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mardi, 05 novembre 2024

Smile 2, dites cheese et mourez

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Smile 2, dites cheese et mourez

André Waroch

Le film d’horreur a trop longtemps été confisqué par des producteurs avides qui ne pensent qu’à créer des produits formatés pour les bandes d’ados qui fréquentent les salles obscures ; frayeurs attendues, procédés répétitifs, et schémas narratifs convenus dont s’était moqué Wes Craven dans Scream, mise en abime des films d’épouvante hollywoodiens.

L’intelligence diabolique de Smile II (dont le schéma narratif de base depuis le premier épisode est la malédiction qui se transmet par contagion, déjà vu notamment dans le très bon It follows) est de choisir un personnage principal dont on jurerait qu’il est effectivement confectionné par le service marketing pour attirer des bandes d’adolescents ; ce personnage principal est une star de la chanson, un mélange entre Lady Gaga, Miley Cyrus, Beyonce, Pink (rajoutez les noms que vous voulez). On la voit répéter ses chorégraphies en petite tenue en vue de sa prochaine tournée, aux côtés de sa mère qui la coache, de ses assistants gays et de ses danseurs.

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Mais, de même que la réussite d’Alien et la crédibilité d’un sujet à première vue abracadabrantesque était avant tout due au réalisme total avec lequel Ridley Scott filmait l’équipage du Nostromo avant tout contact avec la créature, de la même façon, Parker Finn installe la crédibilité de son film, avant l’apparition de tout élément surnaturel, en dépeignant le quotidien d’une popstar idole des jeunes exactement à l’inverse de la façon dont le service marketing le dépeindrait : Skye Riley (Naomi Scott, extraordinaire de vérité) mène une existence solitaire, sinistre, consacrée à un métier qu’elle n’a même pas l’air de vraiment aimer. Elle n’est pas encore remise, ni moralement ni physiquement, d’un accident de voiture qui s’est produit un an auparavant et qui a stoppé net sa carrière, alors qu’elle et son petit ami étaient camés jusqu’aux yeux. Le petit ami y est resté, Riley s’en est sortie avec de très graves blessures, de larges cicatrices qu’elle cache avec des vêtements ajustés, et des douleurs subites au dos qui la foudroient et la laissent exsangue. Pourtant, elle parait déterminée à opérer un come-back.

Cherchant des médicaments de nature à faire taire les douleurs dorsales qui troublent ses entrainements et pourraient gâcher son spectacle, elle va voir en cachette son ancien dealer. C’est lui qui va se suicider devant ses yeux, lors d'une scène absolument traumatisante, selon le même procédé déjà vu dans Smile I : le témoin du suicide se voit rongé par la même force qui a envouté le suicidé ; à partir de là, il ne lui reste que quelques jours à vivre, des jours peuplés de cauchemars, d’hallucinations de plus en plus horribles, avec toujours ce même terrible sourire arboré par des personnes réelles, ou par des personnes disparues, ou par des personnes réelles mais qui ne sont en réalité pas là du tout. Car, au fur et à mesure que le mal progresse, la victime ne sait plus ce qui relève de l’illusion et ce qui relève de la réalité.

Contrairement à It follows, où les non-envoutés finissent par constater l’existence des zombies invisibles qui poursuivent chaque nouveau condamné, et mis à part le mode de transmission et la chaîne de transmission, rien ne prouve jamais aux autres qu’il s’agit de quoique ce soit d’autre qu’une maladie mentale, voire d’une maladie tout court ; Maupassant, lui aussi, avait contracté une maladie qui lui provoquait des hallucinations, des phases délirantes, une perte de contact progressive avec la réalité, et qui finit par l’emporter, même s’il fallut quinze ans pour cela: la syphilis. Il se servit d’ailleurs de ces phases hallucinatoires pour mettre au point sa célèbre nouvelle Le horla, sa seule (ou quasi) incursion dans le domaine du fantastique (contrairement aux âneries inlassablement répétées à ce sujet). Maupassant tenta lui aussi de se suicider, avant d’être enfermé à l’asile et d’y mourir dix-huit mois plus tard.

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Il n’y a pas de fantaisie dans Smile II, pas de second degré, pas d’extravagance, pas de dérision. Le gore n’est utilisé que pour rendre la mort et sa violence aussi authentiques que possible. Ce réalisme total rend certaines scènes presque insoutenables. Il ne dessert pas l'horreur, il décuple son impact. Ce film, comme l'étrange virus dont il raconte la progression dans un cerveau humain, est un poison qui s’infiltre dans les fibres et les tripes du spectateur, un film hanté, un film qui rampe lentement, dans l’obscurité, jusqu’à son dénouement inéluctable.

Smile II, comme le I, mais avec plus d’âpreté, de virtuosité dans la mise en scène, avec une musique additionnelle plus travaillée et envoutante, et une actrice principale étourdissante, est un film sans issue, sans espoir, sans chaleur, mais dont le talent et l’inspiration habitent chaque plan.

Si Smile II mérite le titre de film d’horreur, c’est au sens de l’horreur de l’irruption de la mort, de sa monstrueuse fatalité, de sa logique impitoyable, dans la vie des vivants, de leurs espoirs, de leurs rêves. La mort qui applique son propre programme, sa propre logique, sans trier entre les bons et les mauvais, entre les stars et les anonymes, entre les vieillards et les belles jeunes femmes, entre ceux qui mériteraient de continuer à vivre et les autres. Et l'on ne peut s'empêcher de nouveau de penser à Maupassant : "La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l’arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et souvent une révolte indignée vous saisit devant l’impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons ! Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons. Et il semble qu’on va mourir demain sans rien connaître encore, bien que dégoûté de tout ce qu’on connaît. »

19:08 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : smile 2, cinéma, film | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook