Parution des numéros 467, 468 & 469 du Bulletin célinien
N°469:
Sommaire :
Des lettres retrouvées
Les sœurs Canavaggia et Céline
L’Église vue par Charles Bernard [1933]
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Parution des numéros 467, 468 & 469 du Bulletin célinien
N°469:
Sommaire :
Des lettres retrouvées
Les sœurs Canavaggia et Céline
L’Église vue par Charles Bernard [1933]
Au moins Taguieff admet-il que Céline s’est montré “lucide” face au communisme. L’autre passage du livre relatif à Céline concerne son jugement dépréciatif sur Proust (pp. 64-68). Le but étant naturellement de montrer “sa profonde bêtise”. L’honnêteté eût consisté à montrer que son appréciation à l’égard du glorieux aîné connut une évolution certaine. Au point d’énoncer, un an avant sa mort, un avis aussi définitif que celui-ci : « Proust est un grand écrivain, c’est le dernier, c’est le grand écrivain de notre génération ». Pour avoir une idée exhaustive de cette évolution, je vous recommande la notice relative à Proust dans un dictionnaire que tout célinien devrait avoir dans sa bibliothèque². Quant aux essais dans lesquels il est question des liens entre ces deux géants, ils sont légion. Coïncidence : les deux plus notables sont parus la même année³. Au risque de choquer, oserais-je écrire que, même dans le dénigrement radical, Céline fait preuve de perspicacité ? Ainsi lorsqu’il utilise la métaphore de la chenille pour définir le style proustien : « Cela passe, revient, retourne, repart, [n’oublie rien, add.] incohérent en apparence (…) La chenille laisse derrière elle tel Proust une sorte de tulle, de vernis irisé, [impeccable add.], capte, étouffe, réduit, empoisonne tout ce qu’elle touche et bave, rose ou étron. » Ainsi décrit-il cette obsession parfois oppressante qui tend à vouloir tout exprimer à propos d’un fait ou d’un sentiment. Et, pour cela, passe et repasse indéfiniment sur la même observation ou la même sensation.
• Pierre-André TAGUIEFF, Le Nouvel Âge de la bêtise, Éditions de l’Observatoire, 2023 (23 €).
N°468:
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Une heure chez Me Gibault
Céline dans Le Populaire
Bibliographie. Les Dictionnaires.
Henri Thyssens nous a quittés le 28 octobre¹ à l’âge de 75 ans. Je le connaissais depuis 1979 ; il m’avait contacté à la parution du premier numéro de feu La Revue célinienne. Il découvrit Voyage au bout de la nuit à l’âge de dix-neuf ans alors qu’il effectuait son service militaire. « Ce Voyage me transporta dans un monde nouveau, celui de la lecture, à tel point que j’en fis un métier : libraire ². » Avant de créer sa propre librairie, “La Sirène”, il apprit le métier chez Halbart, puis chez Eugène Wahle, à Liège dont il était originaire. Parallèlement, il fit du courtage à Paris. Spécialisé dans les ouvrages de généalogie et de régionalisme, il publiait des catalogues qui attestaient d’un professionnalisme sans faille. Ceux qu’il réalisa sur la gastronomie ou sur Simenon sont conservés par les amateurs. Alors qu’il avait été un élève peu appliqué, Céline joua pour lui le rôle d’initiateur et lui donna l’amour des lettres. À l’instar de nombreux céliniens pointus, le livre de Céline qu’il préférait, sensible à la modernité du style, était Mort à crédit. Ce qui ne l’empêchait pas d’apprécier des auteurs au style classique, tels Stendhal, Paul Léautaud ou Jules Renard qu’il relisait fréquemment. En 1976, cet autodidacte s’était fait connaître en éditant la correspondance à Évelyne Pollet qu’il avait rencontrée à plusieurs reprises. Cinq ans plus tard, il se rendit au Danemark sur les traces de Céline³. Il en ramena le flacon de cyanure que celui-ci avait emporté en Allemagne. Il l’avait fait analyser (c’était bien du cyanure de potassium mais désormais sans danger), ce qui lui permit de le proposer dans l’un de ses catalogues ! Il fut le créateur de la série Tout Céline, répertoire des livres, manuscrits et lettres passés en vente, qui connut cinq numéros et dans lesquels il publia différentes études, notes biographiques et recensions bibliographiques.
Mais la grande affaire de sa vie fut ses recherches sur l’itinéraire de Robert Denoël. Elles aboutirent à la création d’un site internet en accès libre d’une rigueur et d’une érudition en tous points remarquables. « Un éditeur assassiné, c’est rare, c’est incongru, on ne meurt pas pour les Lettres. Celui-là était différent, c’était un vrai bagarreur, et Liégeois de surcroît. Je me lançai donc à sa poursuite. Elle dura trente ans, mais je ne parvins jamais à mettre un nom sur son assassin, ou plutôt j’en trouvai plusieurs, ce qui compliquait encore l’affaire. »
On trouve d’ailleurs sur son site toutes les pièces connues sur cet assassinat ainsi que sur l’instruction judiciaire qui suivit. Il y a là matière à un livre majeur sur cette vie brisée mais Henri ne s’était jamais résolu à cette conversion, étant dans l’impossibilité, disait-il, de faire la synthèse de ce qui équivaut à un volume de centaines de pages. Il faudrait aussi évoquer l’homme qu’il fut : son ironie, sa fidélité en amitié, son indépendance d’esprit. Épris de liberté, il aura mené l’existence qu’il souhaitait. Ce qui importe maintenant c’est de préserver son travail. Michel Fincœur (attaché scientifique à la Bibliothèque Royale) et moi l’avions convaincu de léguer sa documentation aux “Archives & Musée de la Littérature”, à Bruxelles, ce qu’il fit il y a cinq ans. Il y existe désormais un “Fonds Robert Denoël / Henri Thyssens” qui a vocation à pérenniser le site internet qu’il créa en 2005 et qui constitue l’œuvre de sa vie.
N°467:
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Retour sur Drena Beach et Winna Winfried –
Le Spiegel et Céline
Un monument à Claude Duneton
En juillet 2021, la découverte des inédits a éclipsé celle d’un manuscrit de Mort à crédit, l’un des plus anciens retrouvés et donc antérieur à celui déjà connu. L’année passée, dans la nouvelle édition du roman (La Pléiade), Henri Godard annonçait que la publication du facsimilé de ce manuscrit de plus de 1.600 feuillets permettrait dans une certaine mesure de faire la lumière sur les différentes étapes de rédaction. Cela s’avère fondé et c’est ce qui en fait un document passionnant pour les amateurs et les chercheurs. Comme l’écrit Pascal Fouché, qui en a excellemment réalisé l’édition et la présentation, s’il est incomplet et qu’il ne livre pas toutes les clés de la méthode de travail de Céline, il nous permet tout au moins de mieux l’appréhender. Grâce aux versions successives de nombreuses séquences, on a accès aux différentes étapes. On assiste ainsi “en direct” au travail de création et on comprend mieux la manière de travailler de l’écrivain qui n’a de cesse d’accroître successivement plusieurs passages. Il est aussi intéressant de comparer avec ce qui sera modifié dans la version définitive. Un exemple parmi d’autres : on se souvient que dans celle-ci, il évoque sa mère en disant : « Elle a tout fait pour que je vive, c’est naître qu’il aurait pas fallu » ; cette phrase figure bien dans ce manuscrit, mais ici c’est de son père qu’il s’agit (« Il a tout fait… »). Les noms des personnages y sont loin d’être définitifs : ainsi, la concierge Mme Bérenge, qui fait l’ouverture du livre, s’appelle d’abord Mme Dovis. Quant à la datation, il faut situer la rédaction effective en 1934-1935, après qu’il a abandonné la partie qui serait devenue Guerre et le projet de Londres¹. Il se consacre alors uniquement au premier volet de ce roman qui, initialement, devait en comporter trois : « Enfance, Guerre, Londres. »
C’est que cette première partie prit tellement d’importance qu’elle constituera le roman tout entier totalisant pas moins de 700 pages imprimées. Nombreux sont les céliniens qui le considèrent comme son chef-d’œuvre, en tout cas supérieur à Voyage au bout de la nuit et surtout conforme à son projet esthétique. Mais cela n’a pas toujours été le cas et pas seulement pour la critique ; lorsque Henri Thyssens (†) lui consacra l’un de ses catalogues au début des années 80, il le titra fort justement « Mort à crédit, le mal-aimé »². Le prochain colloque de la Société d’Études céliniennes sera consacré aux manuscrits découverts il y a deux ans. Il reste à former le vœu que, sur la base de ce facsimilé, il se trouvera un céliniste pour dégager les leçons qu’apporte cette édition. Ajoutons que cette initiative éditoriale constitue une belle réussite bibliophilique, ce qui ne gâte rien.
• Louis-Ferdinand CÉLINE, Mort à crédit. Le manuscrit retrouvé (fac-similé & transcription), Gallimard, 2023, 2 volumes, l’un pour le fac-similé intégral ; l’autre pour la transcription (établie, annotée et présentée par Pascal Fouché), 1712 p., relié sous coffret, couverture toilée et marquée à chaud au format 25 x 11 x 39 cm, tirage limité à 999 exemplaires numérotés, 5,51 kg. (450 €).
15:28 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : revue, littérature, lettres, louisferdibnabnd céline, pierre-andré taguieff, henri thyssens, lettres françaises, littérature française | | del.icio.us | | Digg | Facebook