mardi, 16 septembre 2025
Paléotrumpisme et néotrumpisme
Paléotrumpisme et néotrumpisme
Daniele Perra
Après la trahison substantielle des revendications antisystème lors de la première expérience trumpiste (l’administration du magnat new-yorkais a agi dans une continuité quasi totale avec celle de ses prédécesseurs sur le plan géopolitique et, sur certains aspects, a même préparé le terrain pour son successeur), la machine de propagande s’est vue obligée de doter le message du candidat républicain d’une nouvelle « virginité ». Cette fois, libéré de l’inspiration pseudo-religieuse « à la QAnon » (une opération psychologique au succès indéniable, vu l’influence qu’elle a eue aussi sur de larges secteurs de la droite et une partie de la gauche européenne), le message trumpiste semble s’orienter vers des voies bien plus pragmatiques, visant une forme de techno-mercantilisme postmoderne qui fascine (et pas qu’un peu) les courants prométhéens de la droite occidentale, ainsi que certains représentants de l’ultra-capitalisme mondialisé.
Dans un article publié sur son site graymirror.substack.com, sous le titre emblématique Gaza and the laws of war, l’ancien programmeur informatique de la Silicon Valley (et aujourd’hui activiste politico-idéologique) Curtis Yarvin défend la nécessité de laisser à Israël toute liberté d’agir (comme bon lui semble) dans la bande qu'est le territoire palestinien. À l’IDF devraient être attribués les mêmes pouvoirs dont bénéficiaient les Britanniques sur le mandat de Palestine (y compris celui de déplacer massivement une partie de la population). Selon lui, ce serait la seule manière de mettre fin, en un temps relativement court, à un conflit qui pèse directement sur les épaules des contribuables américains [1].
Au final, le prix que paierait le peuple palestinien ne serait que celui de quelques « transferts de propriété » aux nouveaux colons sionistes. Ainsi, la « Nouvelle Gaza », construite par l’homme d’affaires judéo-américain Jared Kushner (gendre de Donald J. Trump), deviendrait une sorte de « Los Angeles de la Méditerranée »: « une ville qui vaudrait six mille milliards de dollars » et qui rendrait millionnaires les Palestiniens eux-mêmes (sic !). En effet, tous ceux qui accepteraient volontairement d’abandonner leurs maisons en front de mer (une « zone côtière très précieuse », selon Kushner) seraient récompensés et pourraient enfin s’installer massivement à Dubaï [2].
À cette fin, Yarvin (photo) ne se limite pas à interpréter le conflit en termes purement monétaires, en termes de flux de capitaux avant tout (ce qui, d’ailleurs, n’a rien d’original de la part d’un « penseur » américain), mais il s’aventure également dans des questions relatives à la tactique militaire, exprimant son enthousiasme pour la soi-disant « doctrine Dahiya » de l’armée israélienne. Cette doctrine, élaborée par le général Gadi Eisenkot (photo) au début des années 2000, prévoit la destruction systématique de toutes les infrastructures civiles (écoles, hôpitaux, centres de loisirs, etc.) qui pourraient de quelque manière être liées aux groupes de Résistance (Hamas et Hezbollah en premier lieu).
Cette « doctrine » fut utilisée, avec peu de succès à vrai dire, lors de la « guerre des 33 jours » au Liban en 2006. Ciblant directement les infrastructures civiles, l’objectif serait de mettre la pression sur l’ennemi et de pousser les civils survivants à fuir afin de pouvoir, ensuite, attaquer la même cible (et les militaires à proximité) avec plus de force. La « doctrine Dahiya » est donc intrinsèquement liée à l’idée de « recours disproportionné à la force » sur laquelle repose une grande partie de la stratégie militaire sioniste actuelle.
Les idées de Yarvin font écho à celles présentées par J. D. Vance (le sénateur de l’Ohio choisi par Donald J. Trump comme vice-président dans la course à son second mandat présidentiel). En effet, Vance a déclaré en juillet dernier qu’Israël devrait mettre rapidement fin au conflit dans la bande de Gaza afin de pouvoir se concentrer (avec les monarchies sunnites participantes aux « Accords d’Abraham ») sur la menace iranienne [3].
À ce sujet, il est intéressant de noter que parmi les principales références idéologiques de Vance figure le journaliste Sohrab Ahmari (photo - ancien rédacteur du Wall Street Journal). Fils d’Iraniens sécularisés et anti-khomeynistes, il a émigré aux États-Unis alors qu’il était adolescent et, après avoir d’abord adhéré à certains groupes trotskystes, a fini par passer dans le camp néoconservateur (Après tout, il s’agit du même parcours suivi par le père idéologique du néoconservatisme, l’Américain Irving Kristol, de confession israélite, qui, à partir de positions trotskystes défendues en 1960, a commencé à élaborer les thèses néoconservatrices dans certaines revues liées à la communauté juive nord-américaine). Ahmari, après avoir voté pour Hillary Clinton en 2016, a opté pour un changement de cap décisif, voyant en Donald J. Trump la seule chance de sauvegarder l’hégémonie mondiale américaine [4].
Il n’est donc pas surprenant qu’une autre référence idéologique de J. D. Vance soit Patrick Deneen, qui a théorisé un « ordre mondial américain post-libéral »: c’est-à-dire un ordre qui ne dépasse pas l’hégémonie mondiale des États-Unis (Donald J. Trump lui-même a défendu la nécessité d’imposer des droits de douane élevés — comme de véritables armes — à ceux qui n’utilisent pas le dollar comme monnaie de référence pour le commerce international) [5], mais qui la réajuste simplement selon de nouveaux axes.
Il semble que Yarvin ait eu une influence notable sur la « vision du monde » particulière de Vance. Sa « pensée » mérite donc une brève analyse. Descendant d’une famille de communistes juifs (du côté paternel), Yarvin aime, par suite, se définir comme « communiste juif » [6], bien qu’il soit considéré à juste titre comme le père théorique des courants néoréactionnaires et des soi-disant « Lumières noires » (dark enlightenment). Au centre de la pensée de Yarvin se trouve le concept de « monarchie profonde » (deep monarchy), qui s’oppose directement à celui d’« État profond » (le fameux « deep State »).
Selon l’ancien programmeur informatique, la démocratie libérale actuelle n’a plus de sens, puisqu’elle s’est transformée de fait en une forme d’oligarchie (et jusque-là, il est difficile de lui donner tort). À son avis, ce modèle devrait être dépassé d’abord par une forme d’administration dirigée par un « directeur général » (un « CEO », Yarvin utilise toujours des termes « entrepreneuriaux ») qui jouerait effectivement le rôle de « dictateur » et qui ferait table rase des vestiges de « l’État profond » (ce devrait être la tâche de Donald J. Trump, personnalité dotée d’indéniables capacités entrepreneuriales). Ensuite, le « dictateur-CEO » devrait quitter ses fonctions ou assumer lui-même le rôle de monarque et donner naissance à une monarchie postmoderne (sans désignation divine) qui se comporterait comme une « entreprise dotée de souveraineté », basée sur une sorte de « camaraderie techno-entrepreneuriale » et destinée à maximiser les profits et ses propres ressources.
Il convient ici de souligner quelques points. Tout d’abord, le succès de la pensée de Yarvin auprès de la droite occidentale (et/ou « occidentalisée ») est en partie aussi le fruit d’une inévitable erreur de traduction qui conduit de nombreux « non-initiés » à associer le terme anglais « corporations » au corporatisme d’inspiration médiévale européenne ou, même, au fascisme.
En réalité, Yarvin, selon ses propres dires, l’utilise simplement au sens de société/entreprise. Et il n’a aucun problème à se définir comme un « austro-mercantiliste » disciple de Ludwig von Mises (lié donc aux prémisses théoriques de cette école autrichienne qui, avec son individualisme méthodologique — aux côtés du contractualisme, du scepticisme et de l’utilitarisme — représente l’un des quatre courants théoriques du libéralisme économique).
Il en découle que son « projet monarchique », auquel il rattache l’idée d’« illuminisme noir », vise en fait seulement à donner une structure autocratique au dit libéralisme économique : une sorte de « capitalisme absolu » garanti par le « souverain entrepreneurial ». Deuxièmement, sa vision monarchique-sociétale-financière, bien que dépourvue d’inspiration religieuse, ne semble pas du tout différente du messianique qu'implique la vision d'un « Royaume d’Israël », un royaume que la doctrine rabbinique elle-même veut purement terrestre. Ce n’est pas un hasard si Yarvin, tout en déclarant ne pas croire en Dieu, mais seulement en la physique (on retrouve ici une idée que Carl Schmitt avait associée tant au libéralisme qu’au marxisme-léninisme : réduire le gouvernement à une forme de science exacte, confiée à des spécialistes sélectionnés de façon scientifique), s’identifie aux préceptes de l’orthodoxie juive qui imposent « d’écouter et d’agir ». En elle, en effet, le point central n’est pas de croire en Dieu, ce n’est pas la foi, mais simplement l’exécution des actions requises (même si elles impliquent l’extermination de personnes sans défense).
Troisièmement, il devrait s'avérer assez difficile d’associer les concepts de l’individualisme méthodologique de l’école autrichienne à des formes de « camaraderie » (même exprimées en termes entrepreneuriaux), de corporatisme ou de collectivisme, même si Yarvin estime que « maximiser les profits et les ressources » de la « monarchie/société » équivaut à garantir le « bien commun ».
Enfin, il est nécessaire d’ouvrir une brève parenthèse sur le concept de « Lumières noires », qui rappelle, d’une certaine manière, l’idée du « Soleil Noir » des SS himmlériens, bien que totalement dépourvue de son message spirituel. À la théorie astronomique du Soleil Noir (c’est-à-dire l’existence d’une étoile effondrée de couleur rouge-brun et de petite taille qui perturbe occasionnellement le système solaire), on a attribué dans certains milieux allemands une signification mystique-ésotérique qui la reliait à la présence/absence d’un Dieu caché, déchu et détrôné. On peut trouver des exemples similaires dans diverses civilisations traditionnelles: l’Atoum égyptien, père des dieux de l’Ancien Empire, qui devint le soleil du monde souterrain suite à l’arrivée de Rê (le « soleil de midi »); le titan Cronos/Saturne, détrôné par son fils Zeus/Jupiter; Apollon, qu’Otto Rahn, chercheur SS, associait à l’Apollyon de l’Apocalypse de saint Jean et donc à Lucifer (l’ange déchu, le prince des ténèbres) [7].
Mircea Eliade avait déjà souligné l’existence, dans les civilisations traditionnelles d’Eurasie, d’une grande variété de mythes, rites et symboles impliquant plus ou moins clairement la coincidentia oppositorum, la présence de deux divinités opposées ou, même, la parenté entre le Dieu suprême et son rival (le Diable). Souvent, ils étaient présentés comme coéternels, tandis que dans d’autres cas, Dieu semblait incapable d’achever la création sans l’aide du Diable [8].
En ce sens, le luciférisme doit être compris comme une sorte de sentiment de vengeance émanant d’un Dieu détrôné; un renversement des valeurs religieuses traditionnelles au nom du retour au mythe originel. C’est la revanche du titanisme sur les dieux olympiens; la revanche de l’ange déchu sur le Dieu suprême. Ce n’est pas un hasard si l’idéologue du mouvement Azov ukrainien, Olena Semenyaka (un mouvement idéologique et militaire qui, bien qu’il soit un « idiot utile » de l’atlantisme, se réfère symboliquement de diverses manières à l’expérience des SS), s’appuyant sur une interprétation inadéquate de la pensée nietzschéenne, a souvent parlé de la « volonté de puissance luciférienne » comme « sentiment métaphysique de liberté absolue » et comme instrument idéologique d’opposition aux modèles de valeurs dominants dans les sociétés occidentales actuelles.
Le problème fondamental de telles constructions idéologiques réside dans le fait qu’elles ne comprennent pas que le « luciférisme élitiste » peut difficilement vaincre une construction sociale qui est déjà « luciférienne » dans ses fondements mêmes. En d’autres termes, il s’agit d’une simple contradiction dans les termes.
En effet, pour paraphraser à nouveau Schmitt, la modernité elle-même s’est construite autour d’un « changement de paradigme »: la domination centrale de la société prémoderne (la religion) a été remplacée par une domination périphérique, celle de la technique, qui est rapidement devenue religion. Une religion construite sur la prémisse que tous les problèmes seront résolus par la technique et le progrès infini. Il semble donc, pour le moins, difficile d’espérer une nouvelle affirmation du titanisme alors qu’en réalité, nous y sommes déjà plongés.
En ce sens, Yarvin a le « mérite » de ne pas recourir au mythe. Il sait parfaitement que le Dieu de la Modernité relève des Lumières dans leur version qui est le courant techno-scientifique. Il ne s’y oppose pas par « une inversion de ses valeurs », mais simplement par une accélération absolutiste. Sa pensée, par conséquent, se définit (à raison ?) comme « néoréactionnaire », dans la mesure où elle n’est en rien réactionnaire, mais très « progressiste » ; tout comme les « néofascistes » ou « néonazis » actuels ne sont en rien ni « fascistes » ni « nazis ».
La « monarchie profonde » de Yarvin, comme nous l'avons déjà mentionné, se résume simplement à l’affirmation utopique d’un « Nouveau Royaume d’Israël » ultramécanisé et fondé sur la domination des plus avancés technologiquement sur les autres. Encore une fois, rien de particulièrement original dans une pensée américaine.
On a dit qu’il n’est pas réactionnaire, mais absolument « progressiste », aussi parce que Yarvin s’est déclaré favorable au droit des personnes de même sexe de se marier. Parmi les financiers de sa start-up informatique Tlon figure Peter Thiel, célèbre investisseur américain du secteur, chrétien évangélique convaincu mais homosexuel assumé, ainsi que membre actif du Groupe Bilderberg, avant-garde atlantiste fondée par la CIA et le MI6.
Yarvin aurait déclaré à une autre personnalité liée à la soi-disant « droite alternative », l’activiste Milo Yiannopoulos (photo - également ouvertement homosexuel, déjà connu pour avoir affirmé que les aventures amoureuses entre adolescents et adultes peuvent être une expérience mutuellement bénéfique) [9], que Thiel, défenseur de la libération de la technologie des contraintes bureaucratiques et gouvernementales qui la musèlent, aurait été son disciple. Inutile de préciser que Thiel fut le principal financier de la campagne électorale de J. D. Vance en 2022.
À ce stade, il ne reste plus qu’à examiner le domaine purement géopolitique. Dans ce champ, Yarvin suggère plus qu’il n’affirme. On n’y retrouve pas les références du trumpisme bannonien originel au « choc des civilisations », au danger que représentent pour l’hégémonie américaine l’alliance islamo-confucéenne et l’unification de l’espace allant de l’Europe centrale et orientale à la Chine. Cependant, son interprétation du conflit en Ukraine est assez intéressante. Il le définit comme un « conflit cinétique », au sens où son issue finale dépend exclusivement de l’action humaine et peut donc se terminer de manières diamétralement opposées [10]. Or, Yarvin soutient que le résultat de ce conflit déterminera l’avenir des États-Unis: soit ils persisteront sur leur trajectoire descendante (où le nationalisme libéral-démocratique les a conduits), soit ils se transformeront en «TurboAmerica»: une puissance capable de guider le monde selon de nouveaux principes.
C’est ici qu’entrent en jeu les soi-disant « isolationnistes » classiques d’un certain trumpisme. Selon Yarvin, les États-Unis devraient se comporter avec l’Europe de la même manière que la Grande-Bretagne s’est comportée avec l’Amérique dans les premières décennies du 19ème siècle. À son avis, les Britanniques furent les véritables promoteurs de la soi-disant « doctrine Monroe ». Celle-ci était totalement fonctionnelle aux intérêts de Sa Majesté, car, à un moment où Londres jouissait encore d’une hégémonie thalassocratique absolue, elle sanctionnait l’impossibilité pour la Couronne d’Espagne de récupérer son « empire ». De même, une solution adéquate du conflit en Ukraine (au sens de faire porter les coûts à l’Europe, tout en s’assurant que Poutine ne puisse pas nuire aux intérêts des États-Unis) pourrait garantir aux États-Unis un autre siècle (si ce n’est plus) de domination mondiale sans rival.
Notes :
[1] Voir Gaza and the laws of war, 3 abril 2024, www.graymirror.substrack.com .
[2] Ibidem.
[3] Voir Vance: Israel should finish war as quickly as possible, partner sunni states against Iran, 16 julio 2024, www.timesofisrael.com .
[4] Voir The seven thinkers and groups that have shaped JD Vance’s unusual worldview, 18 luglio 2024, www.politico.com .
[5] Voir Trump wants huge tariff for dollar defectors, fewer US sanctions, 13 settembre 2024, www.bloomberg.com .
[6] Voir Interview with Curtis Yarvin, 15 noviembre 2023, www.maxraskin.com
[7] M. Zagni, La svastica e la runa. Cultura ed esoterismo nella SS Ahnenerbe, Mursia, Milano 2011, p. 385.
[8] M. Eliade, Mefistofele e l’Androgine, Roma 1971, p. 77.
[9] Voir Yiannopoulos quits Breitbart, apologies for uproar year-old comment, 21 febrero 2017, www.nbcnews.com .
[10] Voir Ukraine, the tomb of liberal nationalism, 15 febrero 2024, www.graymirror.substrack.com .
Source: https://www.eurasia-rivista.com/paleotrumpismo-e-neotrump...
16:59 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, trumpisme, états-unis, curtis yarvin | |
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samedi, 05 avril 2025
Douguine et le "Maga" trumpien: une alliance antilibérale
Douguine et le "Maga" trumpien: une alliance antilibérale
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2025/03/21/dugin-ja-maga-antilibe...
La russophilie était autrefois un marqueur de la gauche américaine – un objet d’admiration pour les socialistes qui défendaient le stalinisme et le système socialiste de l’Union soviétique. Maintenant, la situation a changé, comme le souligne The Economist.
Ce changement est devenu très visible: l’influenceur Maga Tucker Carlson et le journaliste indépendant Glenn Greenwald ont visité Moscou pour rencontrer le penseur antilibéral Aleksandr Douguine. L’interview amicale de Carlson avec Poutine et la réception de la critique formulée par Douguine sur le libéralisme l’année dernière, ainsi que la récente visite de Greenwald, montrent une sorte de lien idéologique.
Les libéraux occidentaux et les néoconservateurs craignent que la nouvelle connexion entre la droite américaine et la droite russe ne soit pas qu’une simple provocation, mais une affinité philosophique plus profonde. La ligne commune est visible en géopolitique: les partisans de Trump ont rejeté l’aide militaire de Biden à l’Ukraine, considérant le pays comme une sphère d’influence légitime pour la Russie – de la même manière que les Américains agissent dans leur propre région du monde. Ce réalisme du mouvement "America first" rejette l'interventionnisme et se met au diapason avec le monde multipolaire de Douguine.
L’opposition de Douguine à l’Ukraine date de bien plus longtemps. Son ouvrage Les Fondements de la géopolitique (1997) évoque une "Grande-Russie" eurasiatique, menacée par l'Ukraine. A cause de son enthousiasme virulent pour l'annexion de la Crimée (2014), il a perdu son poste à l'Université d’État de Moscou, mais il continue d’être une voix de la droite antilibérale. L'attentat à la voiture piégée de 2022, qui a tué sa fille et a été attribué à l'Ukraine, n’a fait que renforcer sa visibilité.
Le lien qu'il entretient avec le mouvement Maga ne se limite pas à la géopolitique, mais s'étend également aux valeurs et aux visions du monde. Le trumpisme, la Russie de Poutine et un nationalisme conservateur plus large – de Bolsonaro à Orbán en passant par Le Pen – rejettent les principes du libéralisme des Lumières, tels que l’individualisme et les droits de l’homme universels. Le globalisme et la pensée woke sont vus comme des symboles de la décadence occidentale, et la notion de souveraineté pour l'État-nation se voit très nettement valorisée. Douguine résume sur X : les États-Unis et la Russie sont sur la même longueur d'onde, tandis que les "globalistes de l'UE" nous font face.
Cependant, il y a des différences: Douguine soutient un État autoritaire et la prééminence des traditions, tandis que le mouvement Maga de Trump s’appuie sur le populisme majoritaire aux Etats-Unis et tente de briser l'État libéral de l'intérieur. En Russie, l'État incarne la nation, tandis qu'en Amérique, il constitue l'adversaire. Pourtant, des marginaux trumpistes, comme les "intégralistes" ou le "néo-réactionnaire" Curtis Yarvin (photo), s’approchent de la ligne de Douguine – Yarvin envisage un président dictateur à la tête de l'Amérique, un "monarque-PDG" absolu, posture que J. D. Vance a également soutenue.
Le flirt idéologique n’est pas exempt de contradictions. Le traditionalisme ésotérique de Douguine, qui célèbre de nombreuses traditions différentes, telles que la mystique islamique, le soufisme et la théocratie iranienne, entre en collision avec les valeurs sionistes de la droite occidentale. Certes, au sein des cercles les plus obtus de l’extrême droite, Douguine a également été accusé d’apprécier la kabbale juive, ce qui ne fait qu’ajouter à la complexité de sa pensée.
Cependant, l'ancien conseiller de Trump et le parrain de la droite Maga, Steve Bannon, voit en la Russie une alliée de l'Amérique. Lorsque les libéraux ont faussement étiqueté Trump comme le pantin de la Russie, ils pourraient maintenant négliger un lien réel, ouvertement avancé - ironiquement, exactement ce qu'ils craignaient à l'origine.
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mardi, 04 mars 2025
Le trumpisme en action - La déstabilisation américaine de «l'Occident collectif des valeurs»
Le trumpisme en action
La déstabilisation américaine de «l'Occident collectif des valeurs»
Werner Olles
Ceux qui voulaient comprendre l'ont compris. Le 28 février 2025, le président américain Donald Trump et le vice-président Jack D. Vance ont non seulement mis fin au culte aussi ridicule que nauséabond et servile de Volodymir Zelenski, criminel de guerre corrompu, dictateur et ami des nazillons, mais ils ont également précisé, en le chassant de la Maison Blanche, que l'expansion géopolitique de la Russie en Ukraine était de nature défensive depuis le début. Dès 1995, l'objectif du président Clinton était d'affaiblir considérablement la Russie et de la soumettre aux intérêts occidentaux. Le point culminant de cette évolution belliqueuse a été, après l'élargissement de l'OTAN vers l'Est, le soi-disant « coup d'État de Maïdan » de 2014 contre le gouvernement ukrainien légitime, qui a porté au pouvoir, avec le généreux soutien financier, logistique et politique du gouvernement américain de l'époque, de l'OTAN et de l'UE, un régime qui considérait la Russie et la majorité russe vivant à Donetsk et Lougansk comme des ennemis à abattre, promis au même destin que la Serbie, l'Irak et la Libye.
C'est Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, qui a déjoué les plans des mondialistes en envahissant l'Ukraine en 2022, déclarant qu'il s'agissait d'une « opération spéciale », d'une part en stoppant l'élargissement progressif et prévu de l'OTAN vers l'Est, et, d'autre part, en tant que puissance protectrice des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, devenues entre-temps indépendantes, et de leur population majoritairement d'origine russe et russophone, qui souffrait de la terreur meurtrière exercée depuis huit ans contre les civils dans les deux républiques indépendantes, elle y mettait enfin un terme. En réalité, la Russie n'a jamais eu l'intention de conquérir des territoires non russes, comme l'ont prétendu les médias mensongers de l'Occident et les dirigeants mondialistes de l'Occident collectif. L'« opération spéciale » n'a jamais été une guerre contre l'Ukraine et les Ukrainiens, mais une guerre contre l'Occident collectif, contre les médias pro-OTAN qui, jusqu'à aujourd'hui, sont tombés dans le terrorisme pur et dur, et ce de la manière la plus cruelle et la plus insupportable. Joe Biden et son impérialisme génocidaire ont recruté des mercenaires britanniques, polonais, américains et djihadistes qui, avec les néo-nazis des bataillons Azov et Kraken, ont commis des centaines de crimes de guerre contre des prisonniers et des civils russes.
Avec le changement de pouvoir à la Maison Blanche, la victoire écrasante de Trump sur sa rivale ridicule Kamala Harris, une mondialiste russophobe sans aucune connaissance géopolitique, et la totalitarisation des sociétés d'Europe occidentale en particulier dans le sens d'un système woke, antidémocratique et néolibéral qui ne reconnaît les élections que si des politiciens complaisants et dociles les remportent, un « changement d'époque » a en effet commencé. Les Etats-Unis qui, depuis la victoire de l'équipe Trump, adoptent une ligne de plus en plus illibérale et dure à l'encontre de leurs anciens alliés libéraux-mondialistes woke en Europe et au Canada - à commencer par le discours du vice-président Vance lors de la réunion du WEF, qui a suscité l'horreur à Davos, lorsqu'il a accusé, à juste titre, les élites politico-médiatiques qui s'y étaient réunies de persécuter les dissidents, les populistes de droite et de restreindre de manière rigide la liberté d'expression -, il est fort probable qu'ils ne feront plus preuve de la même tolérance à l'égard des provocations libérales-gauchistes et mondialistes et de l'arrogance de leurs ex-partenaires. Suivant les principes de John Bannon, qui a réuni dans sa « War-Room » les théories de la révolution conservatrice et d'un traditionalisme américain - ce que le philosophe russe Alexandr Dugin appelle le « trumpisme » - et qui a ainsi largement contribué à la victoire de Trump, il s'agit également d'une guerre de l'information. Dans cette dernière, les mensonges des élites occidentales, leurs fake news, doivent être démasqués, mais il faut également séparer le bon grain de l'ivraie. Certes, l'équipe Trump a déjà réussi à démanteler une grande partie de l'État profond, mais la victoire totale sur le monstre satanique n'est pas encore acquise. Nous constatons également que même chez nous, dans la RFA politiquement détraquée, une foire d'empoigne composée de la CDU/CSU déchristianisée, des traîtres à la classe ouvrière que sont les « sociaux-démocrates », des dégénérés verts tournés bellicistes et de la populace de gauche, symboles de la mondialisation néolibérale, s'apprête à réduire au silence l'opposition populiste de droite à l'aide de projets financés par l'État, soit par des interdictions, soit par la violence de leurs bandes terroristes nazies, mais peintes en rouge et en vert pour faire illusion. L'« Etat profond » est déstabilisé, mais il est loin de s'avouer vaincu.
Pourtant, ce qui se passe actuellement est bel et bien un « événement » ou une « apparition » : la manifestation de l'essence de la Révolution conservatrice dans l'histoire, à partir de ces camarades actifs aux États-Unis, les Trumpistes, les « Proud Boys », les gens ordinaires, qui ont une dimension traditionaliste et une dimension métaphysique que nous n'avons malheureusement qu'effleurée et totalement sous-estimée jusqu'à présent. Ceux qui échouent une fois de plus dans ce combat culturel, ce sont les soi-disant conservateurs axiologiques ou libéraux, qui ne comprennent pas l'ensemble du compendium que représente le traditionalisme, qui parlent d'« impérialisme grand-russe », mais qui ne sont même pas capables, mentalement, d'embrasser du regard le champ de bataille entre la vision mondialiste et la vision antimondialiste du monde et qui ne reconnaissent pas qu'il y a deux blocs, dont l'un représente le peuple et l'autre les élites transnationales. Le second échec est celui d'une partie de la soi-disant « nouvelle droite » qui, par l'intermédiaire de certains de ses pathétiques « théoriciens », n'a pas hésité à considérer John Bannon comme un « prétentieux » et le choix entre Trump et Biden comme « totalement inintéressant et insignifiant ». Peut-on se ridiculiser davantage et se démasquer soi-même comme des ignorants arrogants ? L'aveuglement et la surestimation de soi ont toujours été des travers humains de dimension très primaire.
La Russie et les États-Unis sont actuellement les principaux acteurs du « choc des civilisations », tandis que les élites de l'UE poursuivent une politique belliciste cohérente: celle de détruire tout ce qui s'est développé de manière organique en Europe et dans le monde. Une telle politique n'est pas seulement une menace pour la diversité des peuples européens et pour leurs identités, elle est également antipopulaire au plus haut point, car elle nivelle toutes les différences entre les cultures, les traditions, les civilisations et les peuples. Certes, la situation est désormais en quelque sorte prérévolutionnaire, car le développement de ces nouveautés est la loi en vigueur actuellement dans le monde, mais l'idéologie du mondialisme néolibéral, étroitement liée au conflit militaire en Ukraine, au régime ukrainien-nazi de Kiev, tout en étant assaisonnée de néo-paganisme et de satanisme, est toujours un ennemi mortel qu'il ne faut pas sous-estimer. Il sera intéressant d'observer comment se comportera par exemple la « post-fasciste » Georgia Meloni, Premier ministre italien. Suivra-t-elle le bon exemple de Viktor Orban et Roberto Fico et rejoindra-t-elle les trumpistes, ou s'en tiendra-t-elle à la Commission européenne corrompue et aux va-t-en-guerre qui s'y trouvent autour de von der Leyen et Kallas. Historiquement, la droite italienne a toujours misé sur la carte atlantiste, prouvant ainsi que les Italiens, qui soi-disant des gens « au sang chaud », savent calculer froidement et savent exactement où trouver les bataillons les plus forts, tandis que le destin des Allemands semble être que les aveugles se laissent mener à leur propre perte par d'autres aveugles.
Pour la droite allemande, il devrait être parfaitement clair qu'au vu des manifestations grotesques de solidarité de l'élite corrompue et corruptrice de l'UE et du soi-disant « centre démocratique », surtout en RFA, envers le comédien mégalomane ukrainien Zelenski à l'occasion de son expulsion bien méritée à Washington, la classe politique dirigeante ne voit pas en nous des adversaires politiques, mais des ennemis à abattre. C'est pourquoi notre hostilité à leur égard doit être irréconciliable et implacable. Nous devons comprendre qu'ils veulent nous détruire politiquement, psychologiquement et - si nécessaire - physiquement, et qu'en contrepartie nous n'avons pas l'intention de nous laisser détruire, mais que nous leur demanderons des comptes en temps voulu. « Je veux entendre le clic des menottes ! » (Peter Hahne).
Les illusions métapolitiques seules ne nous aideront pas à changer le désordre existant, il faut aussi une action pratique. Il ne s'agit nullement d'un appel à la violence, mais d'une réflexion sur la manière dont le système qui nous domine, nous opprime et nous insulte quotidiennement peut être contraint, par des manifestations de masse, par la désobéissance civile, par des grèves générales et des actions similaires, à laisser tomber définitivement son masque pseudo-démocratique et à se présenter comme un totalitarisme ouvert. Karl Marx, qui était certainement tout sauf un révolutionnaire conservateur, l'a néanmoins bien compris: « L'arme de la critique ne peut pas remplacer la critique des armes. La violence matérielle doit être renversée par la violence matérielle, seule la théorie devient une violence matérielle lorsqu'elle s'empare des masses ! Elle devient une violence matérielle lorsqu'elle devient une conscience et une orientation pour l'action des masses ». (Karl Marx : Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel 1843-1844).
Après tout, les trumpistes ont déjà accompli une partie importante de leur révolution conservatrice : le soi-disant « Occident collectif » est en train de s'effondrer sous nos yeux, ce qui signifie que les jours du régime de terreur à Kiev sont également comptés. Un nouveau monde est en train de naître, qui ne fait plus peu de cas de la tradition, de l'autorité et de l'identité culturelle et nationale. Ecoutons le grand diplomate, philosophe et réactionnaire espagnol Juan Donoso Cortés (1809-1853) : « Je représente quelque chose de plus grand ; je représente la tradition par laquelle les nations sont ce qu'elles sont dans tous les siècles. Si ma voix a quelque autorité, ce n'est pas, Messieurs, parce qu'elle est ma voix, mais parce qu'elle est la voix de vos pères. Vos voix me sont indifférentes, je ne me suis pas proposé de m'adresser à votre volonté qui vote, mais à votre conscience qui juge ! »
19:44 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, trumpisme, états-unis, europe, politique internationale | |
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