vendredi, 02 octobre 2020
Hommage à Pierre-Yves Trémois
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vendredi, 28 août 2020
Pierre-Yves Trémois, un grand illustrateur de Montherlant
Pierre-Yves Trémois, un grand illustrateur de Montherlant
Ex: http://www.montherlant.be
“Le burin m’a appris la simplicité et la simplicité est terrible.”
(Trémois)
“Trémois, un grand artiste cosmique.”
(Montherlant)
“Il y a une allégresse de la tragédie. Je pense que l’éprouvent tous les poètes tragiques.
Derrière leur masque à la bouche retombante, il y a un visage qui rit.
Je pense que Trémois jubilait en jettant d’un trait sûr et fort ses têtes coupées,
ses mains sanglantes, ses Jeanne Moreau coiffées d’aigles et ses hommes.”
(Montherlant)
Biographie de Trémois
Pierre-Yves Trémois est né en 1921 à Paris. Il est peintre, graveur et sculpteur.
Il suivit des études à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il fut Grand Prix de Rome de Peinture en 1941. Il est membre de plusieurs Académies, dont l’Académie des Beaux-Arts, à l’Institut de France (1978).
Il a réalisé de somptueuses illustrations d’éditions de grand luxe originales de Montherlant, soit trois ouvrages de théâtre : en 1953 Pasiphaé, en 1960 Le Cardinal d’Espagne, et en 1964 La Guerre civile.
“Trémois, c’est la pureté et la décision du trait, le contraste entre la rigueur du graphisme et la liberté de l’imagination. Le trait, défi violent et sensuel qui domine la technique au point de la faire oublier, pas d’ombre, pas de couleurs, pas de sentiments, une précision diabolique, presque clinique.
Il est un des plus grands graveurs de son époque. Son œuvre est en partie érotique. Il représente les corps dans une irrésistible passion, dans des enlacements très sensuels. Il se désigne d’ailleurs comme un “érotographe”. Mais nulle pornographie, nulle laideur dans ces corps nus magnifiques.
Trémois écrit ceci : “L’érotisme est grave, un des moments les plus intenses de l’existence. On me traite parfois d’érotique. La morale en art n’existe pas. Elle n’existe pas non plus chez les animaux, elle n’existe pas non plus dans l’érotisme.”
Car Trémois est fasciné aussi par les animaux, (les batraciens notamment, et les insectes). II était très apprécié par le savant Jean Rostand qui était aussi un admirateur de Montherlant.
Trémois a illustré notamment Claudel, Jouhandeau, Jean de La Fontaine, Jean Rostand, Ovide, Giono, Verlaine, Nietzsche.
Il a exposé dans toute la France, en Belgique et au Japon depuis 1962.
Trémois et Montherlant
Voici ce que Montherlant écrit de lui, en février 1971 :
“Le matador doit entrer l’épée dans le taureau “court et droit” : c’est la formule consacrée. Le graveur doit entrer le burin dans le cuivre “pur et sûr”. Les œuvres de Trémois, qu’elles soient peintures, dessins, monotypes ou gravures, étonnent l’écrivain habitué aux tripotages infinis ; nous autres nous n’avons pas besoin de ce jet infaillible et irrévocable.
La pornographie, telle qu’elle est exploitée commercialement et industriellement de nos jours, rend vulgaire et assommante la chose la meilleure, la moins vulgaire et la plus vénérable du monde, qui est l’acte érotique.
Trémois nous rend cet acte dans sa pureté. Double pureté : celle du trait ; celle de l’intention, comme lui, nette.
“Le monstre biforme, la grande rose humaine, se détacha et s’envola dans la nuit.” J’ai écrit cette phrase bien avant de connaître Trémois. Elle pourrait être une de ses légendes. Quand elles ne sont pas lovées dans des conques, ses érotiques vaguent dans un univers de soleils, de rayons, de planètes, mêlés à des pieuvres et à des médrapores. C’est l’infini intérieur dans l’infini sous-marin et stellaire.
Et puis les insectes nets, compliqués, avisés. Et les difformes, chéris sans doute de la nature, qui les multiplie à satiété.
Le monde animal attire Trémois, et le monde humain. Mais plus que tout, les planches où s’accouplent les deux règnes touchent l’auteur de Pasiphaé. On les dit “troubles” alors qu’elle sont limpides, et “inquiétantes” alors qu’il y a une paix sublime dans les deux règnes réconciliés par un bonheur commun.
J’ai essayé maintes fois de convaincre Colette et Gide d’aborder ce profond et sublime sujet, soutenus par leur autorité d’écrivains : je leur fournirais une documentation invraisemblable. Tentés, sentant bien que cela était important et entièrement nouveau, ils prenaient peur et se dérobaient. Un grand artiste cosmique comme Trémois s’honorerait en traitant plus loin qu’il ne l’a fait cette fusion des espèces, juste un instant, avant qu’elle ne fut rejetée avec haine dans la fosse dantesque où grouillent les préjugés.” (Février 1971, texte de Montherlant dans l’ouvrage Pierre-Yves Trémois, aux éditions Jacques Frapier, Paris 1971)
En 1927, déjà, interviewé par Frédéric Lefèvre, (Une Heure avec Henry de Montherlant dans Les Nouvelles littéraires du 15 octobre 1927), Montherlant insistait déjà sur la nécessité de ne pas être choqué par un “totalisme” érotique, selon lui, naturel. Il n’aura jamais renié cette vision du monde, originale et audacieuse, mais choquant les esprits encadrés par la morale judéo-chrétienne.
Il faut garder à l’esprit la pensée naturellement rebelle, totalement individualiste, de Montherlant en matière de mœurs.
Et cet autre texte de Montherlant : “J’écrivais en 1931 sur La Rose de sable, sans connaître encore
Trémois : “Ce qu’il voulait, c’était une ligne pure, et avant de la tracer, il avait de l’inquiétude, la bouche entrouverte comme un équilibriste qui se dispose à exécuter un saut périlleux.” De ce trait infaillible et irréversible, Trémois cerne les êtres et les êtres surtout dans l’instant de leur magnificence amoureuse.
Puis, il y a les bêtes encornées ou ailées, ou coruscantes, ou corsetées, fixées elles aussi dans leurs magnificences.
Puis il y a les femmes griffues ou aquilifères, et les hommes à torsades de serpents. (…)
Dans l’œuvre de ce grand artiste chacun comme de raison voit ce qu’il est soi-même, ou croit être, ou veut être. Pour moi, le burin cruel qui incruste au cuivre des visions fantastiques et des grimaces de cadavres me rappelle que, avec la force, la clarté et la précision sont les trois vertus théologales de l’art.
Détails sur les œuvres de Montherlant illustrées par Pierre-Yves Trémois :
Pasiphaé, le chant de Minos
de Henry de Montherlant.
Format 30 x 40 in-quarto.
Tirage à 225 exemplaires.
Avant-propos inédit de l’auteur.
Les 29 eaux-fortes et burins originaux ont été tirés sur les presses de R. Lacourière par J. Frélaut sur vélin spécialement fabriqué et filigrané “à la tête de taureau”.
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer par les soins de P. Bouchet à Paris en 1953.
En outre les éditions L. C. L “Les Peintres du livre” éditaient en 1967 une nouvelle forme de l’ouvrage tirée à 3000 exemplaires et comprenant la reproduction au format 21 x 22 de certaines planches de l’édition originale.
Le Cardinal d’Espagne
Edition originale de Henry de Montherlant.
Format 33 x 42.
Tirage à 250 exemplaires.
Les 34 eaux-fortes et burins originaux, ainsi que le texte calligraphié par l’artiste des extraits du texte de Montherlant, ont été tirés sur les presses de R. Lacourière par J. et R. Frélaut.
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer par les soins de P. Viglino pour H. Lefebvre à Paris en 1960.
Les exemplaires ont été signés par l’éditeur et l’artiste.
En plus de cette édition, un exemplaire unique a été constitué en 2 volumes grand in-folio, le premier contenant un des premiers exemplaires sur Japon, le second comprenant : 34 Monotypes
peints à l’encre d’imprimerie par l’artiste formant les “originaux”, tirés par Trémois sur les presses de R. Lacourière ; le manuscrit autographe de H. de Montherlant.
La couverture a été gravée au burin par l’artiste.
La Guerre civile
Edition originale de Henry de Montherlant
Format 32 x 44 grand in-folio.
Tirage à 200 exemplaires.
Les 25 eaux-fortes et burins originaux dont certaine planches doubles à rabat, ainsi que le texte calligraphié par l’artiste des extraits du texte de Montherlant, ont été tirés sur les presses de R. Lacourière par J. et R. Frélaut.
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer par les soins de D. Viglino pour H. Lefebvre à Paris en 1964. Tous les exemplaires ont été signés par l’éditeur et l’artiste.
La couverture, et la page de titre, ont été gravées par l’artiste au burin et à l’aquatinte.
Sources
- Pierre-Yves Trémois, avant-propos de Louis Pauwels, textes de Henry de Montherlant et de Jean Rostand, gravures monotypes, Editions Jacques Frapier, 1971
- OR, catalogue imprimé en mars 1972 à l’occasion de l’exposition de Trémois à la Galerie Maurice Garnier
- Monographie sur Pierre-Yves Trémois, imprimée en Octobre 1974 sur les presses de la S. M. I à Paris
- Catalogue sur Pierre-Yves Trémois, imprimé en octobre 1974, sur les presses de la SMI à Paris
08:13 Publié dans art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre-yves trémois, montherlant, art, arts plastiques | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 27 août 2020
Pierre-Yves Trémois : le génie du trait et la passion des corps
Pierre-Yves Trémois : le génie du trait et la passion des corps
par Michel Thibault
Ex: https://rebellion-sre.fr
Mort le 16 août à l’âge de 99 ans du dessinateur, graveur, peintre et sculpteur Pierre Yves Trémois… Artiste d’un immense talent, nous avions consacré cette article à l’exposition qu’il avait réalisé sur l’ensemble de son oeuvre.
Le 11 Avril 2013 s’ouvrait à Paris, au réfectoire des Cordeliers, une exposition intitulée : « Traits de Passion » – où sur toile et en noir et blanc, Pierre-Yves Trémois nous dévoilait avec sa puissance d’expression, l’univers passionnel qui accompagne l’homme depuis les origines, avec en ouverture la passion du Christ, acte fondateur et sacré, décrite avec toute sa cruauté, mais aussi porteuse d’espérance. Corps suppliciés, criants, hurlants ou érotisés dans l’acte d’amour, accompagnés de commentaires calligraphiés, Pierre-Yves Tremois dont l’esthétique a marqué le siècle, nous rappelait à 92 ans qu’il demeure le plus grand dessinateur et graveur de son temps.
Le parcours de l’artiste est celui d’un homme discret pour ne pas dire secret, même si les honneurs et la reconnaissance ont été très tôt au rendez-vous. Pierre-Yves Trémois est né le 8 Janvier 1921 à Paris ; en 1938, il entre à l’école des beaux arts, et grave ses premières plaques en 1942. En 1943, il obtient le grand prix de Rome de peinture et participe à sa première exposition à la bibliothèque nationale. En 1945, il se fait connaître comme illustrateur en gravant des eaux- fortes pour l’ouvrage de Paul Vialar La Grande Meute, qui connaît un fort succès. C’est le début pour Trémois d’une enrichissante collaboration avec des auteurs, dont beaucoup deviendront des amis : Montherlant, Giono, Claudel, Jouhandeau etc. – Au total, plus de 40 ouvrages illustrés – En 1957, de la rencontre avec le biologiste Jean Rostand va naître une œuvre commune, Bestiaire d’Amour, qui traite des relations amoureuses chez les animaux, illustré de 22 planches ; une deuxième édition sera augmenté de 200 dessins. Rostand et Trémois partagent la même fascination pour le monde animal – pour le savant : « Dans l’animal, on se heurte au mystère de la vie à l’état pur. Tout l’essentiel de l’homme sans l’homme. » – et l’artiste de répondre : « J’ai autant de plaisir à dessiner des crapauds accouplés que des humains dans le même exercice. ».
Désormais batraciens et singes vont devenir des éléments récurents dans l’œuvre de Trémois, comme une interrogation permanente sur les origines de l’homme et la théorie de l’évolution. En 1963, Trémois lors d’un séjour en Bretagne rencontre Catherine, celle qui deviendra sa femme, sa muse et sa complice. Peu d’artistes osent pratiquer la gravure, car le burin qui prolonge la main n’a pas droit à l’erreur, le tracé doit refléter fidèlement l’esprit du créateur, la plaque de cuivre ne connaît pas la gomme. Le trait idéal, épuré, simple et complexe à la fois, Trémois l’a entrevu dans les estampes et la peinture japonaise, c’est une quête perpétuelle qui traverse les siècles, de Lascaux à nos jours. Trémois, en habitué de la culture asiatique, a choisi le trait noir, régulier et affirmé, sur fond blanc, le Yin féminin et le Yang masculin, dualité et complémentarité. Ce trait qui nous est familier aujourd’hui, s’est épanoui dans l’œuvre sensuelle et érotique, qui reste le fondement de l’inspiration de l’artiste : « Le désir de dessiner, de peindre, de graver, de sculpter des images de l’amour – c’est le seul sujet existant et excitant qui puise envahir l’existence d’un artiste. ». Trémois ignore superbement la « théorie du genre », dans ses créations la nudité définit les sexes, qui s’accouplent pour la plus saine des jouissances, corps sublimés par le génie de l’artiste ; sur ce « champ de bataille » la chair n’est jamais triste. Pierre-Yves Trémois est un créateur total, un alchimiste, aucune matière, aucun domaine ne lui est étranger, il travaille la toile mais aussi l’or, le bronze et la céramique : réalise des affiches, timbres, bijoux, tapisseries, médailles etc.
En 1978 il est reçu à l’académie des beaux-arts, son épée est un sabre de samouraï, avec une lame du XVème siècle, ornée de deux plaques d’or sur lesquelles il a gravé ces mots : « La ligne est mon partage ». Les photos de l’événement montrent un homme élégant dans son habit vert, à la silhouette élancée et au visage d’une beauté grecque. Dans son discours en hommage au dessinateur Paul Lemagny, Trémois fait l’éloge du nu et dénonce la destruction des formes dans « l’art contemporain » : « Le nu, qui pendant des siècles, a été le prétexte de l’art, s’est peu à peu désacralisé ; il a même été tourné en dérision, pantin distordu du néant. Ce corps glorieux, en son jardin d’Akadêmos, ne reçoit plus, que des pierres gauchement lancées. ». Critique sur la voie où s’engage l’art moderne, il égratigne en 2008 l’ « Art officiel » et les « installations », lors de sa nomination dans l’ordre de la légion d’honneur, à quelques pas des colonnes de Buren.
Passionné par les rapport entre l’art et la science, Trémois est redevable après Galilée et Newton à Albrecht Dürer, artiste et mathématicien allemand, pour ses recherches sur la perspective et la divine proportion ; cette dette, il l’honore en 1981 par une série d’estampes intitulée Hommage à Dürer. En 1997 il expose à la galerie Victoria à Paris des sculptures où, outre son génie de la matière, on retrouve résumés ses thèmes de prédilection : le singe savant, les crapauds accouplés, l’étreinte amoureuse, ainsi qu’un saisissant portrait de Salvador Dali.
Aujourd’hui Pierre-Yves Trémois, dévoué à l’art – et non au marché de l’art- se remet sans cesse en cause et poursuit sa quête d’excellence en solitaire, tel un moine zen, après 70 ans de créations. Comblé, honoré, son génie reconnu, il reste humble et déclare avec humour : « Si le Moi est haïssable, que dire du Très-moi ? ». Un dernier souci pourtant, trouver un lieu où déposer ses œuvres, car l’artiste qui a révolutionné l’art figuratif n’a toujours pas de proposition de musée permanent. Cela est d’autant plus révoltant que la ville de Nice est revenue sur un accord, qui prévoyait l’ouverture d’un musée Trèmois en 1992, dans un bâtiment construit par l’architecte japonais Kenzo Tange, avec une donation de 200 œuvres et une collection d’art japonais. Il n’est pas trop tard pour réparer cette injustice. Il y a deux types de génies : ceux que l’on admire et respecte, et ceux que l’on admire, respecte et aime. Pierre-Yves Trèmois appartient à ces derniers.
Michel Thibault
A lire : Yvan Brohard, « Trèmois, catalogue raisonné », Editions Monelle Hayot, 600 pages et 2500 illustrations pour découvrir l’oeuvre de l’artiste.
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