mercredi, 17 décembre 2025
«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye

«Contre la russophobie», le livre de Guillaume Faye
Par Andrea Falco Profili
Source: https://artverkaro.altervista.org/contro-la-russofobia-il...
Une opération, aussi insidieuse qu’obstinée, est en cours pour neutraliser la pensée de Guillaume Faye en la réduisant à une caricature, qui fait de lui un simple agitateur d’«extrême droite» dans le sens le plus banal du terme, et même, en pratiquant un funambulisme interprétatif grotesque, à un «occidentaliste» et à un russophobe. Quiconque a seulement effleuré superficiellement l’œuvre du penseur français sait à quel point cette narration est mensongère. Pour la démentir définitivement, en rétablissant le Faye authentique, celui de la grande géopolitique, de la vision impériale et de la critique radicale de la civilisation occidentale, arrive aujourd’hui le recueil de textes intitulé Contro la russofobia, dirigé par Stefano Vaj et préfacé par Robert Steuckers.
L’opération éditoriale menée par Vaj pour Moira Edizioni dénonce déjà dans l’introduction de Vaj et dans la préface de Steuckers la tentative de déformer la pensée de Faye au cours des dernières années de sa vie, et surtout après sa disparition. Comme le souligne Steuckers, il existe une véritable «légende noire» qui peint l’auteur français comme un «occidentalo-atlantiste» pro-américain, alors qu’en réalité sa position était diamétralement opposée. Cette distorsion, alimentée tant par ses ennemis historiques au sein de la dite "Nouvelle Droite" que par certains followers superficiels de ses dernières années, a conduit à un paradoxe: voir Faye même décrit comme un soutien à Zelensky, caricature boiteuse que cette collection dénonce une fois pour toutes.



Commandes: Première édition italienne: https://www.lastoriamilitare.com/prodotto/contro-la-russo... - Edition française (textes en version originale): https://www.editions-ars-magna.com/livre/faye-guillaume-c... - Traduction anglaise: https://www.amazon.com/stores/author/B005VGMO4I
Le penchant pro-russe de Faye trouve ses racines dans sa formation de jeunesse et dans son militantisme au GRECE ("Groupe de Recherches et d'Etudes sur la Culture Européenne"), où dès les années 1970, il mûrissait une vision critique sur l’américanisme culturel. Comme le rappelle Steuckers, le mouvement dit de "Nouvelle Droite" avait développé un anti-américanisme «différent de l’hostilité envers les États-Unis cultivée par les milieux de gauche, dans le cadre de la guerre du Vietnam» c’est-à-dire un anti-américanisme non pas de façade et absorbé par la gauche pro-Vietcong, mais un anti-américanisme étayé par une critique gaulliste et nietzschéenne de l’hégémonie culturelle, économique et stratégique de Washington, nettement plus sophistiquée et orientée géopolitiquement. Dans ce contexte, l’URSS de Brejnev apparaissait «plus rationnelle et réaliste que le pandémonium déclenché par les services secrets occidentaux dans l’americanosphère».

L’évolution de la pensée de Faye sur la Russie traverse plusieurs phases. Initialement fasciné par le «socialisme réel» non pas pour ses aspects économiques, mais pour ses retombées en termes d’«anti-individualisme, de futurisme, de stakhanovisme, d'esprit spartiate, de hiérarchique, de méritocratique et de sens communautaire ». Une fascination qui révèle la dimension originale de sa pensée, capable de percevoir des éléments de mobilisation totale et de discipline collective même dans des systèmes formellement opposés à l’identité européenne. La chute de l’URSS marque un tournant. Comme l’explique Vaj dans l’introduction, le « Sauron inventé par la propagande occidentale » s’avère moins consistant que prévu, poussant Faye à regarder au-delà du communisme vers une Russie post-soviétique qui se libère progressivement tant de l’idéologie marxiste que du chaos oligarchique des années 1990. La montée de Poutine représente pour l’auteur français non seulement le retour de la Russie comme acteur géopolitique, mais surtout l’émergence d’un modèle alternatif au nihilisme occidental.

Les écrits rassemblés dans le volume couvrent la période cruciale de 2007 à 2016, témoignant de l’évolution de la crise ukrainienne et du durcissement des relations euro-russes. Faye montre son alignement en analysant les dynamiques en cours: dès 2007, dans son «Discours à la conférence de Moscou», il esquisse un projet de «Confédération impériale euro-russe», basé sur le fédéralisme impérial et l’autosuffisance économique. L’opinion de Faye ressort avec force dans l’analyse de la crise ukrainienne, qu’il interprète comme une provocation orchestrée par Washington pour empêcher l’intégration euro-russe. Dans ses textes consacrés à la question ukrainienne, l’auteur attaque systématiquement la narration occidentale: l’annexion de la Crimée est présentée pour ce qu’elle est réellement aux yeux de Faye – le retour d’un territoire historiquement russe à la patrie par un référendum – tandis que les sanctions contre Moscou sont dénoncées comme un « boomerang » qui nuit à l’Europe plus qu’à la Russie elle-même. L’analyse des motivations profondes de la russophobie occidentale est particulièrement pénétrante. Faye identifie deux causes principales: la première est d'ordre géopolitique (empêcher le retour sur scène de la Russie en tant que grande puissance), la seconde est d'ordre idéologique (contrer l’exemple russe de « révolution conservatrice »). C’est ce dernier aspect qui rend Poutine post-communiste plus redoutable pour les oligarques occidentaux que Staline lui-même: alors que l’URSS restait prisonnière d’une vision universaliste, la Russie poutinienne réaffirme des valeurs identitaires, patriotiques et traditionnelles qui représentent une menace existentielle pour le système libéral-libertaire.

L’approche de Faye concernant la question russe diffère autant de la russophobie que d'un multipolarisme acritique et de nature messianique. Il ne tombe pas dans l’idéalisation de Poutine ou du système russe, dont il reconnaît les limites et les contradictions, mais perçoit dans la Russie post-soviétique le principal allié naturel de l’Europe dans un monde de plus en plus polarisé. Sa position est celle d’un «bon Européen» au sens nietzschéen: il comprend que la division de l’Europe selon l’axe est-ouest ne sert que les intérêts anglo-américains. Son regard sur la Russie allie admiration pour la «barbarie» antibourgeoise théorisée par Drieu La Rochelle à l’appréciation pour l’efficacité géopolitique et le pragmatisme stratégique. Une synthèse qui le conduit à voir dans la politique extérieure russe «la seule intelligente» dans un panorama international dominé par l’improvisation occidentale.
La vision pan-européenne de Faye, incluant la Russie mais non subordonnée à elle, représente aujourd’hui une troisième voie entre le suicide atlantiste et l’isolationnisme souverainiste. Particulièrement significative est la proposition de dépasser le concept géographique d'«Eurosibérie» au profit de celui, ethno-politique, d'«Euro-Russie», en accueillant les observations de Pavel Toulaev. Ce passage terminologique reflète une maturation théorique qui contraste avec ceux qui veulent aujourd’hui peindre les Russes comme des Turcomans armés d’arc comme jadis à la cour de Kazan, comme des guerriers de la Horde d’or ou des parents perdus de Gengis Khan. Pour Faye, le concept est clair: la Russie est une civilisation européenne qui a projeté son expansion en Asie, ce qui ne la rend ni artificiellement asiatique ni hybride.

La leçon de l’auteur est incroyablement actuelle: seule une Europe réconciliée avec la Russie peut espérer échapper au déclin. La russophobie n’est pas seulement une erreur géopolitique, mais une forme d’autodestruction qui condamne l’Europe à l’impéritie historique. En ces temps de polarisation croissante, le choix se fait entre l’avenir européen et le déclin occidental. Autrement dit, il s’agit de construire l’Europe avec et non contre la Russie, en reconnaissant dans la russophobie l’outil pour empêcher qu'advienne le cauchemar américain: la naissance d’un bloc euro-russe souverain.
La position de Faye est attrayante par son immunité à tout amour aveugle qui mène à un nivellement par un messianisme multipolaire de façade. Le chapitre «Une perspective française sur la Russie» est un chef-d’œuvre d’analyse critique, impitoyable et en même temps passionnée. Faye reconnaît le «génie russe», une capacité intuitive exceptionnelle qui va de la musique à la physique, mais n’en dissimule pas les faiblesses. Il parle de la «double âme russe», d’une schizophrénie oscillant entre un complexe de supériorité et un sentiment d’infériorité, entre la volonté de puissance impériale et la sensation d’être une nation reléguée aux marges. Avec une lucidité implacable, il énumère les plaies qui affligent la Russie: une démographie suicidaire, une économie déséquilibrée et trop dépendante des hydrocarbures, une corruption endémique et, surtout, l’infiltration des virus culturels de l’Occident. C’est précisément cette capacité d’analyse qui le rend si actuel et qui le distingue des supporters qui se contentent d’un fanatisme maladroit et vulgaire. Faye ne vénère pas, il soutient la Russie non de manière inconditionnelle, mais dans le cadre d’un projet plus vaste: la renaissance de toute l’Europe.

Parler de «textes peu connus» signifie, en général, évoquer la rhétorique de la redécouverte: des textes oubliés qui renaissent par derrière, presque toujours à l’ombre d’une opération idéologique. Pas ici. Les matériaux que Moira Edizioni rassemble sous le nom de Faye appartiennent à la périphérie éditoriale, il s’agit de textes issus de blogs échappant même au regard maniaque des exégètes. Des textes mineurs, certes, mais pas pour autant suspects. L’intention n’est pas de construire un Faye ésotérique ou clandestin. Ses positions restent celles, prévisibles, cristallisées depuis des années voire des décennies. Mais justement cette prévisibilité devient le point central, il ne s’agit pas de révéler un «autre» Faye, mais de mettre à nu la manipulation en cours. La récupération se prête donc à un effet coup de poing contre les lectures sélectives et l’appropriation commode. Un sain démenti, qui ramène le discours au niveau de la réalité.
15:33 Publié dans Livre, Livre, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guillaume faye, nouvelle droite, russie, russophobie, livre |
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