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vendredi, 11 mars 2022

À l'ère de la perte de la réalité Une nouvelle ère de l'irrationnel commence-t-elle ?

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À l'ère de la perte de la réalité

Une nouvelle ère de l'irrationnel commence-t-elle ?

Andreas Mölzer

Source: https://andreasmoelzer.wordpress.com/2022/03/10/im-zeitalter-des-realitatsverlusts/

Quelle fierté n'avons-nous point de vivre à l'époque sublimes de nos belles Lumières, d'une société ouverte et d'une vision du monde libérale et scientifiquement fondée? Nous avions laissé derrière nous le sombre Moyen-Âge, l'époque des guerres de religion à caractère fondamentaliste et le XXe siècle avec ses idéologies totalitaires, le fascisme et le communisme soviétique. Et avec l'effondrement du socialisme réellement existant, on a même cru un moment que l'ère de la paix éternelle était arrivée. La fin de l'histoire et la victoire globale de la démocratie libérale ont été proclamées. La seule superpuissance restante, les États-Unis d'Amérique, a certes tenté d'imposer cette dernière à l'échelle mondiale, ou du moins de faire de cette démocratie libérale la référence pour tout État dans le monde entier.

Comme nous le savons aujourd'hui, il s'agit d'une tentative vaine et probablement insensée. Quant à la société ouverte et à son prétendu caractère éclairé et progressiste, il apparaît de plus en plus clairement que cette magnifique société ouverte est de plus en plus régulée par les impavides maximes du politiquement correct et qu'au lieu d'éclaircir et d'élargir nos horizons, ce sont désormais de nouveaux dogmes qui dominent, issus de tristes courants à la mode comme le féminisme, le gendérisme, le Black Lives Matter, la "wokeness" et autres fadaises du même acabit. Ainsi, en y regardant de plus près, on peut rapidement avoir l'impression que nous ne vivons pas du tout dans une ère éclairée, mais plutôt au début d'une ère d'irrationalité foncière.

Au début de celle-ci se trouve l'hypothèse de "l'homme nouveau", tel que la gauche le conçoit depuis la Révolution française, en passant par le marxisme pour aboutir à l'École de Francfort, et tel qu'elle veut le réaliser à tout prix - par la violence s'il le faut. Cet "homme nouveau", qui nie purement et simplement la nature humaine telle qu'elle s'est développée au cours de l'évolution, avec toutes ses profondeurs et ses abysses, est devenu la source du totalitarisme et des génocides partout où il a été tenté de le faire émerger par la violence, au forceps. Cela était déjà évident lors de la phase meurtrière de la Révolution française, où des milliers de personnes ont dû passer la tête sous la lunette de la guillotine. C'est également évident dans le cas de la politique meurtrière de Joseph Staline en Union soviétique, ainsi que dans le communisme de l'âge de pierre de Pol Pot au Cambodge ou dans la révolution culturelle de Mao Zedong en Chine.

Mais ce n'est pas seulement "l'homme nouveau" dans la société sans classes du socialisme réellement existant qui a donné naissance à de telles monstruosités. L'"homme nouveau" de sang aryen, né de l'illusion raciale et de l'idéologie de l'homme supérieur, devait lui aussi devenir la source d'atrocités terribles. La Seconde Guerre mondiale et le génocide en furent la conséquence. La négation de la nature humaine, qui allait de pair avec la conception de l'"homme nouveau", indiquait déjà un pas vers l'irrationalité. Ceux qui croient pouvoir changer la société en prenant l'attitude de l'ingénieur social et en ignorant, voire en niant l'homme dans ses forces et ses faiblesses, dans ses besoins et ses capacités, et en substituant à la psychologie et à la biologie humaines des prescriptions idéologiques comme mesure de toute chose, doivent finalement recourir à des moyens tyranniques et à l'ignorance de la réalité pour imposer leurs objectifs. Une entreprise qui a douloureusement échoué au siècle dernier, comme nous pouvons facilement le constater avec le fascisme national-socialiste, mais aussi avec le communisme soviétique.

L'hostilité à l'égard de la technique et l'ignorance des connaissances scientifiques, qui sont apparues comme un contre-mouvement à l'idolâtrie absolue de la technique après la révolution industrielle, constituent un pas supplémentaire vers l'ère de l'irrationnel en laquelle nous entrons. Si, après la révolution industrielle et dans le cadre du développement de technologies toujours plus performantes, on a cru que la technique permettrait de résoudre tous les problèmes de l'humanité, une sorte d'idéologie technophobe, d'hostilité à l'égard de la technique, s'est développée au cours des dernières décennies, en quelque sorte comme un mouvement inverse. Ce mouvement irrationnel et idéologisé est porté par les différents partis verts qui se sont constitués à travers l'Europe. La nouvelle gauche, issue du mouvement de 68, a rapidement récupéré le mouvement antinucléaire. Le mouvement hostile à la guerre du Vietnalm a donné naissance au mouvement pour la paix, qui s'est en outre opposé à l'utilisation militaire des armes nucléaires.

C'est sur la base de ces mouvements que se sont développés les partis verts qui, dans les années 80, étaient si puissants qu'ils ont fait leur entrée dans les assemblées et les parlements respectifs. A l'origine, la protection de l'environnement et de la nature était plutôt l'apanage de groupes conservateurs. L'ironie de l'histoire veut que ce soit justement la gauche marxiste, auparavant inspirée par l'Est soviétisé, qui ait réussi à camoufler son idéologie profondément rouge sous un vernis vert.

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L'hostilité générale à l'égard de la technique qui en résulte, associée à une certaine critique générale de la croissance et du progrès, implique une nouvelle orientation vers une nouvelle irrationalité rédhibitoire. D'une part, les Verts ont revendiqué tous les bienfaits de l'ère technique et les avantages d'une civilisation hautement technologique, d'autre part, les technologies modernes ont été de plus en plus diabolisées. En outre, une profonde incompréhension du fonctionnement de la technologie elle-même s'est renforcée dans ces cercles. Par méconnaissance et ignorance des lois de la nature, ce sont des couches sociales qui ont la parole dans ces domaines et qui ne peuvent tout simplement plus comprendre comment et pourquoi les choses fonctionnent, sur quelle base les fonctions techniques se déroulent. On appuie sur l'interrupteur et la lumière s'allume. On ne sait pas pourquoi il en est ainsi. Une sorte de croyance au miracle s'est installée, semblable à celle qu'avaient les hommes de l'âge de pierre face aux phénomènes naturels : on ne comprend pas ce qui se passe, on croyait à l'époque à des puissances supérieures et aujourd'hui à l'évidence d'une civilisation hautement technologique.

A cela s'ajoute un autre facteur qui favorise la perte de contact avec la réalité dans notre société : l'oubli croissant de l'histoire. Pour comprendre et évaluer les relations politiques, économiques et sociales, il faudrait une connaissance approfondie de l'évolution historique. Or, ce sont précisément les couches sociales qui se considèrent à la pointe de l'esprit du temps et dont la religion civile politiquement correcte est l'hédonisme qui pratiquent une ascèse informationnelle consciente en matière de connaissances historiques. Et ce, non pas pour parvenir à leurs propres conclusions sans être influencés, mais par ignorance. De même que l'on tente d'ignorer la véritable nature de l'homme, telle qu'elle est donnée biologiquement et psychologiquement, on tente également d'ignorer l'histoire de l'humanité en croyant que l'on est plus intelligent aujourd'hui, ici et maintenant, que toutes les générations qui nous ont précédés.

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L'affirmation du philosophe selon laquelle quiconque ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre est totalement étrangère aux porteurs de la nouvelle ère irrationnelle. Même les lois du matérialisme dialectique, telles que nous les connaissons depuis Marx et Engels, ont complètement disparu de la conscience politique et sociale. On est certes de gauche dans l'air du temps, mais on croit pouvoir oublier la connaissance de l'histoire.

Pour l'essentiel, ce sont donc ces trois phénomènes - l'ignorance de la condition humaine biologique et psychologique par la quête de "l'homme nouveau", l'hostilité à la technique et l'ignorance des lois naturelles physiques et chimiques, et l'oubli de l'histoire - qui conditionnent la voie vers une nouvelle ère hautement irrationnelle. Il reste à voir quelles seront les conséquences néfastes de cette perte de contact avec la réalité dans l'ensemble de la société. Si l'humanisme, les Lumières et la recherche scientifique ont permis à l'humanité d'atteindre des sommets dans le cadre de son évolution culturelle, la nouvelle ère de l'irrationnel nous exposera probablement à des dangers que nous pensions avoir surmontés depuis longtemps.

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