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samedi, 13 septembre 2025

Contre la russophobie, le livre inédit et posthume de Guillaume Faye

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Contre la russophobie, le livre inédit et posthume de Guillaume Faye

Par Andrea Falco Profili

Source: https://www.grece-it.com/2025/09/09/contro-la-russofobia-...

Nous présentons ici une traduction de l'excellent article sur le dernier livre posthume de Guillaume Faye. Il est dû à la plume d'Andrea Falco Profili, animateur du GRECE-Italie.

Il se déroule actuellement une opération aussi insidieuse qu’obstinée visant à neutraliser la pensée de Guillaume Faye en la réduisant à une caricature, celle d’un simple agitateur « de droite » au sens le plus inoffensif du terme, voire, par un funambulisme interprétatif grotesque, à celle d’un « occidentaliste » et d’un russophobe. Quiconque a même effleuré l’œuvre du penseur français sait à quel point cette narration est mensongère. Pour la réfuter définitivement et rétablir le véritable Faye, celui de la grande géopolitique, de la vision impériale et de la critique radicale de la civilisation occidentale, paraît aujourd’hui le recueil Contre la russophobie, dirigé par Stefano Vaj et préfacé par Robert Steuckers.

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L’opération éditoriale menée par Vaj pour Moira Edizioni dénonce dès l’introduction du directeur et dans la préface de Steuckers la tentative de travestissement dont Faye a été la victime durant les dernières années de sa vie et surtout après sa disparition. Comme le souligne Steuckers, il existe une véritable « légende noire » qui présente l’auteur français comme un « occidentaliste » pro-atlantiste, alors que sa position était diamétralement opposée. Cette distorsion, alimentée à la fois par ses ennemis historiques de la soi-disant Nouvelle Droite et par certains de ses suiveurs superficiels des dernières années, a abouti au paradoxe de voir Faye décrit comme un soutien de Zelensky, une caricature que ce recueil démonte définitivement.

Le tropisme russe de Faye puise ses racines dans sa formation de jeunesse et dans son engagement au GRECE, où, dès les années 1970, il développait une vision critique de l’américanisme culturel. Comme le rappelle Steuckers, le mouvement de la Nouvelle Droite avait développé un anti-américanisme « différent de l’hostilité envers les États-Unis cultivée par les milieux de gauche », non pas un anti-américanisme de façade ou hérité des gauches pro-nord-vietnamiennes, mais issu d’une critique gaulliste et nietzschéenne de l’hégémonie culturelle, économique et stratégique de Washington, plus sophistiquée et orientée géopolitiquement. Dans ce contexte, l’URSS de Brejnev apparaissait « plus rationnelle et réaliste que le pandémonium déclenché par les services secrets occidentaux dans la sphère américaine ».

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L’évolution de la pensée de Faye sur la Russie traverse différentes phases. D’abord fasciné par le « socialisme réel », non pour ses aspects économiques, mais pour ses retombées en termes « d’anti-individualisme, de futurisme, de stakhanovisme, d’esprit spartiate, hiérarchique, méritocratique et communautaire ». Une fascination qui révèle l’originalité de sa pensée, capable de saisir des éléments de mobilisation totale et de discipline collective même dans des systèmes formellement opposés à l’identitarisme européen. L’effondrement de l’URSS marque un tournant. Comme l’explique Vaj dans l’introduction, le « Sauron inventé par la propagande occidentale » se révèle moins consistant qu’attendu, poussant Faye à regarder au-delà du communisme, vers une Russie post-soviétique qui se libère progressivement de l’idéologie marxiste comme du chaos oligarchique des années 1990. L’ascension de Poutine représente pour l’auteur français non seulement le retour de la Russie en tant qu’acteur géopolitique, mais surtout l’émergence d’un modèle alternatif au nihilisme occidental.

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Les textes rassemblés dans ce volume couvrent la période cruciale de 2007 à 2016, témoignant de l’évolution de la crise ukrainienne et du durcissement des relations euro-russes. Faye manifeste son positionnement en analysant les dynamiques en cours: dès 2007, dans son « Discours à la conférence de Moscou », il esquisse le projet d’une « confédération impériale euro-russe » fondée sur le fédéralisme impérial et l’autosuffisance économique. L’opinion de Faye émerge avec une force particulière dans l’analyse de la crise ukrainienne, qu’il interprète comme une provocation orchestrée par Washington pour empêcher l’intégration euro-russe.

Dans les essais consacrés à la question ukrainienne, l’auteur attaque systématiquement la narration occidentale: l’annexion de la Crimée est présentée, selon Faye, pour ce qu’elle est réellement – le retour d’un territoire historiquement russe à la mère patrie via un référendum – tandis que les sanctions contre Moscou sont dénoncées comme un « boomerang » qui nuit davantage à l’Europe qu’à la Russie elle-même.

L’analyse des motivations profondes de la russophobie occidentale est particulièrement pénétrante. Faye identifie deux causes principales: la première est géopolitique (empêcher le retour de la Russie comme grande puissance), la seconde idéologique (contrer l’exemple russe de « révolution conservatrice »). C’est ce dernier aspect qui rend le Poutine post-communiste plus redoutable pour les oligarchies occidentales que Staline lui-même: alors que l’URSS restait prisonnière d’une vision universaliste, la Russie poutinienne réaffirme des valeurs identitaires, patriotiques et traditionnelles qui constituent une menace existentielle pour le système libéral-libertaire.

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L’approche de Faye à la question russe se distingue à la fois de la russophobie et du multipolarisme acritique et messianique. Il ne tombe pas dans l’erreur d’idéaliser Poutine ou le système russe, dont il reconnaît les limites et les contradictions, mais voit dans la Russie post-soviétique le principal allié naturel de l’Europe dans un monde de plus en plus polarisé. Sa position est celle d’un « bon Européen » au sens nietzschéen: il comprend que la division de l’Europe sur l’axe est-ouest ne sert que les intérêts anglo-américains. Son regard sur la Russie combine l’admiration pour la « barbarie » antibourgeoise théorisée par Drieu La Rochelle et l’appréciation de l’efficacité géopolitique et du pragmatisme stratégique. Une synthèse qui l’amène à voir dans la politique étrangère russe « la seule intelligente » dans un panorama international dominé par l’improvisation occidentale.

La vision paneuropéenne de Faye, inclusive de la Russie mais non subordonnée à celle-ci, représente aujourd’hui une troisième voie entre le suicide atlantiste et l’isolationnisme souverainiste. Particulièrement significative est la proposition de dépasser le concept géographique d’« Eurosibérie » au profit de celui, ethno-politique, d’« Eurorussie », suivant les observations de Pavel Tulaev. Ce changement terminologique reflète une maturation théorique qui s’oppose à ceux qui voudraient aujourd’hui dépeindre les Russes comme des Turcomans armés d’arcs et siégeant à la cour de Kazan, des partisans de la Horde d’or ou des parents perdus de Gengis Khan.

Pour Faye, la notion est claire : la Russie est une civilisation européenne qui a étendu son expansion vers l’Asie, ce qui ne la rend ni foncièrement asiatique ni hybride. L’enseignement de l’auteur est d’une actualité saisissante: seule une Europe réconciliée avec la Russie pourra espérer échapper au déclin. La russophobie n’est pas seulement une erreur géopolitique, mais une forme d’automutilation qui condamne l’Europe à l’insignifiance historique. En temps de polarisation croissante, l’alternative est entre un avenir européen et le crépuscule occidental. Il s’agit, en d’autres termes, de construire l’Europe avec, et non contre la Russie, en reconnaissant dans la russophobie l’instrument destiné à empêcher le cauchemar américain: la naissance d’un bloc euro-russe souverain.

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La position de Faye est séduisante en ce qu’elle échappe à une certaine passion aveugle menant à un multipolarisme messianique de façade. Le chapitre « Une perspective française sur la Russie » est un chef-d’œuvre d’analyse critique, implacable et en même temps empathique. Faye reconnaît le « génie russe », une capacité intuitive exceptionnelle qui va de la musique à la physique, mais n’en cache pas les faiblesses. Il parle de la « double âme russe », d’une schizophrénie oscillant entre complexe de supériorité et d’infériorité, entre volonté de puissance impériale et sentiment d’être une nation reléguée aux marges. Avec une lucidité impitoyable, il énumère les plaies qui affligent la Russie: une démographie suicidaire, une économie déséquilibrée et trop dépendante des hydrocarbures, une corruption endémique et, surtout, la pénétration des virus culturels occidentaux. C’est précisément cette capacité d’analyse qui le rend si actuel et l’éloigne des supporters qui se contentent d’un soutien maladroit et grossier. Faye n’idolâtre pas, il soutient la Russie non de manière inconditionnelle, mais dans la mesure où elle sert un projet plus vaste: la renaissance de l’Europe tout entière.

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Parler de « textes inconnus » signifie généralement évoquer la rhétorique de la redécouverte: des textes oubliés qui reviennent à la lumière, souvent à l’ombre d’une opération idéologique. Ce n’est pas le cas ici. Les matériaux rassemblés par Moira Edizioni et placés sous le nom de Faye appartiennent à la périphérie éditoriale, il s’agit de blogs échappant même à l’œil maniaque des exégètes. Des textes mineurs, certes, mais nullement suspects pour autant. L’objectif n’est pas de construire un Faye ésotérique ou clandestin. Ses positions sont celles, connues et cristallisées depuis des années. Mais c’est justement cette prévisibilité qui est en jeu: il ne s’agit pas de révéler un « autre » Faye, mais de mettre à nu la manipulation en cours. Cette redécouverte agit ainsi comme une douche froide contre les lectures sélectives et les appropriations opportunistes. Une salutaire réfutation qui ramène le débat au niveau de la réalité.

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