheureusement irremplaçable dans la motivation de nombreux Européens à l’édification d’une Europe politiquement unifiée (2). » En disparaissant entre 1989 et 1991, les communismes soviétique et titiste ont réveillé les nationalismes belliqueux dans les Balkans, en Transnistrie et dans le Caucase, et accru l’emprise étatsunienne sur le Vieux Continent. Leur chute a empêché les Européens de se donner les moyens de puissance propres à peser sur la scène internationale. Les politicards occidentaux se félicitaient alors des « dividendes de la paix »; ils abolissaient la conscription obligatoire et supprimaient maints régiments. La fin de la Guerre froide incita à l’impuissance européenne, au goût mortifère pour « le doux commerce » et la « fin de l’Histoire ». Le président français François Mitterrand avait un instant essayé de reprendre le concept de « Maison commune » du Soviétique Mikhaïl Gorbatchev en esquissant une « Confédération européenne » allant de Galway à Vladivostok, ce projet visionnaire fut aussitôt torpillé par l’occidentaliste tchèque Vaclav Havel. Le projet européen rata un tournant décisif et accepta sa démilitarisation mentale. Il faut reconnaître que « l’ADN de la construction européenne fut d’évacuer les rapports de force dans les relations entre États européens, souligne Nicole Gnesotto. On a mélangé les facteurs de guerre et les économies entre États afin qu’ils ne puissent plus se faire la guerre. L’idée même que l’Europe pourrait retrouver un appétit pour l’usage de la force et pour la volonté de puissance, qui est la raison de deux guerres mondiales au XXe siècle, l’idée d’une Allemagne s’appuyant sur des forces armées, est le dernier tabou de cette époque (3) ».

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Le pacifisme de l’Allemagne n’empêche pas la CDU et le SPD d’exiger maintenant que la France cède à l’évanescente Union européenne son statut de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Après plus de 70 ans de rééducation psychologique continue, la caste politicienne allemande largement inféodée à ses maîtres étatsuniens cherche à mieux enfermer la France dans le corset atlantiste. Le traité de Lisbonne reconnaît d’ailleurs ce scandaleux alignement, d’où la réintégration française dans l’OTAN en 2009. Berlin veut que Paris renonce à sa relative autonomie diplomatique sans que l’Allemagne ne fasse de son côté le moindre effort économique, financier ou monétaire. Pis, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a toujours réaffirmé la pleine souveraineté de l’Allemagne au sein de l’Union dite européenne même si cette souveraineté reste largement fictive du fait du bon vouloir des Anglo-Saxons. La cour de Karlsruhe s’exprime sur le processus européen en 1974, en 1986, en 1993 et en 2009. Sa jurisprudence, toujours constante, définit l’UE comme un groupe d’États dont la pérennité ne repose que sur la seule volonté de ses membres qui peuvent en sortir à n’importe quel moment. Mieux, au sujet de l’Union économique et monétaire, « si [elle] devait se révéler incapable de maintenir de façon permanente la stabilité existant au moment du passage à la troisième phase, prévient l’ordo-gaulliste Marie-France Garaud, elle ne serait plus conforme à ce qui a été convenu (4) ». En juin 2009, l’arrêt de Karlsruhe considère que « le Parlement européen n’a pas la même légitimité que les parlements nationaux et la représentation parlementaire allemande ne peut être privée de ses prérogatives dans les domaines essentiels de la souveraineté étatique (5) ».

Ces restrictions juridiques n’empêchent pas la classe dirigeante allemande de chercher à « convaincre les voisins et partenaires de l’Allemagne que le sauvetage de l’UE ne passe plus par l’union monétaire, mais par l’union militaire. Arrêtons de faire marcher la planche à billets à la même vitesse, selon les directives de la Banque centrale européenne, et essayons plutôt de propulser des missiles à la même cadence. Voici la recette préconisée pour remettre l’UE sur les rails : reprendre le flambeau d’une Communauté européenne de défense (CED) (6) ». Les politiciens allemands poussent à cette nouvelle solution. Elle écarterait la France de tout rôle effectif dans le concert international des puissances, calmerait ses retraités uniquement préoccupés par leurs pensions et éviterait de mécontenter Washington.

esprit.gifPrésident populiste (ou contre-populiste) élu en mai 2017 sur une forte vague « dégagiste », Emmanuel Macron défend souvent et avec une sincérité certaine le concept de « souveraineté européenne ». Son emploi à la banque Rothschild et ses fonctions successives de secrétaire général-adjoint à la présidence de la République et de ministre de l’Économie font oublier qu’il collabora à Esprit. Cette revue proche de la deuxième gauche chrétienne fut fondée en 1932 par le philosophe personnaliste Emmanuel Mounier, figure de l’aile « gauche » des non-conformistes des années 1930. Débattant régulièrement avec les fédéralistes intégraux de L’Ordre nouveau comme Denis de Rougemont, Mounier participa un temps à l’école des cadres de la Révolution nationale d’Uriage. Or, dès 1946, bien des inscrits aux cours d’Uriage, après un passage dans les maquis de la Résistance, s’installèrent dans les cabinets ministériels et contribuèrent autour de l’anglomane Jean Monnet au lancement des premiers traités européens. La Révolution nationale célébrait la « communauté française ». Les anciens promus d’Uriage célébreraient, eux, les « Communautés européennes » (7). Les définitions sémantiques s’adaptent et changent en suivant l’échelle géographique…

Emmanuel Macron a déjà défendu la constitution d’une armée européenne éventuellement distincte de l’OTAN, ce qui expliquerait en partie ses nombreux déboires… Reprise par une Angela Merkel en fin de mandat sans néanmoins la concrétiser, cette surprenante suggestion contredit en réalité l’histoire et les finalités de la pseudo-Union européenne. Par des discours prononcés à Athènes, puis à La Sorbonne, Emmanuel Macron a cru séduire les Allemands et les pousser à une meilleure intégration européenne. L’ancienne communiste retournée par les officines de l’« État profond » yankee Angela Merkel repoussa les avances du Français. On peut dire aujourd’hui que le couple franco-allemand n’existe plus. Emmanuel Macron vient peut-être de comprendre le jeu cupide de Berlin. De là les concessions qu’il a accordées aux « Gilets jaunes » en décembre dernier et la possible et faiblarde taxation des GAFAM par la seule France pour le plus grand désespoir de Berlin. L’Allemagne craint en effet la riposte des États-Unis qui augmenteraient les taxes douanières et pénaliseraient toute l’industrie outre-Rhin. Avec une Italie solidement populiste par la coalition bancale LegaMouvement Cinq Étoiles, une France réfractaire à l’idée de voir ses lourdes dépenses militaires comptabilisées dans les critères budgétaires de Maastricht, et une Espagne politiquement instable, il faut de plus en plus envisager un Deutschxit. Il est possible qu’avec le départ de la chancellerie d’Angela Merkel, son successeur, seul ou en concertation avec l’Autriche, la Slovaquie, les États baltes, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Flandre belge, quitte la Zone euro et adopte un « euro-Mark ». Ce départ provoquerait soit la formation de deux zones monétaires européennes (euro du Nord et euro du Sud), soit le retour aux monnaies nationales et/ou complémentaires régionales. Ce serait la fin du projet européen et, très certainement, la transformation du continent européen en champ de bataille, virtuelle ou réelle, entre les États-Unis, la Chine, la Turquie et la Russie.

Dans un essai récent (8), Coralie Delaume considère que le « moteur franco-allemand » est donc un mirage. Par-delà la complicité personnelle entre Charles De Gaulle et Konrad Adenauer, Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, François Mitterrand et Helmut Kohl, l’amitié germano-française est sabotée dès 1963 quand le Bundestag à la demande du ministre de l’Économie et futur chancelier, Ludwig Erhard, ratifie le traité de l’Élysée en y introduisant un préambule ouvertement atlantiste. Ce tropisme largement partagé en Europe occidentale, et désormais en Europe centrale et orientale, fait qu’« entre l’Europe puissance et l’Europe marchande posthistorique, il y a une incompatibilité radicale, souligne Coralie Delaume. […] L’Europe actuelle n’a pas été conçue comme une Europe politique, mais comme une Europe du marché et du droit où la marche des choses est soustraite à la force des passions politiques pour être placée sous le règne de la règle (9) ». L’Union pseudo-européenne confirme la dépolitisation du monde occidental envisagée par Carl Schmitt. « Il n’existe […] pas de puissance essentielle sans tradition de sa vision de la grandeur – car ne devient grand que celui qui voit grand; mais la faculté de voir le grand s’enseigne et se transmet au fil d’éducations risquées, avance Peter Sloterdijk. Sa pratique crée dans tous les Empires un athlétisme psychique et logique plus ou moins ésotérique, qui s’associe à la géographie et à la stratégie politiques (10). »

Le retour au politique de l’Europe n’est pas d’actualité malgré la montée des périls. Même en cas de conflit armé, les Européens ne sortiront pas de leur torpeur psychique et comportementale. Le secrétaire général de l’OTAN, le Norvégien Jans Stoltenberg, peut par conséquent déclarer que « l’unité de l’Europe est importante mais ne peut se substituer, être une alternative à l’unité transatlantique. La défense de l’Europe dépend de l’OTAN, d’autant que plus de 90 % des personnes vivant dans l’Union européenne vivent aussi dans un pays membre de l’OTAN (11) ». Plus que jamais, la défense européenne reste « un serpent de mer. La France en a toujours fait une priorité, mais les obstacles sont nombreux, déclare encore Nicole Gnesotto. L’Europe politique n’existe pas. L’Est et l’Ouest du continent n’ont pas la même perception des menaces. Les premiers redoutent le réveil de l’impérialisme russe et comptent encore sur les États-Unis et sur l’OTAN pour assurer leur sécurité, tandis que les seconds craignent la menace qui vient du Sud. Les attaques de Trump, qui veut se désengager de l’Europe, et le retour de la guerre ont provoqué un sursaut sur le Vieux Continent. Mais on est encore loin du compte, surtout si l’on compare les augmentations des budgets européens aux investissements massifs de la Chine et de la Russie (12) ». Il y a pourtant une urgence vitale à réagir ! Le chroniqueur très politiquement correct Christian Makarian cite Sigmar Gabriel, l’ancien vice-chancelier social-démocrate allemand : « Dans un monde où règnent les carnivores géopolitiques, nous, les Européens, sommes les derniers des végétariens (13). » Faut-il ensuite s’étonner de la mode végane et de la propagande en faveur de l’herbe qui submergent l’Europe ? « Le mot clé de cette fin de siècle, remarque Peter Sloterdijk, ce n’est pas “ décision ”, mais “ vécu ”. Les Européens n’ont plus désormais l’idée de se choisir eux-mêmes dépourvus de fondement, comme ils le firent jadis, au cours des années grises qui suivirent la guerre (14). » Que penser de certaines affirmations qui vont sciemment à l’encontre de l’essence même de l’Europe. « Les migrants, écrit une certaine Marielle Macé, professeur de littérature et écrivain, sont les nouveaux Européens, ceux pour qui l’Europe existe, ceux par qui pourra se maintenir l’idée d’Europe (15). » Les migrants voient surtout dans l’Europe une formidable corne d’abondance. Pas de doute, la moquette que Marielle Macé a probablement fumée était ce jour-là d’excellente qualité tant son plaidoyer pro-immigration allogène se montre fumeux…

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« Après l’échec de la Communauté européenne de défense, la construction européenne s’est rabattue sur l’économie, abandonnant sa défense à l’allié américain écrit Pascal Gauchon. Peut-elle aujourd’hui reprendre le chemin abandonné en 1954 ? (16) » Louis Gautier l’espère. Par exemple, « des initiatives récentes, telles la création d’un Fonds européen de défense (FEDef), la coopération permanente structurée (CSP), l’initiative européenne d’intervention (IFI) ou encore le lancement du programme aérien futur (Système de combat aérien futur / SCAF) ou de char futur (Main Ground Combat System / MGCS) en coopération avec les Allemands engagent une dynamique très positive de convergence et d’intégration européenne, en particulier dans le domaine capacitaire et industriel (17) ». L’abêtissement générationnel de nos compatriotes n’invite pourtant pas à l’optimisme. Le sursaut de l’Europe boréenne par le conflit armé relève dorénavant du vœu pieux.

Chef d’état-major des armées françaises démissionnaire en juillet 2017 et aujourd’hui employé d’une entreprise yankee, Boston Consulting Group, le général Pierre de Villiers est le frère de l’ancien homme politique libéral-conservateur Philippe de Villiers. Ce dernier vient de commettre un ouvrage (18) qui dénonce les origines atlantistes de la construction européenne (l’historien Pierre Hillard écrivait avec plus de sérieux la même chose il y a plus de dix ans…). Son frère, vrai général de salon, prévenait que « pour la défense européenne, il faut partir avec un noyau de pays qui travaillent ensemble, et non en imposant un engagement militaire supranational à vingt-huit pays. On ne meurt pas pour une entité supranationale. Quand un militaire se trouve face à l’ennemi, il sait qu’il peut y laisser sa peau. Pourquoi et pour qui fait-il cela ? On meurt pour la France, pour ses valeurs, pour son chef. […] Il faut que le ciment soit celui du sentiment d’appartenance à une communauté. Or le sentiment européen, et on peut le regretter, n’est pas suffisamment fort (19) ». Oui, hélas, le sentiment d’appartenance à la communauté européenne demeure plus que ténu auprès des peuples qui la constituent néanmoins. Les peuples européens ignorent leur longue histoire. Certes, « l’Europe ne vient pas de nulle part, note Laurent Wauquiez, le président des Républicains et président du conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes : elle est le fruit de trois traditions, gréco-latine, judéo-chrétienne et des Lumières (20) ». Quelle vision courte, étriquée et incomplète de la part d’un premier à l’Agrégation d’histoire… Manquant d’imagination, Laurent Wauquiez plagie Paul Valéry. Il ignore les trois moments décisifs de notre européanité :

– la Préhistoire marquée par l’art rupestre à Lascaux et dans la grotte Chauvet,

– le fait indo-européen (ou boréen) qui donne une parenté anthropologique commune et une autochtonie indubitable,

– la période médiévale gothique qui exprime dans sa perfection intrinsèque l’esprit ancestral cher à Dominique Venner. Comment ne pas penser à l’incendie de Notre-Dame de Paris survenue le 15 avril dernier ? « Tous les Européens ont ressenti que les flammes portaient atteinte à une réalité symbolique dont l’Europe ne peut pas se passer, déclare Peter Sloterdijk : notre “ stratigraphie morale ”, qui s’incarne dans les grands bâtiments; je pourrais dire aussi la volonté européenne d’avoir une Histoire. Et de la conserver. Notre-Dame, c’est une preuve que l’Europe existe. Notre-Dame, c’est Notre-Europe. J’ai beau être allemand, et philosophe, comme vous le dites, j’ai dormi avec Quasimodo sous la charpente de Notre-Dame ! Grâce à Victor Hugo. Et ensuite Gina Lollobrigida est venue compléter le tableau dans le rôle d’Esmeralda au cinéma (21). »

grande-rosace-de-notre-dame-de-paris.jpgLes objections qu’avance Pierre de Villiers n’en sont pas moins justifiées. Peut-on mourir pour l’euro, les fonctionnaires de la Commission de Bruxelles et L’hymne à la Joie ? La réponse immédiate est bien sûr négative. Mais faudrait-il, le cas échéant, se sacrifier pour Emmanuel Macron, François Hollande ou Nicolas Sarközy, voire pour les fameuses valeurs républicaines françaises, soit le mariage pour tous, la lutte contre toutes les discriminations possibles et imaginables, l’égalitarisme total, le féminisme outrancier et le Diktat de « Big Other » ? Non bien sûr ! Notre loyauté va à notre vision du monde, pas aux drapeaux qui étouffent nos identités organiques.

Le Figaro du 16 janvier 2019 publie les résultats édifiants d’une enquête d’opinion. À la question suivante « Parmi les unités géographiques suivantes, à laquelle avez-vous le sentiment d’appartenir avant tout ? », seuls 3 % ne se prononcent pas. Auraient-ils été perplexes devant la brutalité et le simplisme de la question typique du caractère profondément centralisateur des Français ? Une question pareille serait difficilement concevable en Suisse où s’agencent les patriotismes communal, cantonal et fédéral même si la vie urbaine moderne les corrode plus ou moins lentement… Pour ce Baromètre de la confiance Cevipof – OpinionWay, 39 % montrent sans grande surprise leur attachement à la France (les auteurs ont pris soin de ne pas mentionner la « République » avec le risque d’occulter ce funeste régime politique aux fondements universalistes et cosmopolites). 23 % se réclament de la ville, de la localité, du canton (au sens français, à savoir une circonscription rurale). 18 % préfèrent la région (Corses, Occitans, Normands), la province (Berry, Béarn) et le département (Vendée). Plus surprenant, 11 % s’attachent au monde, ce qui signifie que les mondialistes représentent déjà un dixième de la population française. Observons toutefois que cette enquête n’intègre pas l’appartenance religieuse, ce qui aurait donné des résultats très révélateurs. Et l’Europe, me direz-vous ? Elle ne rassemble que… 6 % ! Loin, très loin derrière le sentiment cosmopolite. Cette désaffection résulte de l’incurie des politiciens qui tels les médecins de Molière accusent sans cesse Bruxelles de tous les maux possibles et imaginables. En dépit des milliards d’euros déversés sur tout le continent, l’UE pâtit toujours d’une image négative. L’Union dite européenne ne fait pas rêver les peuples. Naine géopolitique, elle devient progressivement un hospice pour vieillards séniles en paupérisation plus ou moins avancée.

En euro-fédéraliste convaincu, le journaliste Jean Quatremer estime que les États nationaux sont les principaux fauteurs des travers qui rongent l’UE. Son « problème [..] est qu’elle n’est que l’émanation des États membres (22) ». « Ce sont les États qui bloquent et peuvent ainsi faire porter le chapeau à la Commission… (23) » Dans ces conditions, le correspondant permanent du quotidien français libéral – libertaire Libération auprès des institutions européennes pense que « l’Union […] n’est que la marionnette des États et aucun d’entre eux n’est prêt à accepter qu’elle lui échappe (24) ». Il le démontre au risque de contrarier les souverainistes. L’apport législatif de la Commission « n’est pas de 80 %, mais seulement de 20 % en moyenne sur une période de vingt ans, une proportion qui a même tendance à diminuer en dépit des compétences nouvelles (25) ». « La proportion de normes européennes dans les lois nationales est comprise, poursuit-il encore, entre 30 et 40 % dans les secteurs agricole, bancaire, financier et environnemental, et entre 20 et 30 % dans l’énergie, les transports, la santé ou encore le commerce extérieur (26). » Jean Quatremer constate enfin « la propension des États à communautariser les échecs nationaux et à nationaliser les succès européens (27) ».

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Il faut recouper ce point de vue, rappelons-le, pro-Union européenne, avec le témoignage du ministre grec des Finances pendant cinq mois, l’universitaire Yanis Varoufakis (28). Ce dernier le présente dans Conversation entre adultes, un ouvrage remarquable. Ce membre du gouvernement soi-disant de gauche radicale s’aperçoit assez vite que les fonctionnaires européens lui mentent ouvertement, le méprisent et ne lui communiquent aucun document officiel. Il regrette que la rédaction du communiqué final des réunions européennes soit plus importante que les décisions prises à la va-vite et qui se calent toujours sur les recommandations de la bureaucratie continentale. Il est presque impossible de discuter dans de pareils cénacles ! En effet, il revient au président de l’Eurogroupe d’introduire le sujet. Il donne ensuite la parole aux représentants respectifs de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne. Il laisse enfin s’exprimer dans un délai très bref les ministres. Yanis Varoufakis en déduit qu’« un spectateur impartial et sensé en conclurait que l’Eurogroupe n’est là que pour permettre aux ministres de valider et légitimer les décisions prises en amont par les trois institutions (29) ». Il révèle la nature de l’Eurogroupe. « Les traités européens ne lui confèrent aucun statut légal, mais c’est le corps constitué qui prend les décisions les plus importantes pour l’Europe. La majorité des Européens, y compris les politiques, ne savent pas exactement ce que c’est, ni comment il fonctionne (30). » Varoufakis se rend compte que « le Groupe de travail Eurogroupe (EWG) [est] sur le papier […] l’instance au sein de laquelle se préparent les réunions de l’Eurogroupe; en réalité, ce groupe est une sorte de sombre creuset dans lequel la troïka concocte ses plans et ses politiques (31) ». Agent direct d’Angela Merkel, Thomas Wieser « était président du Groupe de travail Eurogroupe, cet organe dont le rôle est de préparer les réunions de l’Eurogroupe, là où les ministres des Finances de chaque pays prennent les décisions clés. En théorie, donc, Wieser était le délégué de Jeroen Dijsselbloem, ministre des Finances néerlandais et président de l’Eurogroupe. Ce que je ne savais pas et que je mesurerais plus tard, c’est que c’était l’homme le plus puissant de Bruxelles, beaucoup plus puissant que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, ou que Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques et financières (le ministre des Finances de la Commission), voire, en certaines occasions, plus puissant que Dijsselbloem lui-même (32) ». En lisant Varoufakis, on saisit mieux les dessous du « Selmayrgate ». Bras droit de Jean-Claude Juncker, l’Allemand Martin Selmayr accède au secrétariat général de la Commission européenne en mars 2018. Quelques heures auparavant, il avait été nommé secrétaire général-adjoint… « Le collège des 28 commissaires a totalement démissionné, terrorisé par ce Raspoutine au petit pied, dénonce Jean Quatremer. C’est Selmayr qui gère tout, de la communication aux propositions législatives, une situation sans précédent de mémoire d’eurocrate. C’est ainsi à lui seul que l’on doit le très décevant “ cadre financier pluriannuel ” 2021-2027 qui gèle le budget communautaire à son niveau actuel ou encore le projet de démantèlement partiel de la Politique agricole commune (33). » Malgré de fortes pressions venant des parlementaires européens, Martin Selmayr n’a jamais démissionné. Pourquoi ?

Il faut connaître les formidables luttes d’influences pour comprendre le refus de la Commission européenne de créer un champion européen du rail entre l’entreprise allemande Siemens et l’entreprise française Alstom déjà bien dépouillée par des charognards financiers étatsuniens avec le consentement de François Hollande, ce qui lui aurait valu en d’autres temps un procès pour haute-trahison. La préférence européenne (ou communautaire) pratiquée jusqu’au traité de Maastricht de 1992 préservait l’économie de la CEE dans une perspective protectionniste listienne en référence au Germano-Américain Friedrich List. Dans ce cadre d’économie semi-fermée à des intervenants extérieurs furent conçus les projets Airbus et Ariane qui ne relèvent que de la volonté conjointe de grandes entreprises aéronautiques nationales et de leurs gouvernements respectifs, hors d’atteinte de toute bureaucratie dite européenne…

Il importe donc de « vaincre le concept libéral de la CEE, passer résolument de la voie politique à l’union européenne, au sens de l’Empire européen. L’Europe doit réussir sa propre décolonisation (34) ». Les conséquences qui en découleront, seraient « au bout du compte : un enrichissement mutuel, tant sur le plan économique que sur le plan culturel. Et une véritable intégration européenne, au-delà des antagonismes du passé (35) ». Dès lors, le continent se dirigerait vers une éventuelle organisation confédérale, renaissance de la patrie continentale de chacune de nos nations. « Renaissance » est d’ailleurs le titre de la liste pour les élections européennes du parti présidentiel français, un parti dont le fonctionnement s’apparente en partie à celui du Mouvement Cinq Étoiles.

Souverainistes, nationistes régionalistes et stato-nationalistes se trompent quand ils veulent la sortie de leur patrie de l’Europe. L’Europe est un continent alors qu’ils parlent d’un ensemble politico-économique composé d’États-nations. Or l’État-nation est lui aussi pourri comme d’ailleurs les régions. Il n’y a pour l’heure aucun recours possible parce que « la crise est dans l’homme (36) (Thierry Maulnier) ». Rien n’arrivera de vrai si ne s’opère pas en soi-même une véritable révolution spirituelle intégrale qui pourrait déboucher sur l’émergence d’une élite militante paneuropéenne qui n’existe pas et qui n’existera pas avant très longtemps. L’échec de Jeune Europe de Jean Thiriart dans la seconde moitié de la décennie 1960 le prouve aisément.

imjt_010.jpgSeule la civilisation européenne peut réunir de grands orchestres polyphoniques. Au début du XIIIe siècle apparaît l’« école musicale de Notre-Dame » à Paris avec Léonin et Pérotin le Grand. C’est la naissance de la polyphonie, de l’association simultanée de plusieurs voix indépendantes. La polyphonie est la seule capable de s’approcher du divin par ses compositions musicales. Par conséquent, si l’Europe ne relève pas le fantastique défi que lui impose l’histoire, nos compatriotes vivant sur un continent devenu un protectorat de forces extérieures et un haut lieu touristique muséal se demanderont en de rares moments de lucidité et avec regret : « Mais quelle Europe fallait-il construire ? S’agissait-il d’une palingénésie de l’Empire romain germanique recouvrant ses “ droits ” sur la France et les autres anciens royaumes ? S’agissait-il d’un nouveau mouvement des peuples pour dépasser leurs nationalités et s’intégrer à une communauté souveraine ou, plus vulgairement, d’une coalition entre de grandes firmes bancaires, industrielles ou commerciales ? (37) » Clio a souri aux Européens qui, frileux et craintifs, ont détourné leur regard.

En revanche, ceux qui se savent « bons Européens de l’avenir » rient aux vagues impétueuses de l’histoire. Polyphonique en elle-même, l’Europe se fera tôt ou tard par la synthèse de son passé sans répéter les mêmes erreurs. « L’Europe a failli être française avec Napoléon, et elle a failli devenir allemande avec Hitler. Dans l’un et l’autre cas, elle n’eut été qu’une Europe asservie. L’Europe que nous voulons ne doit être ni française, ni allemande, mais européenne, c’est-à-dire permettre l’épanouissement de tous ses peuples, et de toutes ses cultures. Plus variée qu’aucun autre continent, elle doit être capable de faire son unité sans rien sacrifier de cette diversité qui constitue son plus étonnant privilège (38). » « La fonction quintessencielle de la constitution de l’Europe tient dans un mécanisme de transfert de l’Empire, pense encore Peter Sloterdijk. L’Europe se met en marche et reste en mouvement dans la mesure où elle parvient à revendiquer l’Empire qui existait avant elle, et à le transformer. L’Europe est ainsi un théâtre pour les métamorphoses de l’Empire; l’idée directrice de son imagination politique est une sorte de métempsycose de l’Empire romain à travers les peuples européens déterminants et susceptibles de faire l’histoire (39). » Parmi les « peuples d’Empire » (Allemands, Espagnols, Anglais, Italiens, Russes, etc.), il désigne deux États dont la vocation serait de susciter l’Europe impériale. La France et la Suisse sont en elles-mêmes des « Europes réduites ». « La Suisse est le point de l’Europe, écrit Pierre Drieu la Rochelle, le point de tous les croisements physiques et métaphysiques, le point crucial – ce n’est pas en vain que son emblème est une croix; c’est donc un point sacré (40). » En effet, « la Suisse exprime le nœud indestructible dont est faite l’Europe : le nœud germano-latin, poursuit Drieu la Rochelle. Le Saint-Empire romain germanique figurait aussi ce nœud inévitable. Et la Suisse est une survivance du Saint-Empire. Impossible d’imaginer la Suisse sans le Saint-Empire. La Suisse s’est créée non à la marge, mais dans le milieu du Saint-Empire. Les Waldstätter, les trois cantons primitifs, étaient des terres impériales sur la route du Simplon, laquelle, de bonne heure au Moyen Âge, ajouta un nouveau lien entre les terres romaines et les terres germaines de l’Empire à tous ceux qui existaient déjà, corporels et spirituels, physiques et métaphysiques. La Suisse n’a pas été une survivance de l’Empire au sens funèbre du mot : ce fut un surgeon. La Suisse exprima la ressource organique de l’Europe. […] On ne peut pas faire une Europe d’où serait exclu ce que représentent la réalité et le mythe suisses, ce que représentent la réalité et le mythe de l’Empire (41) ».

Attendons donc le taureau, ce Kairos, qui emportera la civilisation albo-européenne vers son destin de katechon, rempart et bastion pour une terre médiane de communautés holistes conscientes de l’histoire tragique et capables d’affronter les gigantesques périls d’un univers interconnecté, effrayante combinaison du Meilleur des Mondes, de 1984, de Brazil et de la série télévisée Black Mirror.

Je vous remercie.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Robert Steuckers, « L’idée impériale en Europe », dans Jean Mabire. Magazine des Amis de Jean Mabire, n° 50, Équinoxe de Printemps 2019, pp. 10 – 11.

2 : Luc Pauwels, L’Europe impérieuse. Du long chemin de la CEE libérale à l’Empire européen, GRECE, coll. « Point de vue », n° 6, sans date, p. 5.

3 : Nicole Gnesotto, « En Europe, le besoin d’autorité l’emporte sur celui de liberté (entretien avec Isabelle Lasserre) », dans Le Figaro des 8 et 9 décembre 2018.

4 : Marie-France Garaud, Impostures politiques, Plon, coll. « Tribune libre », 2010, p. 58.

5 : Idem, p. 59.

6 : Ben Cramer, « L’Allemagne prête à flirter avec la bombe française », dans Charlie Hebdo du 28 décembre 2016.

7 : cf. Antonin Cohen, De Vichy à la Communauté européenne, PUF, 2012.

8 : Coralie Delaume, Le couple franco-allemand n’existe pas. Comment l’Europe est devenue allemande et pourquoi ça ne durera pas, Michalon, 2018.

9 : Coralie Delaume, « La “ souveraineté européenne ” est une antinomie (entretien avec Lucas Bretonnier) », dans Marianne, du 16 au 22 novembre 2018.

10 : Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille. Réflexions sur le programme d’une puissance mondale à la fin de l’ère de son absence politique, Éditions Mille et une nuits, 2003, pp. 77 – 78.

11 : dans Le Monde, du 22 février 2019.

12 : Nicole Gnesotto, art. cit.

13 : dans L’Express du 27 février 2019.

14 : Peter Sloterdijk, op. cit., p. 31.

15 : dans L’Obs du 18 avril 2019.

16 : Pascal Gauchon, dans Conflits, n° 21, avril – juin 2019, p. 64.

17 : Louis Gautier, « La défense européenne maintenant ou jamais », dans Conflits, op. cit., p. 65.

18 : Philippe de Villiers, J’ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu, Fayard, 2019.

19 : dans Le Point du 9 novembre 2017.

20 : dans Le Monde du 12 mars 2019.

21 : Peter Sloterdijk, « C’est un signal (entretien avec Christophe Ono-Dit-Biot) », dans Le Point, du 18 avril 2019.

22 : Jean Quatremer, Les salauds de l’Europe. Guide à l’usage des eurosceptiques, Calmann-Lévy, 2017, p. 191.

23 : Idem, pp. 223 – 224.

24 : Id., p. 299.

25 : Id., pp. 211 – 212.

26 : Id., pp. 219 – 220.

27 : Id., p. 225.

28 : Le dossier du n° 177 d’Éléments (avril – mai 2019) sur le populisme le range parmi les « populistes socialistes » ou « populistes de gauche ».

29 : Yanis Varoufakis, Conversation entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Éditions Les liens qui libèrent, 2017, p. 238.

30 : Idem, p. 237.

31: Id., p. 127.

32 : Id., pp. 143 – 144.

33 : Jean Quatremer, « Union européenne : nouvelle mascarade à la “ Commission Selmayr ” », mis en ligne sur Libération, le 11 juin 2018.

34 : Luc Pauwels, op. cit., p. 46.

35 : Robert Steuckers, « Vers l’unité européenne par la révolution régionale ? », dans Europa. Valeurs et racines profondes de l’Europe, tome I, Éditions Bios, 2017, p. 208.

36 : cf. Thierry Maulnier, La crise est dans l’homme, Redier, 1932.

37 : Pierre Fougeyrollas, La Nation. Essor et déclin des sociétés modernes, Fayard, 1987, p. 199.

38 : Paul Sérant, Des Choses à dire, La Table Ronde, 1973, p. 228.

39 : Peter Sloterdijk, op. cit., p. 52.

40 : Pierre Drieu la Rochelle, « Notes sur la Suisse (mars 1943) », dans Le Français d’Europe, Ars Magna, coll. « Les Ultras », 2017, p. 262.

41: Idem, pp. 256 – 257.

• Conférence prononcée à Genève (Suisse), le 27 avril 2019, à l’invitation du Cercle Proudhon et du Kalvingrad Patriote, puis revue et corrigée.

Elections européennes. Refus grandissant de l'Europe sous sa forme actuelle

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Elections européennes. Refus grandissant de l'Europe sous sa forme actuelle

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Les gains substantiels en voix des deux mouvements politiques stigmatisés respectivement sous le nom de populistes et d'extrême droite, lors des élections européennes du 27 mai, montrent un refus grandissant de l'Union européenne (UE) sous sa forme actuelle.

Celle-ci avait depuis longtemps fait illusion. Beaucoup y voyaient un effort pour faire de l'Europe une grande puissance mondiale, susceptible de se battre avec succès contre l'Empire américain et la montée en puissance de la Chine, désormais première puissance économique.

Mais c'était ne pas voir que du temps de la force des Etats-Unis, ceux-ci avaient considéré l'UE comme un ensemble vassal dans leur lutte contre la Russie. Une majorité d'Européens refusent encore de l'admettre, assujettis sous une forme ou une autre aux intérêts américains. Dans un nombre grandissant d'Etats européens cependant, le nombre des citoyens qui refusent cet assujettissement ne cesse d'augmenter. Ils cherchent à faire de l'UE, sous sa forme actuelle ou mieux sous une forme renouvelée, un véritable instrument de prise d'indépendance et de puissance.

Mais dans quels domaines et pourquoi faire ? Les « populistes », qu'il vaudrait mieux nommée souverainistes, qui sont déjà au pouvoir en Italie et dans quelques pays d'Europe centrale, ne refusent pas a priori l'UE, mais veulent la subordonner aux objectifs qu'ils se donnent en matière de souveraineté économique nationale et de politique internationale, incluant un rapprochement avec la Russie. Quant aux partis souverainistes dits d'"extrème droite", tel le Rassemblement National en France, leurs objectifs ne sont guère différents. On ajoutera la nouvelle importance des partis dits Verts qui ont gagné des sièges au Parlement du fait de l'absence constatée, malgré ses affirmations, de toute préoccupation écologique au sein de l'UE.

D'ores et déjà, les Conservateurs de la droite, du centre ou des partis se disant socialistes, au pouvoir dans les principaux Etats de l'UE, tentent de dissimuler leurs reculs, sinon leur défaite. Ils feignent de faire comme si ce refus marqué de leurs politiques européennes ne nécessitait pour satisfaire l'électorat de demain, que quelques réformes mineures. Mais les « populistes », l' « extrême droite » et les Verts ne feront aucun progrès dans l'opinion s'ils ne présentent pas clairement ce en quoi ils transformeraient l'UE, tant dans ses objectifs que dans sa forme, s'ils étaient au pouvoir.

Concernant les objectifs, il est clair que l'UE ne survivra que si elle est capable de proposer et faire appliquer un grand programme commun et obligatoire, convenablement financé, de lutte contre le réchauffement climatique et la dégradation environnementale. L'autre domaine prioritaire sera la volonté de prise d'indépendance à l'égard de Washington, dans tous les domaines où l'Europe serait capable de mieux faire que les Américains si elle échappait à leur tutelle.

Ceci devrait se marquer en premier lieu par une politique de défense véritablement européenne, qui impliquerait sans doute un refus de l'Otan. Il faudrait dans le même temps rechercher de nouvelles relations avec la Russie, la Chine, et sans doute aussi l'Inde et les principaux Etats africains. Ces relations se traduiraient par des coopérations réciproques sur un pied d'égalité et non par des volontés d'affrontement ou d'ignorance volontaire, d'ailleurs vouées à l'échec, comme les Etats-Unis l'imposent aujourd'hui aux Européens.

Solutions institutionnelles

Concernant la forme qu'adopterait une nouvelle UE capable de mener de telles politiques, il est clair qu'une UE à 28 Etats-membres, dont la moindre mesure commune exige l'accord de tous, condamne l'UE à l'impuissance. De même la présence d'une Commission européenne qui s'est attribué tous les pouvoirs régaliens définis par les traités, notamment en termes diplomatiques et économiques, fait le jeu des Etats-Unis. Ceux-ci ont dès les origines placé des agents discrets mais influents, appuyés par les dollars de la CIA, dans tous les groupes de travail et de décisions importants.

Des formules d'union à quelques membres véritablement volontaires pour agir ensemble dans les principaux domaines où l'Europe doit s'affirmer, sont indispensables. On peut en trouver des exemples dans ce que l'on nomme actuellement des Agences, telle l'Agence spatiale européenne. Le nombre de telles structures, travaillant dans la plus grande transparence possible, pourrait être considérablement augmenté. Elles incluraient selon les domaines un certain nombre d'Etats non membres de l'UE, intéressés par une coopération avec les Européens.

Inutile de préciser que le refus grandissant actuel de l'UE sous sa forme actuelle ne débouchera sur aucune de ces solutions si la majorité des citoyens européens et des forces vives du continent ne se persuadent pas de leur nécessité. Ceci se fera d'autant moins que les ennemis de l'indépendance européenne, disposant des ressources des principaux médias, continueront à les persuader que l'UE, telle qu'elle est aujourd'hui, ne peut être modifiée.

Note

Il va de soi que dans les perspectives évoquées ci-dessus, le Parlement européen serait conservée, mais son rôle serait seulement consultatif et de discussion. Il financerait des études et formulerait des recommandations. Chaque Etat y disposerait d'un nombre de sièges proportionnel à sa population.

Scrutins, scène politique européenne et concert des nations

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Scrutins, scène politique européenne et concert des nations

Irnerio Seminatore

La scène politique européenne

Aujourd'hui en Europe, il y a une droite et un centre et la gauche a disparu. La droite est populiste,souverainiste et selon certains, nationaliste et le centre, mondialiste et élitiste. A la marge du système, la gauche anti-capitaliste est devenue, à des degrés divers, immigrationniste, différencialiste et multiculturaliste. Au cœur du réacteur nucléaire, la révolution du futur chauffe l'avenir du monde dans les turbines du capitalisme technologique et financier, peuplant les prairies et les vallées de start-up et, depuis l'élection de Tump, de "fake-news".

Malgré l'usure des partis traditionnels, l'usurpation des vieux progressismes se consomme de plus en plus dans la météore gauchiste, extra-parlementaire et black-blocs, au sein des avant gardes sexistes, pro-islamistes et post-coloniales, qui ont vidé et vilipendé la doctrine réformiste de la vieille social-démocratie welfariste.

En haut de la pyramide, le régime des partis est balayé et la démocratie libérale se débat dans les tourments de l'agonie et de la fin d'un cycle. Pendant que la machine sociale cherche son nouveau modèle de fonctionnement, l'Europe se regarde dans le miroir du passé, sans reconnaître son rêve, devenu exsangue et insignifiant. Au même temps, au bas de la pyramide, une révolte sociale violente, emblématisée par les "gilets jaunes", suscite la réaction de l’État, réduit à la répression et à mangeur d'utopies. C'est pourquoi un chamboulement profond menace l'ordre politique, sous la menace du "Dies Irae".

En effet la scène électorale est occupée par les stratégies européistes et eurosceptiques qui s'affrontent dans la galaxie d'un cosmos protéiforme, torpillé par les pressions liberticides de l’orthodoxie. L'altérité sexuelle, le mirage démocratique et la défense de l'identité ethnique et religieuse sont devenus des thèmes de campagne et des combats de civilisation, contre le totalitarisme de l'indifférencié et la quête égalitariste de l'émancipation.

Un "maccartisme soft" est en marche au sein des institutions et des appareils judiciaires, comme à l'époque de la première guerre froide et avance à visage masqué, porté par une politique de communication liberticide. Par ailleurs, depuis la crise financière de 2008, l'Union européenne improvise. A l'heure des élections, la réponse des "circonstances" prend le pas, à Bruxelles, sur la"politique de la règle" et des "traités". La barrière institutionnelle de la Commission, du Parlement et du Conseil est engagée, après le Brexit et la repolitisation des enjeux d'appartenance, dans la bataille pour une vision éternaliste de l'Union.

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Des trois sphères de l'Europe, la sphère "interne", ou fonctionnaliste (l'Europe de la Communauté/Commission, traités et règles communes), est désormais surmontée en importance, par la"sphère extérieure",confédérale, l'ancien concert des Nations ou la sphère machiavélienne. C'est le lieu des tensions entre l'un et le multiple et donc de l'hostilité et du conflit, bref de la souveraineté par définition, qui est le lieu ultime de l’événement et de la décision. Il désigne la frontière du projet européen, monopolisé par la "sphère intermédiaire", celle du Conseil, le cercle des Chefs d’États et de Gouvernement, chargé du destin schmittien de l'Europe, promue à sujet d'histoire.

lvm-politiek.jpgDepuis la crise financière de 2008, selon Luuk van Middelaar, l'Union Européenne a perdu sa boussole dans la bourrasque et les vents de la "politique de l’événement". Elle se révèle incapable de navigation et de stratégie et se prive d'esprit de système et d'avenir.

L'abandon des frontières et l'invasion

Réformes, élections, recompositions politiques pour éviter la désintégration de l'Union, le multipartisme français aurait pu faciliter la fonction de direction du premier ministre, dans sa tentative de gouverner sans régner, mais cet essai a fait faillite.

La France, comme les autres pays européens a fait face à quatre crises, imputables aux chocs extérieurs, la crise des subprimes et des marchés financiers, les turbulences et conflits du Proche et Moyen Orient et le tournant populiste du monde anglo-saxon (Tump & Bréxit). Or ces crises externes, mentionnées par Luuk van Middelaar, ont été aggravées par un cumul de ruptures internes, le ralentissement économique, la déstabilisation des classes moyennes, la sortie du Royaume-Uni et, pour terminer, la crise politique et morale (vague populiste, démocratie illibérale et contestations de valeurs),qui remettent en cause les paradigmes constitutifs de l'Union.

Mais, si les crises extérieures sapent l'existence d'une gouvernance bureaucratique, incapable d'agir sans l'expérience et les prérogatives des États-nations, la difficulté mortelle du marché intérieur (N.Baverez), a été celle d'être devenue la variable d’ajustement de l'affrontement planétaire entre Chine et États-Unis, en vase d'argile entre deux vases d'acier. Cependant la crise non résolue, qui a été à la source des dynamiques anti-libérales et antimondialistes, a été incontestablement l'abandon de la souveraineté nationale et l'ouverture des frontières, transformant la mondialisation économique en migrations transnationales à grande échelle.

Ça a été un processus incontrôlé et non réglementé, dont le mot "invasion" donne la définition la plus précise et la plus dramatique du phénomène. Processus dans lequel "l'inégalité entre les peuples prend le sens qu'avait jadis l'inégalité entre les classes"(Raymond Aron). Or, dans un monde aux frontières ouvertes, l'entrée d'un tsunami d'étrangers inassimilables dilue l'identité nationale, affaiblit la cohésion des pays et menace la sécurité intérieure. Ainsi, vouloir assimiler des masses ethniques et culturelles différentes et hostiles conduit l'Occident à sa perte.

En effet, les sociétés ouvertes de l'Ouest se sont unilatéralement désarmées. Dans ces conditions ,la menace d'une disparition ethnique est devenue une menace existentielle réelle, qui, à elle seule, exige un tournant politique radical, fondé sur la défense des nations. Cependant l'arrêt de l'immigration, qui transforme l'Europe de l'Ouest en appendice de la grande Afrique et de l'Eurasie musulmanes, remet en cause l'universalisme occidental et l'alliance insidieuse entre Bruxelles et l'Islam (Pacte de Marrakesch). Cette migration sape les "remparts historiques", qui ont partagés le Nord et le Sud et l'Europe de l'Est de l'Europe de l'Ouest. Un grand renversement est en cours à l'Est du continent, où les démocraties, dites "illibérales", de Kaczynski et d' Orban, récusent la tolérance libérale sur la diversité ethnique et culturelle et l'idée falsifiante de "société ouverte", au nom du danger de mort, dressé contre la majorité chrétienne et blanche du continent.

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Ainsi l'Europe centrale et orientale devient le dernier rempart contre l'invasion islamique, comme Byzance l'a été pendant des siècles, vis à vis de l'Italie, empêchant les musulmans de la conquérir entièrement, en l'intégrant au monde islamique.

Orban, paré à la fois en Guichardin et en Machiavel, a rappelé les dangers d'une société ouverte en juillet 2017, proclamant, contre le multiculturalisme antichrétien de Bruxelles: "Aujourd'hui nous avons le sentiment d'être l'avenir de l'Europe." La profanation de centaine d'églises et la destruction de Nôtre Dame de Paris, témoignent de cette remise en cause violente de la tradition et de la foi.

L'identité européenne, l'Islam et le processus d'intégration

Dès lors il apparaît clairement aux tenants des deux héritages, celui des "racines chrétiennes de l'Europe" et celui "du camp des Lumières historiques", que le foyer central de la controverse, opposant, dans la vie de tous les jours, les changements existentiels des sociétés à la préservation de l'identité européenne comme réalité charnelle et historique, est l'Islam, comme rejet insidieux et violent de notre passé et de notre présent.

Ainsi la transposition de cet affrontement dans la sphère politique, suppose d'une part que l'Europe ne soit plus une entité indéfiniment extensible (retour aux frontières extérieures), et que la défense de l'identité européenne soit devenue un problème existentiel, imposé par le terrorisme islamique, comme négation radicale de notre civilisation. La transposition de l'identité de l'Europe, en sa signification prescriptive, du plan historique au plan politique, est bel et bien la priorité des élections parlementaires du mois de mai, qui ont pour cible la "trahison" des élites mondialistes et européistes, déconnectées du réel. En ce sens, non seulement l'aliénation post-nationale n'a jamais été comprise ni partagée par les peuples, mais la force du passé et de la tradition est beaucoup plus enracinée aujourd'hui, de l'idéologie artificielle de l'intégration européenne et ce combat est de plus en plus politique et électoral, car il est démographique, prospectif et immanent. De surcroît le nom du pluralisme qu'il affiche ne saurait être que celui de la pluralité des nations.

catilina.jpgLa démocratie, les oppositions et les blâmes

La démocratie est la saveur d'une opposition sans blâmes, la blessure pour l'abus permanent fait par Catilina à Cicéron. La possibilité d'une contradiction légitime, dissociée du "cri au loup dans la bergerie", est au fond la voix rocailleuse du souverainiste, pour une autre conception de la liberté et de la vie, si bafouée par les gardiens du Temple. Cette voix, qui vient du fond des âges, est trente fois séculaire et a résonné, avant Rome, dans la fierté et l'orgueil d'Athènes. Elle ne vient pas du Coran et ne s'adresse pas à la Oumma, mais à l'agora de ceux qui veulent rester vaillants et combattre, en hommes "libres", leurs vrais ennemis, pour contrer la servitude menaçante.

Cependant, au cœur de la campagne électorale en cours, les enjeux européens n’apparaissent pas avec évidence et sont éparpillés et fragmentés, les rendant incompréhensibles. Ainsi les verdicts électoraux se prononceront sur des formes de popularité et de légitimité gouvernementales et nationales et guère sur les problèmes centraux du système européen, l'instrumentalisation politique de la justice, la manipulation des médias, le problème du leadership, le rôle et la composition du Parlement européen lui même, à transformer en Sénat d'une future Confédération des Nations. Le thème même de la démocratie et principalement d'équilibre entre les institutions internes de chaque pays ne fait pas consensus mais dispute.

La nomination du Président de la Commission (Gouvernance interne) ou du Conseil européen (Souveraineté extérieure), n'est pas clarifiée et ne sont pas abordées, en leurs répercussions nationales, les alliances européennes sur les politiques multilatérales.

Dans l'examen des oppositions légitimes, peu d'espace a été consacré à la double crise du Royaume-Uni, représentative et constitutionnelle, ou à la rupture du consensus politique en Allemagne par l'AfD, mais suffisamment de sermons ont été entendus sur les tirs croisés de l'establishment intégrationniste contre la coalition anti-système au pouvoir en Italie, pour l'exorciser et la crever dans l’œuf. Cet inventaire est naturellement incomplet et a délaissé les thèmes brûlants de la religion et de la politique, ou de la culture et de la conscience historique. De manière générale, à la montée des souverainistes et des populistes correspond un repli des intégrationnistes, assorti d'une critique presque unanime de la bureaucratie du pouvoir central, mais sans l'affichage d'une rupture de l'unité réalisée, artificielle et désormais exsangue.

La persistance de Clausewitz et de Machiavel

L'antinomie entre l'histoire violente et l'idéal pacifique, dans un monde où la recours à la force reste possible et légitime et au moment où, depuis 1945, la dislocation de l'ordre international et l'affaiblissement des relations transatlantiques redessinent un système international plus imprévisible, une Europe de la sécurité et de la défense apparaît plausible et nécessaire.

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En effet, le leadership bienveillant des États-Unis devient de plus en plus illusoire et l'autonomie stratégique de l'Europe, un but politique atteignable. Compte tenu de la politique internationale des États-Unis, induisant un repositionnement de l'Alliance atlantique par un renforcement de la posture de dissuasion vis à vis de la Russie, l'Europe risque d'être confrontée à un vide stratégique sur le continent et à des tensions et à des crises régionales fortes, en Afrique, au Proche et Moyen Orient, ainsi que dans l'aire de turbulences du Golfe, de la Syrie et de l'Iran.

Dans ces conditions serait invalidée l'antinomie mondiale de la sécurité, selon laquelle à la stabilité de la dissuasion au niveau global il existerait moins de stabilité aux divers niveaux régionaux, ce qui veut dire, pour l'Europe, qu'elle pourrait faire face, en termes de capacités, à un conflit central sur le continent et, simultanément, à une série de crises locales extérieures. Ainsi l'ensemble des menaces qui pèsent sur L'Europe, devraient la pousser à une vision commune sur le système multipolaire, à la définition de ses intérêts vitaux aux niveau régional et global et au partage d'une culture opérationnelle en toute situation.

De surcroît, en cas de confrontation sur le continent elle serait prise en tenaille sur deux fronts, interne et extérieur, par deux ennemis, un masqué (et interne) et l'autre déclaré (et extérieur). L'Europe n'a d'autres choix que de se doter d'une conception autonome en matière de sécurité et de s'assurer des moyens nécessaires. Cela se décline en autonomie dans la lutte contre le terrorisme, en protection des infrastructures contre la cyberguerre et en contrôle efficace des frontières. Sur le fond, face à une Union européenne, en voie de dislocation, l'évocation de la nation, contre toute forme d'universalisme, d'égalitarisme et de non-discrimination prouve que la nation est encore une idée moderne et que la sécession du peuple vient des sociétés qui acceptent d'être "inclusives" des forces qui veulent les détruire.

Pour terminer et dans le but d'une recomposition du paysage politique les campagnes électorales visent à départager deux champs de la représentation parlementaire, national et européen, ce qui veut dire pour toute force politique de savoir mesurer son propre capital d'influence au sein de l'Union, en transcendant les baromètres des indices de popularité nationaux et en abordant les "séquences institutionnelles" de l'agenda européen, où seront repartis les nouveaux postes de décision de l'Union (Présidences du Conseil, de la Commission, du Parlement et de la Banque centrale européenne). Par les rails institutionnels et tracés en amont, la politique de "l'ancien monde" canalisera ainsi les poussées émergentes dans les sentiments des peuples que l'on croyait assoupis et hors de l'histoire du monde.

C'est ainsi que l'âme des peuple redevient l'aiguille symbolique du réveil des nations.

Bruxelles le 17 mai 2019

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The War of Nihilisms

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The War of Nihilisms

H.A. Scott Trask 

Ex: https://www.chroniclesmagazine.org

The first English translation of Ernst Jünger’s journals from the Second World War is a cause for celebration. The journals were like treasures stashed away in an old castle, behind a door that could be unlocked only if one learned to read German. It’s open now, and what’s inside are literary gems on every page.

Jünger’s war journals were written in six parts. The first, Gardens and Streets, covering 1940, and last, A Cottage in the Vineyard, covering 1945 to 1948, are not included in this volume. It deals with the middle four, covering the years 1941 to 1945, published in 1949 under the title Strahlungen. It’s a word difficult to render into English, but most commonly translated as “emanations” or “radiations,” which convey the power of Jünger’s highly visual and allusive prose, which glows with immense erudition and culture. 

ejwk1.jpgIn the preface to his translation of Saint-John Perse’s Anabasis (1949), T.S. Eliot explained that some gifted writers are “able to write poetry in what is called prose.” That is what Jünger did in virtually all of his writings, especially here. Strahlungen is essentially a long prose poem, brimming with symbols, ideas, insights, and searing, unforgettable images. The Argentinian poet Jorge Luis Borges wrote in Gold of the Tigers (1977), “For a true poet, every moment of existence, every act, ought to be poetic since, in essence, it is so.” Jünger understood that. Likewise, Borges wrote in The Cipher (1981) that “the intellect (wakefulness) thinks by means of abstractions; poetry (dream) by means of images, myths, or fables. Intellectual poetry should pleasingly interweave these two processes.” 

Borges is relevant because he and Jünger read and admired each other’s work. There is a wonderful photo of an aged Borges visiting Jünger at his home in Wilflingen, Germany, in Julien Hervier’s The Details of Time: Conversations With Ernst Jünger (1995).

Jünger’s literary gifts were evident from the beginning. His Storm of Steel (1920, In Stahlgewittern) is still considered by many to be the best combat memoir from the Great War. Its successor, Copse 125 (1925), is excellent as well, although not as well-known. It recounts his experience as a stormtrooper officer during the summer of 1918. Between battles, he read Laurence Sterne’s Tristram Shandy, which he carried in his map case. 

Jünger was also a war hero. In September 1918, he was awarded the Pour le Mérite, the highest honor of the Prussian military. He became a nationalist after the war “under French influence” through reading the writer Maurice Barrès. Jünger would remain a Francophile through the next war. In the 1920’s he wrote for nationalist journals, and even briefly served as a volunteer officer in the Freikorps. In 1926, he sent a copy of his third combat memoir, Fire and Blood (1925), to Hitler with the inscription, “To the Nationalist Führer, Adolph Hitler.” Yet Jünger never joined the Nazi Party nor any party-controlled organizations, and beginning in the 1930’s he was suspected of political dissidence. Yet Hitler protected him, reportedly saying on more than one occasion, “Nothing happens to Jünger.”

Ernst_Jünger-Der_Kampf_als_inneres_Erlebnis,1922.jpgJünger considered the National Socialists to be a shallow and savage version of the conservative nationalism that he supported in the 1920’s. In the journals, he refers to Hitler under the pseudonym “Kniebolo,” meaning roughly “kneel to the devil,”  because he believed the man was under demonic influence. In late 1943 he wrote, “When I compare the legitimate claims of our Fatherland with what has occurred at his hands, I am overcome with infinite sadness.”

Jünger took no part in the Stauffenberg plot to assassinate Hitler, but he knew about it, and was actually briefed on it by Lieutenant Colonel von Hofacker, with whom he argued that the Führer should be arrested, not killed. Jünger believed that political assassinations only make things worse. Yet his writings certainly inspired the aristocratic conspirators, whom he considered among “the last chivalric men.” One of them was the commander-in-chief of the German forces in France, General Carl-Heinrich von Stülpnagel, who was not only Jünger’s superior officer but a friend. Another was General Erwin Rommel, who read Jünger’s Peace in manuscript in May 1944 and reportedly said, “This is a text one can work with.”

During the previous year, the Wehr macht had actually printed 20,000 copies of Jünger’s allegorical critique of the Nazi regime, On the Marble Cliffs (Auf den Marmorklippen, 1939). It was avidly read on the Eastern Front. Jünger received a letter from a lieutenant who claimed the whole regimental staff was reading it. “At night . . .we went to our tents, where, in the Marble Cliffs, we read about what we had actually experienced.”

Jünger served as an infantry officer during the German conquest of France in the spring of 1940. The next year he was promoted to captain and assigned to German headquarters in Paris as an intelligence officer. There is surprisingly little in this first Paris journal about his work or about the general military situation, although what is there is packed with meaning. 

For instance, on October 11, he recorded that “snow has already fallen in the central area of the eastern front.” Later that month, Rudolf Hess crash-landed in Scotland on his quixotic peace mission to England. Jünger was certain Hitler authorized the mission. In January he had a conversation with a lieutenant returning from Russia who told him that his battalion lost a third of its men to the cold.

Jünger himself visited the Eastern Front in November 1942. The several months he spent there form the second part of the journal, which is full of beautiful descriptive passages of the forests and mountains and fascinating insights into the military situation. He arrived in southeastern Russia just days before the Sixth Army was surrounded at Stalingrad. He recalled that a fellow officer and confidante had predicted in the spring that a Caucasus offensive would end in disaster: “He said it would open an umbrella, meaning that it would lead to the construction of huge fronts with narrow points of access.”

Yet, despite the encirclement, the German army continued to fight in the Caucasus Mountains for another month. Jünger was still there when the general retreat was ordered. The German commander in the Caucasus, General Rudolf Konrad, told Jünger that the German High Command had forgotten the most fundamental teachings of Clausewitz, especially the strategic importance of the concentration of forces: “He said that we could attack the Caucasus, Egypt, Leningrad, and Stalingrad—just not all at once, especially while we were still caught up in secondary objectives.” That, in one sentence, is why the Germans lost the war.

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The third part of Strahlungen begins upon Jünger’s return to Paris in February 1943. He was increasingly horrified by  reports reaching him of the destruction wrought by the Anglo-American aerial bombardment. He recorded five different ways people die from the bombs: some by the blast itself; some by the collapse of structures; others by being burned alive;  still more by suffocation or asphyxiation when the raging fires consumed all the oxygen. What especially appalled him was the dropping of molten phosphorus:

The images are becoming apocalyptic; people are seeing fire raining down from Heaven. This is actually an incendiary compound of rubber and phosphorus that is inextinguishable and inescapable as it engulfs all forms of life. There are stories of mothers who have been seen flinging their children into rivers.

His wife had remained at their home in Kirchhorst, outside the city of Hannover. During one phosphorus attack, “she watched as the phosphorus poured down on the city like molten silver.” A month later, he visited the city and found it reduced “to a heap of rubble. The places where I had lived as a child, as a schoolboy, as a young officer—all had been leveled.” The same was true for all the cities of western Germany. In three years of bombing, the allies destroyed them all.

By then, Jünger was well aware of the horrors of the concentration camps, which he called “charnel houses.” He believed both sides had succumbed to various forms of nihilism. He understood nihilism precisely as Nietszche had done: as the denial of the legitimacy of all historical standards, and of the tyranny of means that had become their own ends. 

He wrote of Hitler’s war on “the nomos, which guides him infallibly,” by which Jünger meant Hitler’s disregard for the inherited norms of Western Christian civilization. He believed the allies were guilty of the same crime, as exemplifed by their demand for unconditional surrender and their murderous bombing campaign. “We see the will to destroy, even at the cost of one’s own destruction,” he wrote. “This is a demonic trait.”

He saw the obliteration of ancient structures, such as libraries, cathedrals, monuments, museums, and beautiful old homes, as “one of the stepping stones to Americanism.” America was for him a symbol of the technocratic, materialistic, soulless civilization of the future. He found some support for this view in American writers like Melville, Poe, and Faulkner, whose Pylon (1935) he reread because “it describes the abstract hell of the world of technology with such precision.” He and German jurist Carl Schmitt together read the conclusion of the second volume of Tocqueville’s Democracy in America (1838), which predicts what Schmitt describes elsewhere as “the return of the structures of the absolute state, but without aristocracy,” making “catastrophes of unimaginable dimensions possible.”

Jünger rejoiced that Paris, “the city of cities,” was spared. Paris represented to Jünger the opposite set of values to those being everywhere imposed by force. She stood for culture, refinement, and permanence. She was “like an ark, heavily laden to the gunwales with ancient treasure.” Paris thus symbolized hope to Jünger. So did the German Fronde,  in which the French nobility rose up in the 17th century to try to stave off the advent of the absolutist state. Just as the Prussian aristocracy in the Wehrmacht had tried to rid their country of a destructive tyrant.

Jünger believed that “the fate of Germany is hopeless if a new chivalric order does not emerge from its youth.” Chivalry, as Jünger understood it, represented a fusion of the Germanic warrior ethic with Christianity and classical culture. Western Civilization could not and would not survive unless all three flourished together. Jünger, who read the Bible daily during the war, more than once asserted that theology needed to be restored to its rightful place as the queen of the sciences.

Sitting across from him on a train in the spring of 1944 sat a young German paratrooper (a lieutenant) engrossed in a book. Jünger saw a younger version of himself, and the three qualities he values: courage, intellect, and honor. Jünger understood these to be the essence of aristocracy and the glory of European culture. These three were necessary to save her. It remains true today.

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[A German Officer in Occupied Paris: The War Journals, 1941-1945, by Ernst Jünger (New York: Columbia University Press) 496 pp., $40.00]

Europawahl 2019: 13 Prozent für Kleinstparteien

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Europawahl 2019: 13 Prozent für Kleinstparteien
 
Manfred Rouhs
 
 
Guten Tag ,
 
bei der Europawahl am 26. Mai 2019 haben knapp 13 Prozent der Wähler ihr Kreuz bei einer Partei gemacht, die nicht im Deutschen Bundestag vertreten ist. Die „Sonstigen“ sind damit viertstärkste Kraft im Parteiengefüge nach CDU, SPD und Grünen, vor CSU, AfD, Linke und FDP. Das beweist: Immer mehr Menschen wenden sich vom etablierten Politikbetrieb ab und suchen eine Alternative zum Einerlei von Schwarz, Grün und Rot.
 
Alternative? – Da klingelt doch was …
 
Warum kann die AfD diese 13 Prozent (noch) nicht an sich binden?
 
Breites Spektrum
 
Nun, einerseits sind die „Sonstigen“ politisch heterogen. Die Spaßpartei eines Herrn Sonneborn hat wenig gemein beispielsweise mit einer Ökologisch-Demokratischen Partei, die als konservatives Fossil seit den frühen Tagen der ökologischen Bewegung in regionalen Nischen überlebt hat und programmatisch durchaus ernst zu nehmen ist. Ganz zu schweigen von radikalen Splittergruppen marxistischer oder neofaschistischer Prägung.
 
Andererseits wäre das Potential der AfD über diese 13 Prozent hinaus wahrscheinlich noch größer, falls die Partei ein systematisches Problem in den Griff bekommen würde, das mit der Struktur des deutschen massenmedialen Betriebs zusammenhängt.
 
Desinformation der Massenmedien
 
Denn dieser Medienbetrieb berichtet über die AfD entweder gar nicht, oder negativ. Vor allem aber unterschlägt er regelmäßig die Aktivitäten der AfD-Fraktionen in Stadt und Land – mit einer für die AfD sehr nachteiligen Folge.
 

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Die meisten AfD-Fraktionen stellen fleißig Anträge und Anfragen, machen also eine ganz ordentliche parlamentarische Arbeit. Aber das bekommt Otto Normalverbraucher nur mit, wenn er sich der Mühe unterzieht, ins Internet zu gehen und auf den Webseiten der AfD nachzulesen, was deren Volksvertreter in den letzten Monaten oder Jahren getan haben.
 
Das ist vor allem vielen älteren Menschen zu anstrengend. Gerade sie sind ein immenses Potential für die AfD. Sie erwarten aber, dass der Prophet zum Berg kommt und nicht umgekehrt. Sie wollen von der AfD aktiv informiert werden.
 
Aktiv werden – nicht nur im Wahlkampf
 
Würde die Partei beispielsweise eine Monatszeitung ins Leben rufen, möglichst mit vielen Regionalausgaben, die in Millionenauflage auch außerhalb der Wahlkämpfe an die Haushalte verteilt oder an Informationsständen weitergegeben wird, dann ließe sich ihr Wählerpotential in absehbarer Zeit wahrscheinlich verdoppeln.
 

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Eine Partei, die nur im Wahlkampf öffentlich sichtbar wird, ist langweilig und ähnelt den Altparteien. Eine Partei dagegen, die sich regelmäßig aktiv beim Bürger bemerkbar macht, gewinnt an Glaubwürdigkeit und beweist Kompetenz. Sie setzte feste Wurzeln und übersteht damit auch heftige Diffamierungsstürme, wie in diesen Wochen die FPÖ in Österreich beweist.
 
Protest alleine genügt schon lange nicht mehr. Der Bürger hat ein Recht darauf, zu erfahren, wie es besser gemacht werden kann. Das Mandat, eine Gegenöffentlichkeit aufzubauen, liegt bei jedem einzelnen von uns!
 
Mit freundlichen Grüßen
 
Manfred Rouhs

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