Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 11 juin 2021

Les États-Unis prêchent des valeurs qu’ils violent ouvertement

phptUcuLb.jpg

Les États-Unis prêchent des valeurs qu’ils violent ouvertement

par Glenn Greenwald

Comment pouvez-vous feindre la colère face aux attaques d’autrui contre la liberté de la presse alors que vous emprisonnez Assange pour le punir de ses révélations essentielles sur les responsables américains ?

Source : Glenn Greenwald
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken parle de l’importance du journalisme indépendant, le 6 mai 2021 (Radio Free Europe). Julian Assange arrive au tribunal de Westminster à Londres dans sa tentative de résister à l’extradition par l’administration Biden (Photo par Victoria Jones/PA Images via Getty Images)

Poursuivant sa tournée mondiale de conférences vertueuses, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a proclamé jeudi – dans un sermon qu’il faut entendre pour le croire – que peu de choses sont plus sacrées dans une démocratie que le « journalisme indépendant. » S’adressant à Radio Free Europe, Blinken a rendu hommage à la « Journée mondiale de la liberté de la presse. » Il a affirmé que « les États-Unis soutiennent fermement le journalisme indépendant. » Il a expliqué que « le fondement de tout système démocratique » implique de « demander des comptes aux dirigeants » et « d’informer les citoyens » ; et il a prévenu que « les pays qui refusent la liberté de la presse sont des pays qui n’ont pas une grande confiance en eux-mêmes ou en leurs systèmes. »

La cerise rhétorique sur le gâteau est venue lorsqu’il a posé cette question : « Pourquoi avoir peur d’informer le peuple et de demander des comptes aux dirigeants ? » Le secrétaire d’État a ensuite émis ce vœu : « Partout où le journalisme et la liberté de la presse sont remis en question, nous nous tiendrons aux côtés des journalistes et de cette liberté. » Comme je sais que je serais extrêmement sceptique si quelqu’un me disait que ces mots venaient de sortir de la bouche de Blinken, je vous présente ici le clip vidéo non édité d’une minute et cinquante-deux secondes où il dit exactement cela:

Le fait que le gouvernement Biden croit si fermement au caractère sacré du journalisme indépendant et se consacre à sa défense partout où il est menacé surprendrait beaucoup de monde. Parmi eux, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks et la personne responsable de la divulgation de plus de faits importants sur les actions de hauts fonctionnaires américains que pratiquement tous les journalistes américains employés par la presse mainstream réunis.

Actuellement, Assange se trouve dans une cellule de la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh parce que l’administration Biden tente non seulement de l’extrader pour qu’il soit jugé pour espionnage pour avoir publié des documents embarrassants pour le gouvernement américain et le parti démocrate, mais aussi parce qu’elle a fait appel de la décision rendue en janvier par un juge britannique rejetant cette demande d’extradition. L’administration Biden fait tout cela, note le New York Times, en dépit du fait que « les groupes de défense des droits de l’Homme et des libertés civiles avaient demandé [à l’administration] d’abandonner l’effort de poursuivre Assange, en faisant valoir que l’affaire… pourrait créer un précédent constituant une grave menace pour les libertés de la presse » – les libertés de la presse, exactement la valeur que Blinken vient juste de passer la semaine à célébrer et à promettre de défendre.

C’est le ministère de la justice [DOJ, Department of Justice, NdT] de Trump qui a porté ces accusations contre Assange après que le directeur de la CIA de l’époque, Mike Pompeo, a affirmé dans un discours de 2017 que WikiLeaks a longtemps « prétendu que les libertés du premier amendement de l’Amérique les protègent de la justice » puis a prévenu : « Ils ont pu le croire, mais ils ont tort. » Pompeo a ajouté – en invoquant la mentalité de tous les États qui persécutent et emprisonnent ceux qui les dénoncent efficacement – que « donner à [WikiLeaks] l’espace nécessaire pour nous écraser avec des secrets mal acquis est une perversion de ce que représente notre grande Constitution. Cela prend fin maintenant. »

Mais comme tant d’autres politiques de Trump concernant les libertés de la presse – qu’il s’agisse de défendre l’utilisation par le DOJ de Trump de mandats pour obtenir les relevés téléphoniques des journalistes, d’exiger qu’Edward Snowden soit maintenu en exil, ou de maintenir Reality Winner et Daniel Hale en prison – les hauts responsables de Biden sont depuis longtemps entièrement d’accord avec la persécution d’Assange. En effet, ils ont été à l’avant-garde des efforts visant à détruire les libertés fondamentales de la presse, non seulement pour WikiLeaks mais aussi pour les journalistes en général.

C’est Joe Biden qui a qualifié Assange de « terroriste de la haute technologie » en 2010. C’est l’administration Obama qui a réuni un grand jury pendant des années pour tenter de poursuivre Assange. C’est la sénatrice Dianne Feinstein (Démocrate de Californie) qui a insisté pour qu’Assange soit poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage, des années avant l’entrée en fonction de Trump. Et c’est la collègue de Blinken au sein de l’équipe de sécurité nationale d’Obama, Hillary Clinton, qui a félicité le DOJ pour les poursuites engagées contre Assange. Tout cela était destiné à punir les révélations d’Assange sur les méfaits endémiques du gouvernement américain et de ses alliés et gouvernements adverses dans le monde entier.

ass.jpg

The New York Times, 21 février 2021

Comment pouvez-vous parcourir le monde en feignant la colère face à la persécution de journalistes indépendants par d’autres pays alors que vous êtes un élément clé de l’administration qui fait plus que quiconque pour détruire l’un des journalistes indépendants les plus importants de ces dernières décennies ? En effet, comme de nombreux journalistes l’ont signalé à l’époque, peu d’administrations dans l’histoire des États-Unis, si tant est qu’il y en ait, sont plus hostiles aux libertés fondamentales de la presse que l’administration Obama dans laquelle Blinken a servi précédemment, notamment en poursuivant deux fois plus de sources journalistiques en vertu des lois sur l’espionnage que toutes les administrations précédentes réunies.

En 2013, alors que Blinken occupait un poste de haut niveau au Département d’État, le Comité pour la protection des journalistes a fait quelque chose de très rare – il a publié un rapport mettant en garde contre une épidémie d’atteintes à la liberté de la presse par le gouvernement américain – et a déclaré : « Dans le Washington de l’administration Obama, les responsables gouvernementaux ont de plus en plus peur de parler à la presse. » Jane Mayer, du New Yorker, a déclaré à propos des attaques de l’administration Obama contre la liberté de la presse : « C’est une énorme entrave à l’information, et donc le refroidissement n’est pas assez fort, c’est plutôt le gel de l’ensemble du processus. » James Goodale, avocat général du New York Times pendant la bataille menée par le journal dans les années 1970 pour publier les Pentagon Papers, a averti que « le président Obama dépassera certainement le président Richard Nixon en tant que pire président de tous les temps sur les questions de sécurité nationale et de liberté de la presse. »

Même « l’attaque contre la liberté de la presse » à laquelle Blinken fait référence dans cette interview vidéo – à savoir la récente demande de la Russie aux médias liés à des gouvernements étrangers, comme Radio Free Europe, de s’enregistrer en tant « qu’agents étrangers » auprès du gouvernement russe et de payer des amendes pour ne pas l’avoir fait – est une arme que Blinken et ses camarades utilisent contre d’autres depuis des années. En effet, la Russie répondait à la demande antérieure du gouvernement américain d’enregistrer RT et d’autres agences de presse russes en tant « qu’agents étrangers » aux États-Unis, ainsi qu’à l’escalade des attaques de l’administration Biden le mois dernier contre les agences de presse qui, selon elle, servent d’agents de propagande pour le Kremlin.

Ce n’est pas très nouveau pour les États-Unis de multiplier les conférences que le reste du monde reconnaît comme des farces complètes. En 2015, le président Obama se pavanait en Inde pour donner des conférences sur l’importance des droits de l’Homme, avant d’écourter son voyage pour s’envoler vers l’Arabie saoudite, où il a rejoint de nombreux hauts responsables du gouvernement américain pour rendre hommage au roi saoudien Abdallah, leur allié proche et hautement répressif de longue date, dont Obama a tant fait pour fortifier le régime totalitaire.

abdullah-obama.jpg

Mais galoper à travers le monde en se faisant passer pour le champion de la liberté de la presse et des droits des journalistes indépendants, tout en travaillant à prolonger l’enfermement et la détention de l’une des personnes responsables de la plupart des révélations journalistiques les plus importantes de cette génération au-delà de la décennie qu’il a déjà endurée, est d’un tout autre niveau de tromperie. Le terme « hypocrisie » est insuffisant pour rendre compte du manque de sincérité qui se cache derrière la posture de Blinken.

Il est toujours facile – et peu coûteux – de condamner les violations des droits de l’Homme de ses ennemis. Il est beaucoup plus difficile – et plus significatif – de faire respecter ces principes pour ses propres dissidents. Blinken, comme tant d’autres qui l’ont précédé dans ce bureau de Foggy Bottom [quartier de Washington comportant de nombreux services du département d’Etat, NdT], excelle théâtralement dans le premier cas et échoue lamentablement dans le second.

Source : Glenn Greenwald, 09-05-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Source: https://www.les-crises.fr/blinken-preche-des-valeurs-que-son-administration-viole-ouvertement-par-glenn-greenwald/

 

18:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, julian assange | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 10 mai 2021

Paille russe et poutre occidentale

Navalny-Assange.jpg

Paille russe et poutre occidentale

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Cela fait de nombreux mois que les diplomaties occidentales, en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Pologne, la Suède et la France, ne cachent plus leur mécontentement à propos de l’incarcération d’Alexeï Navalny. Après une tentative bizarre d’empoisonnement en août 2020 et une vingtaine de jours de grève de la faim, il vient d’être hospitalisé et recommence à se nourrir. Chancelleries occidentales et officines de presse officielles s’indignent de la persécution de celui qu’elles présentent comme le principal opposant à Vladimir Poutine.

Cette belle unanimité est cependant fêlée par l’attitude d’Amnesty International. Cette ONG cosmopolite a retiré son soutien au détenu russe le plus célèbre des plateaux-télé parce qu’il a frayé, il y a une quinzaine d’années, avec des groupuscules ethno-nationalistes russes. Premier prix permanent des faux-culs, Amnesty International ne souhaite pas aider une personne qui aurait tenu naguère des « propos haineux »… Toutefois, sa décision suscitant l’incompréhension, l’association pourrait se raviser.

Escroc notoire qui a profité des failles béantes d’un système juridique toujours en élaboration, Alexeï Navalny a été condamné selon les normes, les règles et les procédures légitimes du droit pénal russe. Quand Washington, Londres, Berlin, Varsovie et Paris menacent Moscou à propos de la dégradation de l’état de santé de ce citoyen russe, il s’agit d’une ingérence manifeste dans les affaires intérieures d’un État souverain. Malgré des mises en cause souvent grotesques et qui frisent parfois la déclaration de guerre, les dirigeants russes, Vladimir Poutine en tête, conservent un calme olympien. Leur sérénité tranche avec la fébrilité de l’Hyper-Caste mondialiste. L’Occident américanomorphe se scandalise de la paille dans l’œil russe, mais ignore sûrement l’immense poutre dans le sien.

assange.jpg

1075796554_0 0 1432 776_1000x541_80_0_0_b4d28e0765cb82a0960bfda8b49874d5.jpg

Cette poutre monstrueuse s’appelle Julian Assange. Depuis plus de deux ans, le courageux lanceur d’alerte australien croupit dans la prison de haute sécurité de Belmarsh en Grande-Bretagne. La Suède a finalement abandonné les poursuites au sujet d’hypothétiques viols. Julian Assange devrait être en liberté. Il continue pourtant à être séquestré. Ses conditions de vie sont difficiles. On le traite comme un terroriste. Soumis à un strict isolement, il subit des tortures mentales et des privations de soins. Les tribunaux britanniques doivent statuer sur son extradition vers les États-Unis qui l’accusent d’espionnage. Son crime ? Être à l’origine des fameux WikiLeaks. Dans cette triste affaire, la « jugesse » Vanessa Baraitser répète l’attitude de ses néfastes prédécesseurs qui écrasèrent au cours des quatre derniers siècles les Jacobites (partisans de la dynastie des Stuart), les Écossais, les catholiques anglais, les Irlandais, les paysans hostiles aux enclosures, les ouvriers luddites et les mineurs. Leurs jugements indignes constituent une interminable liste de massacres collectifs.

Julian Assange est plus à plaindre qu’Alexeï Navalny. Le premier ne bénéficie cependant pas de la couverture médiatique en faveur du second. Pourquoi ce traitement inique ? Si on emploie la lecture symbolique des patronymes en français, Navalny fait penser à « naval », c’est-à-dire au monde de la Mer. Alexeï Navalny ne travaille-t-il pas, directement ou non, contre les intérêts vitaux de sa mère-patrie et pour les thalassocraties occidentales ? Selon cette même lecture symbolique rapportée aux éléments, Assange se réfère à l’Air et aux anges. Julian Assange a dévoilé au monde entier la réalité : la volonté d’appropriation planétaire du Bloc occidental-atlantiste (BOA), lui-même inféodé à quelques « États profonds » bien connus et à leurs cliques financières – bancaires.

Les récits médiatiques ont beau expliqué le contraire. Les honnêtes gens savent qu’Alexeï Navalny est un traître et Julian Assange un héros.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 213, mise en ligne sur TVLibertés, le 4 mai 2021.

jeudi, 23 mai 2019

Douma, Assange, Skripal : charge des libéraux contre les dissidents

buffleds.jpg

Douma, Assange, Skripal : charge des libéraux contre les dissidents

Par John Wight

Ex: https://www.entelekheia.com

Paru sur RT sous le titre Douma, Assange, Skripal: Liberals in meltdown over dissident voices


L‘actrice de Hollywood Susan Sarandon vient d’apprendre que personne n’est plus illibéral qu’un libéral quand les préjugés qui sous-tendent sa vision du monde sont remis en question.

Le harcèlement qu’elle a subi sur les réseaux sociaux pour avoir osé se faire l’écho de préoccupations sur le récit officiel de l’attaque aux armes chimiques qui aurait eu lieu à Douma, près de Damas en avril 2018, se conforme à un schéma établi. Il stipule que quiconque ose remettre en question le récit officiel sur des sujets tels que le conflit en Syrie, le sort de Julian Assange, l’affaire Skripal, le Venezuela, l’Ukraine, etc, est soumis à un tir de barrage de diffamations et de calomnies.

Pour commencer par la Syrie, le travail de recherche entrepris par un groupe d’universitaires dissidents du Royaume-Uni connu collectivement sous le nom de Groupe de travail sur la Syrie, la propagande et les médias [Working Group on Syria, Propaganda and Media, voir l’article d’hier ici, NdT], sur l’attaque présumée aux armes chimiques de Douma par les forces gouvernementales syriennes, ainsi que d’autres attaques présumées, a déchaîné une crise d’hystérie dans les médias grand public.

Pour tout prix de leur travail, les membres du groupe se sont retrouvés dépeints en ennemis du peuple dans le Times of London (qui appartient au magnat des médias Rupert Murdoch), leurs photos et détails personnels ont été publiés et des pressions sont exercées sur les universités qui les emploient pour les faire licencier. Et tout cela parce qu’ils ont osé jeter le doute sur des événements tels que l’attaque présumée à l’arme chimique de Douma.

L’ampleur de la tentative de les réduire au silence est reflétée par un rapport interne de l’OIAC qui a récemment fait l’objet d’une fuite, et qui jette de sérieux doutes sur le fait que l’attaque ait été menée par les forces gouvernementales syriennes, comme on le prétend en Occident.

Vous vous souvenez que l’allégation selon laquelle les forces gouvernementales syriennes étaient responsables de l’attaque a servi de prétexte aux frappes aériennes américaines, britanniques et françaises et que des soldats syriens ont été tués par ces attaques ?

julian-assange-arrest-london-ecuador-embassy.jpg

Ce qui est sûr, c’est que le document de l’OIAC qui vient de faire l’objet d’une fuite valide le travail du Groupe de travail sur la Syrie, dont les membres ont sensibilisé de plus en plus de gens à la véritable nature du conflit et au rôle néfaste des gouvernements occidentaux dans la promotion de la cause des groupes d’opposition qui opèrent dans le pays et qui adhèrent à l’idéologie responsable des attentats du 11 septembre, de Madrid, de Londres, et de bien d’autres actes terroristes encore [notamment en France, NdT].

Sarandon ne fait pas partie du Groupe de travail sur la Syrie, mais pour avoir osé citer leur travail sur Douma dans un récent tweet, elle s’est trouvée harcelée sur les réseaux sociaux. Elle ignorait sans doute qu’en le faisant, elle se rendait coupable de soutenir des « Assadistes », des « théoriciens du complot », et qu’elle était « naïve ».

Les attaques ad hominem contre Sarandon étaient l’écho des injures dont a été victime le journaliste vétéran Robert Fisk, correspondant britannique au Moyen-Orient, quelques semaines après l’attaque présumée de Douma.

Fisk a été le premier journaliste occidental à visiter le site après que les forces gouvernementales syriennes aient libéré la région du groupe salafiste-djihadiste saoudien Jaysh al-Islam, un groupe dont il est prouvé qu’il avait employé des armes chimiques avant Douma.

Après son séjour, au cours duquel il s’était entretenu avec de nombreuses personnes sur le terrain, dont un médecin de la clinique où les victimes de l’attaque avaient été traitées, Fisk a écrit un article qui mettait en doute le récit officiel occidental utilisé comme prétexte pour les frappes aériennes mentionnées précédemment. Le résultat ? Vous l’aurez deviné : du jour au lendemain, Robert Fisk est passé du statut de journaliste primé et d’expert respecté de la région à celui « d’assadiste », de « théoricien du complot », de « larbin », « d’hurluberlu », etc.

Nous avons été témoins d’une dynamique similaire en ce qui concerne le sort de certains journalistes et du lanceur d’alerte Julian Assange, qui languit actuellement dans la prison de Belmarsh, à Londres, et risque d’être extradé vers les États-Unis via la Suède.

Ces dernières années, Assange a accumulé un certain nombre de sympathisants très en vue, au premier rang desquels l’actrice de Hollywood Pamela Anderson. Après lui avoir rendu visite à Belmarsh, l’actrice a fait l’objet d’un article à charge dans le Guardian. Ce même journal et site d’information a sans doute été le plus agressif de tous contre le fondateur de Wikileaks, pendant les sept années qu’il a passées à l’ambassade de l’Equateur.

Non content de cela, cependant, après qu’il eut été expulsé de force par un groupe de policiers britanniques en avril – dans une scène que l’on associerait plus volontiers à l’Allemagne nazie, dans les années 30, qu’à une démocratie respectueuse du Droit comme elles devraient l’être en 2019 – des articles d’opinion ont plaisanté sur son sort.

Work11.jpg

D’autres exemples de cette tendance à l’écrasement des voix dissidentes entourent ceux qui ont osé soulever des questions sur la version officielle de l’affaire Skripal ; des questions qui, encore une fois, n’ont rien à voir avec une quelconque théorie du complot, mais découlent d’une simple analyse des détails de l’affaire.

Le point central est que, alors que le monde établi au service des valeurs libérales occidentales s’effondre autour d’eux – comme en témoignent le Brexit, l’élection de Donald Trump et un rejet croissant des communautarismes – les gardiens du libéralisme installés dans les médias et leurs compagnons de route des réseaux sociaux sont en crise, et attaquent tous azimuts.

Ces personnes sont l’incarnation même de la dissonance cognitive ; leur soutien aux droits de l’homme et à la démocratie ne se distingue pas de leur soutien à des guerres illégales et à des changements de régime, quels que soient le chaos et le carnage qui en résultent ; leur obsession pour les communautarismes ne se distinguent pas de leur soutien aux persécuteurs des lanceurs d’alerte et à la diabolisation des voix dissidentes.

Ils sont devenus si désaxés contre ceux qui osent exprimer des doutes sur leurs fétiches et leur idées reçues, qu’ils semblent bien être en voie de devenir l’équivalent moderne de ceux qui menaient la charge contre des gens tels que Copernic, l’astronome de la Renaissance du XVIe siècle qui avait compris le premier que la Terre tourne autour du soleil et non l’inverse (héliocentrisme), et Galilée, qui avait soutenu la théorie de Copernic au début du XVIIe siècle.

Dans son livre sur l’histoire du libéralisme occidental, ‘Le libéralisme: une contre-histoire’, Domenico Losurdo révèle qu’au lieu de la primauté des libertés individuelles, comme ses partisans l’affirment, le cœur du libéralisme tient à la délimitation d’un cercle de valeur humaine. A l’intérieur de ce cercle se trouvent les riches et les connectés – une bourgeoisie supranationale qui parle le langage du progressisme pour justifier des actes de barbarie.

Les empires fondés et les guerres menées au nom du libéralisme ont été presque sans fin, c’est pourquoi s’y opposer politiquement, intellectuellement et idéologiquement a toujours été et sera toujours la lutte centrale de tous ceux qui vivent en dehors de son exécrable cercle de « valeur ».

Si Susan Sarandon ne fait pas attention, elle pourrait bien se retrouver à nous y rejoindre.

 

Traduction Entelekheia

lundi, 06 mai 2019

Prisonnier politique

julian-assange-448x293.jpg

Prisonnier politique

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Judas a vendu le Christ pour trente deniers. En cette période d’instabilité financière, le pathétique président équatorien Lenin Moreno a trahi Julian Assange pour un prêt de dix milliards de dollars accordé par la Banque mondiale, le FMI et d’autres organismes banksters. Au terme de six ans, neuf mois et vingt-deux jours de protection diplomatique, la police britannique a pu arrêter le fondateur de WikiLeaks dans l’ambassade de l’Équateur à Londres, ce 11 avril 2019.

La Grande-Bretagne souhaite juger Julian Assange pour toutes ces années où il a nargué depuis son balcon extraterritorial la méprisable caste britannique. En mauvaise condition physique, le dissident occidental croupit désormais dans la pire des prisons de la perfide Albion. Ses geôliers ne lui pardonneront jamais les nombreuses révélations sur la nature réelle des régimes politiques en vigueur en Occident, ces oligarchies ploutocratiques inféodées à Washington.

assange.jpg

Julian Assange risque maintenant les poursuites de trois États guère fiables sur le plan du droit, trois entités dont le système judiciaire privilégie l’argent, l’intérêt des officines et de leur caste et le politiquement correct, jamais la stricte vérité. Outre des tribunaux britanniques ivres de vengeance, la justice étatsunienne rêverait d’exécuter ce traître d’Australien. Pour quelle raison ? Depuis quand un non-Étatsunien devrait-il la moindre loyauté envers les États faillis d’Amérique ? Quant à la pseudo-justice de Stockholm, elle pourrait relancer des enquêtes autour des sornettes proférées par deux nymphomanes suédoises notoires (oui, on n’échappe pas parfois aux redondance !).

Le sort indigne qui frappe Julian Assange ne suscite guère d’empathie de la part de ses « confrères », les médiacrates. Révélateur fut ainsi le traitement de son arrestation au « 19 – 20 » de France 3 ce jour-là : la présentatrice osa parler de la fin d’une cavale. Plus forte que le paradoxe de Zénon d’Élée, la péronnelle venait d’inventer la « cavale statique » ou « immobile »…

Une pesante opacité entoure dorénavant le quotidien carcéral du plus célèbre prisonnier politique de la planète. Il faut en particulier craindre pour sa vie quand la mortalité en détention y est souvent plus élevée pour les personnalités dérangeantes. Ne peuvent plus en témoigner le penseur européen d’Amérique Francis Parker Yockey et le président serbe Slobodan Milosevic !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 123, mise en ligne sur TV Libertés, le 29 avril 2019.

09:55 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, julian assange, liberté d'expression | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 01 novembre 2014

Le rôle diplomatique secret de Google dénoncé par Julian Assange

goo187.jpg

Le rôle diplomatique secret de Google dénoncé par Julian Assange

Auteur : Guillaume Champeau 
Ex: http://zejournal.mobi
 

Assange continue de déranger

Dans un livre publié en septembre dernier, le fondateur de Wikileaks décrit en profondeur le rôle diplomatique joué très discrètement mais efficacement par Google, en particulier dans les pays arabes. Pour Julian Assange, Google est devenu une officine au service des intérêts américains, notamment grâce à sa filiale Google Ideas dirigée par Jared Cohen.

"Personne ne veut reconnaître que Google a beaucoup grandi et en mal. Mais c'est le cas". En septembre dernier est paru chez OR Books le livre When Google Met Wikileaks, écrit par Julian Assange. Le magazine Newsweek en publie cette semaine de très longs extraits, dans lesquels le fondateur de Wikileaks décrit avec minutie le rôle de l'ombre joué par Google dans la politique internationale des Etats-Unis. Le passage est véritablement passionnant, et mérite d'être lu. Il est étayé par des documents, dont beaucoup avaient fuité sur Wikileaks, qui donnent corps à l'analyse.

En résumé, Julian Assange estime qu'à travers l'action très politique de deux responsables de Google, son président Eric Schmidt et le beaucoup plus discret Jared Cohen, la firme de Mountain View est devenue une officine diplomatique au service des intérêts américains. Elle accomplirait une version modernisée du soutien qu'apportait la CIA aux dictateurs d'Amérique du Sud pendant la guerre froide. Il ne s'agit plus aujourd'hui de soutenir les régimes autoritaires contre les tentations communistes du peuple, mais de soutenir les rebelles contre les régimes autoritaires islamiques du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Déguisé sous des traits humanitaires, l'objectif fondamental reste toutefois le même : défendre le libéralisme économique et les intérêts stratégiques américains.

Le libéralisme économique étant perçu comme une résultante des droits de l'Homme, il suffirait de défendre la liberté d'expression, de faciliter la communication entre les hommes et de mettre en valeur toutes formes de libertés individuelles pour que le libéralisme économique s'impose de lui-même. A cet égard, Internet est une aubaine. On sait que l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) a ainsi financé un clone de Twitter à Cuba, ou tenté d'imposer des réseaux sociaux en Afghanistan, au Kenya ou au Pakistan.

Jared Cohen, l'homme de l'ombre des révolutions arabes

De son côté, Google a fondé Google Ideas, une structure méconnue dont l'agenda est exclusivement politique. Il s'agit de voir "comment la technologie peut permettre aux gens de faire face à des menaces en étant confrontés au conflit, à l'instabilité et la répression". L'organisation est dirigée par Jared Cohen, un ancien conseiller diplomatique de Condoleeza Rice et d'Hillary Clinton au ministère des affaires étrangères du gouvernement américain.

Selon sa fiche Wikipedia, Jared Cohen est un jeune spécialiste (33 ans) de l'anti-terrorisme, de la "contre-radicalisation", du Moyen-Orient et de l'Asie du Sud, des libertés sur Internet, et de "l'encouragement à l'opposition dans les pays répressifs". Il fut considéré l'an dernier par TIME comme l'une des 100 personnalités les plus influentes, tandis que le New Yorker lui avait consacré dès 2007 un portrait élogieux, qui rappelle qu'il s'était rendu en Iran pour aider l'opposition dès ses jeunes années d'étudiant.

L'activité de Cohen au sein de Google Ideas lui a valu jusqu'aux inimités de Stratfor, l'officine privée très influente et proche du pouvoir dont les e-mails avaient fuité en 2011 sur Wikileaks, valant au pirate-informateur pas moins de 10 ans de prison. Ils voyaient l'activité diplomatique de Google comme une forme de concurrence.

Dans un courriel interne cité par Julian Assange, daté du 27 février 2012, le responsable aux renseignements de Stratfor avait parlé en ces termes d'un projet confidentiel de Jared Cohen de se rendre dans les semaines suivantes à la frontière entre l'Iran et l'Azerbaïdjan

Google a le soutien et la protection aérienne de la Maison Blanche et du Département d'Etat. En réalité, ils font des choses que la CIA ne peut pas faire. Mais je suis d'accord avec toi. Il va se faire kidnapper ou se faire tuer. C'est ce qui pourrait arriver de mieux pour exposer le rôle secret qu'a Google pour faire mousser les soulèvements, pour être franc. Le gouvernement US pourra prétendre qu'il ne savait rien, et c'est Google qui tiendra le sac de merde.

Dans son livre, Julian Assange décrit par ailleurs toute une galaxie de fondations et associations qui sont directement ou indirectement liées à Google Ideas et à la diplomatie américaine, fondées ou rejointes par Jared Cohen. Parmi elles figurent Movements.org, créé par Cohen, qui a fusionné avecAdvancing Human Rights. Or ce choix n'est pas neutre. AHR a été fondé par Robert Bernstein, qui a démissionné en 2010 de la prestigieuse association Human Rights Watch qu'il avait pourtant fondée. Il reprochait à HRW d'avoir été trop critique contre les violations des droits de l'homme par Israël. Par opposition, Advancing Human Rights ne s'intéresse donc qu'aux "sociétés fermées", fermant les yeux sur des régimes critiquables aux apparences plus démocratiques.

Un pouvoir d'influence sans précédent ?

De là à dire que Google Ideas protège aussi les intérêts israéliens en aidant à déstabiliser les puissances arabes voisines, il n'y a qu'un pas que Julian Assange prend garde de ne pas franchir. Il met toutefois en garde contre le pouvoir d'influence politique de Google, qui joue aussi bien sur des faits de société que sur des enjeux beaucoup plus stratégiques.

"Google est perçu comme une entreprise essentiellement philanthropique", écrit Assange. Mais, fait-il remarquer, si une entreprise militaire privée comme Academi (anciennement Blackwater) "avait un programme tel que Google Ideas, ça lui vaudrait un examen critique intense" auquel Google échappe, grâce à son image de bienfaiteur de l'Internet.

"Les aspirations géopolitiques de Google sont fermement mêlées dans celles de l'agenda des affaires étrangères de la plus grande superpuissance mondiale. A mesure que le monopole de Google sur la recherche et les services Internet s'accroît (...), son influence sur les choix et les comportements sur la totalité des être humains se traduit en un véritable pouvoir d'influer sur le cours de l'histoire".

- Source : Guillaume Champeau

00:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, julian assange, google, états-unis, espionnage | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 30 septembre 2014

L’Europe espionnée par la NSA

Robert Steuckers

L’Europe espionnée par la NSA

 

Conférence prononcée au “Cercle Proudhon”, Genève, 10 avril 2014

 

snow97827.jpgLa réalité dans laquelle nous vivons aujourd’hui est une réalité entièrement sous surveillance, sous l’oeil d’un “panopticon” satellitaire et électronique. Tous les citoyens de l’américanosphère sinon du monde entier sont surveillés étroitement dans leurs activités “sensibles” ou dans leurs faits et gestes quotidiens. L’Etat a certes le droit, le cas échéant, de surveiller des individus qu’il juge dangereux mais là n’est pas vraiment le problème pour nos polities développées d’Europe. Le problème le plus grave, c’est la surveillance permanente et étroite que subissent nos entreprises de pointe, nos ingénieurs les plus performants, dans l’Union Européenne, pour ne même pas mentionner nos institutions diplomatiques et militaires. L’installation du système global de surveillance ne concerne donc pas le terrorisme —là n’est que le prétexte— mais bel et bien les fleurons de nos industries et les laboratoires de recherche de nos entreprises de haute technologie, d’électronique, d’avionique ou de bio-chimie. Le “telescreen” réel d’aujourd’hui ne surveille donc pas en priorité des citoyens rétifs susceptibles de devenir un jour de dangereux subversifs ou des révolutionnaires violents, comme l’imaginait encore Orwell à la fin des années 40 du 20ème siècle. Via Facebook, Twitter ou autres procédés de même nature, le “telescreen” actuel surveille certes la vie privée de tous les citoyens du globe mais cette surveillance se rapproche davantage du Palais des rêves d’Ismaïl Kadaré que du 1984 d’Orwell.

 

L’Europe a fait mine de s’étonner des révélations d’Edward Snowden en juin 2013. Pourtant, ce n’est jamais que le troisième avertissement qui lui a été lancé depuis 1997, les précédents n’ayant pas été suivis d’effets, de réactions salutaires et légitimes. D’abord, il y a eu, en cette année 1997, la révélation de l’existence du réseau ECHELON et, consécutivement, le fameux “Rapport de Duncan Campbell”, journaliste d’investigation écossais, qui a été établi après la demande d’enquête des instances européennes. Le réseau ECHELON avait suscité l’inquiétude il y a seize ans: depuis lors l’amnésie et l’inertie ont fait oublier aux grandes entreprises de pointe et aux masses de citoyens qu’ils étaient étroitement espionnés dans leurs activités quotidiennes. Ensuite, les révélations “Wikileaks” de Julian Assange révélaient naguère ce que l’hegemon pense réellement de ses vassaux et du reste du monde. L’affaire Snowden est donc le troisième avertissement lancé à l’Europe: la NSA, principal service secret américain, déploie un système d’espionnage baptisé “Prism” avec la complicité très active du GCHQ britannique. Les révélations de Snowden ne sont ni plus ni moins “révélatrices” que celles que nous dévoilait naguère l’existence du réseau ECHELON: simplement les techniques avaient considérablement évolué et l’internet s’était généralisé depuis 1997 jusqu’à équiper le commun des mortels, des milliards de quidams apparemment sans importance. Les écoutes sont perpétrées avec davantage de sophistication: Angela Merkel l’a appris à ses dépens.

 

Le réseau ECHELON

 

Revenons à l’année 1997, quand le parlement européen apprend l’existence du réseau ECHELON et manifeste son inquiétude. Il mande le STOA (Bureau d’Evaluation des options techniques et scientifiques) pour que celui-ci établisse un rapport sur l’ampleur de cet espionnage anglo-saxon et sur les effets pratiques de cette surveillance ubiquitaire. Les instances européennes veulent tout connaître de ses effets sur les droits civiques et sur l’industrie européenne. Plus tard, l’IC 2000 (“Interception Capabilities 2000”) dresse le bilan de l’espionnage commis par les satellites commerciaux qui interceptent les communications privées et commerciales. En effet, l’essentiel de cet espionnage s’effectue à des fins commerciales et non politiques et militaires au sens strict de ces termes. Les satellites ne sont pas les seuls en cause, le rapport vise aussi les câbles sous-marins, notamment en Méditerranée. Le résultat de l’enquête montre que les firmes françaises Alcatel et Thomson CSF ont été surveillées étroitement afin de leur rafler certains marchés extra-européens.

 

L’hegemon indépassable doit le rester

 

Le premier rapport du STOA évoque la possibilité d’intercepter les courriels, les conversations téléphoniques, les fax (télécopies par procédé xérographique). Il constate que les cibles sont certes les messages militaires et les communications diplomatiques (ruinant du même coup toute indépendance et toute autonomie politiques chez les nations européennes, grandes comme petites). L’espionnage systématique pratiqué par les Etats-Unis et les autres puissances anglo-saxonnes (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et Grande-Bretagne) est un avatar direct de la fameuse doctrine Clinton pour laquelle les opinions publiques et les espaces médiatiques des alliés et vassaux ne sont pas mieux considérés que ceux de leurs homologues relevant de l’ennemi ou d’anciens ennemis: tous sont à égalité des “alien audiences” qu’il s’agit de maintenir dans un état d’infériorité économico-technologique. L’hegemon américain —s’insiprant, à l’époque où est énoncée la doctrine Clinton, de la pensée du Nippo-Américain Francis Fukuyama— se donne pour objectif d’organiser le “monde de la fin de l’histoire”. Pour y parvenir et pérenniser la domination américaine, il ne faut plus laisser émerger aucune suprise, aucune nouveauté. Washington se pose donc comme l’hegemon indépassable: il l’est, il doit le rester.

 

Le gouvernement profond de la planète

 

Menwith-hill-radome.jpgLes rapports successifs du STOA et d’IC 2000 révèlent donc au monde l’accord secret UKUSA (United Kingdom + United States of America). Celui-ci date cependant de 1947, tout en étant la prolongation de la fameuse Charte de l’Atlantique signée par Churchill et Roosevelt en 1941. Chronologiquement, l’accord secret UKUSA précède donc la guerre froide et se forge avant le fameux coup de Prague qui fait basculer, en 1948, la Tchécoslovaquie dans le camp communiste; celui-ci acquiert ainsi l’espace hautement stratégique qu’est le “quadrilatère bohémien” qui avait procuré tant d’atouts à Hitler suite aux accords de Munich de 1938. Il précède aussi l’existence de l’Etat d’Israël (né également en 1948). Aux deux puissances fondatrices, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, se joignent la Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande puis, progressivement, en tant que “cercle extérieur”, la Norvège, le Danemark, l’Allemagne (en tant que pays occupé et non entièrement souverain) et la Turquie. Le GCHQ britannique surveille l’Afrique et l’Europe (jusqu’à l’Oural), le Canada surveille, quant à lui, la zone arctique. Le personnel qui travaille au service de ce système d’espionnage est soumis à une discipline de fer et doit garder pendant toute sa vie les secrets qu’il a appris pendant ses années de service. Ces membres du personnel sont endoctrinés et ré-endoctrinés (si la perspective change, si, à l’instar du scénario imaginé par Orwell dans son 1984, l’ennemi n’est plus, tout d’un coup, l’Eurasia mais devient, en un tourne-main, l’Eastasia...). En 1995, aucun gouvernement n’a reconnu publiquement l’existence du réseau UKUSA. Rien n’a transparu. Nous pouvons donc parler du “gouvernement profond” de la planète,  qui n’a jamais fondamentalement connu d’échecs, juste quelques petits ressacs, bien vite rattrapés....

 

Jusqu’en 1989-1991, la politique officielle était d’endiguer l’Union Soviétique, le bloc communiste. Après l’effondrement définitif de ce bloc soviétique et la dissolution de ses franges stratégiques, le réseau justifie son existence en prétextant la lutte contre le terrorisme ou le narco-trafic. Cette nouvelle “mission” est donc officiellement dirigée contre, il faut le rappeler, des golems fabriqués par la CIA elle-même dans le but de mener un “low intensity warfare” (une belligérance de basse intensité), à l’instar des talibans afghans ou des islamistes tchétchènes, ou générés pour financer des guerres en contournant les contrôles parlementaires, comme l’a été le trafic de drogues au départ du “triangle d’or” en Asie du Sud-Est. L’existence réelle, bien médiatisée, de ces deux fléaux que sont le terrorisme et le narco-trafic, postule que l’hegemon et ses alliés proches doivent sans cesse “élargir la surveillance”, une surveillance élargie qui ne visera évidemment plus les seuls narco-trafic et terrorisme, pour autant que leur surveillance ait même été imaginée autrement que pour faire pure diversion. En 1992, quand l’URSS a cessé d’exister et que la Russie résiduaire entre dans une phase de déliquescence sous Eltsine, le directeur de la NSA, William Studeman prononce son discours d’adieu. On peut y lire les phrases suivantes: 1) “Les demandes pour un accès global accru se multiplient”; et 2) “La partie commerciale de cet accès global est une des deux jambes sur laquelle la NSA devra s’appuyer”. L’espionnage, d’ECHELON à Prism, n’est donc plus seulement militaire mais aussi civil. Ce sont d’ailleurs des civils qui dirigent les bases de Mennwith Hill (Grande-Bretagne), de Bad Aibling (Allemagne) et de Yakima (Etat de Washington, Etats-Unis).

 

Le phénomène n’est toutefois pas nouveau. Déjà, il y a 80 ou 90 ans, l’ILC (“International Leased Carrier”) collectait toutes les informations arrivant des Etats-Unis en Grande-Bretagne et partant de Grande-Bretagne vers les Etats-Unis. En 1960, les puissances anglo-saxonnes ne peuvent pas (encore) contrôler les câbles terrestres mais bien les ondes radiophoniques de haute fréquence par lesquelles passent les messages militaires et les communications diplomatiques. Elles contrôlent aussi les câbles subaquatiques assurant les communications téléphoniques entre les continents. En 1967, les Etats-Unis lancent les premiers satellites de communication. En 1971, c’est au tour du programme Intelsat d’être lancé, procédé permettant la transmission des communications téléphoniques, du télex, de la télégraphie, de la télévision, des données informatiques et des télécopies. En l’an 2000, dix-neuf satellites du programme Intelsat sont à l’oeuvre dans l’espace circumterrestre: ils relèvent de la cinquième à la huitième générations de satellites.

 

De 1945 à nos jours, le programme codé “Shamrock” assure le travail en tandem de la NSA et des principales entreprises de télécommunications (RCA, ITT; Western Union). Le 8 août 1975, le Lieutenant-Général Lew Allen, directeur de la NSA, reconnait que son service intercepte systématiquement les communications internationales, les appels téléphoniques et tous les messages câblés. Cet aveu est retranscrit intégralement dans le rapport de Duncan Campbell qui, en plus, nous explicite tous les aspects techniques de ce gigantesque pompage de données.

 

GCHQ.jpg

 

Ordinateur dictionnaire

 

Nous sommes à l’heure de la captation des données circulant sur l’internet. On a cru, dans l’euphorie qui annonçait le lancement de cette technique “conviviale” (“user’s friendly”), qu’on allait échapper au contrôle total, qu’on allait communiquer à l’abri des regards indiscrets. Mais tous les instruments de pompage étaient déjà présents, dès leur commercialisation à grande échelle. L’“ordinateur dictionnaire” du GCQH britannique trie systématiquement les données avec la complicité d’ingénieurs de la British Telecom. Cet instrument a été sans cesse affiné et constitue désormais la plus grande banque de données du monde. Si l’objectif de ce contrôle avait une destination purement militaire ou s’il servait réellement à combattre le terrorisme ou le narco-trafic, personne ne pourrait avancer des arguments moraux sérieux pour critiquer l’ampleur de cette surveillance. Mais, on le sait, les drogues ou les terroristes ne sont que des prétextes. Le but réel, comme l’atteste le rapport de Duncan Campbell, est l’espionnage commercial qui, lui, a un impact direct sur notre vie réelle, notre vie quotidienne. Ce but véritable ne date pas de la découverte d’ECHELON ou de la doctrine Clinton, c’est-à-dire des années 90 du 20ème siècle. L’espionnage est commercial dès les années 60, et date même d’avant si l’on veut bien admettre que le but réel de la guerre menée par les Etats-Unis contre l’Allemagne n’était nullement la lutte contre l’idéologie nationale-socialiste ou contre le totalitarisme hitlérien ou était dictée par la nécessité de sauver et de libérer des personnes exclues ou persécutées par les politiques nazies, mais bien plus prosaïquement la conquête des brevets scientifiques allemands raflés au titre de butin de guerre (course aux brevets à laquelle Français et Soviétiques ont également participé). Gérard Burke, ponte de la NSA, déclare en 1970: “Dorénavant l’espionnage commercial devra être considéré comme une fonction de la sécurité nationale, jouissant d’une priorité équivalente à l’espionnage diplomatique, militaire et technologique”. Ce nouvel aveu d’un haut fonctionnaire de la NSA montre que les actions de son service secret n’ont plus seulement un impact sur la sphère étatique, sur les fonctions régaliennes d’un Etat allié ou ennemi, mais sur toutes les sociétés civiles, entraînant à moyen ou long terme la dislocation des polities, des espaces politiques et civils, autres que ceux de l’hegemon, quels qu’ils soient.

 

Nouvelle cible: les affaires économiques

 

Dans cette optique, celle d’une “commercialisation” des intentions hostiles concoctées par les Etats-Unis à l’endroit des autres puissances de la planète, il faut retenir une date-clef, celle du 5 mai 1977. Ce jour-là, la NSA, la CIA et le Département du Commerce fusionnent leurs efforts au sein d’un organisme nouveau, l’OIL ou “Office of Intelligence Liaison” (= “Bureau de liaison des renseignements”), dont la base principale est logée dans les bâtiments du “Département du Commerce” américain. Le but est d’informer et de soutenir les intérêts commerciaux et économiques des Etats-Unis. En avril 1992, le but à annoncer aux employés de la NSA ou de l’OIL n’est évidemment plus de lutter contre le bloc soviétique, alors en pleine déliquescence “eltsiniste”. L’Amiral William O. Studeman, de la NSA, désigne les nouvelles cibles: ce sont tout bonnement les “affaires économiques des alliés des Etats-Unis”, plus précisément leurs groupes industriels. La notion d’“allié” n’existe désormais plus: les Etats-Unis sont en guerre avec le monde entier, et il faut désormais être d’une naïveté époustouflante pour croire à l’“alliance” et à la “protection” des Etats-Unis et à l’utilité de l’OTAN. Aux “affaires économiques des alliés”, visées par l’espionnage des services américains, s’ajoutent des cibles nouvelles: les “BEM” ou “Big Emerging Markets”, les “gros marchés émergents”, tels la Chine, le Brésil ou l’Indonésie. Le but est d’obtenir des “renseignements compétitifs”, comme les définit la nouvelle terminologie, soit les offres formulées par les grandes entreprises de pointe européennes ou autres, les ébauches d’innovations technologiques intéressantes.

 

Balladur à Riyad

 

En 1993, Clinton opte “pour un soutien agressif aux acheteurs américains dans les compétitions mondiales, là où leur victoire est dans l’intérêt national”. Ce “soutien agressif” passe par un “aplanissement du terrain”, consistant à collecter des informations commerciales, industrielles et technologiques qui, pompées, pourraient servir à des entreprises américaines homologues. Quels sont dès lors les effets premiers de cette doctrine Clinton énoncée en 1993? Ils ne se font pas attendre: en janvier 1994, le ministre français Balladur se rend à Riyad, en Arabie Saoudite, pour signer un contrat général englobant la vente d’armes françaises et d’Airbus à la pétromonarchie, pour un montant de 6 milliards de dollars. Il revient les mains vides: un satellite américain a préalablement tout pompé en rapport avec les tractations. Et la presse américaine, pour enjoliver cette vilénie, argue de pots-de-vin payés à des Saoudiens et accuse la France et l’Europe de “concurrence déloyale”. Boeing rafle le marché. Et a forcément donné des pots-de-vin aux mêmes Saoudiens... mais personne en Europe n’a pu pomper les communications entre la firme aéronautique américaine et les bénéficiaires arabes de ces largesses indues. Ce contexte franco-saoudien illustre bien la situation nouvelle issue de l’application de la doctrine Clinton: les Etats-Unis ne veulent pas d’une industrie aéronautique européenne. Déjà en 1945, l’Allemagne avait dû renoncer à produire des avions; elle ne doit pas revenir subrepticement sur le marché aéronautique mondial par le biais d’une coopération aéronautique intereuropéenne, où elle est partie prenante. En 1975, lors du marché du siècle pour équiper de nouveaux chasseurs les petites puissances du Bénélux et de la Scandinavie, les Américains emportent le morceau en imposant leurs F-16, réduisant à néant tous les espoirs de Dassault et de Saab de franchir, grâce au pactole récolté, le cap des nouveaux défis en avionique.

 

En 1994 toujours, le Brésil s’adresse à Thomson CSF pour mettre au point le “Programme Sivam”, qui devra surveiller la forêt amazonienne. L’enjeu est de 1,4 milliards de dollars. Le même scénario est mis en oeuvre: les Français sont accusés de payer des pots-de-vin donc de commettre une concurrence déloyale. La firme américaine Raytheon rafle le contrat; elle fournit par ailleurs la NSA. Dans son rapport sur ECHELON, sur la surveillance électronique planétaire, Duncan Campbell dresse la liste, pp. 98-99, des entreprises européennes flouées et vaincues entre 1994 et 1997, pour un total de 18 milliards de dollars. Une analyse de la situation, sur base des principes énoncés par Carl Schmitt sous la République de Weimar, tracerait le parallèle entre cette pratique de pompage et la piraterie anglaise dans la Manche au 14ème siècle où un “maître des nefs”, le Comtois Jean de Vienne, a tenté d’y mettre fin (cf. “Les Maîtres des Nefs” de Catherine Hentic). Au 16ème siècle, la Reine d’Angleterre Elisabeth I annoblit les pirates de la Manche et de la Mer du Nord pour vaincre la Grande Armada: l’historiographie espagnole les a nommés “los perros de la Reina” (= “les chiens de la Reine”). Aujourd’hui, on pourrait tout aussi bien parler de “los hackers de la Reina”. Le principe est le même: rafler sans créer ou créer uniquement en tirant bénéfice de ce que l’on a raflé. Depuis la rédaction du rapport de Campbell, rien ne s’est passé, l’Europe n’a eu aucun réaction vigoureuse et salutaire; elle est entrée dans un lent déclin économique, celui qui accentue encore les misères des “Trente Piteuses”, advenues à la fin des “Trente Glorieuses”.

 

Julian Assange et Wikileaks

 

assange-on-time-co.jpgIl y a ensuite l’affaire dite “Wikileaks”, médiatisée surtout à partir d’octobre 2010 quand d’importants organes de presse comme Le Monde, Der Spiegel, The Guardian, le New York Times et El Pais publient des extrtaits des télégrammes, dépêches et rapports d’ambassades américaines pompés par le lanceur d’alerte Julian Assange. Celui-ci divulguait des documents confidentiels depuis 2006. Il disposerait de 250.000 télégrammes diplomatiques américains rédigés entre mars 2004 et mars 2010. Obama a tenté d’allumer des contre-feux pour éviter le scandale, en vain (du moins provisoirement, les Européens ont la mémoire si courte...). Les révélations dues au hacker Assange portent essentiellement sur le travail des ambassades américaines et dévoilent la vision sans fard que jettent les Etats-Unis sur leurs propres “alliés”. Bornons-nous à glaner quelques perles qui concernent la France. Sarkozy est “très bien” parce qu’il “possède une expérience relativement limitée des affaires étrangères”, parce qu’il “est instinctivement pro-américain et pro-israélien”; par ailleurs, il aurait “une position ferme à l’égard de l’Iran” et “accepterait le principe d’un front uni contre la Russie”; “son réseau de relations personnelles” serait “moindre avec les leaders africains que celui de Chirac”; “il ménagera moins la Russie et la Chine au nom de la Realpolitik que Chirac”. Ces deux dernières caractéristiques prêtées à l’ex-président français indiquent clairement un espoir américain de voir disparaître définitivement la politique gaullienne. C’est au fond l’objectif des Américains depuis Roosevelt, en dépit de l’alliance officielle entre gaullistes et Anglo-Saxons... Continuons à éplucher les rapports qui ont Sarkozy pour objet: celui-ci sera un bon président de France car “il acceptera des mesures sortant du cadre des Nations Unies”. Cette remarque montre que les Etats-Unis abandonnent le projet mondialiste et “nations-uniste” de Roosevelt car il ne va plus nécessairement dans le sens voulu par Washington. Il s’agit aussi d’un rejet des critères usuels de la diplomatie et la fin non seulement des stratégies gaulliennes, mais de tout espoir de voir se forger et se consolider un “Axe Paris-Berlin-Moscou”. Sarkozy devra toutefois “accepter la Turquie dans l’Union Européenne”. Son absence de “réalpolitisme” à l’endroit de la Russie et de la Chine permettra à terme “un front uni occidental au conseil de sécurité de l’ONU” (sinon il n’y aurait pas de majorité). Sarkozy “rompt avec les politiques traditionnelles de la France” et “sera un multiplicateur de force pour les intérêts américains en politique étrangère”.

 

DSK, Ségolène Royal et le pôle aéronautique franco-brésilien

 

Dominique Strauss-Kahn est largement évoqué dans les documents de “Wikileaks”. Des oreilles attentives, au service de l’ambassade des Etats-Unis, ont consigné ses paroles dans un rapport: pour le futur scandaleux priapique de Manhattan, “Segolène Royal”, au moment des présidentielles françaises de 2007, “ne survivra pas face à Sarkozy”. Mieux, en dépit de l’appartenance de DSK au parti socialiste français, celui-ci déclare à ses interlocuteurs au service des Américains: “La popularité de Segolène Royal est une ‘hallucination collective’”. Coup de canif dans le dos de sa camarade... Cynisme effrayant face aux croyances du bon peuple socialiste de toutes les Gaules... Quant à Hollande, “il est”, selon DSK, “bon tacticien mais médiocre stratège”. Bis. Cependant le dossier “Wikileaks” à propos de Sarkozy contient quelques notes discordantes: il y a d’abord les transactions aéronautiques avec le Brésil, où “Paris tente de vendre le Rafale”, concurrent du F/A-18 américain et du Gripen suédois. Ces rapports discordants reprochent à Sarkozy de faire de la “France le partenaire idéal pour les Etats qui ne veulent pas dépendre de la technologie américaine”. C’est évidemment qualifiable, à terme, de “crime contre l’humanité”... Le but de la politique américaine est ici, à l’évidence, d’éviter toute émergence d’un vaste complexe militaro-industriel dans l’hémisphère sud, grâce à une collaboration euro-brésilienne. Le pôle franco-brésilien, envisagé à Paris sous le quinquennat de Sarkozy, doit donc être torpillé dans les plus brefs délais. Ce torpillage est une application de la vieille “Doctrine de Monroe”: aucune présence ni politique ni économique ni technologique de l’Europe dans l’hémisphère occidental n’est tolérable. Nouer des relations commerciales normales avec un pays latino-américain est considéré à Washington comme une “agression”. La politique aéronautique et militaro-industrielle franco-brésilienne, poursuivie selon les règles gaulliennes en dépit du réalignement de la France sur l’OTAN, est-elle l’une des raisons de l’abandon puis de la chute de Sarkozy, coupable d’avoir gardé quand même quelques miettes de l’“alter-diplomatie” gaullienne? Les historiens de notre époque y répondront dans une ou deux décennies.

 

Wikileaks et les banlieues de l’Hexagone

 

Les dossiers de Wikileaks révèlent aussi le spectre d’une instrumentalisation potentielle des banlieues françaises par les stratégistes américains: si la France branle dans le manche, renoue avec ses traditions diplomatiques et géopolitiques gaulliennes, persiste à commercer avec les Brésiliens ou d’autres Ibéro-Américains, les “services” de l’Oncle Sam mettront le feu aux banlieues de Lille à Marseille en passant par Paris et Lyon. Le scénario imaginé par Guillaume Faye d’un embrasement général des quartiers immigrés, où la République s’avèrerait incapable de juguler les débordements par manque de moyens et d’effectifs, est bel et bien retenu dans les officines stratégiques des Etats-Unis. Les textes de Wikileaks, révélés par un numéro spécial du Monde (et non pas par une officine nationaliste ou identitaire) dévoilent les liens systématiques qu’entretient l’ambassade des Etats-Unis avec les populations arabo-musulmanes en France. On constate, à la lecture de ces documents, que les Etats-Unis, en s’appuyant sur les réseaux associatifs de ces communautés allochtones, visent “à créer les conditions d’une ‘démocratie participative’, prélude à une intégration totale”. Les Etats-Unis doivent y travailler, favoriser et accélérer le processus “parce que l’établissement français se montre réticent face aux problèmes des immigrés”. On y lit aussi cette phrase: “Nous poussons la France à une meilleure mise en oeuvre des valeurs démocratiques qu’elle dit épouser”. L’ambassade des Etats-Unis regrette aussi qu’en France, il subsiste “trop d’inégalités” (ah bon...? Au pays de l’égalitarisme maniaque et forcené...?). Un rédacteur anonyme estime quant à lui que “la laïcité est une vache sacré” (ce qui est exact mais sa définition de la “laïcité” ne doit pas être exactement la nôtre, qui est inspirée d’Erasme et des “letrados” espagnols du début du 16ème siècle, et non pas des pèlerins du Mayflower ou des sans-culottes). Dans une autre dépêche, le rédacteur anonyme promet “un soutien aux activistes médiatiques et politiques”, afin de “faciliter les échanges interreligieux” (voilà pourquoi la “laïcité” est une “vache sacrée”...) et de “soutenir les leaders communautaires modérés” (tiens, tiens...). L’intermédiaire de cette politique a sans nul doute été le “très démocratique” émirat du Qatar... On le voit: tout retard dans la politique d’une “intégration totale” pourrait donner lieu au déclenchement d’une mini-apocalypse dans les banlieues avec pillages de belles boutiques dans les centres urbains plus bourgeois. Or tout observateur un tant soit peu avisé des méthodes de propagande, d’agitprop, de “révolutions colorées” ou de guerres indirectes sait qu’il y a toujours moyen de “faire imaginer”, par des dizaines de milliers d’échaudés sans jugeote, un “retard” d’intégration, médiatiquement posé comme scandaleux, anti-démocratique, xénophobe ou “raciste” pour mettre le feu aux poudres. Le panmixisme idéologique des bêtas “républicains”, laïcards ou maritainistes, pétris de bonnes intentions, s’avère une arme, non pas au service d’une intégration qui renforcerait la nation selon la définition volontariste qu’en donnait Renan, mais au service d’une puissance étrangère, bien décidée à réduire cette nation à l’insignifiance sur l’échiquier international et dans le domaine des industries et des technologies de pointe.

 

L’affaire Snowden

 

Passons à l’affaire Snowden, qui éclate en juin 2013, quand le “lanceur d’alerte” publie ses premières révélations. Qui est cet homme? L’un des 29.000 employés civils de la NSA (qui compte également 11.000 collaborateurs militaires). Sa biographie était jusqu’alors inodore et incolore. On savait qu’il avait été un adolescent plutôt renfermé et un élève assez médiocre. Il avait cependant développé, pendant ses heures de loisir, des talents pour le piratage informatique qu’il qualifiait de “sanction contre l’incompétence des fabricants”. Sur le plan politique, Snowden s’est toujours montré un défenseur sourcilleux des libertés démocratiques et s’est opposé au “Patriotic Act” de Bush qui jugulait certaines d’entre elles. Sa manière à lui d’être rebelle, dans ses jeunes années, était de se déclarer “bouddhiste” et fasciné par le Japon. Il avait voulu s’engager à l’armée qui l’a refusé. En 2006, il s’est mis à travailler pour la CIA à Genève. Pourquoi cette ville suisse? Parce qu’elle abrite d’importants centres de décision pour le commerce international, qu’elle est un centre de télécommunication, qu’on y fixe les normes industrielles et qu’elle est une plaque tournante pour toutes les décisions qui concernent l’énergie nucléaire. Il constate, en tant qu’adepte naïf des libertés démocratiques et qu’admirateur des qualités éthiques du bouddhisme, que, pour les services américains, tous les moyens sont bons: comme, par exemple, saoûler un banquier suisse pour qu’il soit arrêté au volant en état de franche ébriété et qu’on puisse le faire chanter. En 2009, Snowden tente pour la première fois d’accéder à des documents auxquels il n’avait normalement pas accès. En 2008, il soutient la candidature d’Obama car celui-ci promet de mettre un terme à la surveillance généralisée découlant du “Patriotic Act”. Mais, par ailleurs, il n’aime pas la volonté des démocrates de supprimer le droit de posséder et de porter des armes ni leur projet de mettre sur pied un système public de retraite. Comme beaucoup d’Américains, son coeur penche vers certaines positions démocrates comme, simultanément, vers certaines options républicaines. Finalement, pour trancher, il devient un partisan de Ron Paul, défenseur, à ses yeux, des libertés constitutionnelles.

 

 

EDWARD-SNOWDEN-570.jpg

Entre 2008 et 2012, il sera progressivement très déçu d’Obama qui, en fin de compte, poursuit la politique anti-démocratique de ses prédécesseurs républicains. En 2009, Snowden part travailler pour Dell à Tokyo. Il vient d’être formé aux techniques offensives de la cyberguerre. Il a appris à pénétrer un système sans laisser de traces. Il est devenu un “cyberstratégiste” au service des “services”. En langage actuel, cela s’appelle un “hacker”, soit un pirate moderne au service d’une civilisation particulière qui doit son envol à l’annoblissement des pirates de la Manche et de la Mer du Nord par la Reine d’Angleterre Elisabeth I. Snowden travaillait chez Booz Allen Hamilton à Hawaï quand il a déserté et commencé son odyssée de “lanceur d’alerte”, de “whistleblower”, série de tribulations qui le conduiront à son actuel exil moscovite. Pour donner un impact international à son travail de dénonciation des méthodes de la NSA, il choisit de rechercher l’appui de Glenn Greenwald et de la journaliste Laura Poitras, animatrice principale de la “Freedom of the Press Foundation”, qui s’était donnée pour spécialité de dénoncer le faux humanitarisme de la propagande américaine, notamment en révélant les atrocités de la prison irakienne d’Abou Ghraïb et l’inconduite des soldats américains, membres des troupes d’occupation en Mésopotamie. Snowden, Poitras et Greenwald vont mettre au point la divulgation des documents, en sécurisant leurs communications grâce à des normes de sécurité et de cryptage que le journaliste français Antoine Lefébure décrit en détail dans le livre fouillé qu’il consacre à l’affaire (cf. bibliographie).

 

L’UE fait montre de servilité

 

Rétrospectivement, on peut dire que, malgré l’impact que cet espionnage généralisé a de facto sur l’Europe asservie, aucune réaction n’a eu lieu; de même, aucun rejet de la tutelle américaine ni aucune modification du comportement servile d’une eurocratie qui n’est qu’atlantiste alors que, pour survivre, même à court terme, elle ne devrait plus l’être. Déjà, après le rapport pourtant révélateur de Duncan Campbell en 1997-98, l’eurocatie, maîtresse de l’Europe asservie, n’avait pas réagi. Elle s’était empressée d’oublier qu’elle était totalement sous surveillance pour vaquer à son train-train impolitique, pour se complaire dans l’insouciance de la cigale de la fable. Avec l’affaire Snowden, on a eu l’été dernier, peut-être jusqu’en octobre 2013, quelques réactions timides, notamment quand les Allemands ont appris que le portable personnel de la Chancelière Merkel était systématiquement pompé. Mais il ne faudra pas s’attendre à plus. L’affaire ECHELON, les révélations de Wikileaks par Julian Assange et l’affaire Snowden sont les preuves d’une soumission totale, d’une paralysie totale, d’une incapacité à réagir: les ambassades européennes aux Etats-Unis et dans les autres pays anglo-saxons qui participent au réseau ECHELON, les instances de Bruxelles et de Strasbourg sont sous étroite surveillance. Aucun secret diplomatique, aucune liberté d’action ne sont possibles. L’Europe ne répond pas, comme elle le devrait, par une sortie fracassante hors de l’américanosphère, au contraire, elle fait montre de servilité, au nom d’une alliance devenue sans objet et des vieilles lunes de la seconde guerre mondiale, ce qui n’empêche nullement les Etats-Unis de considérer, en pratique, que l’Europe (et surtout l’Allemagne qui en est la seule incarnation sérieuse, tout simplement parce que son territoire constitue le centre névralgique du sous-continent), est considérée comme un ensemble de pays “suspects”, de nations ennemies qu’il convient de surveiller pour qu’elles n’aient plus aucune initiative autonome. La seconde guerre mondiale est terminée mais le centre du continent européen, l’Allemagne, demeure un allié de “troisième zone”, un Etat toujours considéré comme “ennemi des Nations Unies”, comme le constate avec grande amertume Willy Wimmer, haut fonctionnaire fédéral affilié à la CDU d’Angela Merkel, dans un article publié sur le site suisse, www.horizons-et-debats.ch .

 

Le vague projet de Viviane Reding

 

redi07_D.jpgViviane Reding, commissaire européenne à la justice, annonce la mise en place d’une “législation solide” pour protéger les données individuelles et les communications entre entreprises de pointe, selon le modèle officiel américain (qui est une illusion, tous les citoyens américains étant étroitement surveillés, non pas directement par des instances étatiques mais par des entreprises privées qui refilent leurs données à la NSA contre monnaie sonnante et trébuchante et passe-droits divers). Le projet de Reding s’avèrera pure gesticulation car, il faut bien le constater, il n’y a aucune cohésion entre les Européens: la Grande-Bretagne, est juge et partie, et n’a pas intérêt à interrompre sa “special relationship” avec Washinton, pour les beaux yeux des Français ou des Allemands, des Espagnols ou des Italiens, tous ex-ennemis à titres divers. La “Nouvelle Europe” (Pologne et Pays Baltes), chantée par les néo-conservateurs de l’entourage des présidents Bush, père et fils, cherche surtout à s’allier aux Américains au nom d’une russophobie anachronique. La Grande-Bretagne avance comme argument majeur pour saboter toute cohésion continentale que “cette affaire ne peut être traitée au niveau européen”. Cette position britannique, exprimée de manière tranchée, a immédiatement provoqué la débandade et aussi, notamment, la reculade de François Hollande. Il n’y aura pas de demande d’explication commune! L’Europe est donc bel et bien incapable de défendre ses citoyens et surtout ses entreprises de pointe. On le savait depuis l’affaire ECHELON et le rapport de Duncan Campbell. Les révélations de Wikileaks et de Snowden n’y changeront rien. L’inféodation à Washington est un dogme intangible pour les eurocrates, l’Europe et la construction européenne (au meilleur sens du terme) dussent-elles en pâtir, en être ruinées.

 

Ingratitude à l’égard de Snowden

 

Antoine Lefébure nous rappelle, dans son enquête, que, dès 2005, le Président Bush junior nomme Clayland Boyden Gray ambassadeur des Etats-Unis auprès des instances européennes. Cet homme, avait constaté une enquête minutieuse du Spiegel de Hambourg, est un lobbyiste du secteur pétrolier et de l’industrie automobile américaine. Il est clair que sa nomination à ce poste-clef vise non pas l’établissement de relations diplomatiques normales mais bien plutôt la systématisation de l’espionnage américain en Europe et le sabotage de toutes les mesures visant à réduire la pollution et donc la consommation de pétrole en tant que carburant pour les automobiles. Plus tard, la France, qui, cette fois, avait protesté moins vigoureusement que l’Allemagne, constate que ses institutions sont également truffées d’instruments d’espionnage, que leurs disques durs sont régulièrement copiés par une structure annexe, le SCS (“Special Connection Service”), fusion de certains services de la CIA et d’autres de la NSA. Les Etats-Unis se méfient en effet de toutes velléités de politique étrangère autonome que pourrait mener Paris et s’intéressent de très près aux marchés militaires, au nucléaire et au commerce international, tous domaines où la politique gaullienne avait toujours cherché, depuis les années soixante, une voie originale, non inféodée aux directives atlantistes. L’Europe fait donc montre d’ingratitude à l’endroit de Snowden en ne lui accordant pas l’asile politique, en le considérant comme persona non grata. On a alors eu le scandale de juillet 2013: sous pression américaine, l’Espagne, le Portugal et la France interdisent le survol de leur territoire à l’avion du Président bolivien parce que ces trois Etats, inféodés à l’atlantisme, croient que Snowden se cache dans l’appareil pour aller demander ensuite l’asile politique au pays enclavé du centre du continent sud-américain. L’Autriche, neutre, non membre de l’OTAN, ne cède pas à la pression, mais l’avion ne peut dépasser Vienne. La réaction des pays ibéro-américains a été plus musclée que celle des pigeons européens: la Bolivie, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Vénézuela rappellent leurs ambassadeurs à Paris pour consultation. La servilité de l’Europe, et celle de François Hollande, suscitent le mépris des pays émergents d’un continent avec lequel l’Europe pourrait entretenir les meilleures relations, au bénéfice de tous.

 

Une surveillance serrée des ingénieurs allemands

 

L’Allemagne est un pays qui, à cause de son passé et de l’issue de la seconde guerre mondiale, se trouve en état d’inféodation totale, depuis la naissance du fameux réseau Gehlen, du nom d’un général national-socialiste ayant eu de hautes responsabilités dans les services de renseignement du Troisième Reich. En 1946, Gehlen est rayé de la liste des criminels de guerre, en échange de ses dossiers qu’exploiteront dorénavant les services secrets américains. Depuis, l’Allemagne ne cesse d’adopter un profil bas, de tolérer une base du réseau ECHELON sur son territoire en Bavière et aussi, nous le verrons, d’autres centres d’écoute sur son territoire, en Rhénanie notamment. Quand éclate l’affaire Snowden, le ministre Pofalla dit “ne pas être au courant”! Il minimise l’affaire. Il faudra attendre fin octobre 2013 pour que Berlin hausse le ton: on a appris, en effet, dans la capitale allemande, que la Chancelière Angela Merkel était étroitement surveillée depuis 2002. En effet, les documents dévoilés par Snowden contiennent une liste de chefs d’Etat pour lesquels il faut dresser en permanence un “profil complet”. Merkel figure sur la liste. Cependant, toute la population allemande, y compris les “non suspects” de subversion anti-américaine, est surveillée selon le “Fisa Amendments Act” de 2008, au même titre que les ressortissants de Chine, du Yémen, du Brésil, du Soudan, du Guatemala, de Bosnie et de Russie. Dans son n°14/2014 le Spiegel divulgue des révélations complémentaires: le GCHQ britannique, chargé de surveiller l’Europe et donc l’Allemagne, espionne surtout les ingénieurs allemands via une station de relais satellitaire au sol, installée à Hürth près de Cologne ou via CETEL, qui surveille tout particulièrement les ingénieurs qui travaillent avec l’Afrique ou le Moyen Orient ou encore via IABG qui se concentre principalement sur les dossiers du Transrapid (l’aérotrain allemand), sur Airbus, sur le programme des fusées Ariane et sur tous les contrats liant des ingénieurs non militaires à la Bundeswehr. Toutes les plaintes sont restées sans suite: le tribunal constitutionnel de Karlsruhe, si prompt à faire alpaguer quelques déments et psychopathes paléo-communistes ou néo-nazilloneurs qui relèvent davantage des facultés de médecine psychiatrique que des tribunaux, hésite à dénoncer les violations de la sphère privée de citoyens honorables, au-dessus de tout soupçon, perpétrées par les Britanniques et les Américains à l’encontre d’honnêtes citoyens allemands pratiquant le noble métier d’ingénieur. Le risque serait trop grand, paraît-il, car cela “compliquerait les relations transatlantiques”. Ben voyons...!

 

Courageuse et lucide Finlande

 

Le seul pays européen à avoir réagi correctement, à ne pas avoir succombé à l’atlantisme généralisé, est la Finlande. Le gouvernement finnois, en effet, a décidé que “toute entreprise qui espionnerait les Finlandais” se verrait infliger des amendes carabinées, jusqu’à 25% du chiffre d’affaires, y compris si l’espionnage est organisé depuis un pays tiers. En outre, les lanceurs d’alerte, ne pourrait en aucun cas être expulsés ou extradés du pays. L’exemple finlandais, c’est un minimum: il devrait être généralisé à l’ensemble de l’UE. Toujours dans le numéro 14 de 2014 du Spiegel, Viviane Reding, répondant aux questions des journalistes de l’hebdomadaire, estime que les entreprises lésées devraient pouvoir bénéficier d’un droit de recours, que le principe de “Safe harbour” devrait être généralisé, que les amendes doivent être prévues (comme la France qui a infligé à Google une amende de 150.000 euro, soit 2% du chiffre d’affaire annuels de la firme). Elle souligne également les contradictions de l’Allemagne: Merkel veut un “plan européen” mais n’est pas suivie par ses fonctionnaires. Il faut également, disent la Chancelière et la Commissaire, élever considérablement le niveau de protection interne, mais, par ailleurs, l’Allemagne vend au secteur privé des données statistiques relatives à ses propres citoyens.

 

Les nouvelles superpuissances

 

Il reste à formuler quelques remarques, tirées d’une lecture du livre de Daniel Ichbiah, intitulé Les nouvelles superpuissances. Celles-ci, pour notre auteur, sont les entreprises telles Facebook, Wikipedia, Google, Twitter, etc. Facebook, par exemple, collecte des données émanant de tout un chacun et les conserve pour toujours, comme si elles devenaient, une fois affichées sur la grande toile, son exclusive propriété. Facebook coopère avec la NSA, si bien, écrit Ichbiah, que l’on peut parler de “réseaux cafteurs”. Mais il y a pire: la mémoire de l’humanité, potentiellement exhaustive depuis l’apparition de Facebook, demeurera-t-elle? Si Facebook, ou d’autres entreprises similaires, peuvent les conserver, elles pourraient tout aussi bien les effacer. Les supports, qu’on nous offre, sont tous périssables, les mémoires informatiques tout à la fois effaçables et réinscriptibles. Idem pour Wikipedia. Les données révélées par Wikipedia ne sont pas toujours exactes parfois mensongères ou carrément fausses, fruits de manipulations évidentes, mais il y a grande difficulté sinon impossibilité de faire aboutir des requêtes individuelles formulées devant tribunaux contre la teneur diffamatoire ou insultante de bon nombre d’informations divulguées sur la grande toile. Ces “nouvelles superpuissances” (selon la définition qu’en donne Ichbiah) sont au-dessus des lois, en Europe, parce qu’elles ne relèvent pas de lois européennes: Google, Facebook, Twitter sont des entreprises basées en Californie ou dans l’Etat de New York qui n’ont pas la même conception de la “privacy” que nous Européens.

 

La solution serait de ne pas utiliser Facebook ou Twitter ou de ne les utiliser qu’avec parcimonie. Quelques exemples de bon sens: supprimer tous les “amis” que l’on ne connaît pas personnellement; ne pas utiliser trop de produits Google; ne pas organiser sa vie autour des services Google; diversifier au maximum. Et surtout ne pas oublier que Google possède plus d’informations sur les citoyens américains que la NSA! Car l’avènement de ces “nouvelles superpuissances” équivaut à la négation totale des droits individuels, au nom, bien entendu, des “droits de l’homme”. On est en plein cauchemar orwellien: la propagande dit que nous bénéficions des “droits de l’homme” mais nos droits individuels (au jardin secret, à l’intimité), par l’effet des articifes mis en place par ces “nouvelles superpuissances”, sont totalement niés au nom d’une “transparence  cool”: nous ne sommes pas obligés, en effet, de dévoiler nos intimités sur la grande toile, mais l’exhibitionnisme humain est tel qu’hommes et femmes racontent tout, spontanément, au grand bonheur des flics et des censeurs. Il n’y a dès lors plus, à notre époque, de distinction entre sphère personnelle et sphère publique. En bref, la contre-utopie imaginée par l’écrivain albanais Ismaïl Kadaré dans son oeuvre Le palais des rêves, annonçant la venue d’un monde finalement problématique et dangereux, où règne la transparence totale, à cause précisément de la promptitude des sujets de l’empire décrit à confier la teneur de leurs rêves aux scribes désignés par le souverain. Nous y sommes.

 

Robert Steuckers.

(Forest-Flotzenberg, Fessevillers, Genève, mars-avril 2014; rédaction finale, septembre 2014).

 

BIBLIOGRAPHIE:

 

-          Duncan CAMPBELL, Surveillance électronique planétaire, Ed. Allia, Paris, 2001.

-          Daniel ICHBIAH, Les nouvelles superpuissances, Ed. First, Paris, 2013.

-          Joseph FOSCHEPOTH, “Die Alliierten Interessen sind längst in deutschem Recht verankert”, in: Hintergrund, Nr.4/2013 (propos recueillis par Sebastian Range).

-          Antoine LEFEBURE, L’affaire Snowden. Comment les Etats-Unis espionnent le monde, La Découverte, Paris, 2014.

-          Hans-Georg MAASSEN, “Von angeleinten Wachhunden”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014.

-          Yann MENS, “Guerres secrètes sur Internet”, in: Alternatives internationales, n°59, juin 2013.

-          Laura POITRAS, Marcel ROSENBACH & Holger STARK, “ ‘A’ wie Angela”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014.

-          Viviane REDING, “Ich werde hart bleiben”, in: Der Spiegel, Nr. 14/2014 (propos recuellis par Christoph Pauly & Christoph Schult).

-          Marcel ROSENBACH & Holger STARK, Der NSA-Komplex – Edward Snowden und der Weg in die totale Überwachung, Deutsche Verlags-Anstalt, München, 2014.

-          Matthias RUDE, “Partnerdienst – US-Geheimdienste in der BRD”, in: Hintergrund, Nr. 4/2014.

-          Peter Dale SCOTT, American War Machine. La machine de guerre américaine – La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan, Ed. Demi-Lune, Coll. Résistances, Plogastel Saint-Germain, 2012.

-          Andreas von WESTPHALEN, “Rechtlos: Whistleblower in Deutschland”, in: Hintergrund, Nr. 4/2013.

 

Dossiers et articles anonymes:

 

-          Le Monde hors série, Les rapports secrets du département d’Etat américain – Le meilleur de Wikileaks, s.d.

-          “Grenzenloser Informant”, in: Der Spiegel, Nr. 27/2013.

-          “Angriff aus Amerika”, in: Der Spiegel, Nr. 27/2013.

 

jeudi, 26 juin 2014

WikiLeaks filtra un nuevo informe que afecta 50 países

altWikiLeaks ha publicado el borrador de un informe secreto Anexo sobre Servicios Financieros del Acuerdo de Comercio de Servicios (TISA, por sus siglas en inglés), que afecta a 50 países y un 68,2% del comercio de servicios mundial.

EE.UU. y la UE son los principales impulsores del acuerdo y los autores de la mayoría de los cambios. En una maniobra significativa para impedir la transparencia, el proyecto ha sido clasificado para mantenerlo en secreto no solo durante las negociaciones, sino durante cinco años después de la entrada en vigor de TISA, explica el portal en su página web.

WikiLeaks explica que a pesar de los fallos evidentes en la regulación financiera durante la crisis financiera global en los años 2007 y 2008, y las llamadas a mejorar estructuras reguladoras pertinentes, los defensores de TISA pretenden desregular aún más los mercados de servicios financieros globales.

Estos gobiernos estaban celebrando estas conversaciones fuera de los límites formales de la Organización Mundial del Comercio (OMC) con los ojos puestos en TISA. Se llamaban a sí mismos "realmente buenos amigos de los servicios" y su objetivo es convertir TISA en la nueva plataforma de servicios financieros.  El informe destapa los deseos de EE.UU. de establecer nuevas reglas de negociación en TISA, obtener suficientes países que lo firmen para luego poder incorporarse a la OMC, y luego tener las mismas normas que se adoptan para las negociaciones en la OMC.

WikiLeaks explica que no está claro cómo debería suceder esto: bien dos terceras o tres cuartas partes de los miembros tendrían que estar de acuerdo para aceptar TISA bajo el paraguas de la OMC o bien bajo un acuerdo plurilateral. Países como Brasil y la India han sido muy críticos con TISA, y EE.UU. no ha permitido a China unirse.

EE.UU., a la cabeza del manejo de datos

El mayor peligro es que TISA impedirá a los gobiernos imponer normas rigurosas relacionadas con el sector financiero. Además, buscan no permitir que los gobiernos puedan solicitar datos para procesarlos y almacenarlos localmente, sino en las nubes, y la mayoría de empresas que usan esta tecnología se ubican en EE.UU.

Empresas estadounidenses también dominan el sector de la información y las comunicaciones en general. El derecho a guardar datos extranjeros es especialmente importante para el sector financiero, explica WikiLeaks, porque las finanzas son datos. Las industrias de seguros y tarjetas de crédito de Estados Unidos han sido las que más protestaron en contra de las solicitudes de "localización" de datos.

La propuesta de EE.UU. es mucho más directa, pues quiere que cada proveedor de servicios financieros de TISA tenga derecho a transferir información en forma electrónica o de cualquier otra manera hacia y desde el territorio de otro miembro de TISA para el procesamiento de datos. El portal reitera que en tales condiciones no se puede hablar de "ninguna pretensión de derecho para el Estado para proteger la privacidad y los datos personales".

Expansión de las multinacionales financieras

El borrador del Anexo sobre Servicios Financieros pone de relieve las normas que podrían contribuir a la expansión de las multinacionales financieras —con sedes ubicadas, sobre todo, en Nueva York, Londres, París y Frankfurt— a otras naciones mediante la prevención de las barreras regulatorias.

Regulación financiera, ¿objetiva e imparcial?

EE.UU. aspira a que toda la regulación financiera se administre en una "manera razonable, objetiva e imparcial". Pero, explica el portal, son criterios "altamente subjetivos y proporcionan un terreno fértil para la competición y si es necesario una disputa".  

La presión sobre los reglamentos, que se realiza a través de argumentos y estudios y exigiendo explicaciones, se ve reforzada por las solicitudes de consulta con correspondientes estados patronos y, si es necesario, advertencias de una disputa. "El objetivo claro es 'calmar' o sofocar al regulador", sostiene.

Secretismo antidemocrático

El secretismo durante la negociación sobre un tratado comercial de carácter vinculante y ejecutable es "objetable y antidemocrático, y provoca decisiones mal informadas y sesgadas", sostiene WikiLeaks. De hecho, este secretismo tiene como objetivo prevenir que los gobiernos sean responsables ante sus parlamentos y ciudadanos.

La supresión de los documentos de referencia también crea problemas legales. La Convención de Viena sobre el Derecho de los Tratados reconoce que son una herramienta esencial para la interpretación de los textos legales. Su no divulgación, explica el portal, hace que sea imposible para políticos, reguladores, organismos de supervisión no gubernamentales, partidos políticos de la oposición, empresas de servicios financieros, académicos y otros comentaristas entender el significado o aplicar el texto con confianza.

00:05 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : wikileaks, julian assange, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 10 décembre 2010

Was Julian Assange treibt

Was Julian Assange treibt

Michael WIESBERG

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

wikileaks-julian-assange.jpg„Mächtige spüren die Macht der Hackerethik“ übertitelte Christian Stöcker Ende letzter Woche einen Artikel für Spiegel-Online, in dem er unter anderem auf den Hacker-Guru Steven Levy zu sprechen kam. Levy brachte 1984 mit seinem Buch „Hackers. Herores of the Computer Revolution“ der Welt zum ersten Mal die Hackerszene nahe, deren Anfänge bereits in den 1950er Jahren lagen. Beschrieben wird, wie sich mit der schrittweisen Entwicklung des Computers „etwas Neues verdichtete ...: eine neue Lebensweise mit einer Philosophie, einer Ethik und einem Traum“.

Levy war es, der wohl als erster so etwas wie eine „Hackerethik“ entwickelte, die unter anderem im Beitrag von Boris Gröndahl zu dem Buch „Netzpiraten. Die Kultur des elektronischen Verbrechens“ (Hannover 2001, S. 145) nachgelesen werden kann. In Kürze lautet die sechs ethischen Prinzipien der Hackerszene:
1. Der Zugang zu Computern sollte unbegrenzt und umfassend sein.
2. Alle Informationen sollten frei sein.
3. Mißtraue Autorität – fördere Dezentralisierung.
4. Hacker sollten nur anhand ihres Hackens beurteilt werden.
5. Mit einem Computer kann Kunst und Schönheit erzeugt werden.
6. Computer können das Leben verbessern.
 

Offenere Formen des Regierens

Julian Assange, Gründer von WikiLeaks mit einschlägiger Hacker-Vergangenheit, hat aus diesem Kanon der Hackerethik insbesondere die Regel 2 radikal ausgelegt, wie Stöcker feststellt: Wenn alle Information öffentlich sei, so Assange, könne das für die Menschheit nur vorteilhaft sein. Dies deshalb, weil man nur so auf enthüllte Ungerechtigkeit antworten bzw. nur so die Ungerechtigkeit in der Welt bekämpfen könne.

Assange überbietet Levy indes in einem ganz bestimmten Punkt: er äußerte nämlich die Überzeugung, „ungerechte Systeme“ mit Datenlecks kippen zu können – damit sie durch „offenere Formen des Regierens ersetzt werden können“. In diesem Zusammenhang stellt sich unter anderem die Frage, wer darüber entscheidet, was ein „ungerechtes System“ ist. Nimmt man Assange beim Wort, fällt darunter wohl auch die USA, deren „Datenlecks“ er und seine Mitstreiter ohne Beachtung irgendeines Datenschutzes radikal ausnutzten. Assange nimmt in Kauf, daß durch sein Vorgehen unterschiedslos Politiker, Journalisten, Informanten, Botschaftspersonal etc. mit möglicherweise gravierenden Konsequenzen denunziert werden.

Die totale Informationsfreiheit

Polithacker wie Assange wollen – dieser Eindruck drängt sich zumindest auf – eine grundsätzlich andere Welt bzw. andere, „neue“ Menschen. Ein Hebel dazu ist die „totale Informationsfreiheit“. Dafür gibt es bereits einen Begriff, der sich „postprivacy“ nennt. Ein Vertreter dieser Szene, nämlich Michael Seemann, erklärt denn auch ganz lakonisch: „Wir steuern auf eine Gesellschaft zu, in der es keine Geheimnisse mehr gibt. Das wird nicht der Weltuntergang sein, wir müssen uns nur darauf einstellen.“

Stöcker resümiert den dahinterliegenden Kerngedanken wie folgt: „Wenn alles offen ist, muß sich niemand mehr vor Veröffentlichungen fürchten.“ Dieser „ideologische Ansatz“, so urteilte Christian Malzahn in einem Beitrag für Welt-Online, machen den „digitalen Revolutionsführer“ [Assange] „zu einem klassischen Anarchisten. Je mehr Leaks der Internet-Guevara produzieren kann, umso effektiver die digitale Revolution“.

Das Ende der Öffenlichkeit

Es bedarf keiner großen Phantasie, um zu erkennen, daß dieses Szenario nicht zu einer „offeneren Form des Regierens“ führt, sondern in eine menschenfeindliche Gesellschaft, die keine Abgrenzung mehr zwischen dem privaten und dem öffentlichen Raum zuläßt. Wo befürchtet werden muß, daß letztlich alles „öffentlich“ werden kann, gibt es keine Privatsphäre mehr. Es zerfällt dann aber auch die „Öffentlichkeit“ als Forum gesellschaftlicher Erfahrung und kulturellen Austauschs, der auf der Basis bestimmter Konventionen stattfindet.

Ein Austausch indes, der einzukalkulieren hat, daß all das, was auf der Basis gegenseitigen Vertrauens ausgetauscht wird, öffentlich werden kann, findet nicht mehr statt. Was das für die menschliche Kommunikation insgesamt bedeutet, mag man sich unschwer ausmalen. „Cablegate“, also die unterschiedslose (aktuell ins Stocken geratene) Veröffentlichung vertraulicher Diplomatendepeschen durch WikiLeaks, ist vor diesem Hintergrund ein erster Schritt in diese Gesellschaft, in „der es keine Geheimnisse mehr geben soll“.

Michael Wiesberg, 1959 in Kiel geboren, Studium der Evangelischen Theologie und Geschichte, arbeitet als Lektor und als freier Journalist. Letzte Buchveröffentlichung: Botho Strauß. Dichter der Gegenaufklärung, Dresden 2002.