mardi, 30 janvier 2007
Critique néo-baroque de la modernité
Pas de synthèse, ouverture permanente, néo-baroque: la critique authentique de la modernité de Willem Van Reijen
Très connu dans son pays, la Hollande, et en Allemagne, où il est abondamment sinon systématiquement traduit, Willem Van Reijen appartient à la génération des critiques de la modernité. Ce professeur de philosophie, né en 1938, a fait ses études à Louvain et à Fribourg-en-Brisgau. Depuis 1975, il enseigne à Utrecht. Il prend le relais de Jean-François Lyotard et de ses homologues américains, dans la mesure où sa quête philosophique participe d'une analyse critique de l'effondrement ou du tassement des grands mythes de la modernité (les “grands récits”). Dans Die authentische Kritik der Moderne, il nous propose une histoire alternative de la pensée philosophique depuis ces deux cents dernières années. Opposé à la modernité, dont il estime que le projet a fait lamentablement faillite, il annonce d'emblée que “la destruction est le revers de cette tapisserie, dont le côté face présente le processus de modernisation”.
Le programme de perfectionnement infini de l'homme, de la politique et du monde en général, tel que nous l'a suggéré l'Aufklärung, a enfermé la pensée dans des concepts unilatéraux, fermés sur eux-mêmes, qui rendent les hommes aveugles à tous les antagonismes de fond qui constituent la trame du monde et doivent subsister en tant qu'antagonismes sans bonne fin dans toute pensée authentique. Cet enfermement de la pensée dans des concepts fermés a des retombées pratiques, explique Willem Van Reijen. En effet, l'aveuglement de nos contemporains devient dangereux: il a conduit à une désoviétisation désastreuse en Europe centrale et orientale, où la mafia et l'ultra-libéralisme s'avèrent plus tyranniques encore que le stalinisme quotidien des années 40 et 50 pour les petites gens; à la destruction de toute solidarité sociale en Occident, provoqué par l'individualisme propre à cette modernité que l'on déclare si souvent “généreuse” avec beaucoup d'emphase; à la catastrophe écologique imminente. Combattre ces maux contemporains implique de changer de philosophie dominante ou d'apporter suffisamment de changements à l'intérieur de cette idéologie dominante, pour que les concepts (re)deviennent mouvants, plastiques, adaptables aux grouillements incessants de ces antagonismes incontournables qui font la trame du monde. Cette mobilité-plasticité-adaptabilité interdit de répondre aux maux de l'Europe orientale ou à l'effondrement de la solidarité en Occident par des images fixes alternatives, des utopies sociales figées, des discours camouflants ou des retours évasifs à une religion, que l'on retaillerait et réaménagerait “à la carte”.
Willem Van Reijen rappelle que l'Aufklärung a été une réponse au dualisme du Baroque. L'Aufklärung veut “améliorer le monde” et combler cette césure, toujours omniprésente entre un monde de misère et un au-delà de bonheur, que maintenait le Baroque, avec une certaine fatalité: celui-ci acceptait les contradictions qu'il y avait dans le monde, il ne souhaitait nullement “réconcilier” dans une “synthèse”. L'Aufklärung veut réconcilier et synthétiser, combler la césure, “incomblable” aux yeux des Baroques. Bien vite, le mythe et l'“autre de la raison” sont exclus. La définition de la réalité se limite à ce qui est thématisable pour la Raison. La nature est réduite à ce qui en elle est mesurable et quantifiable. L'Aufklärung refuse d'aller du Particulier au Général, mais veut imposer le Général à toutes les formes de Particulier. Son grand projet est la “Formalisation universelle”, ce qui a des effet dés-historicisants, car tout passé, toute histoire-d'avant-l'Aufklärung, ne peut plus apparaître que comme imperfection indigne de l'intérêt de l'honnête homme. Mythe et Nature apparaissent au regard des tenants de l'Aufklärung comme “de la raison déficitaire”.
Le romantisme, poursuit Van Reijen, proteste contre l'exil du Mythe et de la Nature, mais à l'“unilatéralité” de l'Aufklärung, le romantisme n'oppose pas une autre “unilatéralité”: il propose une nouvelle unité des contraires. Il faut esthétiser les idées, rationaliser la mythologie, philosopher la mythologie, mythologiser la philosophie, sensualiser les philosophes, etc. En bref, les romantiques espèrent une synthèse de la raison, de la morale et de l'esthétique. Ils veulent “intégrer” l'“autre de la Raison” dans leur synthèse. Et absorber toutes les contradictions du monde dans une “unité symbolique”. Et c'est sans doute Friedrich Schlegel qui nous livre la formule de cette mise au pas soft: «Pour l'esprit, il est également mortel d'avoir et de ne pas avoir de système, c'est pourquoi il devra se décider à en avoir un et à ne pas en avoir un. C'est-à-dire qu'en dernière instance l'exclusion sera exclue». Aporie dans laquelle plus d'un gauchiste-baba-cool a sombré, suivi par certains tenants de la “nouvelle droite”, devenus à leur tour “épiméthéiens post-marcusiens”, après avoir été bruyamment “prométhéiens anti-rousseauistes”. Ou d'une unilatéralité à l'autre... dans le petit monde des mauvais lecteurs de Nietzsche.
Van Reijen nous demande de réfléchir sur les avantages et les inconvénients du Baroque, soit de l'acceptation des contradictions sans synthèse. Nietzsche, en commençant par poser Apollon comme “Dieu du Paraître” (Gott des Scheines), dans La naissance de la tragédie, renoue avec une acceptation post-baroque et post-romantique des contradictions du monde. Car qu'en est-il de ce “Paraître”, de ce “beau Paraître”? Est-il vrai ou faux? Paisible ou dangereux? Quelle est l'“Etre” de ce Paraître? Ce Paraître cacherait-il un Devenir? Qui est tel aujourd'hui? Mais sera autre demain? Quels accidents, hasards ou arbitraires dissimule-t-il? Ni l'empirie ni la conceptualisation ni la logique ne nous aident à voir véritablement ce qu'il y a ou n'y a pas derrière le “beau Paraïtre”. Ceux qui penseraient qu'il y a une substance définitivement définissable derrière ce “beau Paraïtre” sont fous pour Nietzsche, tandis que sont normaux ceux qui reconnaissent le caractère parfaitement arbitraire de ce grouillement (dyonisiaque).
Nietzsche redécouvre donc le monde, soit une trame où s'entre-choquent sans fin mille et une contradictions sans que jamais n'apparaissent de véritables solutions. Constat choquant pour la modernité. Inacceptable pour les “esprits fous” qui veulent dompter et discipliner tout ce qu'il y a derrière le “beau Paraïtre”. La modernité, poursuit Van Reijen, a voulu éliminer ou lever les contradictions. Tout a été mis en œuvre (et continue à être mis en œuvre) pour créer l'encadrement planétaire qui travaillera sans relâche, jour et nuit, pour procéder à ces éliminations et à ces sublimations “correctrices” et “progressistes”. Le “Grand Cadre” ou le “Grand Code” sera là, pour toujours, et absorbera de plus en plus efficacement les petites contradictions qui subsistent ou auraient l'outrecuidant culot de réapparaître. Ainsi avancera le programme des Lumières: il perfectionnera l'humanité, établira des règles scientifiques pour que tout soit, du moins en principe, reconnaissable et manipulable. La post-modernité est donc une nouvelle acceptation des contradictions sans volonté de les résoudre ou d'imposer une synthèse. Le penseur qui, le premier, est parvenu à saisir l'essentiel de ce néo-baroquisme et de cette post-modernité est Walter Benjamin, écrit Van Reijen. Dans le Trauerspiel allemand, Benjamin découvre l'absence de toute transcendance, ne perçoit aucune réconciliation entre les hommes et l'ordre cosmique: la souffrance dans le monde est incontournable. Tout espoir de libération définitive est illusion.
L'état du monde contemporain ne peut plus s'expliquer par des projets unilatéraux ou des schématismes dualistes. Devant les innombrables contradictions échappant à toute synthèse, il convient de développer une nouvelle critique, authentique, sans passer par les simplismes d'un “humanisme” scolaire ou d'un retour ”héroïque” à un mythe quelconque. Tous les engouements et toutes les critiques ont un caractère nécessairement transitoire. Ce qui interdit aussi de se jeter, irréfléchi, dans l'activisme à tout crin ou de sombrer dans la “noble résignation”. Reconnaître et accepter les antagonismes, les ambigüités et les contradictions est sans nul doute, écrit Van Reijen, le meilleur rempart contre les fantasmes totalitaires et les tentatives de tout universaliser.
Robert STEUCKERS.
Willem VAN REIJEN, Die authentische Kritik der Moderne, Wilhelm Fink Verlag, München, 1994, 190 p., ISBN 3-7705-2919-7.
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Gespräch mit Mario Borghezio
Gespräch mit Mario Borghezio, Abgeordneter der Lega Nord im Europäischen Parlament
Über Einwanderung in Italie, über das “Bossi-Fini-Gesetz”, über den “Europäischen Haftbefehl”, über den EU-Beitritt der Türkei, über die Kampfrichtlinien der Lega für den Europawahl 2004
Mario Borghezio ist 1947 in Torino geboren. Er ist Doctor in den Rechtswissenschaften, Anwalt, Fachmann für das Rechtsystem des Heiligen Römischen Reiches der Deutschen Nation. Er bakam seine Ausbildung in der bekannten Universität Modena. 1992 wurde er Abgeordenter der “Lega Nord”. 1994 wurde er Staatssekretär für Justiz in der ersten Berlusconi-Regierung. Seitedem is er Abgeordneter im Europa-Parlament.
F. : Herr Borghezio, Sie waren 1994 Staatssekretär für die Justiz in der ersten Berlusconi-Regierung. Warum wurden Sie für dieses Amt gewählt?
MM : Als einer der Mitgründer der Partei, war ich der Mann, der die Maffia-, Kriminalitäts- und Einwanderungsakte in den verschiedenen Aussschüssen der Lega Nord behandelte. Wenn mein Amt als Staatssekretär beendet war, wurde ich während drei nacheinanderfolgender Legislaturperioden Mitglied des “Anti-Maffia-Ausschusses” im italienischen Parlament. Das Problem, das für mich die ganze Zeit Vorrang hatte, war dasjenige der Gefängnisse. In Italien waren alle Gefängnisse eivoll. Man fürchtete eine regelrechte Explosion. Diese Lage wurde durch die Anwesenheit von Zehntausenden gefangener Einwanderer, die in unseren Zuchtanstalten zuströmten. Der heutige Minister Roberto Castelli, der auch Mitglied der Lega Nord ist, arbeitet immer weiter im Sinn unseres Programms, insofern dass der italienische Staat heute stets weiter neue Zuchtanstalten bauen lässt. Eine solche Politik wollten die linken Kräfte nicht führen und zogen es vor, regelmässig allgemeine Amnestien auszurufen, um die Gefängnisse zu leeren bevor die Gefangenen ihre Strafen abgesessen haben. Ziel dieser Massnahmen war es, die Gefängnisse dann wieder mit neuen Gefangenen zu füllen, die selbstverständlich wissen, dass sie nie ihre vollzeitige Strafe verbüssen werden müssen. Wir haben auch dafür gesorgt, dass die Räume in den italienischen Gefängnissen nach den ethnischen oder religiösen Ursprüngen der Insassen getrennt werden, wissend dass die Gefangenen eine solche Massnahme sich auch wünschten. Die Lega Nord hat also eine viel strengere Politik gestartet, die diese sich immer wiederholenden Amnestien ablehnte, weil sie regelmässig die Kriminellen in der Strasse zurückbrachten. In den Augen der “eingewanderten Insassen”, galt der italienische Staat als ein schwacher Marionnettenstaat, der von einer unbegreiflichen Schlaffheit erkrankt war. Castelli und ich haben immer Sorge für die Probleme und die Lebensumstände unserer armen und mittellosen Mitbürger getragen, weil diese chancenarmen Leuten durch Not gezwungen waren, in Vierteln zu leben, wo stets neue Einwanderer zuströmten, wie es manchmal der Fall ist in Städten wie Mailand, Torino, Verona und Padua. Persönlich, glaubte ich, dass meine politische Plicht es war, Protestdemos von einfachen Bürgern und Kleinhändlern zu veranstalten, die buchstäblich die Nase voll hatten, Agressionen und Randalierungen dulden zu müssen, die in den meisten Fällen von unerlaubten papierlosen Einwanderern geübt wurden.
F. : Das italienische Parlament hat ein Gesetz (“das Bossi-Fini-Gesetz”) zugestimmt. Dieses Gesetz hat als Ziel, die Einwanderung zu bremsen. Wie ist das Parlament dazu gekommen und wie ist das Gesetz gestaltet?
MM : Das Bossi-Fini-Gesetz über Einwanderung ist das Resultat von den langen Überlegungen und Seminararbeiten der verschiedenen Ausschüssen der Lega, da unsere Partei sich mehr um die Einwanderungsfragen gekümmert hat, als die Allianza Nazionale. Mit diesem Gesetz wird die juridische “Durchlaufstrecke” der abgeführten Einwanderer strenger und klarer bestimmt. Bevor dieses Gesetz existierte, führte die Schlaffheit der linken politischen Kräfte dazu, das der offiziell abgeführte papierlose Einwanderer bloss eine “Zettel” bekam, auf der geschrieben stand, dar er abgeführt war. Sie können sich sehr gut einbilden, dass diese einfache Zettel völlig unnötig war, da andererseits keine konkreten Massnahmen dabei getroffen wurden. Der Abgeführte konnte einfach den Inhalt dieser Zettel ignorieren, da eine solche Haltung natürlich keine gesetzliche Straffolgen hatte. Wenn der abgeführte Einwanderer in Italien blieb und zufälligerweise von irgendeinem Polizeidienst verhaftet oder kontrolliert wurde, wurde er nicht gestaft. Er bekam bloss nochmal eine Zettel! Heute, wenn der Abgeführte dem Abführungsbefehl nicht folgt, gilt das als ein Delikt. So kann jetzt Italien die wilde Einwanderung und die daran gelinkten Kriminalitätsarten besser bekämpfen.
F.: Welche sind die wichtigsten Komponente der Einwanderung , die Probleme darstellen, im heutigen Italien? Welcher Art ist die Kriminalität, die man diese jeweiligen Gruppen zuordnen kann?
MM : Um Ihre frage koreklt beantworten zu können, muss ich zunächst einige Bemerkungen machen, was die allgemeine Lage betrifft : Die Einwanderung konzentriert sich meistens in den verstädterten Ballungsräumen Norditaliens, also in der Region, die wir “Padanien” nennen und die mit der Pobecken übereinstimmt. Die Reaktion der Bevölkerung war ziemlich heftig, was unsere Partei an die Macht gebracht hat, eben wenn wir nur ein regionaler Verband sind. Die Bevölkerung fürchtete die Überschwemmung und ahnte, dass die Lage sehr bald total unkontrollierbar wurde. Die Gefahr bleibt heute bestehen. Die leute fürchten dabei auch, dass die fundamentalislamistische Terror sich im unkontrollierten Chaos der unerlaubten Einwanderungsvierteln einnistet. Viele politische und wirtschaftliche Beobachter stellen schon fest, dass “freie Zonen” oder “rechtlose Zonen” (“zones de non-droit”, sagen die Franzosen, wobei sie meinen, dass dort der Rechtsstaat aufgehört zu existieren hat). In diesen Zonen, weiss kein Mensch, was eigentlich los ist. Mit meinen Freunden der “Lega Nord’”, habe ich Demos gegen fundamentalislamistische Zentren veranstaltet, wo man Gewalt und Terror predigte oder in denen man Mannschaft für gewaltätige oder terroristische Aktionen rekrutierte. InTorino, Cremona und Varese, haben wir entdeckt, dass einige fundamentalistischen Gruppen Verbindungen mit den Attentätern der blutigen Anschläge von Casablanca in Marokko hatten. Vermutlich handelt es sich um die gleichen Leute und Netzwerke als diejenigen die das furchtbare Attentat in Madrid am 11. März 2004 geübt haben.
Die gefährlichsten Gruppen, was potentielle Gewalt und Terror betrifft, werden durch nordafrikanische Staatsbürger, die die Ideologie der sogenannten “Salafisten” teilen. Die sind in der Regel sehr aktiv in Italien, genauso wie in Belgien oder in Frankreich. Ihre Aufgabe ist es, die verschiedenen Tätigkeiten des radikalsten Islams finanziell zu unterstützen. Das Geld stammt von sehr verschiedenen und zahlreichen Aktivitäten, wie Rauschgiftschmuggeln und besonders Handelstätigkeiten, die nicht deklariert oder registriert sind, wie die meisten “Phone-Shops” in Italien. Diese Handelstätigkeiten können eine öffentliche Legalität haben, dienen aber als Schirm für illegale Tätigkeit aller Art, besonders was die Machenschaften mit falschen Dokumenten und Akten, das Hehlen von in der EU eingeschmuggelten oder gestohlenen Gütern, uzw.
Die zweite Gruppe der illegalen Einwanderer wird aus Albaner gebildet, die sehr einfach bei uns kommen können, indem sie kleine Boote, die wir “Scafisti” nennen, und die mit kleinen Motoren ausgerüstet sind, so dass sie ganz schnell die Adria überqueren können, um Einwanderer auf den Stränden der Provinz Puglie zu landen. Die heutige Regierung konnte die Einwanderung bremsen und eben stoppen, aber nichtdestoweniger sind die albanischen Maffien jetzt fest im Lande verankert, weil die früheren linken Regierungen schlaff waren und hundertausende illegale Einwanderer einfach und blindlings regularisiert haben, ohne nachzuschlagen wer die eigentlich waren, ohne die winzigste Schwierigkeit zu machen.
Die dritte Gruppe bilden die Chinesen, die nicht Kriminelle im üblichen Sinn des Wortes sind, die aber doch eine Gefahr ökonomischer und sozialer Art darstellen, insbesonders für die kleinen lokalen Hanwerker und für die Restaurants. Die Anwesenheit dieser Chinesen und deren fürchterliche Effizienz haben schon tausende aber tausende kleine italienische Handwerker ruiniert, besonders im Gebiet der Lederbearbeitung. Diese unehrliche Konkurrenz schafft Arbeitlosigkeit und lässt eine legitime und wohl verständliche Unzufriedenheit entstehen. Die Chinesen sind Meister in der Kunst, betrügliche Nachahmungen zu herstellen. Die Lage ist inzwischen so schlimme geworden, dass sehr zahlreiche lokale, mikro-ökonomische und handwerkliche Traditionen verschwunden sind.
F. : Sie haben sich ganz entschieden gegen die Idee eines “europäischen Haftbefehls” entgegengestellt? Warum?
MM : Wir stellen uns tatsäschlich ganz entschlossen gegen diese Idee eines “europäischen Haftbefehls”. In unseren Augen, kommt dieses Orwellsche Projekt geradeaus aus den verrückten Geistern des Euro-Brüsseler Nomenklatura. Eine solche Idee gefährdet die Freiheit des Bürgers und zielt direkt auf diejenigen die “non-konformistische” oder “politisch-unkorrekte” Meinungen verkünden würden. So könnte zum Beispiel ein dänischer Bürger durch einen französischen Richter verfolgt werden, weil er Mitglied der dänischen “Volkspartei”, während in Dänemark die Meinungsfreiheit fast total ist, eben für die Bürger die sich friedlich gegen jede Form von Einwanderung entgegenstellen. In Frankreich, in Gegenteil, ist die bürgeerliche Meinungsfreiheit durch alle mögliche willkürliche und ruchlose Gesetze erdrosselt. Die Gefahr wird noch grösser, wenn die türkische Kandidatur letztendlich angenommen wird : jeder deutsche, österreichische oder griechische Bürger, der mit dem kurdischen Freiheitskampf sympathisiert hätte oder der sich gegen die türkische Kandidatur entgegengestellt hätte, könnte theoretisch vor einem türkischen Gericht geladen werden! Unser Justizminister, Roberto Castelli, der Mitglied der Lega Nord ist, hat sich formell und ganz entschieden gegen dieses Projekt gestellt. Durch seine Aktion, hält Italien bis jetzt stand und gibt nicht züruck. Wir werden diese Idee eines “europäischen Haftbefehls” nie akzeptieren; oder nur wenn er genug garantiert wird, damit die Grundrechte der Bürger, was Meinungsfreiheit betrifft, bewahrt bleiben.
F. : Wenn ich gut verstehe, sind Sie auch gegen jeden EU-Beitritt der Türkei...
MM : Ja. Auf internationaler Ebene, ist das ein der Hauptpunkte in unserem Kampfprogramm. Fur den Europawahl von Juni 2004, werden wir klar “nein” zum EU-Beitritt der Türkei, zum Projekt eines “europäischen haftbefehls”, zu einer EU-Verfassung, die nicht Ausdruck des Völkerwillens und der Identitätswerte Europas sind und die eher das Werk von einem Grossen Sanhedrin von Bankiers, anonymen Trustleitern, kurz gesagt, von der Eine-Welt-Kräfte, die eine “ökonomische Horror” darstellen, wie eine mutige linke Frau wie Viviane Forrester es nennt.
[Das Gespräch führte und übersetzte Robert Steuckers]
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J. Mabire: la Normannité
Trouver sur : http://perso.wanadoo.fr/unite.normande/Normannite.htm
par Jean Mabire, publié à Jersey le 25 octobre 1980
Je dois d'abord avouer que j'ai en horreur ce genre de néologisme. Nous avions déjà connu, au début du siècle, dans les années fiévreuses et poétiques qui ont procédé la célébration du Millénaire de 1911, des mots à prétention plus ou moins barbare. On a parlé de « normannisme ». Parfois même en employant un y, comme si, croyait-on naïvement, le normannysme devait faire plus anglo-saxon ou plus scandinave... Voici donc, aujourd'hui, proposé par le Mouvement Normand, le terme de « normannité ».
Normannité, permanence de la « manière normande »
J'eusse préféré que l'on parlât plus simplement et que l'on se contentât d'évoquer la « manière normande », tout comme nos ancêtres, voici quelques siècles, parlaient encore de la « danesche manere », pour désigner cette forme de mariage « more danico », qui devait engendré de nombreux bâtards, dont certains fort illustres.
Il est pourtant de fait que l'adjectif même de normand peut sembler, à lui seul, ambigu. Je n'en veux pour preuve que mon dictionnaire. J'ouvre le tome 7 du Grand Larousse en 10 volumes et je lis à la page 814 : Normand, adjectif : « roué, retors, à qui l'on ne peut se fier ». Il faut croire que les ligues spécialisées dans l'élimination - tant souhaitable - du racisme, n'ont pas encore épuré tous les dictionnaires!
La normannité, puisque normannité il y a, c'est donc tout bonnement la manière normande, ou, si l'on préfère, l'esprit normand, pour parler comme autrefois.
Je pense qu'il ne faudrait pas chercher à définir la normannité par rapport à un terme qui a sans doute inspiré les créateurs de ce barbarisme et qui est la francité, mot qui ne figure d'ailleurs pas dans mon dictionnaire en 10 volumes, et qui garde un sens étroitement linguistique : la francité étant l'ensemble des peuples parlant la langue française, de la Wallonie au Sénégal et de l'île Maurice à la province du Québec, en passant éventuellement par la vallée de la Loire. En ce sens étroit, la normannité regrouperait des îlots de patoisants, « étierpis » de Jersey en Pays de Caux. Sans nier cette réalité, qui se moque au moins d'une frontière - ce qui n'est déjà pas si mal - je pense que nous ne saurions fonder sur elle seule ce que nous avons décidée de nommer normannité.
On pourrait sans doute plus justement opposer la normannité à ce gallicanisme tricolore dont Michel Debré se veut le pape laïc et dont Alexandre Sanginetti avait été le prophète. Pourtant, la normannité ne peut se réduire à n'être que le contraire du jacobinisme, qu'il soit monarchique ou républicain, conservateur ou gauchisant. La normannité, plus que le contraire de la francité, cette fois au sens politique du terme, apparaît bien davantage comme le contraire du parisianisme.
On commence ainsi à s'avancer ainsi sur un terrain plus solide, plus explicité en tout cas.
Je pense que le mieux, si l'on veut vraiment définir a contrario la normannité, c'est encore de dire qu'elle est le contraire de l'actualité.
Par rapport à l'éphémère, qui noircit la première page des journaux ou tonitrue dans les téléviseurs, la normannité est d'abord l'expression d'une permanence. Permanence invisible et même secrète, mais qui doit nous conforter, au plus profond de nous-mêmes, sur l'importance de ce que nous entreprenons, malgré, bien souvent, l'incompréhension et même l'hostilité.
La Normandie, c'est-à-dire, pour nous, le peuple normand, l'histoire normande, la culture normande, tout cela représente une réalité infiniment plus essentielle et nécessaire que les modes, les régimes, les opinions dont nos contemporains doivent faire leur pâture quotidienne, à la lecture de leur journal favori ou à l'écoute de leur poste habituel.
Pourtant, ce dont tout le monde parle aujourd'hui n'aura plus guère d'importance dans un mois, très peu dans un an et pas du tout dans quelques dizaines d'années. La normannité reste infiniment plus forte, plus durable, plus significative que toutes les idéologies et toutes les querelles qui constituent le tam-tam de l'actualité.
La loi absolue des media modernes est de focaliser l'opinion sur un événement voué inexorablement à être englouti par événement suivant. Tout le monde connaît - si l'on peut dire - le « problème du jour », comme ce fameux « plat du jour » servi dans les restaurants, mais personne ne souvient de ce qu'il a mangé la semaine dernière... Quant à l'année dernière, autant parler d'avant le déluge. Car il y a, en effet, déluge de mots et de slogans, que barbouillent de leurs diarrhées verbales les mandarins spécialistes de la rationalisation intellectuelle.
La normannité n'est donc pas un thème de réflexion journalistique. Elle n'appartient pas à ce fameux débats des « Idées », que nous assène tous les jours un organe aussi indispensable et aussi incomplet que Le Monde.
La normannité : une réalité et un combat...
La normannité n'est pas une « idée » comme on dit. Elle est, à la fois, une réalité et un combat.
Une réalité, parce qu'il existe une manière normande d'appréhender le monde. C'est-à-dire une manière normande de sentir et de créer, de juger et de prier, d'aimer et de vivre. De mourir, aussi.
Un combat, parce que cette véritable « conception normande de la vie » reste bien souvent inconsciente et devient chaque jour plus menacée. Au cours des âges, elle a quitté d'ailleurs le terrain du fait pour celui du mythe. Mais, devenant mythe, cette normannité redevient, du même coup, fait à nouveau. Puisqu'il existe des hommes et des femmes pour transformer cette prise de conscience en volonté de lutte.
Il convient de faire une parenthèse qui n'a que trop tardé. Si l'on admet que la normannité est - ou peut devenir - le patrimoine et le moteur de trois millions de Normands, on peut s'inquiéter que ce sentiment ne soit alors que la centième parcelle de ce que l'on pourrait appeler l'esprit européen. Et mesurer par ailleurs combien cette Europe semble peu compter, eu égard à ce que Jean-Jacques Servan-Schreiber nomme le « défi mondial ». Ce serait nier la qualité au bénéfice de la quantité, appliquer je ne sais quelle arithmétique pseudo-démocratique. Nous sommes de ceux qui croyons que les peuples, comme les hommes, sont irremplaçables et irréductibles.
Parler de normannité, c'est d'abord refuser le monde gris des individus partout semblables, soumis à une loi, à un pouvoir, à un religion uniques, voués à quelque monothéisme charlatanesque et planétaire. Les Islandais sont dix fois mois nombreux que les Normands et qui oserait soutenir qu'ils n'ont pas le droit, et même le devoir, de défendre et d'illustrer une véritable conception islandaise de la vie - à laquelle, il faut bien le dire, nous nous sentons et nous nous voulons étroitement apparentés.
Un second écueil serait de prêter le flanc à un procès d'intention que l'on fait parfois aux militants du renouveau normand, en les accusant de vouloir faire du peuple normand je ne sais quel peuple élu, supérieur aux autres en quelque sorte. Le cher marquis de Saint-Pierre, quand il présidait aux destinées des Normands de Paris, avait ainsi une formule que j'estime pour ma part assez malheureuse : « Les Normands premier partout ». Nous ne plaçons pas les Normands « über alles in der Welt », au dessus de tout dans le monde... Nous pensons seulement que leurs qualités et leurs défauts en valent bien d'autres, et qu'ils ont le droit le plus strict de les préférer, pour eux, aux qualités et aux défauts des autres peuples.
La normannité n'est donc pas conçue pour nous comme un réflexe d'arrogance ou une volonté d'agression. Nous nous sommes toujours moqués de ce que les autres pensaient de nous - même quand c'est imprimé dans le dictionnaire Larousse. Mais, ne voulant pas imposer aux autres notre manière de voir le monde, nous ne désirons pas plus qu'ils nous imposent la leur.
... dont nous sommes responsables
En revanche, nous nous différencions radicalement de ceux qui pleurnichent sur le « colonialisme » - qu'il soit français ou américain - auquel nous serions, politiquement ou culturellement soumis. Nous pensons que si nous avons perdu notre normannité - ou si nous sommes en train de la perdre - nous en sommes les premiers responsables. Ou bien notre peuple pourra se libérer en accomplissant sa révolution culturelle. Et nous l'y aiderons de toutes nos forces. Ou il en sera incapable et subira alors une loi implacable de la vie, contre laquelle il ne sert à rien de gémir et d'en appeler à je ne sais quelle morale universelle, droits de l'homme ou droits des peuples.
Nous n'éprouvons pas de sentiment de supériorité et ne ressentons donc pas de sensation de culpabilité. Nous n'éprouvons pas d'avantage de sentiment d'infériorité et nous nous passons donc de réflexe moralisateur.
Voilà qui situe déjà la normannité et tend à rappeler que le Normand a généralement « bonne conscience » - ce qui n'est pas obligatoirement une vertu, mais explique en partie le succès du protestantisme dans cette province.
Allons même plus loin. Ce sentiment peut aller jusqu'au contentement de soi. « Je sais ce que je vaux et crois ce qu'on m'en dit », selon la formule de Pierre Corneille.
Cette attitude, pleine de « glorieuseté » du Normand devant la vie n'est-elle pas semblable à celle de son ancêtre - ancêtre réel ou ancêtre voulu, peu importe - le fameux Viking d'ail y a un millénaire ? Disciple fidèle de Fernand Lechanteur, je le crois assez volontiers. Et je discerne une continuité qui unit les sagas islandaises aux tragédies cornéliennes. S'y exalte un même type de héros.
Il est révélateur que le Nordique païen comme le Normand chrétien se réfère finalement, malgré un substrat religieux différent, à un système de valeurs identique - que l'on va retrouver au Grand Siècle sous les travestissements hispanique ou romain. Le héros cornélien est le même que le héros islandais. On peut dire qu'il vit totalement sa normannité.
La Structure de la saga septentrionale et de la tragédie classique offre une indéniable similitude : un homme solitaire affronte un destin tragique. Il ne se fait pas d'illusion sur l'issue fatale, mais reste jusqu'au bout fidèle à son devoir. C'est le triomphe du pessimisme héroïque et d'un sentiment, d'une rare plénitude, où l'orgueil se confond avec le sens de l'honneur. Le héros islandais ou cornélien est un personnage non pas de soumission mais de volonté. C'est exactement l'esprit du légendaire germanique : le héros connaît son destin, il ne s'y dérobe pas, mais, au contraire, l'assume totalement et trouve alors une sorte de joie amère à le mener jusqu'au bout. Comme le dira le Viking Ragnar Lodbrog dans la fosse aux serpents : « Je meurs en souriant ».
La plus ancienne caractéristique de la normannité est donc la reconnaissance du tragique de la vie. C'est ce qui entraîne un pessimisme foncier. Le Normand n'a pas d'illusions, ni sur lui-même, ni sur les autres et la vie est ce qu'elle est. La révolte est inutile. Pire, elle est « ignoble ».
Comme l'écrit Maupassant, à la fin de son roman Une vie : « La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon, ni si mauvais qu'on croit ».
La normannité exclut toute attitude de fuite, tout refuge dans l'irréel d'un arrière-monde. Devenu chrétien, le Normand fera sienne la maxime : « Aide-toi, le ciel t'aidera ».
La normannité : permanence d'un tempérament
La normannité se manifeste donc, en tout premier lieu, par la permanence d'un certain tempérament.
Abel Miroglio avait fondé au Havre, juste après la dernière guerre, un Institut de Psychologie des Peuples, dont les travaux ont été aussi passionnants que méconnus. Un de ses collaborateurs pour la Normandie était, tout naturellement, Fernand Lechanteur, qui se méfiait de la psychologie scientifique et qui faisait plutôt de la psychologie populaire, conjuguant avec bonheur une solide hérédité paysanne et une bonne formation universitaire. Son étude sur Les deux populations de la Manche est restée à juste titre célèbre. Elle contient un portrait du Normand « nordique », qui confirme, à l'aide de multiples exemples, ce que nous savions déjà par la lecture des travaux d'André Siegfried.
Il faut toujours se reporter à une remarquable conférence, vieille déjà d'un quart de siècle sur la Psychologie du Normand . Le sociologue havrais s'attache à mettre en valeur un certain nombre de traits qui constituent justement la normannité, et d'abord dans le domaine politique - qui n'est que la projection d'un tempérament que l'on pourrait aussi bien découvrir dans la littérature ou les arts plastiques.
Avant tout réalistes, les Normands ne sont ni des réactionnaires, ni des révolutionnaires, considérant les extrémismes comme des utopies, et se méfiant des utopies, qui leur semblent à la fois stupides et dangereuses. Ce sont plutôt des conservateurs, qui possèdent à la fois le sens de l'égalité et celui de la hiérarchie, ce qui apparaît pas sans quelque contradiction.
Sans illusion sur la nature humaine, ils se défient des rêveries à la Jean-Jacques Rousseau. Pessimistes et sceptiques de nature, ils tiennent à leur liberté, ce qui est somme toute assez fréquent, mais aussi à celle des autres, ce qui l'est moins. Aussi ils gardent le sens des nuances et refusent les fanatismes. Ils détestent les doctrinaires et sont essentiellement pragmatiques. Ils pensent assez volontiers que ce qui est bon, c'est ce qui réussit...
Une des formules d'André Siegfried me semble remarquable : « Les Normands ne pensent pas que la vérité soit toute entière d'un seul côté ». Aussi sont-ils tolérants de nature, ne détestant réellement que le sectarisme. Ils ne sont fanatiques que de la modération. Épris d'indépendance, mais amoureux de l'ordre, ils abominent tout autant la tyrannie que l'anarchie. Et la méfiance reste leur grande sauvegarde.
Ce tableau, dont les grandes lignes furent confortées par des observations « sur le terrain » lors de campagnes électorales (datant il vrai du début de ce siècle) se trouve sans aucun doute modifié par l'intrusion brutale des media modernes. Pourtant, il reste assez juste dans son ensemble et définit assez bien ce que peut être la normannité dans le domaine politique.
La géographie électorale de la Normandie témoigne encore d'une certaine constance qui va du bonapartisme sous le Second Empire au gaullisme plus récemment. Le reflux de ces tentations d'unanimisme conservateur, à la fois nationaliste et socialisant (la « participation ») se marque désormais par un goût pour le centrisme, qui englobe à la fois le centre droit et le centre gauche, et explique tout aussi bien les récentes poussées du parti socialiste ou de l'UDF, au détriment du RPR ou du Parti Communiste, que les médiocres résultats des droitiers ou des gauchistes. Quant à l'écologie, elle n'a de succès que lorsqu'elle apparaît comme un centrisme et non comme un extrémisme.
Plus que les conséquences électorales de la normannité politique, importe peut-être davantage pour nous l'origine même de ce tempérament particulier. Jean Datain a publié naguère un excellent essai sur la mentalité normande et les influences nordiques, qui recoupe parfaitement les remarques et les observations d'André Siegfried comme de Fernand Lechanteur.
Il s'attache à montrer que le tempérament normand reste avant tout sensible au sens des nuances et ne craint pas les contradictions apparentes.
L'Histoire a montré à quel point les Normands de la période ducale étaient à la fois braves et prudents, suivant d'ailleurs en cela l'enseignement du Havamal, le livre de l'antique sagesse scandinave.
D'autre part, les Normands ont montré au cours des âges et au hasard des conquête, une étonnante capacité à s'adapter à d'autres peuples et d'autres cultures, c'est-à-dire à se transformer en surface tout en restant fidèle à eux-mêmes dans le fond.
Hors de son pays, le Normand semble souvent perdre de son identité, alors que sa spécificité réside justement dans cette disparition apparente de la normannité extérieure.
Aussi, paradoxalement, les plus Normands de nos compatriotes sont souvent des gens ayant quitté leur pays, parfois depuis plusieurs générations. En revanche, des gens venus d'ailleurs - des horzains - se sont parfaitement acclimatés et sont devenus aujourd'hui des Normands exemplaires.
La normannité ne fonctionne donc pas en cercle fermé. Elle est un échange constant entre le plus profond de nous-mêmes et ce qui pourrait apparaître comme le plus étranger.
D'un côté, le Normand s'adapte. De l'autre, la Normandie adopte.
Les écrivains normands : des fondateurs et des précurseurs...
Parce qu'ils n'ont pas une langue particulière - je classe totalement à part les patoisants - les écrivains normands passent souvent à des yeux ignorants pour des écrivains français « comme les autres ». Cette impression pourrait s'accentuer encore quand on mesure à quel point les écrivains d'origine normande ont contribué à créer et à enrichir la littérature française. Et c'est bien là leur première caractéristique, celle d'être des fondateurs et des précurseurs.
Le Normand Turold, avec la Chanson de Roland, donne le coup d'envoi de la littérature héroïque médiévale. Et nous ne cesserons plus ensuite de nous trouver à l'aube de toutes les révolutions littéraires, y compris la poésie féminine avec marie de France et la satire politique avec Olivier Basselin.
On peut dire, sans trop exagérer, que Malherbe « invente » le classicisme, Fontenelle la philosophie du siècle des Lumières, Bernardin de Saint-Pierre le romantisme, Barbey d'Aurevilly le régionalisme, Flaubert et Maupassant le naturalisme, Alphonse Allais l'humoriste, Maurice Leblanc, Gustave Lerouge et Gaston Leroux (précédés par Hector Malot) le roman populaire, André Breton le surréalisme ou Léon Lemonnier le populisme.
Ces écrivains ont la passion de la langue, du mot juste, du verbe précis. Ils font, dans un certain sens, une littérature de juristes. Épris d'ordre, ils le sont autant de liberté et d'indépendance. Ils ne craignent pas la démesure, mais ils la contrôlent. Ils restent maîtres d'eux-mêmes et de leurs folies. Ils sont éloquents plus que lyriques. Ils possèdent tous une forte logique interne, même si ce n'est pas celle de tout le monde. Il existe un sens très normand de l'enchaînement inéluctable des causes et des effets. « Prendre les choses par le bon bout de la raison », disait toujours Rouletabille. Mais ces raisonneurs ne sont pas des sophistes. Et quel goût pour les solides réalités de la terre - qui n'est pas forcément le « terroir » dans un sens étroit.
Ces écrivains normands sont aussi bien souvent des témoins lucides et amers, à la fois profondément de leur temps et totalement en marge de la mode. Cela est très sensible avec des hommes aussi différents en apparence et aussi semblables dans le fond que Saint-Evremond et Boulainvilliers, Gobineau et Tocqueville, Frédéric Le Play et Georges Sorel, Rémy de Gourmont et André Gide, Drieu La Rochelle et Jean Prévost. Sans oublier Raymond Queneau.
Il existe chez eux une véritable normannité qui s'exprime dans cette passion d'observer les hommes et le monde, de les comprendre et de les deviner. Tout cela sans aucun souci des idéologies dominantes, des illusions morales, des tabous religieux.
La normannité se trouve, plus que nulle part ailleurs, dans ce paysage intellectuel situé à la charnière de la littérature et de la politique. Nous y avons brillé, avec une pléiade d'écrivains à la fois solitaires et inclassables et dont toute l'œuvre, d'analyse plus que de doctrine, est dominée par la double idée du scepticisme et de la tolérance. Tous sont des « moralistes », à condition de donner à ce mot sa véritable signification, puisque justement ils n'ont pas de « morale » au sens habituel et bourgeois du terme.
... mais aussi des sceptiques, des inclassables
Ces écrivains, qui incarnent, sans doute plus que d'autres, la normannité dans sa permanence, sont souvent des encyclopédistes-nés tout autant que des politologues d'instinct. Voir Émile Littré. Ces Normands sont curieux de nature, incapables de se désintéresser de la marche des choses, avides de « démonter la machine ». Et pourtant sans aucune illusion sur le néant final.
Flaubert reste assez exemplaire de cette attitude, avec Maupassant dans son ombre, aussi choqué par l'avidité de la classe possédante que par l'envie des partageux, comme on disait alors. D'où cette phrase immortelle de l'ermite de Croisset, qui résume assez bien une certaine sagesse politique normande, toute d'observation et de scepticisme : « L'idéal de la démocratie, c'est d'élever le prolétaire au niveau de la bêtise du bourgeois ».
Nos penseurs politiques expriment sans doute le plus la normannité dans ce qu'elle a d'original et de permanent. Ils restent, la plupart du temps, inclassables dans un parti traditionnel. Tocqueville n'est pas un vrai démocrate, ni Gobineau un vrai raciste, ni Sorel un vrai socialiste, ni Drieu un vrai fasciste (pas plus que son ami Raymond Lefevre n'était un vrai communiste, sans doute) ni Jean Prévost un vrai radical.
Le silence dont on entoure encore aujourd'hui la personnalité et l'œuvre de Jean Prévost montre à lui seul que grand résistant, fusillé par les Allemands au Vercors, n'est pas perçu comme un résistant semblable aux autres. Il gêne parce qu'il correspond à lui-même et non pas à l'image qu'on voudrait se faire de lui.
Quand il s'est agi de politique politicienne et non plus analytique, beaucoup d'entre eux, éternels insatisfaits par goût de l'absolu, ont navigué de la droite à la gauche et vice-versa. Le romancier Octave Mirbeau est assez exemplaire : antisémite devenu dreyfusard et socialiste devenu patriote.
La plupart ne sont pas anticléricaux, comme on disait autrefois, ni même croyants. Pourtant, ils montrent presque tous un intérêt passionné pour la religion ou plutôt pour l'intrusion du sacré dans la vie. Le scepticisme qui les éloigne de la foi ne les conduit pas pour autant à l'intolérance et au sectarisme. Ils sont de véritables agnostiques.
Un des traits constants de la normannité chez nos penseurs politiques, c'est leur souci de dépasser les frontières. Ils sont forts peu sensibles au nationalisme hexagonal. Mais quand ils se disent Normands, ce n'est jamais pour construire un micro-nationalisme, mais au contraire pour trouver des parentés et des aventures au-delà des frontières imperméables de la nation française.
La Normannité n'est jamais un repli frileux sur la province, mais au contraire une découverte de ce que notre ami Pierre Godefroy nomme l'universalisme - et dont il fait d'ailleurs le contraire du cosmopolitisme.
Déjà Pierre Dubois, sous Philippe Le Bel, au début du XIIIème siècle, rêvait de « faire l'Europe » et osait opposer le pouvoir temporel du souverain au pouvoir spirituel du pape. L'abbé de Saint-Pierre, d'une autre manière, a imaginé les États-Unis d'Europe et la Société des Nations, Saint-Evremond a vécu et est mort à Londres. Tocqueville s'est passionné tout autant pour la Russie que pour l'Amérique, Gobineau a voyagé dans le monde entier en cherchant les vestiges du grand choc planétaire des races, Rémy de Gourmont sans bouger de chez lui a été révoqué de son poste de fonctionnaire pour avoir été un petit pamphlet le joujou du patriotisme , Georges Sorel a inspiré Lénine tout autant que Mussolini, Drieu s'est voulu européen jusqu'à la démesure et s'est enflammé pour Genève, Berlin et Moscou, Jean Prévost a compris l'Espagne et l'Amérique mieux que nul autre. Quant à André Siegfried, il était comme chez lui dans le monde entier.
Si les écrivains normands, et spécialement les penseurs politiques, sont presque tous fascinés par leur souche originelle de lointaine origine scandinave, on ne trouve guère chez eux de racisme, mais au contraire curiosité et goût de la différence. L'idée que tous les hommes puissent être semblables leur paraît la plus dangereuse des utopies. Plutôt l'individualisme solitaire que l'état mondial. De surcroît, ils se méfient de la conscience universelle, comme ils se méfient de tout absolu et de toute chimère.
Mais encore des lucides et des solitaires
La normannité peut parfois sembler un refus de s'engager, tant la tolérance est instinctive et le scepticisme paralysant. Les Normands sont souvent assez lucides pour mesurer la vanité des choses. Ils ne se lancent dans l'action que par un difficile sursaut - voir Drieu et Prévost - mais souvent leur lucidité les freine. Ce sont plus des conseillers - solitaires et jalousés, d'ailleurs - que des meneurs. Peu de généraux et peu d'amiraux chez nous. Le seul Normand important pour Napoléon n'est pas un traîneur de sabre, mais c'est le consul Lebrun, celui qu'il aimait à nommer « mon sage Mentor ».
Il semble bien que les Normands répugnent à se classer et se sentent mal à l'aise quand ils doivent se frotter à la politique telle qu'elle est vécue dans l'hexagone. André Siegfried remarquait que le Normand était d'instinct un « Whig » et qu'un tel parti, s'il est une réalité outre-Manche, n'existe pas sur l'échiquier politique français.
Les Normands ont donc une étrange caractéristique, celle de se trouver partout chez eux. De se sentir « biens dans leur peau » n'importe où dans le monde. Et, en même temps, d'éprouver le sentiment d'être partout des étrangers, des « horzains ». Le Normand qui s'est frotté au monde a l'impression d'avoir été mal compris par les non-Normands. Certes. Mais il a aussi l'impression de n'être plus compris par ses compatriotes restés au pays. Content de lui, il ne se sent pourtant à l'aise nulle part désormais. Aussi la normannité est-elle souvent vécue comme une solitude.
Le Normand conscient de sa normannité appartient à ce peuple dont mon ami Paul-René Roussel aime à dire qu'il est « the people between », expression intraduisible, mais significative.
La normannité : une permanence et non « la tradition »
Cette normannité, cet esprit normand, dont nous avons entrevu les manifestations dans le monde éthique, littéraire ou politique, ne s'est pas manifesté avec une égale acuité au cours des siècles.
D'abord instinctive et vitale, la normannité a été l'irruption sur le terroir de Neustrie d'une force neuve. « Pure », comme dirait Patrick Grainville. Cette force s'est muée en conscience historique, grâce à la volonté du Duc Guillaume. Après l'abâtardissement dû aux Plantegenets, après la coupure entre le continent et la Grande Île, après l'annexion à la France, la normannité a glissé du plan souverain et guerrier au plan artistique et littéraire. Les Normands, ne pouvant s'exprimer politiquement, ont été obligés de trouver un substitut à leur trop-plein de vitalité et à leur désir de marquer le monde de leur empreinte.
Les étapes de la « réduction » qui vont conduire de l'indépendance à l'autonomie et du particularisme à l'assimilation, sont connues : 1204, 1469, 1790, pour n'en citer que trois. A chaque épreuve, il semble que les Normands « compensent « par un véritable réflexe inconscient, en se réfugiant dans les lettres et les arts. La politique - interdite - se transmue en architecture ou en littérature. Le dernier avatar est le folklore.
Il apparaît clairement que si nous voulons retrouver les grandes lignes de force de la normannité, nous ne devons pas nous contenter d'en appeler à une « tradition », qui aurait trouvé son aboutissement dans la civilisation rurale du siècle dernier.
Cette Normandie, qui va - en gros - de la Monarchie de Juillet à la guerre de 1914, nous paraît à la fois proche et lointaine. Proche, parce que nous en avons nous-mêmes connu et vécu de nombreux vestiges dans notre enfance. Lointaine, parce qu'elle est, dans ses manifestations extérieures, condamnée par l'évolution scientifique du monde moderne.
Le plus grand danger qui nous guette serait d'identifier la normannité à cette Normandie du XIXème siècle, figée en une sorte de musée Grévin des arts et des traditions populaires. Un attachement sentimental, et respectable, nous conduirait à en gommer tous les aspects négatifs. Entre autres la misère ouvrière et rurale, l'acceptation d'une tutelle administrative de plus en plus envahissante, l'alcoolisme partout présent, l'abandon total devant le centralisme, l'émigration vers paris considérée comme une promotion, etc...
N'attachons pas la normannité à une époque où la Normandie cesse volontairement de vouloir rester elle-même. Quand le naturel devient mascarade, on peut se demander comment pourrait subsister ce que nous appelons justement la normannité.
Et cette normannité ne se confond pas obligatoirement pour nous avec le seul niveau populaire, où il en subsiste encore des traces. Ne craignons pas de le dire : l'esprit normand a été vécu, exalté, transmis par des individus d'élite.
Il pouvaient certes être fils de pauvre paysans, comme Jean-François millet, mais ils se sont faits eux-mêmes, selon la belle expression, et sont devenus « des gens de marque ».
Ce sont ces « premiers hommes », comme on dit parfois, qui sont pour nous les vrais garants de la normannité. Celle-ci n'est pas une sorte d'état de grâce que partageraient tous ceux qui ont quatre grands-parents normands, de préférence natifs d'un bourg rural. La normannité est avant tout l'apanage de ceux qui ont donné un sens à notre peuple et qui lui ont ouvert la voie, les maîtres d'œuvre, les créateurs, les poètes qui sont aussi des prophètes.
La normannité : un ordre et une création
C'est pourquoi la normannité, nous la chercherons plus dans le cloître d'une abbaye que dans un pressoir à pommes, plus dans un essai politique original que dans une chansonnette qui a traîné dans tout l'hexagone, plus dans des œuvres littéraires nouvelles que dans des exaltations gastronomiques ou des superstitions villageoises.