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samedi, 06 août 2011

D. Jamet: "Est-il interdit de parler d'immigration en France"?

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Dominique Jamet : “Est-il interdit de parler d’immigration en France ?”

Source Atlantico cliquez ici

 

L'extrême droite et la droite populiste responsables moraux des attentats d'Oslo ? C'est ce qu'on peut lire dans plusieurs médias nationaux. Preuve qu'il est toujours difficile de parler sereinement d'immigration en France...


ll y a huit ans, le nommé Richard Durn remplissait la mission - « cruelle mais nécessaire » – qu’il s’était assignée, à savoir tuer un maximum de membres du Conseil municipal de Nanterre, ville qu’il disait « exécrer ». Personne – je veux dire personne de bonne foi - ne prétendit alors que le Parti socialiste, les Verts ou la Ligue des Droits de l’homme, trois organisations dont il avait été membre, étaient pour quelque chose dans l’acte de ce dément. Durn lui-même, dans une lettre-testament, avait expliqué qu’il voulait seulement une fois dans son existence se sentir libre et puissant, et conclure sur ce coup d’éclat sa « vie de merde ».

 

L'extrême droite et la droite populiste responsables des attentats d'Oslo ?

 

Aussi bien, dans un premier temps, aucun journal, aucune organisation politique n’ont accusé le Parti du progrès norvégien, et pas davantage le Front national ou l’UMP, d’avoir organisé ou commandité le massacre conçu et perpétré par Anders Breivik, tant il était évident que l’idée tordue d’exterminer le plus grand nombre possible de jeunes Norvégiens pour mieux contenir l’Islam avait germé et fleuri toute seule dans ce cerveau fêlé. Laurent Joffrin a même tenu, avec beaucoup d’élégance, à disculper Robert Ménard et Eric Zemmour et, après réflexion, Elisabeth Lévy : ils n’étaient pas dans le coup.

 

Une telle sagesse, une telle modération ne pouvaient pas durer. Deux jours ne s’étaient pas écoulés que, s’étant ressaisis, le MRAP, SOS Racisme, Rue 89, Libération, après une enquête expresse, désignaient les responsable moraux de la récente tuerie et des tueries à venir : les droites extrêmes, les partis populistes, les apprentis-sorciers de la majorité qui, en faisant de l’immigration le bouc émissaire de tous nos maux, font souffler sur l’Europe et la France, les vents mauvais, les vents « délétères », les vents « nauséabonds » de la xénophobie et du racisme. D’où le réchauffement climatique de la haine, à l’origine de la vague de terrorisme chrétien fondamentaliste que pressentent les augures. Au fait, Benoît XVI a-t-il condamné les crimes de M. Dupont de Ligonnès ?

 

 Il n’est pas douteux que le carnage d’Oslo et les justifications qu’avance son auteur, mégalomane narcissique mais parfaitement conscient de ses actes et cohérent dans son délire, apportent une bouffée d’oxygène bienvenue au discours quelque peu fané des professionnels de l’antiracisme et des docteurs de l’angélisme.

 

L’occasion était trop tentante de ressortir du placard les amalgames les plus éculés et de confondre dans une même condamnation tous ceux qui, sur la base d’analyses, d’inquiétudes, d’intentions et de propositions bien différentes, ont tenu à un moment ou un autre des propos politiquement incorrects sur l’immigration et plus précisément sur la menace que l’Islam ferait peser sur notre culture et notre civilisation. C’est une chaîne longue et lâche dont les premiers maillons s’appellent François Mitterrand (« le seuil de tolérance »), Valéry Giscard d’Estaing (« l’invasion »), Jacques Chirac (« le bruit et l’odeur »), Nicolas Sarkozy (« la racaille »), Alain Finkielkraut (« la France se métisse »).

 

La doxa politiquement correcte de l'immigration

 

Jusque là, tout va bien, mais le discours de Grenoble est-il si différent du discours de Le Pen, M. Guéant ne persécute-t-il pas les sans-papiers, M. Longuet n’a-t-il pas appartenu au mouvement Occident, la Droite populaire, composante de l’UMP n’est-elle pas une passerelle vers le Front national, le Front national est-il aussi éloigné qu’il voudrait le faire croire des Identitaires, lesquels sont bien proches des néonazis qui ne désapprouvent pas Anders Breivik, propagandiste par l’exemple d’une nouvelle solution finale ? Tous populistes, tous extrêmistes, tous racistes ! C’est l’habituelle et insupportable reductio ad hitlerum, l’anathème qui dispense d’explication, l’arme absolue, dans le dialogue, de ceux qui refusent le dialogue, la forme contemporaine du « fasciste ! » qui, des années cinquante aux années quatre-vingt, fut l’efficace joker par lequel les communistes mettaient victorieusement fin à tout débat.

 

Il existe actuellement une doxa politiquement correcte de l’immigration dont il est aussi dangereux de s’écarter que d’un chemin sécurisé à travers un champ de mines.

 

France : terre d'immigration...

 

L’article premier en est que la France a toujours été une terre d’immigration. Les preuves en surabondent d’ailleurs : Blanche de Castille, Pétrarque, Vinci, Anne d’Autriche, Jean-Baptiste Lully, Marie-Antoinette…

 

Aucun immigré en particulier, et l’immigration en général, si l’on en croit la doxa, ne posent aucun problème d’aucune sorte, ni d’ordre public, ni d’ordre social, ni d’ordre culturel, ni d’assimilation. Les seuls problèmes viennent de ceux que nous leur créons, à travers la discrimination, la chasse au faciès, la ghettoïsation, la répression des sans-papiers.

 

Il n’y a aucune différence d’aucune sorte, dans aucun domaine, entre un Français de souche, français depuis vingt générations et un Français naturalisé depuis cinq minutes, un Français binational, un Français francisé, même s’il ne le souhaite pas, parce qu’il est né et a grandi sur notre sol, et un Français heureux bénéficiaire d’un mariage blanc.

 

L’immigration est un enrichissement : elle ouvre notre culture sur les autres cultures, remplit les caisses de la Sécurité sociale, diversifie notre cuisine et crée notamment dans le secteur agricole (l’herbe) et dans le secteur industriel (héroïne, crack et cocaïne) des dizaines de milliers d’emplois.

 

Mais cessons d’enfiler les perles. La vérité est que la France est confrontée depuis la fin de la seconde guerre mondiale à une situation sans équivalent dans son histoire depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis le dixième siècle et la fin des grandes invasions. Ce pays – le nôtre – à la démographie stagnante, comme tous ses voisins à la population vieillissante, est passé en soixante ans seulement de quarante à soixante-cinq millions d’habitants. Cette augmentation extraordinaire, signe et source de vitalité, s’explique pour l’essentiel (sans que quiconque puisse fournir un chiffre exact, puisque la loi nous interdit de savoir qui nous sommes) par un apport de sang nouveau. Autant qu’on puisse le mesurer, il semble qu’aujourd’hui un habitant de la France sur trois soit étranger, fils ou petit-fils d’étrangers.

 

... en pleine mutation

 

Comment une telle mutation, qui a d’ailleurs coïncidé avec le passage d’une société plus qu’à demi-rurale à une société urbanisée et qui a coïncidé avec la perte d’un certain nombre de repères anciens (l’Eglise, l’armée, la patrie, le drapeau, la famille traditionnelle) pourrait-elle ne poser aucun problème d’adaptation ?

 

Et cela d’autant plus que l’immigration qui a modifié et modifie chaque jour le visage de la France n’est pas une immigration de proximité, géographique et ethnique, donc aisément assimilable, mais une immigration largement africaine et asiatique, principalement musulmane, démographiquement jeune et féconde, socialement pauvre, culturellement différente. Quel rapport avec le racisme ou l’antiracisme a le fait de s’interroger, très légitimement, sur les conséquences que l’immigration peut avoir en termes de niveau de vie, d’évolution des mœurs et de la culture, de sécurité et sur les nouvelles bases de l’identité nationale ? Nous sommes à un tournant, et un tournant difficile, d’une histoire dix fois séculaire.

 

On peut évidemment regarder ailleurs. On peut évidemment n’en jamais parler et n’y jamais penser. On peut estimer que l’immigration est une chance pour la France. Mais la meilleure attitude consiste-t-elle à nier ou à affronter la réalité ?

 

Face à cette réalité, la classe politique installée – les deux grands partis de gouvernement - reste majoritairement sur la ligne qui a sépare la France d’en haut de la France d’en bas, et qui a coupé les élites bien portantes des masses bien souffrantes. Elle sait mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple, et n’aime pas que celui-ci se mêle de ses affaires. A l’inverse, ceux qui, à gauche comme à droite, exploitent les colères et les frustrations du peuple et lui murmurent à l’oreille ce qu’il a envie d’entendre peuvent être dits populistes, entendez démagogues. Mais est-il si choquant d’écouter le peuple, et de tenir compte de ce qu’il vit et de ce qu’il veut ? Le populisme est aussi un visage de la démocratie.