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vendredi, 22 avril 2022

Le débat Macron-Le Pen et la France sans vision

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Le débat Macron-Le Pen et la France sans vision

Le président s'est imposé grâce à son bagage technico-économique tandis que le "nouveau" leader patriotique vise l'électorat frontalier

par Gennaro Malgieri

Source: https://www.barbadillo.it/104085-il-dibattito-macron-le-per-e-la-francia-senza-visione/

Le débat télévisé Macron-Le Pen

Le dernier débat de la campagne électorale a montré qu'aucun des candidats n'a la stature des anciens présidents. Comme l'écrit Le Figaro, s'il est vrai que chaque camp a trouvé ses raisons, il est également vrai que Macron et Le Pen ont donné l'impression que "leur" France manque de vision politique et est donc incapable de jouer un rôle de premier plan sur la scène européenne.

Les deux prétendants ont trouvé des moyens et des mots pour être satisfaits du débat qu'ils ont animé. Tant Emmanuel Macron que Marine Le Pen ont couvert les domaines qui leur sont les plus favorables: l'économie, la finance et le développement pour le premier; l'identité française, l'Europe des nations, la controverse sur le quinquennat pour la seconde. Ni l'un ni l'autre n'a fait chavirer le cœur des Français. Les rabâchages et les vieux gags politiques n'ont pas fait rire les téléspectateurs, dont beaucoup ont dit s'ennuyer.

Justifiés par une situation interne et externe difficile, sur laquelle ni Macron ni Le Pen n'ont porté de coups décisifs, s'en tenant plus ou moins aux généralités, ils ont donné lieu à un affrontement sans âme. Dans lequel le pragmatisme du président est apparu grâce à son bagage technico-économique et à sa solide expérience gouvernementale. La "nouvelle" Le Pen, pour tenter de séduire l'électorat frontiste, s'est présentée comme rassurante, calme, pacifiante et a jeté aux orties les thèmes classiques de la droite française pour ne pas paraître excessivement répétitive. Bref, la leader du Rassemblement national a offert une image d'elle-même bien éloignée du cliché habituel qui l'a jusqu'ici "diabolisée": une modérée pour qui - c'est du moins ce que nous avons compris - l'euro et l'islam ne sont plus les principaux "dangers" qu'elle craignait il y a cinq ans.

Dans les derniers jours de la campagne électorale, il faudra voir quel effet aura le nouveau look politique de Le Pen, tandis qu'en face, on trinque presque déjà à la victoire car, objectivement, malgré les nombreuses erreurs qu'il a commises, Macron semble avoir, plus par le rôle qu'il a joué que par les intentions qu'il a exprimées, une plus grande maîtrise de ce qu'attendent les Français, c'est-à-dire une action sur les impôts, la sécurité, plus en rapport avec les préoccupations des citoyens qu'avec une Europe que lui et ses autres collègues sont incapables de gouverner.

Mme Le Pen a frappé son meilleur coup lorsqu'elle a déclaré, non sans l'approbation des téléspectateurs, du moins selon les opinions exprimées immédiatement après le débat, qu'elle voulait être "le président de la vie quotidienne, de la vraie vie", suscitant une réponse furieuse de M. Macron qui a déclaré "nous sommes tous dans la vraie vie". Mais ce n'est pas le cas, car la plupart des Français le perçoivent encore comme "le président des riches", la figure de proue de l'establishment, le candidat de l'élite. Mais cela ne suffit pas si, comme le montre un sondage Ipsos publié par Le Monde, 29% des 45% de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, voteront pour Macron, tandis que les 16% restants convergeront vers Le Pen.

En bref, l'absence du Front républicain a été remplacée par la gauche afin de construire une barrière contre la montée de la candidate de droite : maigre consolation pour Mélenchon et les écologistes qui apportent à Macron en dot tout ce pour quoi la gauche l'a contesté, et en particulier une bonne partie de cette bourgeoisie conformiste déterminée à ne jamais changer au prix de devenir l'agneau sacrificiel des politiques sociales du président sortant.

Avoir "inventé" les gilets jaunes malgré lui, avoir humilié la France profonde avec ses politiques sociales, ne pas avoir tendu la main aux classes les plus modestes pour résoudre leurs problèmes, avoir utilisé la rhétorique écologique comme un attrape-votes, fait de Macron un heureux élu pour le préjugé anti-système (et même pas tant que ça) que Le Pen a continué, bien que comme "modérée", à poursuivre dans cette campagne électorale.

S'il est vrai qu'il existe un écart de dix points entre les deux, comme l'affirme Le Monde, qui rapporte toujours les données d'un sondage Ipsos, cela signifie que la France ne veut pas changer. Et les "candidats à la présidence" qui l'ont compris ne dépassent pas leurs frontières et ne tentent pas de rassembler tout ce qui est à leur portée. Macron parviendra probablement à l'emporter avec l'apport décisif de la gauche, ce qui le rend faible devant son propre électorat; Marine Le Pen perdra pour la deuxième fois pour le simple fait qu'en cinq ans elle n'a pas su construire une droite à la hauteur de ses ambitions, favorisant la naissance de Reconquête de l'antagoniste Éric Zemmour. La droite française n'a jamais été aussi divisée. Et cela est incroyable si l'on considère l'effondrement du parti inspiré de De Gaulle, évoqué par Le Pen, qui, avec les deux formations, ou du moins une partie d'entre elles, aurait pu changer le sort de la compétition.

Le dernier débat de la campagne électorale a montré qu'aucun des concurrents n'a la stature des anciens présidents (sauf Hollande, bien sûr). Comme l'écrit Le Figaro ce matin, s'il est vrai que chaque camp a trouvé ses raisons, il est également vrai que Macron et Le Pen ont donné l'impression que "leur" France manque de vision politique et est donc incapable de jouer un rôle de premier plan sur la scène européenne.

On s'attend à ce que Macron gagne, mais l'enjeu ne sera pas uniquement le sien. Il y aura un peu moins de la moitié de la France qui le regardera avec suspicion et, comme par le passé, ne l'aimera pas. Il deviendra président parce que ses adversaires n'ont pas été capables de le défier sur son terrain et d'appeler les Français à reprendre ce que la haute finance, le "système", leur a pris. En commençant par la fierté et une certaine idée de la grandeur qu'aucun président avant le vieux garçon d'Amiens n'avait jamais abandonnée.

@barbadilloit
Gennaro Malgieri

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