Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 19 février 2020

L’autre droite polonaise

konfed.jpg

L’autre droite polonaise

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Quatre faits majeurs ont marqué les élections générales du 13 octobre dernier. La majorité gouvernementale constituée autour du PiS (Droit et Justice) de Jaroslaw Kaczynski est reconduite, ce qui est en soi un événement majeur depuis la fin du régime communiste en 1990.

Si le PiS et ses alliés remportent la majorité absolue des sièges à la Diète, cette entente ne dispose que de 48 sièges sur cent au Sénat désormais présidé par un opposant de centre-droit. Disparue à l’occasion des élections précédentes, l’Alliance de la gauche démocratique retrouve une représentation parlementaire de 49 sièges. Animée par les agrariens du Parti paysan qui sert souvent de force d’appoint aux gouvernements de droite comme de gauche, la Coalition polonaise (30 députés) réunit les centristes de l’Union des démocrates européens, les libéraux-sociaux du Parti démocratique, les régionalistes de Silésie ensemble et les anciens populistes de Kukiz’15 désormais ralliés à la démocratie directe, au conservatisme libéral et à l’intégration européenne.

Mais la surprise provient de la Confédération, véritable cauchemar de Kaczynski qui n’a pas empêché l’émergence sur sa droite d’un pôle authentiquement radical. Lancée le 6 décembre 2018, la Confédération Liberté et Indépendance avait récolté aux élections européennes de mai dernier 621 188 voix et 4,55 %. Aux législatives, ce cartel obtient 1 256 953 voix, soit 6,81 % et onze députés. Grâce à un usage massif et réfléchi des réseaux sociaux, il devient la troisième force politique chez les moins de trente ans. Pour le Sénat, en raison du mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, elle ne rassemble que 144 124 bulletins (0,79 %).

a414f953-0419-4275-99da-aff95523c50e.jpg

La Confédération Liberté et Indépendance soutient la sortie de la Pologne de l’Union européenne. Cet ensemble souverainiste s’oppose aussi à l’avortement, au féminisme et à la vague LGBTXYZ. Plutôt climatosceptique, il préconise l’emploi simultané du charbon et des énergie renouvelables. C’est enfin une alliance électorale de sept mouvements, trois majeurs et quatre mineurs. Parmi ces derniers, mentionnons l’Association nationale STOP NOP pour la connaissance de la vaccination qui rejette les campagnes de vaccination obligatoire, les protestataires anti-bureaucratiques relativement « poujadistes » du Parti des chauffeurs qui exige un code de la route moins répressif et des infrastructures routières plus sûres, l’Union des familles chrétiennes qui défend la vie et le catholicisme traditionnel, et, rassemblant d’anciens activistes de la Ligue des familles polonaises et de Samoobrona, la Ligue nationale, un temps proche du PiS, dont le discours se réfère à la doctrine sociale de l’Église et au solidarisme de troisième voie.

koooor.jpg

Examinons maintenant ses principaux piliers. Avec un élu, la Confédération de la Couronne polonaise dédiée à Dieu et à la Vierge Marie, est une formation monarchiste sans prétendant, car le royaume de Pologne fut jusqu’en 1772 une monarchie élective. Avec cinq députés chacun, le mouvement KORWIN et le Mouvement national en sont les deux moteurs. KORWIN est l’acronyme polonais de Coalition pour la restauration de la liberté et de l’espoir de la République, clin d’œil évident à son président-fondateur, l’ancien député européen loufoque Janusz Korwin-Mikke de sensibilité libertarienne minarchiste (un État réduit à ses seules prérogatives régaliennes). Lointain héritier du Parti national-démocrate du penseur nationaliste Roman Dmowski (1864 – 1939), le Mouvement national lutte pour une Pologne subsidiariste et ethniquement homogène.

roman-dmowski-a8a245c8-c87b-492e-a3c3-24f7b38c4c6-resize-750.jpeg

Roman Dmowski

La Confédération Liberté et Indépendance s’oppose avec force à la politique étrangère catastrophique, atlantiste et pro-occidentale, du PiS. Sur les traces du pro-russe Roman Dmowski, elle a proposé à la Russie de partager l’Ukraine : l’Est dont le Donbass reviendrait à Moscou, l’Ouest, y compris la Galicie, à la Pologne. Elle reprend à son compte la vision géopolitique du grand rival de Dmowski, le maréchal Pilsudski. Elle se justifie par le fait que la Pologne accueille déjà des centaines de milliers d’immigrants d’origine ukrainienne. Si pour certains, l’ukrainien ne serait qu’une variante dialectale du russe, la Confédération estime qu’il s’agit d’une variante paysanne du polonais. Aucun ne s’est demandé si l’ukrainien ne serait pas plutôt la langue-mère du polonais, du russe et du bélarussien…

Si la Confédération Liberté et Indépendance ne sombre pas dans de vaines querelles de personnes, elle pourra à terme vraiment représenter une alternative crédible à Jaroslaw Kaczynski. Encore faudrait-il qu’elle délaisse une bonne fois pour toute l’impression persistante d’amateurisme politique.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 159, mise en ligne sur TV Libertés, le 10 février 2020.

Déconstruction allemande

2-format1001.jpg

Déconstruction allemande

Ex: http://www.dedefensa.org

Plus qu’“à l’Allemande”, nous parlons d’une “déconstruction allemande”, avec l’essentiel de l’expression mis sur le mot “déconstruction”. L’Allemagne elle-même, malgré toutes ses vertus et ses nombreux fleurons, n’a en effet rien d’exceptionnel ni de spécifique dans la crise qui la frappe. Les éléments qui la composent sont similaires à ceux qu’on trouve dans la crise française, dans la crise italienne, dans l’évolution hongroise ou l’évolution polonaise, etc. Il s’agit de l’acte de déconstruction qui joue désormais à fond contre le Système, et qui s’appuie comme sur un levier sur les courants populistes de toutes sortes s’affirmant de différentes façons dans tous ces pays.

Comme on le lit ci-dessous, c’est la démission d’ Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK) de la présidence de la CDU qui porte la crise allemande à entrer dans le domaine de son paroxysme. Les éléments crisiques de ce que nous nommons “tourbillon crisique“ ont ceci de particulier par rapport au concept classique de “crise” que leur paroxysme n’est pas un instant de réalisation de toutes les tensions, mais au contraire un épisode de bonne durée, et parfois de longue durée. Ainsi en est-il du “tourbillon crisique” européen, et en son sein la crise allemande est effectivement entrée dans sa phase paroxystique puisque Merkel s’en va avec les élections législatives de 2021, que son successeur désigné AKK prend la décision brutale d’abandonner, que son renoncement est dû au caractère désormais ingouvernable, incohérent, etc., du parti conservateur CDU qui verrouillait jusqu’ici la vie politique allemande.

Forteresse équilibre et référence obligée en Europe, exemple à la fois économique et politique de puissance domestiquée, désormais meneuse de l’Europe depuis la longue agonie (à partir de Sarko, de façon accélérée) de toute ambition française à affirmer une souveraineté régalienne au coeur de l'Europe, l’Allemagne est entrée dans une crise ontologique qui est elle-même en train de pulvériser le “modèle allemand”. La digue a cédé devant la poussée populiste qui n’est évidemment rien d’autre qu’un outil maniée par les forces de résistance et de dissidence, nécessairement antiSystème en raison des positions respectives des uns et des autres. L’originalité de la situation est que la CDU est menacée par des tentations populistes sur ses deux ailes, – sur la droite avec l’AfD, sur la gauche avec Der Linke.

Les étiquettes politiques n’ont évidemment pas grande importance, tout comme le terme “populiste” utilisé à hue et à dia. Ces identifications répondent en général à l’ambition classique et purement défensive de la “diabolisation” des forces contestatrices du Système, pour tenter de retarder le plus possible les instants de vérité de l’effondrement des structures du Système. C’est en cela qu’il s’agit bien d’une bataille de déconstruction, mais d’une déconstruction paradoxale comme nous le notions hier, – avec le terme “déconstructuration” où la puissance déstructurante du Système, qui s’appuie sur ses propres structures pour se déchaîner, et, n’y trouvant plus de structures antiSystème à attaquer mais prisonnière de sa mécanique déstructurante, en vient à s’attaquer à ses propres structures, à se déstructurer elle-même :

« [...C]ette “déconstructuration” passant par l’évolution irrésistible de la surpuissance à l’autodestruction en finissant par une attaque de “déconstructuration” prenant pour cible ultime, – puisque rien d’autre ne subsiste et que la “déconstructuration” est la seule activité possible de cette surpuissance, – les structures et les constructions que le Système avait édifiées pour déstructurer et déconstruire le monde. »

Sans doute la crise allemande, qui atteint brusquement son paroxysme, est-elle la plus grave en Europe, parce qu’elle touche le pays-leader de l'ensemble européen d’une part, et que d’autre part elle touche un pays qui est complètement étranger à l’instabilités depuis sa refonte complète de 1945-1950. Au contraire de la France et de l’Italie par exemple, qui ont l’habitude des crises internes et de l’instabilité, l’Allemagne a surtout connu des crises externes. Ces crises avaient lieu dans le cadre des rapports Est-Ouest en Europe, ce cadre délimité par la position et l’action de l’URSS et la division en deux Allemagnes (RFA à l’Ouest et RDA à l’Est). D’une façon assez logique, ces crises alimentées de l’extérieur renforçaient la stabilité structurelle de la situation intérieure allemande (ouest-allemande), encouragée par les pressions des puissances “occupantes” (les USA particulièrement).

La situation est fondamentalement différente aujourd’hui, et la crise allemande se greffe dans son opérationnalité sur la crise européenne comme par un effet mimétique (alors que les autres crises nationales sont des crises à tendance eurosceptique et anti-européiste). L’Allemagne de l’après-guerre devenue Allemagne réunifiée a été conçue avec la nécessité d’un ou de plusieurs “tuteurs” (les USA, l’OTAN, l’UE) qui contribuaient indirectement mais décisivement à sa stabilité intérieur (à sa structuration intérieure). Bien entendu, les crises déstructurantes que connaissent ces “tuteurs” eux-mêmes contribuent à la fragilisation de l’Allemagne, à sa vulnérabilité aux poussées déstructurantes.

La crise allemande désormais ouverte comme une plaie béante est une crise typique de notre époque, une “crise sans but”, qui n’a pas été provoquée par l’une ou l’autre ambition, l’une ou l’autre stratégie (celle du fasciste de service, par exemple, comme on aime à le proclamer) qui apparaîtrait alors comme une structure alternative à la structure en train d’être détruite. C’est une “crise de destruction”, dont le but et l’ambition se satisfont de la destruction des structures en place ; l’ironie étant que cette sorte de “crise sans but” sinon la destruction est typique des crises suscitées par le Système, et qu’elle se fait aujourd’hui (comme d’autres parallèlement à elle) contre le Système. 

Ci-dessous, un article de RT-français du 11 février 2020, rapportant succinctement les circonstances de la crise qui a conduit à la démission d’AKK.

dedefensa.org

___________________________

w_55652731-800x450.jpg

AKK s'en va, la CDU en crise

Coup de tonnerre politique en Allemagne. Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée AKK, ne sera pas candidate à la succession d’Angela Merkel à la chancellerie et va abandonner la présidence du parti conservateur d'ici quelques mois, le temps de trouver un successeur qui sera en même temps candidat à la chancellerie. 

Lors d'une réunion dans la matinée de la direction du parti démocrate-chrétien CDU de la chancelière, Annegret Kramp-Karrenbauer a justifié sa décision par la tentation d'une partie de son camp de s'allier avec le parti de droite radicale AfD (Alternative pour l’Allemagne). «Une partie de la CDU a une relation non clarifiée avec l’AfD», a-t-elle déclaré. En outre, une frange du CDU est également partisane d'un rapprochement avec le parti de gauche radicale Die Linke, alors que AKK rejette clairement toute alliance avec l'une ou l'autre de ces formations.

Si aucun lien entre la CDU et la gauche de Die Linke n’a – pour l'heure – été établi, une partie significative des conservateurs prône en revanche ouvertement un rapprochement avec l’AfD. C’est le cas de la Werte Union, un cercle de conservateurs au sein de la CDU auquel avait fait face Annegret Kramp-Karrenbauer lors du dernier congrès du parti, à Leipzig.

Cet abandon est une conséquence directe de l'élection du président de la région de Thuringe, le 5 février, grâce aux voix coalisées du parti anti-immigration de l'AfD et de l'aile droite du parti d'Angela Merkel. A la surprise générale, le candidat du petit parti libéral FDP, Thomas Kemmerich, avait été désigné à une très courte majorité pour diriger la Thuringe, provoquant la colère de nombreux responsables politiques. La chancelière allemande avait alors fustigé «un acte impardonnable», et le secrétaire général du parti, Paul Ziemiak, avait accusé la CDU régionale d'avoir «enfreint» les règles édictées au plan national en mêlant leurs votes à ceux «de nazis». 

C'est dans ce contexte que Thomas Kemmerich a annoncé sa démission... moins de 24h après son élection. «La démission est inévitable [...] nous avons décidé de demander la dissolution du parlement de Thuringe», a-t-il déclaré le 6 février, lors d'une conférence de presse. De nouvelles élections régionales anticipées doivent bientôt être organisées.

Sans tête d'affiche à un an des élections législatives 2021, la droite allemande sort de facto affaiblie par ces deux épisodes. L'un des proches de la chancelière, le ministre de l'Economie Peter Altmaier, a parlé d'une «situation extrêmement grave» pour le parti conservateur allemand d'Angela Merkel, l'Union chrétienne-démocrate (CDU). «Il en va de notre avenir», a-t-il affirmé, tandis que la dirigeante des écologistes a parlé d'une «situation dramatique» pour le pays. 

Le départ annoncé d'AKK constitue également un revers majeur pour Angela Merkel, qui avait placé en orbite cette femme partageant peu ou prou, malgré quelques différences de fond, le même cap politique de droite «modérée». 

«Il est possible que la fin de la chancelière se rapproche», juge le quotidien Süddeutsche Zeitung, alors que le dernier mandat en cours d'Angela Merkel, entamé en 2018, est rythmé par des crises incessantes au sein de sa fragile coalition avec les sociaux-démocrates ou à l'intérieur de son propre parti. 

Parmi les potentiels successeurs à AKK, une personnalité se détache : le conservateur Friedrich Merz, vaincu de peu par l'ex-future présidente du CDU. Celui-ci a récemment acté son départ du conseil d’administration de la branche allemande de BlackRock. Objectif : revenir sur le devant de la scène politique allemande en vue de 2021 avec une ligne plus à droite.

Où est passé le bien commun ?

Bannière Tirole(1).jpg

Où est passé le bien commun ?

A propos du livre de Jean Tirole, Prix Nobel d'économie

Ex: http://www.geopolintel.fr

Depuis le retentissant échec économique, culturel, social et environnemental des économies planifiées, depuis la chute du mur de Berlin et la mutation économique de la Chine, l’économie de marché est devenue le modèle dominant, voire exclusif d’organisation de nos sociétés. Même dans le « monde libre », le pouvoir politique a perdu de son influence, au profit à la fois du marché et de nouveaux acteurs. Les privatisations, l’ouverture à la concurrence, la mondialisation, le recours plus systématique aux mises aux enchères dans la commande publique restreignent le champ de la décision publique. Et pour celle-ci, l’appareil judiciaire et les autorités indépendantes de régulation, organes non soumis à la primauté du politique, sont devenus des acteurs incontournables.

Pour autant, l’économie de marché n’a remporté qu’une victoire en demi-teinte, car elle n’a gagné ni les cœurs ni les esprits. La prééminence du marché, à qui seule une petite minorité de nos concitoyens font confiance, est accueillie avec fatalisme, mâtiné pour certains d’indignation. Une opposition diffuse dénonce le triomphe de l’économie sur les valeurs humanistes, un monde sans pitié ni compassion livré à l’intérêt privé, le délitement du lien social et des valeurs liées à la dignité humaine, le recul du politique et du service public, ou encore l’absence de durabilité de notre environnement.

Un slogan populaire qui ne connaît pas de frontières rappelle que « le monde n’est pas une marchandise ». Ces interrogations résonnent avec une acuité particulière dans le contexte actuel marqué par la crise financière, la hausse du chômage et des inégalités, l’inaptitude de nos dirigeants face au changement climatique, l’ébranlement de la construction européenne, l’instabilité géopolitique et la crise des migrants qui en résulte, ainsi que par la montée des populismes partout dans le monde.
Où est passée la recherche du bien commun ? Et en quoi l’économie peut-elle contribuer à sa réalisation ?

Pour mieux comprendre le bien commun

Définir le bien commun, ce à quoi nous aspirons pour la société, requiert, au moins en partie, un jugement de valeur. Ce jugement peut refléter nos préférences, notre degré d’information ainsi que notre position dans la société. Même si nous nous accordons sur la désirabilité de ces objectifs, nous pouvons pondérer différemment l’équité, le pouvoir d’achat, l’environnement, la place accordée à notre travail ou à notre vie privée. Sans parler d’autres dimensions, telles que les valeurs morales, la religion ou la spiritualité sur lesquelles les avis peuvent diverger profondément.

jean-tirole-500x281.jpg

Il est toutefois possible d’éliminer une partie de l’arbitraire inhérent à l’exercice de définition du bien commun. L’expérience de pensée qui suit fournit une bonne entrée en matière. Supposez que vous ne soyez pas encore né, et que vous ne connaissiez donc pas la place qui vous sera réservée dans la société : ni vos gènes, ni votre environnement familial, social, ethnique, religieux, national… Et posez-vous la question : « Dans quelle société aimerais-je vivre, sachant que je pourrai être un homme ou une femme, être doté d’une bonne ou d’une mauvaise santé, avoir vu le jour dans une famille aisée ou pauvre, instruite ou peu cultivée, athée ou croyante, grandir au centre de Paris ou en Lozère, vouloir me réaliser dans le travail ou adopter un autre style de vie, etc. ? »

Cette façon de s’interroger, de faire abstraction de sa position dans la société et de ses attributs, de se placer « derrière le voile d’ignorance », est issue d’une longue tradition intellectuelle, inaugurée en Angleterre au XVIIe siècle par Thomas Hobbes et John Locke, poursuivie en Europe continentale au XVIIIe siècle par ­Emmanuel Kant et Jean-Jacques Rousseau (et son contrat social), et plus récemment renouvelée aux États-Unis par la théorie de la justice du philosophe John Rawls (1971) et la comparaison interpersonnelle des bien-être de l’économiste John Harsanyi (1955).

Pour restreindre les choix et vous interdire de « botter en touche » par le biais d’une réponse chimérique, je reformulerai légèrement la question : « Dans quelle organisation de la société aimeriez-vous vivre ? » La question pertinente n’est en effet pas de savoir dans quelle société idéale nous aimerions vivre, par exemple une société dans laquelle les citoyens, les travailleurs, les dirigeants du monde économique, les responsables politiques, les pays privilégieraient spontanément l’intérêt général au détriment de leur intérêt personnel.

Car si […] l’être humain n’est pas constamment à la recherche de son intérêt matériel, le manque de prise en considération d’incitations et de comportements pourtant fort prévisibles, que l’on retrouve par exemple dans le mythe de l’homme nouveau, a mené par le passé à des formes d’organisation de la société totalitaires et appauvrissantes.

Concilier intérêt personnel et intérêt général

Ce livre part donc du principe suivant : que nous soyons homme politique, chef d’entreprise, salarié, chômeur, travailleur indépendant, haut fonctionnaire, agriculteur, chercheur, quelle que soit notre place dans la société, nous réagissons tous aux incitations auxquelles nous sommes confrontés. Ces incitations – matérielles ou sociales – et nos préférences combinées définissent le comportement que nous adoptons, un comportement qui peut aller à l’encontre de l’intérêt collectif.

C’est pourquoi la recherche du bien commun passe en grande partie par la construction d’institutions visant à concilier autant que faire se peut l’intérêt individuel et l’intérêt général. Dans cette perspective, l’économie de marché n’est en rien une finalité. Elle n’est tout au plus qu’un instrument ; et encore, un instrument bien imparfait si l’on tient compte de la divergence possible entre l’intérêt privé des individus, des groupes sociaux et des nations, et l’intérêt général.

9782130729969_h430.jpgS’il est difficile de se replacer derrière le voile d’ignorance tant nous sommes conditionnés par la place spécifique que nous occupons déjà dans la société, cette expérience de pensée permettra de nous orienter beaucoup plus sûrement vers un terrain d’entente. Il se peut que je consomme trop d’eau ou que je pollue, non pas parce que j’en tire un plaisir intrinsèque, mais parce que cela satisfait mon intérêt matériel : je produis plus de légumes, ou j’économise des coûts d’isolation, ou je me dispense de l’achat d’un véhicule plus propre. Et vous qui subissez mes agissements, vous les réprouverez.

Mais si nous réfléchissons à l’organisation de la société, nous pouvons nous accorder sur la question de savoir si mon comportement est désirable du point de vue de quelqu’un qui ne sait pas s’il en sera le bénéficiaire ou la victime, c’est-à-dire si le désagrément du second excède le gain du premier. L’intérêt individuel et l’intérêt général divergent dès que mon libre arbitre va à l’encontre de vos intérêts, mais ils convergent en partie derrière le voile d’ignorance.

Bien-être et droits

Un autre bénéfice de cet outil de raisonnement que représente l’abstraction du voile d’ignorance est que les droits acquièrent une rationalité et ne sont plus de simples slogans : le droit à la santé est une assurance contre la malchance d’avoir les mauvais gènes, l’égalité des chances devant l’éducation doit nous assurer contre les différences qu’induit l’environnement où nous naissons et grandissons, les droits de l’homme et la liberté sont des protections contre l’arbitraire des gouvernants, etc.

Les droits ne sont plus des concepts absolus, que la société peut ou non accorder ; ce qui les rend plus opératoires, car en pratique ils peuvent être octroyés à des niveaux divers ou entrer en conflit les uns avec les autres (par exemple, la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres).

La recherche du bien commun prend pour critère notre bien-être derrière le voile d’ignorance. Elle ne préjuge pas des solutions et n’a pas d’autre marqueur que le bien-être collectif. Elle admet l’usage privé pour le bien-être de la personne, mais pas l’abus de cet usage aux dépens des autres. Prenons l’exemple des biens communs, ces biens qui, derrière le voile d’ignorance, doivent pour des raisons d’équité appartenir à la communauté : la planète, l’eau, l’air, la biodiversité, le patrimoine, la beauté du paysage…

Leur appartenance à la communauté n’empêche pas qu’in fine ces biens seront consommés par les individus. Par tous à condition que ma consommation n’évince pas la vôtre (c’est le cas de la connaissance, de l’éclairage sur la voie publique, de la défense nationale ou de l’air). En revanche, si le bien est disponible en quantité limitée ou si la collectivité veut en restreindre l’utilisation (comme dans le cas des émissions carbonées), l’usage est nécessairement privatisé d’une manière ou d’une autre.

C’est ainsi que la tarification de l’eau, du carbone ou du spectre hertzien privatise leur consommation en octroyant aux agents économiques un accès exclusif pourvu qu’ils acquittent à la collectivité le prix demandé. Mais c’est précisément la recherche du bien commun qui motive cet usage privatif : la puissance publique veut éviter que l’eau ne soit gaspillée, elle souhaite responsabiliser les agents économiques quant à la gravité de leurs émissions, et elle entend allouer une ressource rare – le spectre hertzien – aux opérateurs qui en feront un bon usage.

Le rôle de l’économie

Ces remarques anticipent en grande partie la réponse à la ­deuxième question, la contribution de l’économie à la recherche du bien commun. L’économie, comme les autres sciences humaines et sociales, n’a pas pour objet de se substituer à la société en définissant le bien commun. Mais elle peut y contribuer de deux manières.

41-RfSol41L._SX326_BO1,204,203,200_.jpgD’une part, elle peut orienter le débat vers les objectifs incarnés dans la notion de bien commun en les distinguant des instruments qui peuvent concourir à leur réalisation. Car trop souvent, comme nous le verrons, ces instruments, qu’il s’agisse d’une institution (par exemple le marché), d’un « droit à » ou d’une politique économique, acquièrent une vie propre et finissent par perdre de vue leur finalité, allant alors à l’encontre du bien commun qui les justifiait de prime abord. D’autre part, et surtout, l’économie, prenant le bien commun comme une donnée, développe les outils pour y contribuer.

L’économie n’est ni au service de la propriété privée et des intérêts individuels, ni au service de ceux qui voudraient utiliser l’État pour imposer leurs valeurs ou faire prévaloir leurs intérêts. Elle récuse le tout-marché comme le tout-État. L’économie est au service du bien commun ; elle a pour objet de rendre le monde meilleur. À cette fin, elle a pour tâche d’identifier les institutions et les politiques qui promouvront l’intérêt général. Dans sa recherche du bien-être pour la communauté, elle englobe les dimensions individuelle et collective du sujet. Elle analyse les situations où l’intérêt individuel est compatible avec cette quête de bien-être collectif et celles où au contraire il constitue une entrave.

« Économie du bien commun » de Jean Tirole, Éditions PUF, Paris mai 2016, 640 pages, 18€.

Jean Tirole. TSE

 

Racism - A Tool of Globalisation

10094944-16x9-large.jpg

Racism - A Tool of Globalisation

Ex: https://www.katehon.com

It scarcely needs saying that, to listen to the liberal-leftist claptrap gushing from outfits such as The Guardian, one would think that Britain (and the predominantly white, Western world generally) is a hotbed of racism and xenophobia. Although having been particularly prominent since Britain’s decision to leave the European Union, the issue has again risen to headline news as a result of the so-called “Megxit” – the decision of Prince Harry and Meghan Markle to step back from royal duties, with the racism of the British tabloid press being a supposed factor.

While it is easy enough to point out anecdotal examples of racism anywhere, the notion that Britain suffers from either chronic or widespread racism – the kind that singer Lily Allen ascribes to the reason for Boris Johnson’s election victory – is difficult to defend. Academic research into the matter shows that Western countries are among the most racially tolerant in the world when it comes to the possibility of ethnic minorities moving in as next door neighbours. Remainers, who were aghast at Britain’s “xenophobic” decision to “turn its back” on Europe, may be interested to know that British parents are relatively happier for their children to enter interracial relationships than parents on the continent. And the Migration Observatory at Oxford University points out that the vast majority of immigrants to the UK find Britain to be hospitable and welcoming, and that they are able to improve their lives as a result of hard work. Moreover, while blacks are among the lowest earners in the UK, the government’s own figures show that the percentage of households earning more than £1,000 per week is greater among Indians, Chinese and other Asians than it is among British whites. So if racism is an explanation as to why some ethnic groups fail to earn as much as whites then the British people must be remarkably selective with their racism.

Nothing that demonstrates Britain as a relatively open and tolerant society should really come as much of a surprise. Britain has always been a cosmopolitan country, with centuries of experience in trade, relations and diplomacy that has stretched to every corner of the globe. And in spite of having been a supposed “oppressive” imperial power, we have also managed to remain on good terms with most of the former colonies under the aegis of the Commonwealth. The most that can be said for the notion that Britain is a “racist” country is to compare it to some purified ideal rather than to the situation in other countries – much like condemning a nation that has the highest cancer survival rates in the world on the grounds that there are still some natives who are dying from the affliction.

Because genuinely deplorable cases of racism – conscious, seething prejudice that either can or does erupt in hatred for people of other races – are difficult to discover in any statistically significant quantity, the concept has to be redefined in numerous, nebulous ways so as to present it as a problem.

One of these is to condemn people’s more casual, unwitting behaviour (such as throwaway comments, careless observations or subtly different treatment) as “micro-aggressions” or “unconscious bias”. Such behaviour may, of course, be a source of irritation for those on the receiving end, but it is likely to be a vicissitude of minority or “outsider” status based upon any characteristic, not just race. For instance, it could just as easily be experienced by a city dweller visiting the countryside or a council estate resident in posh suburbia (and vice versa). People generally tend to prefer and empathise with what is familiar to them, sifting the unfamiliar into broad categories or “stereotypes” purely as a result of inexperience. In a particular case, a few polite words may resolve the matter, but in general the eventual cure will be increased familiarity and (in the case of race) cultural integration. But even if such “unconscious bias” was a purely racial phenomenon it would hardly mean that a country is akin to a torch brandishing lynch mob.

Another tactic is simply to regard any possible behaviour as racist. For instance, while most anti-racists are concerned with hatred being directed to other races, it also seems to be “racist” to be attracted to someone because of their race. It is “racist” to ignore other cultures (or to celebrate British culture), but including them, imitating them or even celebrating them is derided as “cultural appropriation”. And pointing out any distinction based on a person’s ethnicity is also racist, yet treading the opposite path by trying to ignore racial consideration leads one to a charge of “racial insensitivity”. As if that is not enough, disagreement is shut down entirely by the dismissal of any attempt to define racism in objective terms as “white-splaining”, focussing instead on a BAME individual’s subjective feelings and “lived experience”. This has become legally manifest in so-called “hate crimes”, where the mere perception of the alleged victim is enough to permanently flag an incident as being “hate” related.

The ultimate, of course, is the notion that the mere fact of being white is sufficient to categorise a person as racist purely as a result of his “privileged” birth into an inherently oppressive social hierarchy, regardless of that person’s awareness of this alleged status. This, in turn, paves the way for claiming that any negative discrepancy between whites and ethnic minorities “must” owe itself to racism (in the same way that the gender pay gap “must” result from sexism), and that any critical words directed by a white person against a BAME individual – such as Meghan Markle – is de facto racist rather than based on some other (quite legitimate) complaint. It then, somehow, becomes the duty of the “privileged whites” to “educate” themselves on their inherently racist status rather than demanding their accusers for evidence of actual racist behaviour. This turns on its head the notion that a person asserting a proposition should bear the burden of proving it – which demonstrates, of course, that such proof is probably lacking.

The result of all of this is to rob racism of its moral gravity and its seriousness as a social issue. For if is true that minor, unwitting (but otherwise unmalicious) behaviour is racist, if any choice that could be made ends up being racist, and if white people are automatically racist by virtue of their birth, then racism cannot attract any serious moral culpability. People can be morally responsible only for their consciously chosen actions where they have the option to do good, not for aspects about themselves that they cannot help or for situations where every option is bad. But because any notion of being “racist” attracts such severe stigma, its entrenchment as an undoubted and immutable fact of society means that actual crimes and real problems are permitted to flourish in order to tiptoe around anything that could cause racial sensitivities – such as the Manchester grooming scandal, and the ignorance of the fact that white boys from poorer backgrounds are among the lowest school achievers. And so the irony of defining racism so fatuously is that real racist outcomes result from an attempt to avoid being racist.

Moreover, the whole thing could amount to a self-fulfilling prophecy, as could identity politics generally. By making people more aware of their basic characteristics such as race, gender, sexuality, creed and so on before sifting these into categories of oppressors and oppressed, the latter begin to take on the mantle of victimhood and ascribe all of their personal foibles and failures to discrimination. The result is a mental self-sentencing to a life of destitution at the hands of the white, privileged male, regardless of how hard one might try to escape from it. On the other side, if the aforesaid white, privileged male is going to be automatically condemned as racist, then he is more likely to approach BAME individuals with suspicion and hostility. Thus, antagonisms are stoked and inflamed, rather than resolved.

Much of all of this has been written before, and will continue to be written again by those who do not share a leftist disposition. Less attention, however, is paid to the reason why racism – and wokeism generally – has become such a deafening screech at the forefront of the national political conversation when the open and tolerant nature of British society is not difficult to demonstrate (and, moreover, when there are far more important issues to talk about). Indeed, as election after election has pointed out, it is really a disproportionately loud, minority conversation, perpetuated by middle class, bleeding hearts within the M25 rather than by the country as a whole – let alone any actual “victims”.

The reason for this loudness is not just because, as Laurence Fox suggested, such people need something to get upset about. In fact, the lefty, liberal, metrollectuals – as we argued in a previous essay – are actually being recruited as useful idiots in a project which has more sinister foundations.

We are currently living in a world in which the dominant paradigm is globalisation in the form of the gradual erosion of national sovereignty, open borders, the consolidation and centralisation of states into larger entities, globally managed trade, collective security and perpetual interventionism and warfare. Explicitly supranational outfits such as the EU are an example of such globalisation, but so too is increasing inter-state “co-operation” in order to combat supposedly worldwide problems such as climate change and the elimination of tax and regulatory independence. In order for this globalising project to flourish, its proponents must seek the breakdown of local, national and regional cultures, identities and allegiances, which serve to dilute or even prevent people’s adherence to globalised institutions and orders.

The problem with this programme is that it has been extremely difficult to promote and defend explicitly on account of its woeful unpopularity once its implications become clear. Openly, politicians have managed to turn to some blatantly anti-democratic measures – for instance, repackaging the rejected EU constitution as the Lisbon Treaty in order to increase European integration. More insidiously, however, they have managed to configure the so-called “Overton window” of acceptable opinion by setting up a false dichotomy of progress on the one hand and retrogression on the other. On the progressive side, their programme is associated with openness, tolerance, freedom, and advancement. On the other side, however, any celebration or assertion of national primacy, traditional values and cultures – the kind of elements, such as Brexit, that are at odds with globalisation – is painted as a plunge back to Nazism, fascism and the belligerent nationalism of the 1930s which led to World War II and mass extermination. Thus, by forcing their association with a dark era, any threats to the globalising project are neutered. Cries of “racism” are simply a part of this strategy, and it explains also why anyone a mere inch to the right of centre-left (such as Boris Johnson or Nigel Farage) is derided explicitly as a “fascist”.

All of this is demonstrated by the ways in which the mainstream media has completely inverted the way in which we should examine the record and characteristics of politicians, with serious incompetence and criminality being ignored while relatively trivial matters are given the spotlight. If a Prime Minister or President was to, say, drive his country to ruin, throw millions of bombs at foreign countries, or kill and maim countless innocent civilians, no one bats an eyelid if those actions are more or less in line with globalising tendencies. In fact, he might even be lauded as a great statesman, as those who still carry a candle for Saint Barack of Obama seem wont to do. Yet if the same politician was to, say, utter something untoward about someone’s skin colour, make reference to Muslim women wearing the burqa as “letterboxes”, unwittingly “misgender” someone, or make an ill-judged flirtation with a woman, he is likely to be hounded out of office for being “racist”, “misogynistic” or “trans-phobic”. For instance, Donald Trump’s decision to assassinate Iranian general Qasem Soleimani earlier this month is a far more important factor in determining his fitness for office – his respect for international law and diplomacy, his understanding of the limits of his constitutional authority, his grasp of geo-political circumstances, his judgment of cause and effect, not to mention the morality of extra-judicial killing – than anything “racist” he might have said. And yet, because this assassination was broadly within the programme approved by the American “deep state”, it received far less criticism than his supposed “pussy-grabbing” misogyny and innate xenophobia.

In fact, if Trump was regarded as a promoter of the globalising project rather than as a detractor, he could have said and done exactly the same “racist” and “misogynist” things that supposedly make him a terrible president, but we would hear nothing about it. The extent of Bill Clinton’s “misogynistic” record, including allegations of sexual misconduct, assault and actual rape, are worse, or at least no better, than Trump’s alleged affronts against women (and most of the latter, strangely enough, came to light only after Trump became a presidential candidate). Yet because Clinton is a liberal hero no one bothers to mention it.

The liberal-left who cry “racist!” and “fascist!” are simply gullible drones in this globalising project. The focus of our anti-racist political narrative is not on preventing real racism. It is about shaming and embarrassing us into accepting and sustaining a totalitarian world order – an order which we are, thankfully, rejecting.

Source

00:07 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, racisme, globalisation | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L’ordre public à l’abandon

5e453b1185e1b4.50028986.jpg

L’ordre public à l’abandon

Régis de Castelnau

Interview donnée au site Atlantico. Que l’on peut retrouver directement sur leur site.

RENONCEMENT COUPABLE

Dissolution de l’ordre public : le vrai procès du siècle que les Français devraient intenter à l’Etat.

Atlantico.fr : Un agriculteur de la Marne, Jean-Louis Leroux, a été mis en examen pour tentative d’homicide involontaire après avoir tiré sur un homme qui tentait de lui voler du carburant dans son exploitation. S’il a été libéré ce jeudi, le cas de l’exploitant agricole est un exemple type du renoncement de l’Etat en matière d’ordre public : son exploitation avait déjà fait l’objet d’une quarantaine de vols et, bien qu’il ait porté plainte une trentaine de fois, absolument rien n’avait été fait. 

BeFunky-collage-12-696x497.jpg

Jean-Louis Leroux, un homme juste et simple, face à une canaille magistrate sans foi ni bon sens: cet homme est désormais le symbole d'une humanité normale face à des élites dévoyées. Il faudra que justice lui soit rendue un jour, au prix le plus fort.

Le cas de Jean-Louis Leroux est à ajouter à une longue liste de cas similaires. Dans la Marne, lors d’une marche organisée en son soutien, les agriculteurs ont dénoncé « l’abandon des territoires ruraux ». Quartiers perdus de la République, campagnes… quelles sont ces catégories de la population oubliées par l’Etat et quels sont les délits que l’Etat juge « si peu importants » (exemples concrets) ? 

Régis de Castelnau : Le cas de Jean-Louis Leroux est absolument exemplaire. Le nombre de vols dont il avait été victime et le nombre de plaintes qu’il avait déposées en vain démontrent le retrait de l’État et son impossibilité désormais à assurerla sécurité des citoyens, ou au moins essayer de le faire. Rappelons qu’en France, à la différence des États-Unis par exemple, le fait de posséder des armes est interdit aux particuliers et c’est un monopole de l’État, chargé de maintenir l’ordre et la sécurité dans la société civile. Et c’est bien cette mission qui est la contrepartie de cette interdiction. Le problème est qu’aujourd’hui, et il faut le dire nettement l’État a abandonné la France périphérique et en particulier les territoires ruraux à une délinquance prédatrice qui met les habitants en rage et peut les amener pour pallier l’impuissance affichée de l’État à recourir à l’autodéfense. Et il n’y a pas beaucoup d’arguments à opposer à une population qui ne veut pas d’une violence incontrôlée mais qui ne supporte plus d’être ainsi abandonnée. Il y a des centaines d’exemples de cette dégradation de la vie civique dans les petites villes et dans les campagnes. La nouveauté depuis une quinzaine d’années, c’est l’arrivée de gangs étrangers organisés et qui se livrent à une véritable prédation sur les territoires qu’ils occupent. C’est l’exemple extraordinaire des associations caritatives dont certains de ces groupes ont pris le contrôle ! Les associations Emmaus par exemple, dans l’ouest elles sont contrôlées par des réseaux tchétchènes qui récupèrent la partie lucrative des dons pour mettre alimenter les trafics dans leur pays d’origine. Ce sont les Roms souvent mandatés par des ferrailleurs qui récupèrent tous les métaux possibles allant jusqu’à profaner les cimetières pour y récupérer les croix métalliques ou couper les fils de téléphone pour récupérer le cuivre. Il y a aussi chose extraordinaire, le vol de bétail dans les champs ou carrément du matériel agricole lourd qui prend ensuite le chemin des Balkans. Les compagnies d’assurances ne suivent plus, et les gendarmes faute de moyens n’interviennent même plus. Le pire étant qu’en général les auteurs des forfaits sont connus mais que dans le souci d’éviter des troubles sociaux, les forces de l’ordre vont se garder d’intervenir.

La question des « quartiers perdus de la république » est une peu différente, la faillite du système d’assimilation à la française, a concentré dans les banlieues anciennement rouges des populations dont la majorité n’a aucune perspective d’intégration. L’État s’est retiré de ces territoires et la nature ayant horreur du vide en a laissé l’organisation à l’alliance entre la pègre et les barbus, le tout avec des administrations municipales qui pour se reproduire se vautrent très souvent dans un clientélisme qu’on n’imagine pas. Aucune tendance politique n’est épargnée et aujourd’hui en Seine-Saint-Denis le parti de Christoph Lagarde en fait une splendide démonstration.

Atlantico.fr : Comment expliquer ce renoncement total de l’Etat en matière d’ordre public ? Quelles en sont les causes ? Est-ce dû à de trop lourdes préoccupations budgétaires où est-ce également le fait d’une vision idéologique de la politique pénale ou de la répression différenciée selon les profils de délinquants ou criminels ? 

Régis de Castelnau : C’est d’abord une question de moyens, et clairement l’inspection générale des finances de Bercy s’opposera à toute allocation de ressources supplémentaires aux forces policières chargé de l’ordre républicain sur le territoire et surtout chargé de prévenir et de lutter contre la délinquance qui pourrit la vie des citoyens : violence, vols, cambriolages, agressions gratuites, toute cette violence de tous les jours dont les statistiques nous ont montré l’explosion.

C’est exactement la même chose avec le service public de la justice. Je recommande la lecture du livre remarquable d’Olivia Dufour «Justice, une faillite française » remarquable diagnostic et réquisitoire contre cet État refusant pour des raisons budgétaires de doter la France d’une Justice digne de ce nom. Alors, face à ce manque de moyens, tant des forces de l’ordre que de l’appareil judiciaire, un certain nombre de comportements on finit par être adoptés. Il y a tout d’abord une forme de consensus entre les forces de police et les parquets pour laisser impunie toute une délinquance que l’on va qualifier « de tous les jours », délinquance qui a quand même un impact considérable sur la population. On trouve ainsi banal qu’à diverses occasions des milliers de voitures, qui sont celles des pauvres, soient incendiées. Il n’y a jamais ni recherche des auteurs (en général bien connus des forces de police) et une volonté de minorer le phénomène de la part des pouvoirs publics. Pareil pour les cambriolages, les vols avec ou sans violence, les agressions gratuites etc. Il faut savoir qu’il y a en France 1 million et demi d’infractions avec auteurs connus par an qui ne sont pas poursuivies ! Concernant la répression pénale deux facteurs rendent celle-ci impuissante. Tout d’abord énormément de décisions ne reçoivent aucune exécution, faute de moyens, c’est-à-dire de magistrats chargés de les prendre en charge, et de moyens techniques (nombre de places de prison, éducateurs, juges de l’application des peines), ce qui fait que des gens ayant parfois jusqu’à 20 condamnations sur leurs casiers judiciaires n’ont jamais fait une minute de détention. La valeur dissuasive de cette répression n’existe pas. Mais il y a aussi une part d’idéologie, ou évidemment la culture de l’excuse est très prégnante et aboutit à un « à quoi bon » tout à fait démobilisateur. Il y a une perception justifiée que la répression s’abat sur des populations déjà défavorisées ou marginales, alors beaucoup pensent que ce n’est pas la peine d’en rajouter. Paradoxalement, l’incroyable répression dont ont été l’objet les gilets jaunes et le mouvement social le démontre aussi. Dès lors qu’ils se sont trouvés en face des couches populaires et non plus des populations marginales, des magistrats ont eu la main particulièrement lourde. Ce qui démontre que le « laxisme » qui existe lorsqu’on examine les conséquences de la répression n’est pas une fatalité, mais relève bien un choix politique.En tout cas, il n’est pas excessif de dire que cette délinquance a été aujourd’hui en partie dépénalisée. Ce qui pour les « honnêtes gens » est quelque chose d’insupportable quand ils y sont confrontés. Il y a également un domaine où les magistrats ont la main particulièrement lourde comme le démontre l’affaire Leroux. Terrorisé par les risques de basculement dans l’autodéfense et la violence arbitraire qui l’accompagnerait, les tribunaux condamnent lourdement toutes les velléités de légitime défense. Suscitant d’ailleurs une incompréhension et une rage de très mauvais augure.

carmag.jpg

Atlantico.fr : Comment remédier à cette situation ? Comment éviter que l’ordre public ne se dissolve davantage ? 

Régis de Castelnau : Je pourrais vous répondre lapidairement, « en débarrassant la France de ce gouvernement et de ce président qui n’ont qu’une obsession : démanteler les services publics y compris des grands services publics administratifs régaliens que sont la police et la Justice ». Lorsque l’on voit les réformes d’organisation et de procédure judiciaires adoptées au printemps dernier, la volonté d’Emmanuel Macron apparaît clairement. Rendre plus difficile, plus compliqué, plus cher l’accès à la justice en espérant tarir la source des contentieux. C’est exactement ce qui s’est passé avec les ordonnances travail où le recours aux prud’hommes a été à ce point compliqué, que le nombre d’affaires dont ces juridictions sont saisies s’est complètement effondré.

Donc pour remédier à la situation décrite, et revenir à un ordre républicain qui n’est plus aujourd’hui assuré, il n’y a qu’une solution : redonner à la police et à la justice les moyens d’exercer leurs missions.

00:05 Publié dans Actualité, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, droit | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook