lundi, 06 janvier 2020
Stratagèmes : agir sur les représentations - La leçon chinoise
Stratagèmes : agir sur les représentations
La différence n’est pas mince, dans la mesure où le rhéteur grec se livrait à un duel : argument fort contre argument faible. Certes, il pouvait utiliser des syllogismes trompeurs ou jouer de l’émotion de ses interlocuteurs, mais il s’exposait à une réplique d’égal à égal : le philosophe, l’avocat, ou le politicien partisans la thèse adverse avaient un droit égal à la parole. Ils pouvaient, s’ils en étaient capables, réfuter ses raisonnements et dévoiler ses méthodes. Les plus habiles, comme Socrate, parvenaient à ridiculiser les beaux parleurs qui discouraient en vue de produire un effet et non de découvrir la vérité.
La rhétorique est une stratégie symétrique du verbe : ce que l’un a fait, l’autre peut le défaire ou le contrarier. Les moyens (les arguments) sont disposés en ordre de bataille en vue de la victoire (la persuasion) et affrontent des moyens similaires, meilleurs ou plus faibles. Il y a enchaînement d’arguments comme en escrime, il y a enchaînement de bottes, feintes et parades.
Stratagèmes : agir sur la situation
Mais il est une autre source des stratégies de l’information : c’est la culture du stratagème. Donc de la tromperie. Un stratagème ou une ruse suppose que sa victime soit au minimum inconsciente de l’effet recherché. Par exemple abusée par une habile mise en scène, elle contribuera par ses actes à réaliser sa propre ruine. Ici tout le monde songe au cheval de Troie et aux ruses d’Ulysse. Monter un stratagème, c’est construire une sorte de machine où les actes de l’un et de l’autre vont s’enchaîner jusqu’à produire l’effet recherché C’est organiser des apparences et partant produire les conditions d’une situation. Elle tournera à votre avantage, non pas malgré mais à cause des efforts du rival ou de l’adversaire. Une relation évidemment asymétrique. Non seulement on économise ses moyens pour renverser plus fort que soi, mais surtout on recourt à des moyens auxquels il ne songe même pas. La perception de la réalité que se forme l’adversaire (ou un tiers qui coopérera sans le savoir dans le cas des stratagèmes les plus sophistiqués) est elle même utilisée comme un moyen. Il s’agit d’une tout autre bataille de l’opinion.
Ici, entrent en scène les stratèges chinois, dont le fameux Sun Tzu n’est que le plus illustre.
Certes, il existe d’autres cultures stratégiques de la ruse, notamment indiennes.
Certes il existe une tradition intellectuelle grecque de la ruse (la métis), et en cherchant bien dans l’Illiade, dans l’Anabase ou dans des traités comme celui d’Énée le Tacticien, on trouverait des exemples d’opérations que nous appellerions aujourd’hui de désinformation, d’intoxication, d’action psychologique…
Certes, les penseurs Chinois, de leur côté, n’ignoraient pas le pouvoir du Verbe et celui du raisonnement. Ainsi, il a existé une école philosophique Mingjia («École des noms»), celle des « mohistes » plus divers logiciens et sophistes dont l’habileté à analyser les problèmes sémantiques et à imaginer des paradoxes intellectuels pouvait rivaliser avec celle des Grecs.
Citons le plus célèbre, celui du cheval blanc de Gongsun Long : « Cheval blanc n'est pas cheval [...] Car si vous cherchez un cheval, on peut vous amener indifféremment un cheval jaune ou noir ; mais si vous cherchez un cheval blanc, on ne peut vous fournir ni un cheval jaune ni un cheval noir [...] C'est pourquoi, bien que le cheval jaune et le cheval noir restent identiques, ils ne peuvent correspondre qu'à « cheval » et non à « cheval blanc ». Il est donc évident que cheval blanc n'est pas cheval »
Pourtant, les arts de la persuasion évoquent plutôt le monde grec et les arts du stratagème et de l’influence, plutôt le monde chinois. La raison en est simple : dans chaque cas, il y a eu écriture, donc systématisation et technicisation de la chose. Dès le VI° et V° siècle avant notre ère, des auteurs aux deux extrémités de l’Eurasie notent et classent les méthodes qui assurent la victoire, qui dans un débat, qui dans une bataille.
François Jullien souligne très bien le contraste entre ces deux approches : « les deux procédures qui s’opposent ainsi – persuasion et manipulation – dépassent le cadre historique qui les a formées… soit on fait directement pression sur autrui par sa parole, à l’on fois l’on montre et l’on démontre, on met « sous les yeux » grâce à la véhémence oratoire en même temps qu’on s’attache à la nécessité exigée par le raisonnement ; et de fait l’éloquence contient bien à la fois le théâtre et la logique, les deux composantes grecques de notre histoire. Soit c’est sur la situation qu’on opère pour atteindre indirectement l’adversaire en l’orientant progressivement de façon que, sans se découvrir et par le seul effet de ce qu’on y avait impliqué, elle enserre autrui et le désarme. »
La victoire en quelques idéogrammes
Aux manuels de rhétorique comme ceux d’Aristote (Topiques, Rhétoriques, Réfutations sophistiques), peuvent s’opposer les grands classiques chinois dont le plus connu est l’art de la guerre de Sun Tzu. Ce n’est pas par hasard que le général chinois du VI° siècle avant notre ère est si souvent cité dans les académies militaires les plus branchées, par les « infoguerriers » qui ont la moindre prétention intellectuelle, sans oublier la plupart des praticiens de l’intelligence économique. Ses sentences lapidaires comme « L’art de la guerre est fondé sur la duperie » ou « Sans mener de bataille, tâchez d’être victorieux » se retrouvent dans les manuels de management, alors que, depuis toujours, en Chine, la possession d’un rare traité de stratégie fait partie des fiertés d’un homme de culture.
Les praticiens connaissent bien d’autres classiques comme « les 36 stratagèmes » datant de la dynastie Ming ou le « Sac à stratagèmes » ou encore « Le Tao du Prince » (Han Fei).
La notion chinoise de stratagème peut se comprendre de deux façons
- soit comme des répertoires de manœuvres guerrières (qui peuvent être aisément généralisées à la lutte politique, aux affaires, voire à la vie personnelle ou amoureuse).
- soit comme une vision générale des relations humaines, une pensée de l’opportunité, de l’efficacité et de l’incitation, un art de faire éclore en amont et en douceur les possibilités latentes dans chaque situation. Bref une première philosophie générale de l’influence.
Dans la première perspective, taxinomique et pratique, les stratagèmes se prêtent à classification. Souvent figés en formules faciles à retenir, ils offrent des recettes, une panoplie toujours prête en cas de besoin et ne demandant qu’à être adaptée au cas qui surgit.
Dans cet esprit, les 36 stratagèmes qu’un des meilleurs commentateurs, Pierre Fayard qualifie de « version vulgarisée de Sun Tzu », fourmillent de ces sentences laconiques en quelques idéogrammes ( 36, le nombre 36 faisant référence aux diagrammes du Yi King). Elles sont illustrées par une série de cas et se déclinent au gré de l’imagination du disciple.
L’expression est souvent imagée. Ainsi « Tuer avec une épée d’emprunt » signifie qu’il peut être utile de faire accomplir son travail par d’autres. « Cacher dans la lumière » suggère, sur le modèle de la lettre volée d’Edgar Poe, de dissimuler ses plans en semblant agir de la façon la plus banale. « Encercler Wei pour sauver Xaho » plaide en faveur des opérations secondaires qui permettront de profiter des vides qui se créeront dans le dispositif adverse. « Mener grand bruit à l’Est pour attaquer à l’Ouest » peut se comprendre comme une incitation à envoyer de faux signaux à l’adversaire pour l’amener à disperser inutilement ses forces. « Sacrifier le prunier pour sauver le pêcher » est une façon de dire qu’il faut parfois abandonner quelques petits avantages pour en gagner de grands…
Certains stratagèmes se réfèrent à des cas exemplaires historiques. Ainsi, « Montée discrète à Chencan » fait allusion fait allusion à un stratège qui fit très ostensiblement réparer le pont menant à une province ennemie pour, finalement, l’attaquer par un chemin de montagne, là où personne ne l’attendait. « La ville vide » renvoie au coup de génie de ce général qui, sachant que la cité qu’il défendait ne pourrait résister à un siège, en fit ouvrir toutes les portes et s’installa pour jouer de la flute sur la plus haute tour, de telle sorte que l’assiégeant déconcerté n’osa pas s’engager dans ce qui paraissait un piège…
Avec un peu d’imagination, il est possible transposer ces principes chinois aux affaires, à la politique ou aux stratégies amoureuses. Il existe d’ailleurs d’excellents manuels pour cela.
Une philosophie de l'influence efficace
Mais la stratégie chinoise est aussi cette philosophie de l’influence évoquée plus haut.
Elle en interprète d’abord le principe de façon agressive. Utiliser l’information pour vaincre ce peut être dégrader les défenses morales de l’adversaire, l’affaiblir et le diviser en n’utilisant que des mots ou des signes. Ce peut être s’en prendre à ses plans, à son organisation, à son moral, à sa confiance en soi pour le rendre présomptueux afin de le pousser à la faute ou au contraire craintif et indécis.
Sun Tzu dit la chose sans fioritures : « Discrédite le bien, compromets les chefs, ébranle leur foi, utilise des hommes vils, désorganise les autorités, sème la discorde entre citoyens, excite les jeunes contre les vieux, ridiculise les traditions, perturbe le ravitaillement, fais entendre des musiques lascives, fournis des concubines, répands la luxure, débourse, sois renseigné. ».
Il s’agit de s’en prendre à l’adversaire en amont, avant qu’il se soit mis en action et peut-être même avant qu’il songe au conflit. Il s’agit ensuite de l’attaquer en profondeur dans les ressorts mêmes de sa volonté et dans les principes en fonction desquels il évaluera la situation. Il s’agit enfin de le pousser à suivre sa propre pente, à développer le trait de caractère – méfiance, arrogance, mollesse – qui peut le plus le desservir mais qu’il portait déjà en lui.
Sun Tzu consacre un chapitre entier de son traité à la division chez l’ennemi et en propose cinq catégories : division au dehors, division du dedans, division entre les inférieurs et les supérieurs, division de mort, division de vie. La première consiste à détacher du parti adverse les habitants des villes et des villages sous sa domination. La seconde (division du dedans) à corrompre ses meilleurs officiers, la division entre inférieurs et supérieurs à mettre la mésintelligence entre les différentes composantes des forces ennemies. La division de mort correspondrait assez bien à la définition moderne de l’intoxication : faire parvenir à la cible de faux avis sur ses propres forces et ses propres plans, mais aussi faire croire à l’adversaire que ses généraux sont prêts à le trahir pour l’amener à se défier de serviteurs fidèles. La division de vie, enfin, est un pure et simple corruption : répandre de l’argent sur ceux qui viennent du camp adverse se mettre à votre service… Subversion, désinformation, opérations psychologiques, …, il n’y a rien que n’aient inventé les modernes stratèges de l’information et que l’on ne puisse rattacher à un principe de Sun Tzu.
Cette mise en condition de l’ennemi s’inscrit dans une logique de l’anticipation qui s’applique aussi bien au renseignement préalable qu’à la préparation des approvisionnements ou à la prédisposition des troupes : évaluer dès les premiers indices les potentialités de la situation, qu’elles soient matérielles ou psychologiques, pour favoriser celles qui vous sont favorables comme pour saisir immédiatement celles qui vous sont favorables. Cette logique s’inscrit dans les cadres traditionnel de la pensée chinoise, qu’il s’agisse de la notion du « wei wu wei », faire advenir sans agir, de celle d’opportunité ou de celle de « potentiel » de la situation qui peut évoluer, ou encore de l’économie de moyens. « Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre soumettent l’armée ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner l’assaut et renversent un État sans opérations prolongées » dit encore Sun Tzu.
Les choses, les gens, les informations
Les stratèges antiques nous enseignent au moins trois façons d’utiliser l’information pour vaincre :
- Soit réduire sa propre incertitude (avoir un bon renseignement, posséder des connaissances qui permettent d’être plus efficace et de prendre de bonnes décisions). Ceci suppose corollairement de mettre son adversaire en infériorité en ce domaine, tantôt en préservant bien ses secrets pour se rendre impénétrable, tantôt en accroissant son incertitude, en faussant sa perception de la réalité
- Soit envoyer des messages à sa cible pour la séduire, la convaincre, obtenir son assentiment, lui faire peur, bref pour produire directement la réaction psychologique recherchée.
- Soit enfin en rendant l’autre prévisible, en agissant sur sa façon de penser, en changeant son code ( y compris son code moral ou son code linguistique…)
La première méthode agit sur les choses (par le savoir que l’on acquiert et dont on prive l’autre), la seconde sur les gens pour les faire réagir d’une certaine façon (acheter, voter, adhérer, faire la guerre…) Mais la dernière agit sur l’information et sur le sens qu’elle prend pour les acteurs…
Quand Sun Tzu conseille d’avoir des espions partout, cela ressort à la première catégorie, quand il suggère de feindre l’inactivité au moment où on s’apprête à lancer son attaque, à la seconde. Mais quand le général chinois recommande de songer au moral de ses troupes et de démoraliser les adversaires de leur instiller une fausse confiance avant les hostilités, il se range dans le troisième cas de figure.
00:14 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stratagèmes, stratégies, chine, traditions, art de la guerre, guerre | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mardi, 07 juillet 2009
Brzezinski derrière les émeutes en Iran?
Brzezinski derrière les émeutes en Iran?
Par Andrea FAIS
Le récent voyage d’Obama au Proche Orient eut, comme on le sait, un point culminant: son discours tenu en Egypte. Il a été bien mis en évidence par tous les médias du monde: la planète entière a été invitée à y voir un geste d’ouverture au monde musulman, sanctionnant du même coup l’idée d’une discontinuité par rapport au gouvernement Bush. Le temps est plutôt venu de créer indirectement des oppositions dans les pays non alignés sur la politique globale atlantiste, en soutenant les oppositions minoritaires ou historiques. Le pays le premier visé est bien entendu l’Iran des ayatollahs. Le processus a commencé: le Liban est déstabilisé, après les secousses provoquées par l’énorme coalition pro-occidentale qui a réussi à défaire les forces du Hizbollah. Les événements du Liban sont le prélude au projet de déstabiliser l’Iran, après la condamnation “morale” et verbale des résultats des élections récentes. Condamnation et premières effervescences qui suivent un bien étrange attentat, survenu il y a quelques jours dans le Nord de l’Iran et pour lequel trois séditieux ont déjà été condamnés à mort; ils appartenaient à une cellule fondamentaliste sunnite.
Une opération médiatique habile et manipulatrice a bien implanté dans l’opinion publique, dans quasi toutes les têtes, partout sur notre planète, qu’Ahmadinedjad, président iranien selon la légitimité des urnes, était en recul, que la participation d’innombrables jeunes au scrutin avait certainement garanti la victoire du réformiste Moussavi. Rapidement, cette interprétation s’est révélée fausse: ni le haut taux de participation des Iraniens aux élections ni aucun sondage préalable ni aucune projection au début du dépouillement n’étaient là pour confirmer les proclamations délirantes des dissidents pro-occidentaux qui avaient annoncé leur victoire deux heures déjà avant la fermeture des bureaux de vote.
En 2007, Zbigniew Brzezinski, historien et stratège au service de la géopolitique américaine, avait tonné du haut de sa chaire lors d’un colloque de la Commission de la Défense du Sénat américain, en affirmant “qu’à l’évidence les promesses de satisfaire les requêtes (du gouvernement américain) n’avaient pas été tenues, ce qui permettrait de faire endosser à l’Iran la responsabilité de cet échec et, moyennant quelques provocations en Irak ou un attentat terroriste commis aux Etats-Unis mêmes, que l’on attribuerait à l’Iran, on pourrait atteindre un ‘point culminant’ autorisant une action militaire ‘défensive’ des Etats-Unis contre l’Iran”. Ces propos ont abasourdi bon nombre de participants à ce colloque.
De fait, ces propos légitimisent l’idée, pour le gouvernement américain, d’orchestrer un attentat, dont les effets seraient à son avantage. Il pourrait alors manipuler à l’envi les effets de cet attentat dans l’opinion publique, créant ainsi ex nihilo la “licéité” pour toute attaque éventuelle. Ce type de démarche n’est pas nouveau. En observant les agissements de Brzezinski au cours de ces dernières décennies, on se rappellera l’usage qu’il fit du faux dossier anglais visant à démontrer l’existence d’armes non conventionnelles dans l’Irak de Saddam Hussein. Les révélations quant à la fausseté de ce document avait déclenché un scandale et fragilisé le duo Blair/Bush. Il avait affirmé que “le Président était préoccupé du fait que s’il n’y avait pas en Irak d’armes de destruction massive, il aurait fallu inventer d’autres raisons pour justifier l’action guerrière”. Ces propos révèlent implicitement une pratique: celle de construire des “théorèmes ad hoc”. Et que ce genre de pratique n’est pas nouveau.
Brzezinski, Soros et Roathyn, agents premiers de la géo-économie et de la finance mondiale, sont aussi les principaux “sponsors” des campagnes qui ont porté Obama à la présidence, à la suite de scores “historiques”. Ces hommes bougent les pièces de l’échiquier international depuis des décennies. Après avoir créé Al Qaeda de toutes pièces pour nuire à l’Union Soviétique, après avoir financé le terrorisme des indépendantistes tchétchènes pour nuire à Poutine, après avoir organisé avec ses associés, dont quatre fils bien installés dans les arcanes de l’OTAN et des services de renseignements américains, les révolutions démocratiques, dites “orange”, en Ukraine et en Géorgie, le Polonais Brzezinski travaille à l’objectif final: la destruction de la République Islamique d’Iran.
Son livre de 1996, “Le grand échiquier”, avait paru, de prime abord, à la plupart des observateurs, comme un essai délirant sur la politique internationale, relevant de la pure fantaisie bien qu’il ait été considéré comme cynique et impitoyable, dans la mesure où il esquissait un globe de plus en plus américano-centré. Dans son livre, Brzezinski indiquait sur la zone du “cordon eurasien” les points essentiels sur les plans stratégique et énergétique qui garantiraient, s’ils étaient maîtrisés, l’avenir du capitalisme et de ses pays-phares. Ce n’était nullement de la fantaisie: petit à petit, en peu d’années, l’esquisse initiale s’est révélée réalité. Le passage de la ficiton à la réalité épouvante les esprits par sa perfection géométrique. Aujourd’hui en Iran, il faut suivre avec toute la prudence nécessaire les manifestations d’une opposition clairement vaincue par les urnes et la situation “putschiste” qui pourrait en découle: Ahmadinedjad vient de lancer des accusations lourdes, mais légitimes, à l’endroit de la désinformation qui émane des services occidentaux, qui prétendent qu’il y a eu fraude électorale, ce qui est faux, parce qu’ils avaient déjà annoncé, deux mois à l’avance, la victoire de l’opposition sur base de sondages que les faits n’ont pas confirmés.
Les délégations de journalistes néerlandais et espagnols ont été expulsées d’Iran. Les manifestations ont été interdites. Malgré les résultats nettement en faveur du président sortant (plus de 60%), et confirmés comme tels, l’opinion publique mondiale émet encore critiques et doutes, alors qu’elle ne s’est jamais prononcée sur des élections dans des pays qui n’ont aucune institution démocratique, comme l’Arabie Saoudite ou l’Egypte. Ces pays-là n’en ont pas besoin, on ne leur tiendra jamais rigueur de ne pas en avoir: ils ont le privilège d’être des alliés des Etats-Unis. Pour mesurer l’hypocrisie médiatique, il suffit de constater qu’en Italie les critiques n’ont cessé de s’accumuler pour dénoncer le gouvernement de Téhéran et le “trucage” des élections qu’il aurait commis, alors qu’à Rome Khadafi se pavanait sur la scène en entendant les louanges de tous; il n’est pas un modèle de démocrate et sa gestion du pouvoir ne correspond certainement pas à la bonne gouvernance que veulent imposer les Etats-Unis au reste du monde, du moins en théorie. Mais, voilà, Khadafi s’est rapproché de l’Occident, au cours de ces dernières années, et adhère désormais aux principes de la “libre économie”.
On le voit: deux poids, deux mesures. Tandis qu’Ahmadinedjad se plaint devant les médias que des “forces extérieures” sont en train de créer un climat irréel de tensions, le “guide suprême” de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei promet qu’une enquête approfondie aura lieu pour vérifier ce qu’il en est vraiment de la fraude électorale. Le candidat “libéral” évincé parle de manière de plus en plus incrédible de cette “fraude électorale”, alors qu’il n’a obtenu que 32% des voix. Jamais aucun organe de presse, jamais aucune institution médiatique n’a évoqué une quelconque impartialité pendant le dépouillement, sauf lui-même, qui s’auto-proclamait vainqueur deux heures avant la fermeture des bureaux de vote, en plein déroulement du scrutin.
Cette arrogance et cette prétention nous apparaissent bien suspectes: qui se cache derrière l’opposition pro-occidentale de Moussavi? Réponse facile: il suffit de tourner le regard vers l’Atlantique.
Andrea FAIS.
(aeticle paru dans le quotidien romain “Rinascita”, 17 juin 2009).
00:15 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iran, stratégies, révolutions, moyen orient, islam | | del.icio.us | | Digg | Facebook