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lundi, 07 octobre 2019

Comment une superpuissance obsédée par les sanctions perd son statut

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Comment une superpuissance obsédée par les sanctions perd son statut

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le président russe Vladimir Poutine a pris la parole hier à la réunion annuelle du Valdai Discussion Club à Sotchi. Une vidéo avec des traductions en anglais et des extraits de la transcription sont disponibles ici.

En ce qui concerne le système global, Poutine a fait une comparaison historique intéressante : Au XIXe siècle, ils se référaient habituellement à l'expression «concert des puissances». Le moment est venu de parler en termes de «concert» mondial de modèles de développement, d’intérêts, de cultures et de traditions où le son de chaque instrument est crucial, indispensable, essentiel et précieux, pour que la musique soit harmonieusement jouée, plutôt que dans une cacophonie de notes discordantes. Il est crucial de prendre en compte les opinions et les intérêts de tous les participants à la vie internationale. Permettez-moi de répéter que des relations véritablement mutuellement respectueuses, pragmatiques et, par conséquent, solides, ne peuvent être construites qu'entre États indépendants et souverains. La Russie est sincèrement attachée à cette approche et poursuit un agenda positif.

Le Concert de l’Europe était le système d’équilibre des pouvoirs entre 1815 et 1848, et de 1871 à 1914 : Une première phase du Concert de l'Europe, connue sous le nom de système du Congrès ou système de Vienne après le congrès de Vienne (1814-1815), était dominée par cinq grandes puissances européennes : la Prusse, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et l'Autriche. [...] Avec les révolutions de 1848, le système de Vienne s’est effondré et, bien que les rébellions républicaines aient été maîtrisées, une époque de nationalisme a commencé et a culminé dans l'unification de l’Italie - par la Sardaigne - et de l’Allemagne - par la Prusse - en 1871. Le chancelier Otto von Bismarck a recréé le Concert de l'Europe pour éviter que de futurs conflits ne dégénèrent en de nouvelles guerres. Le concert revitalisé comprenait la France, la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Russie et l'Italie, l'Allemagne étant la principale puissance continentale sur les plans économique et militaire.

Le Concert de Bismark a maintenu la paix pendant 43 ans, dans une Europe habituellement en guerre. Si Poutine veut être le nouveau Bismarck, je suis tout à fait d’accord.

Poutine a également fait une annonce plutôt extraordinaire :
Le président russe Vladimir Poutine a déclaré que Moscou aidait la Chine à mettre en place un système d'alerte contre les missiles balistiques. Depuis la guerre froide, seuls les États-Unis et la Russie disposent de tels systèmes, qui impliquent un ensemble de radars au sol et de satellites. Les systèmes permettent de détecter rapidement le lancement des missiles balistiques intercontinentaux. Lors d'une conférence sur les affaires internationales à Moscou jeudi, M. Poutine a déclaré que la Russie aidait la Chine à mettre en place un tel système. Il a ajouté que "c’est une chose très sérieuse qui améliorera radicalement la capacité de défense de la Chine". Sa déclaration a marqué un nouveau degré de coopération en matière de défense entre les deux anciens rivaux communistes qui ont développé des liens politiques et militaires de plus en plus étroits, tandis que Beijing et Washington ont sombré dans une guerre commerciale.

C’est aussi bon pour la Chine que pour la Russie. La Chine a immédiatement besoin d’un tel système car les États-Unis adoptent une attitude nettement plus belliqueuse à son égard.

Les États-Unis ont quitté le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire avec la Russie pour mettre en place une force de missiles nucléaires en Asie du Sud visant la Chine. Ils recherchent actuellement des pays asiatiques dans lesquels il pourrait installer de telles armes. La Chine utilise sa puissance économique pour empêcher cela, mais les États-Unis ont toutes les chances de réussir.

Alors que la Chine possède des armes performantes et peut se défendre contre une attaque de faible envergure, les États-Unis ont environ 20 fois plus d’ogives nucléaires que la Chine. Ils pourraient les utiliser dans une première frappe écrasante pour décapiter et détruire l’État chinois. Un système d’alerte rapide laissera à la Chine le temps de détecter une telle attaque et de lancer sa propre dissuasion nucléaire contre les États-Unis. Les systèmes d’alerte permettront donc de contrôler la capacité de première frappe des États-Unis.

Au cours des deux dernières années, la Russie et la Chine ont dévoilé des armes hypersoniques. À l’heure actuelle, les États-Unis ne disposent ni de telles armes ni d’un système de défense susceptible de les protéger.

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La Russie était suffisamment intelligente pour développer à la fois l’arme offensive hypersonique ultra-rapide et une défense contre elle. Via l’auteur Andrei Martyanov, nous apprenons qu’un communiqué de presse russe a été publié récemment : Traduction: Les équipes de combat du S-400, dans la région d’Astrakhan, ont organisé des exercices contre des missiles cibles hypersoniques "Favorit PM" et ont détruit toutes les cibles. La déclaration du service de presse du district militaire occidental a été annoncée. Les équipes des S-400 Triumphs provenaient des unités de défense aérienne de l'armée de l'air de Léningrad et de la défense aérienne du district militaire occidental. Et en quoi consiste ce complexe missile-cible "Favorit PM" ? Très simple, il s’agit d’une bonne vieille série de S-300 P profondément modernisée qui permet d’utiliser des missiles de type 5V55 dont les explosifs ont été retirés et qui sont capables de voler en manœuvrant à la vitesse de Mach 6, plus de 7 000 kmh. Ce sont de véritables armes antimissiles hyper-soniques et, évidemment, je n'ai aucune raison de douter de cela, le S-400 n'a eu que très peu de problèmes pour les abattre.

En plus du système d’alerte antimissiles, la Chine veut également avoir le système de défense aérienne et antimissile le plus performant. La Russie va faire une offre décente.

Le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a parlé un jour plus tôt que Poutine. Son discours et les questions/réponses sont ici. La conversation portait principalement sur le Moyen-Orient et le ton de Lavrov était plutôt fâché lorsqu’il passa à travers une longue liste d’actions américaines malfaisantes dans la région et au-delà. Des remarques intéressantes ont également été faites sur la Turquie, la Syrie et l’Ukraine. Le passage le plus intéressant a été sa réponse à une question sur les sanctions américaines contre la Russie, que certains sénateurs souhaitent encore amplifier. Lavrov a dit : J'ai entendu dire que Marco Rubio et Ben Cardin sont deux membres du Congrès américain connus pour leur russophobie. Je ne pense pas que cela implique qu’ils ont la moindre capacité d'anticipation. Ceux qui ont une opinion politique plus ou moins réfléchie de la situation auraient dû se rendre compte depuis longtemps que les sanctions n'allaient pas dans le sens qu'ils souhaitaient. Je crois qu'elles ne fonctionneront jamais. Nous avons un territoire et des richesses qui nous ont été léguées par Dieu et nos ancêtres, nous avons un sentiment de dignité personnelle et nous avons également des forces armées. Cette combinaison nous rend très confiants. J'espère que le développement économique et tous les investissements réalisés et à venir porteront également leurs fruits dans un proche avenir.

Les États-Unis adorent infliger des sanctions à gauche et à droite, et l’administration Trump en a augmenté l’usage. Mais les sanctions, surtout les sanctions unilatérales, ne fonctionnent pas. Les États-Unis ne l’ont pas reconnu car ils n’ont jamais cherché à savoir si ces sanctions remplissaient leurs objectifs. Un rapport récent du Government Accountability Office [GAO]a révélé : Les agences du Trésor, de l’État et du Commerce s’efforcent chacune d’évaluer les effets de sanctions spécifiques sur les cibles. [...] Cependant, les responsables des agences ont évoqué plusieurs difficultés pour évaluer l’efficacité des sanctions dans la réalisation des objectifs politiques plus larges des États-Unis, notamment l’isolement des effets des sanctions des autres facteurs ainsi que l’évolution des objectifs de la politique étrangère. Selon les responsables du Trésor, de l’État et du Commerce, leurs agences n’ont pas elles-mêmes procédé à de telles évaluations.

Les États-Unis sanctionnent et sanctionnent à tour de bras sans jamais vérifier si les sanctions donnent les résultats escomptés. Les efforts visant à sanctionner la Russie ont sûrement eu des conséquences inattendues. C’est la raison pour laquelle l’alliance entre la Chine et la Russie s’approfondit chaque jour. Les États-Unis ont le privilège exorbitant de disposer de leur propre monnaie utilisée comme réserve internationale. La sanction des transactions en dollars américains est la raison pour laquelle les États-Unis perdent maintenant le dollar : L'entreprise russe Rosneft, a choisi l’euro comme monnaie par défaut pour tous ses nouveaux contrats d’exportation, y compris pour le pétrole brut, les produits pétroliers, les produits pétrochimiques et le gaz de pétrole liquéfié, selon des documents d’appel d’offres. La mise à l'écart des dollars américains, qui a eu lieu en septembre selon les documents d’appel d’offres publiés sur le site Web de Rosneft, devrait réduire la vulnérabilité de l’entreprise contrôlée par l’État face à de nouvelles sanctions potentielles des États-Unis. Washington a menacé d'imposer des sanctions à Rosneft pour ses opérations au Venezuela, une décision qui, selon Rosneft, serait illégale.

L’Iran a pris des mesures comparables. Il vend maintenant du pétrole à la Chine et à l’Inde dans les deux monnaies locales. D’autres pays en tireront certainement des enseignements et commenceront également à utiliser d’autres devises pour leurs achats d’énergie. Au fur et à mesure que les transactions en dollars diminuent, ils commencent également à utiliser d’autres devises pour leurs réserves de change.

Mais les États-Unis ne perdent pas leur statut financier, ni celui de seule superpuissance à cause de ce que la Chine, la Russie ou l’Iran ont fait ou font. Ils le perdent parce qu’il ont commis trop d’erreurs.

Les États qui, comme la Russie, ont fait leurs devoirs domestiques en tireront profit.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

Le pire des Premiers ministres britanniques

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Le pire des Premiers ministres britanniques

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Le pire des Premiers ministres du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne s’appelle pas Boris Johnson. Chef du gouvernement de Sa Gracieuse Majesté depuis le 24 juillet dernier, l’élu de la circonscription londonienne d’Uxbridge et South Ruislip se démène dans un Brexit qui n’en finit plus. Ce n’est pas non plus l’« accident industriel » Theresa May, ni le travailliste Gordon Brown. Ce n’est même pas le belliciste menteur patenté à la solde des États-Unis Tony Blair ! C’est encore moins le conservateur John Major, la sociopathe carabinée Margaret Thatcher ou le tueur de masse en série Winston Churchill. Non, le pire des Premiers ministres de l’histoire britannique récente ne peut être que David Cameron.

David Cameron restera dans la postérité comme le principal responsable du désordre politique en cours outre-Manche. Soucieux de faire taire définitivement l’aile conservatrice anti-européenne et de marginaliser le national-mondialiste Nigel Farage, il soumet par référendum aux électeurs une question alambiquée sur la construction européenne. La victoire du Brexit, le 23 juin 2016, le déstabilise tellement qu’il démissionne moins d’un mois plus tard de toutes ses fonctions, y compris de son mandat de député de Witney. Il venait de comprendre que sa manœuvre retorse se retournait contre lui. En désertant le champ de bataille, à savoir les négociations épineuses de la sortie du Royaume-Uni de l’Union dite européenne, David Cameron pensait entreprendre une courte « traversée du désert » avant de revenir au pouvoir en homme providentiel des Tories. Raté ! Son calcul machiavélique s’est révélé vain.

Mais la plus grave faute de Cameron n’est pourtant pas le référendum; elle est bien plus ancienne. Le conservateur Cameron dirigea le Royaume-Uni de mai 2010 à juillet 2016. Il a la particularité d’avoir conduit un gouvernement de coalition entre 2010 et 2015. En effet, aux législatives de 2010, malgré le scrutin majoritaire uninominal à un seul tour, aucune majorité ne se dégage à la Chambre des Communes, premier indice d’une profonde désaffection des peuples des Îles britanniques envers leur Establishment pourri. Afin de renvoyer les travaillistes dans l’opposition, Cameron s’allie aux centristes libéraux-démocrates de Nick Clegg, promu vice-Premier ministre. L’entente gouvernementale torylib-dem dura toute la législature en dépit des inévitables frictions et contentieux, ce qui reste exceptionnel pour l’histoire politique britannique. Cette longévité étonnante revient à une loi votée en 2011 sur la pression des lib-dem, le Fixed-term Parliaments Act. Ce texte retire au Premier ministre le pouvoir discrétionnaire de dissoudre la Chambre des Communes pour le confier à l’assemblée elle-même par un vote à la majorité qualifiée des deux tiers.

Par cette loi, les libéraux-démocrates jouirent cinq années durant de leurs sinécures ministérielles. Or, en donnant au législatif le droit de se dissoudre, on constate que Boris Johnson est maintenant l’otage de Westminster avec le risque accru que le régime parlementaire britannique devienne à terme un régime d’assemblée, c’est-à-dire un système dans lequel le législatif à l’instar de la Convention française en 1792 – 1795 et de l’actuelle Confédération helvétique – commande un exécutif servile et dépendant.

La dissolution doit revenir à l’exécutif, soit au président dans un cadre plébiscitaire, soit au Premier ministre en tant que chef de la majorité parlementaire, ou, à la rigueur, au peuple lui-même par la voie référendaire. Incapable de former un gouvernement majoritaire, l’Israélien Benyamin Netanyahou l’a bien compris puisqu’il a demandé et obtenu de la Knesset nouvellement élue de se dissoudre aussitôt.

Face à une Chambre des Communes incapable de trancher entre un Brexit avec accord, un Brexit sans accord ou l’organisation d’un nouveau référendum, Boris Johnson devient la victime du piège involontairement tendu, huit ans auparavant, par David Cameron. Pour des motifs bassement politiciens, le pire des Premiers ministres britanniques a transformé ses successeurs en larbins plus ou moins dociles d’une clique politicienne attachée à ses privilèges.

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 141, mise en ligne sur TV Libertés, le 30 septembre 2019.

La fin de la civilisation européenne en Occident

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La fin de la civilisation européenne en Occident

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

Dans l’histoire des civilisations, il y a des marqueurs récurrents de déclin, de décadence, d’effondrement ou, mot sans doute préférable, d’entropie. Dans son livre sur la chute de la République romaine, David Engels, historien titulaire de la chaire d’histoire romaine à l’Université libre de Bruxelles, compare les diverses manifestations de cet effondrement à Rome avec ceux que l’on peut observer actuellement dans les pays de l’Union européenne (David Engels, Le Déclin, Edition du Toucan, 2013, disponible en livre de poche). Les similitudes entre ces deux mondes que tout sépare pourtant, les siècles mais aussi le degré de développement, sont assez frappantes. Nous retrouvons en effet, ici comme là, les mêmes indicateurs de déclin. En voici les principaux : 

  • Immigration

Dès 167 avant notre ère, des habitants de toute l’Italie voulant éviter l’impôt et profiter de la distribution de blé à bas prix convergent vers Rome. Ils sont rapidement rejoints par des esclaves, bientôt affranchis et faits « citoyens », des prisonniers de guerre et des immigrés, dont une foule de « Grecs » (en fait des Orientaux hellénisés). Rome est alors décrite comme un « abrégé de l’univers ». Pour Juvénal, les incendies, les disputes et les brigandages s’expliquent d’ailleurs par la présence de nombreux étrangers. L’identité culturelle de Rome semble menacée. David Engels observe une « reconfiguration radicale de la composition ethnique de l’environnement quotidien, induisant chez les autochtones un sentiment d’étrangeté face à la transformation d’un environnement créé par leurs ancêtres, et de plus en plus marqué par l’action de personnes venant d’autres horizons ». Il note que cette « reconfiguration » concerne aujourd’hui les pays de l’Union européenne.

  • Déconstruction de la famille et dérive des mœurs

Les cas de divorces se multiplient. La procédure est assouplie, le mariage devient une simple cohabitation et la séparation des conjoints, à l’initiative de l’homme ou de la femme, signe sa dissolution. David Engels note que la « liberté des mœurs » accompagne cette évolution. Divorces et adultères deviennent choses courantes, alors que le mariage, en tant qu’institution, recule. Le refus du mariage devient un mode de vie socialement ancré, voir philosophiquement légitimé dit Engels. Ce qui compte est le « bien-être personnel ». On se désintéresse de l’éducation des enfants, que l’on confie à d’autres. L’enfant est conçu comme une charge. Pétrone : « Ici personne n’élève d’enfants, car quiconque a des héritiers naturels n’est invité ni aux dîners ni aux spectacles. Il est exclu de tous les plaisirs, et vit obscurément parmi la canaille. Ceux au contraire qui n’ont jamais pris femme et n’ont point de proches parents, ceux-là parviennent aux honneurs suprêmes ». On croirait lire une description actuelle du phénomène « child free » !

  • Dénatalité et recul démographique

Alors qu’aux temps archaïques et classiques, la croissance démographique est « massive » (Engels), les auteurs romains notent un déclin phénoménal de la démographie. Cette baisse de la démographie reflète un désintérêt pour la conception et l’éducation des enfants. Tacite : « Oui autrefois, dans chaque famille, le fils d’une mère chaste était élevé non pas dans la chambre étroite d’une nourrice achetée, mais dans le sein et les bras d’une mère (…) Aujourd’hui, au contraire, aussitôt né, l’enfant est abandonné à je ne sais quelle servante grecque ». Tacite note que la multitude des esclaves (la population immigrée) croît sans mesure et que la population libre (les autochtones) diminue chaque jour. La pratique massive de la contraception et de l’avortement, qui connaissent une augmentation importante lors de la République tardive, expliquent en partie la dénatalité : « …sur un lit doré on n’a guère de femmes en couches, écrit Juvénal, tant sont efficaces les pratiques et les drogues qui rendent les femmes stériles et tuent les enfants dans le sein de leur mère ». 

  • Recul de la religion traditionnelle

La religion ancestrale est discréditée dans le même temps que les religions et philosophies étrangères pénètrent le corps social. Les croyances et traditions originelles, les cultes, les institutions religieuses séculaires déclinent et disparaissent. L’athéisme se répand, les mythes anciens sont moqués. On ne parvient plus à recruter suffisamment de prêtres, aussi la signification des rites est-elle bientôt oubliée. David Engels parle d’une « véritable crise d’identité de la religion romaine ». Les liens entre la religion traditionnelle et la République romaine se distendent et certains y voient la raison des crises, justes punitions divines résultant du déclin de la piété. La nature a horreur du vide : alors que la religion traditionnelle s’éteint, les cultes à des divinités étrangères prolifèrent. 

  • Recul de la culture autochtone

Rome devient une ville cosmopolite, une « assemblée populaire du monde », un monde entier comprimé en un seul endroit (Pline). Ici s’élabore une culture mondialisée qui aura de profonds effets sur le vécu identitaire des Romains de souche, des Romains qui deviennent lentement minoritaires dans leur propre ville (Engels). L’élite romaine s’hellénise et la population s’orientalise. Les partisans traditionnalistes doivent lutter pour que le latin garde toute sa place en tant que langue officielle à Rome et dans l’Empire. On cherche à imposer le « modèle latin » mais c’est finalement une culture gréco-romaine hybride qui l’emportera.  

On nous a souvent opposé que les dérèglements politiques, culturels, sociaux et sociétaux que nous observons dans le monde occidental, et que nous avons largement décrits dans ce blog, étaient la conséquence de la « modernité » et du « progrès », comme si ces changements s’inscrivaient logiquement dans une Histoire conçue de manière linéaire. La dénatalité, les replis démographiques, la déconstruction de la famille, l’effacement de la religion, les changements culturels, l’immigration, l’individualisme… s’expliquaient par notre degré de développement, la mondialisation et les révolutions dans les moyens de transport, les moyens de production, les moyens de communication ou les moyens d’information. Les dérèglements dont nous parlons ne seraient pas des dérèglements à proprement parler mais plutôt des adaptations sociales à un monde toujours plus technologique, connecté, ouvert, fluide et changeant. Ces dérèglements, qui n’en seraient pas, seraient donc la conséquence naturelle d’un monde ayant atteint un haut degré de civilisation. C’est pourquoi sans doute, faute de TGV, d’avions supersoniques, de téléphones portables, d’internet et de start-up, les dérèglements que nous observons ne se sont pas produits au XIXe ou au XVIIIe siècle. Le livre de David Engels fait voler en éclats ce mythe incapacitant : les Romains, déjà, sans avions, ni écrans, ont connu les mêmes symptômes de décadence que nous !

Les dérèglements observés par David Engels sont d’ailleurs également significatifs du monde juif du 1er siècle de notre ère (ou des civilisations amérindiennes du XVIe siècle). Ici, comme dans le monde romain, on constate une importante pénétration étrangère, une dérive des mœurs, un effondrement de la religion traditionnelle, un recul démographique, un affaiblissement de la culture hébraïque sévèrement remise en cause par des cultures étrangères… Dans ses écrits, l’historien juif Flavius Josèphe (né vers 37, mort vers 100), rend parfaitement compte de cette incontestable décadence hébraïque (nous y consacrerons plus tard un article). La réaction juive fut à la hauteur du défi posé : interdiction renouvelée du mariage avec des étrangers, condamnation à mort des hérétiques, rejet de l’hellénisme, élaboration d’une nouvelle religion (le judaïsme) faite d’obligations et d’interdictions touchant tous les domaines de la vie privée et publique (le Talmud comporte 613 « commandements »)… En bref, les dignitaires hébraïques vont contrecarrer l’entropie qui accable la société juive en affirmant une autorité toujours plus ferme, toujours plus liberticide et toujours plus totalitaire. Or, c’est exactement ce que David Engels observe à Rome.

En effet, à la République entrée en décadence succède « l’empire des Césars » autocratique. L’espace des libertés individuelles se réduit significativement (Engels parle de « désintégration de la liberté démocratique ») et le pouvoir se durcit, se faisant beaucoup plus contraignant. Le système impérial va ainsi établir et imposer une nouvelle religion civique, mélange de religion traditionnelle et de stoïcisme. De même, une nouvelle identité culturelle, alliant valeurs traditionnelles et valeurs hellénistiques, devient une norme garantie par le pouvoir. Désormais, le mariage est obligatoire pour tous les magistrats et l’infidélité conjugale est sévèrement punie. Le défaut de loyauté politique, culturelle ou religieuse n’est plus permis. On sait que les chrétiens, qui refuseront de souscrire à la religion civique ou de faire leur service militaire, en feront les frais. En bref, et en langage bobo, Rome est devenu un Etat « fasciste »… ce qui, dit au passage, lui a permis de tenir quatre siècles de plus.  

Pour David Engels, les pays de l’Union européenne, ne pourront survivre qu’au prix d’une telle évolution totalitaire (évolution qu’il pense d’ailleurs déjà amorcée). Cependant, dans son dernier ouvrage, écrit 6 ans après Le Déclin (Que faire ? Vivre avec le déclin de l’Europe, Blue Tiger Media, 2019), Engels estime qu’il est désormais trop tard et qu’il faut se préparer à l’effondrement prochain (« Préparez-vous » ; « Préparez-vous vite » dit-il), à moins de partir vivre avec sa famille dans un de ces pays de l’Est qui maintiennent vivace la culture européenne et chrétienne (lui-même s’est entre-temps établi en Pologne). 

Quoi qu’il en soit, nous devons constater que le couple indissociable immigration/pénétration de cultures étrangères précède, à Rome comme dans le monde juif (ou aux Amériques), le questionnement identitaire, l’affaiblissement culturel, les tensions ethniques et l’effondrement civilisationnel. Les mélanges de peuples et de cultures, comme l’ont très bien vu les textes vétérotestamentaires, provoquent le déclin des valeurs communes, le déracinement des individus, l’oubli des valeurs ancestrales, des tensions multiples et finalement l’effacement progressif du peuple souche. A Rome, comme dans le monde juif, l’effondrement suit et ne précède pas l’afflux migratoire et la désintégration identitaire.

A Rome et dans le monde juif, certes, mais qu’en est-il de notre monde ?

Le problème, lorsqu’on étudie l’Europe et notamment la France est que le déclin semble avoir commencé au XIXe siècle, c’est-à-dire avant et non pas après que s’impose le couple maudit immigration/pénétration de cultures étrangères. 

De nombreux esprits du XIXe siècle, parmi les mieux éclairés, ont parfaitement conscience du processus entropique qui commence. Louis de Bonald observe que la société post-révolutionnaire est par nature condamnée à la décadence puis à la destruction. Taine diagnostique une décadence française et une civilisation française plongée dans une « dissolution intime ». Il accuse la Révolution « française » d’en être à l’origine. Paul Bourget dans son Essai de psychologie contemporaine (1885) s’interroge sur les raisons qui expliquent la décadence en Occident. Le Déclin de l’Occident de Spengler sera publié en 1918, donc bien avant les premières vagues migratoires extra-européennes.

Si l’on regarde objectivement les faits, à partir notamment des indicateurs dégagés par David Engels, on trouvera effectivement l’apparition, timide au début, d’importants signes de déclin, et cela dès le XIXe siècle : dénatalité (c’est vrai pour la France, pas encore pour le reste de l’Europe), crise de la religion traditionnelle, crise de la famille, individualisme et dérive des mœurs (au sein de la classe dominante surtout), crise culturelle et identitaire… En bref, tout porte à croire que contrairement à ce que l’on observe dans le monde romain ou juif du 1er siècle, la décadence de notre civilisation a commencé avant et non après le choc culturel inhérent à l’arrivée massive d’étrangers. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain : une observation plus précise des faits nous confirmera cependant qu’il y a bien eu un choc culturel… mais paradoxalement sans arrivée de populations étrangères.

Les valeurs qui s’imposent en France puis en Europe à partir de 1789 ne doivent en effet pas être analysées comme des valeurs « politiques ». Ce sont à proprement parler des valeurs absolument culturelles et absolument identitaires, des valeurs qui traduisent une autre conception de la famille, une autre conception du religieux, une autre conception de l’appartenance, une autre conception de l’organisation de la société, une autre conception du rapport des hommes entre eux. Ces valeurs sont aussi éloignées des valeurs qui fondent la culture ancestrale européenne que ces dernières le sont des valeurs musulmanes par exemple. La déconstruction de la famille, l’amoindrissement des appartenances dissociées des identités, l’éradication du religieux, la destruction des communautés protectrices de l’individu face au pouvoir central, pour ne citer que quelques exemples, ont été culturellement aussi traumatisantes que l’aurait été par exemple l’islamisation de la société (voyez ici notre article sur l’ingénierie sociale républicaine ). Les révolutionnaires entendent « régénérer » la société française et cette régénération passe par l’affirmation totalitaire d’une sous-culture artificielle. Cette sous-culture, imaginée dans les cercles philosophistes du XVIIIe siècle, rejette Dieu, les traditions ancestrales et les groupes sociaux structurant la société globale. Elle impose des valeurs « universelles » qui, par la loi républicaine, se substituent aux valeurs spécifiques qui fondent la culture traditionnelle. Ces valeurs universelles organisent une société ouverte sur le monde et composée d’un agrégat d’individus dissociés, en lieu et place d’une société enracinée, organique et solidaire. Ce fut pire qu’un choc culturel : ce fut une rupture anthropologique !

Ce choc culturel causa une grave crise identitaire et prit notamment la forme, dès 1789, d’une guerre civile. On ne change pas impunément une culture millénaire. Si l’on reste dans le schéma déterministe présenté par David Engels, cette crise de la République « française » aurait du déboucher sur l’installation d’un régime dictatorial réalisant par la force une sorte de syncrétisme culturel plus ou moins acceptable pour l’ensemble de la population. Or c’est précisément ce que l’on observe avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte ! 

Il est difficile de développer complètement sa pensée dans les pages d’un blog. Le format internet s’y prête mal. Nous allons cependant oser quelques suggestions que nous pourrons éventuellement approfondir par la suite.

En restant dans le schéma évolutif exposé par David Engels (crise ethnique et identitaire / effondrement / pouvoir autoritaire qui contrecarre le déclin par un syncrétisme culturel qui rassemble), nous pouvons considérer que les dirigeants français qui se sont succédés depuis la Révolution peuvent être classés en deux catégories : ceux qui ont cherché à surmonter les crises en  préservant la culture autochtone traditionnelle, et ceux qui ont alimenté les crises en privilégiant la sous-culture républicaine artificielle au détriment de la culture autochtone. Les premiers vont plutôt promouvoir un syncrétisme culturel qui associe la sous-culture philosophiste et la culture traditionnelle. Les seconds vont plutôt s’employer à purger la culture dominante des restes de culture traditionnelle.

Napoléon 1er, Napoléon III, le maréchal Pétain et le général de Gaulle font partie de la première catégorie. La plupart des autres dirigeants, pour ne pas dire tous, font partie de la seconde.  

Rappelons rapidement que Napoléon 1er assuma l’héritage révolutionnaire, donc la sous-culture qui en émane, mais a aussi renoué avec l’Eglise, reconnaissant le catholicisme comme la religion de la majorité des Français. Les symboles impériaux reprennent les images de la France éternelle, y compris la fleur de Lys. On sait aussi que la famille patriarcale redeviendra grâce au Code civil un des piliers de la société. Etc.

Pour de nombreux catholiques, Napoléon III combat les principes de la Révolution « avec une vigueur inconnue depuis cinquante ans » (Louis Veuillot). Le second empire défend la famille, la religion et la place du clergé dans la société française. Mais en contrepartie, le régime autoritaire ne remet pas en cause les principes juridiques et sociaux qui émanent de la révolution « française ».

Le maréchal Pétain a été investi des pleins pouvoirs par la République en débâcle. Les symboles républicains (drapeau tricolore, Marseillaise, 14 juillet) restent les symboles officiels du nouveau régime. L’héritage social, juridique et administratif de la IIIe République est intégré, bien que parfois infléchi. Le régime de Vichy réhabilite ainsi la famille, l’Eglise, les traditions ancestrales, le retour aux terroirs tout en combattant la dénatalité et en pénalisant l’homosexualité… 

Le général de Gaulle, républicain apparemment irréprochable, avait on le sait une politique directement inspirée du catholicisme social et n’hésitait pas à se référer à Dieu dans ses discours. Sa conception de la famille est traditionnelle, patriarcale et nataliste. Il n’hésite pas à évoquer devant les auditoires ce qui fit la France : les 20 siècles d’histoires, la culture particulière et l’identité nationale s’enracinant dans la Gaulle romaine et le christianisme. Il incarne la France éternelle sous les oripeaux de la république universelle. 

Il nous semble reconnaître chez ces quatre personnages controversés, souvent accusés d’incarner un pouvoir autoritaire, voire dictatorial, une volonté affirmée de syncrétisme culturel, mêlant sous-culture républicaine artificielle et culture autochtone traditionnelle. Leur objectif est clairement politique : assurer l’unité nationale, sortir des révolutions et des guerres civiles. Au contraire, l’action des autres dirigeants républicains, présidents fainéants pour l’essentiel, se limitera à refouler toujours davantage la culture autochtone hors de la sphère publique, jusqu’à effrontément réduire l’identité française aux valeurs de 1789 ou à prétendre sottement que « la culture française n’existe pas ».

Le césarisme romain aura prolongé de quatre siècles l’existence de Rome. L’intermittent césarisme français aura prolongé de deux siècles l’existence de la République. Le syncrétisme culturel inauguré par Auguste cédera devant le flot d’immigrés barbares qui se déversera dans l’Empire. De la même manière, le syncrétisme culturel inauguré par Napoléon, depuis cinquante ans abandonné par la classe dominante, est maintenant emporté par le flot grossissant d’immigrants extra-européens se déversant dans la République. Il est trop tard, David Engels a raison : aujourd’hui, même un hypothétique Etat « fasciste » ne retarderait pas l’inéluctable effondrement de notre civilisation…

Alors, on fait quoi ?

Antonin Campana