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mercredi, 07 mars 2007

Jean Baudrillard est mort

medium_JeanBaudrillard.jpg

 

Jean Baudrillard vient de mourir à l'âge de 77 ans

Voici l'hommage que lui consacre le "Figaro":

http://www.lefigaro.fr/france/20070306.WWW000000430_jean_...

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G. Faye en portugais

Chers amis,

Nous avions omis de signaler, dans une information précédente, relative aux articles de Guillaume Faye en toutes langues, ceux qui existent en portugais. Comme notre site accepte le portugais, ainsi que six autres langues, nous vous signalons la présence de tous les articles de Faye en cet idiome international, sur le site "arqueofuturismo", dédié pour une bonne part à ses oeuvres.

http://arqueofuturista.wordpress.com/tag/fala-guillaume-f...

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Définir et dénoncer l'ethnocide

José Javier ESPARZA :

Définir et dénoncer l'ethnocide

Tout le monde sait ce qu'est un génocide. Personne, ou presque, ne parle d'ethnocide, mécanisme de déracinement culturel qui s'abat, de nos jours, sur la majeure partie du monde. Ses victimes : les peuples, les cultures, les spécificités ethniques. Au profit d'un monde artificiel et homogénéisé. S'engager pour la cause des peuples exige, comme acte préalable, de désigner l'ennemi. Et l'ennemi, dans cette dynamique, c'est l'ethnocide.

L'homme est être de culture. Tout autant que l’espèce humaine est une notion biologique. Sur ce plan, zoologique, tous les hommes sont égaux. Mais les hommes ne se définissent pas seulement par leur constitution biologique mais plutôt par leur appartenance d une culture. L'Homme, dépourvu d’instincts pré-programmés, comme le souligne l'éthologie d'un Konrad Lorenz ou l’anthropologie d'un Arnold Gehlen, doit construire son comportement face au milieu. Cette construction est d'ordre "culturel". De sorte que, selon Gehlen, l'homme est "un être culturel par nature".

Le monde humain : une polyphonie

La même règle prévaut pour les sociétés humaines. Les hommes se regroupent en communautés de culture. Il n'y a pas de culture universelle ni d'homme universel. Il y a des peuples avec des cultures et des hommes. Le monde humain est essentiellement polyphonique. Les cultures se constituent ainsi, pour les hommes, en moyens destinés à la création de leur environnement. Cette culture ne peut être réduite à de la "production culturelle". La culture est la configuration que prennent les coutumes, les rites, les visions-du-monde, les conceptions de la société, les notions de sacré, les manières particulières de chaque entité à comprendre la relation qu'il y a entre l'homme et le monde. Toute tentative d'homogénéiser les cultures, de les réduire à un modèle universel constitue une atteinte contre ce qui est spécifiquement humain : la diversité culturelle. L'ethnocide s'inscrit dans cette dynamique homogénéisante. En provoquant l'extinction de la diversité culturelle, l'ethnocide implique la lente disparition de la spécificité des hommes et des peuples. Il implique la mort de l'humain.

Nous assistons à l'heure actuelle à une nouvelle configuration idéologique dans le monde qui se base sur un système de valeurs uniciste. Le vieux processus de colonisation "brutal et violent" a fait place à un néo-colonialisme pacifique et mercantile qui prétend imposer partout sa vision-du-monde. Ce qui est primordial pour ce néo-colonialisme, c'est la domination psychique et culturelle des peuples vivant dans les aires de son expansion potentielle, plutôt que leur simple domination physique/politique. L'agent privilégié de ce néo-colonialisme est précisément l'ethnocide, phénomène que nous pourrions définir, en un premier stade, comme un génocide culturel, génocide de "bonne conscience", exercé "pour le bien du sauvage". Ses résultats sont tout aussi négatifs et abominables que ceux d'une extermination physique.

Ethnocentrisme et prosélytisme

Approfondir le phénomène exige que nous remontions à l'incontestable et radicale réalité du fait ethnique ainsi qu'à un fait qui lui est fréquemment inhérent: l’ethnocentrisme. Ce terme, synonyme d'auto-centrisme culturel, fut défini en 1906 par W.G. Summer comme la conception du monde lui veut que le groupe humain auquel on appartient est le centre du monde : les autres groupes étant pensés par référence à lui, Il se manifeste (principalement aux niveaux inférieurs d'une communauté) par l'éloge de ce qui lui est propre et par un mépris de ce qui lui est étranger. Ce phénomène n'est pas intrinsèquement négatif ; nous le trouvons, dans la pratique, chez tous les peuples : les Esquimaux s'appellent eux-mêmes "Inuit", c’est-à-dire les "hommes" ; les Indiens Guaranis se donnent le nom d' "Ava", signifiant également les "hommes" ; les Guayquis, celui d' "Aché", les "personnes". Il en est de même chez presque tous les peuples de souche indo-européenne. Claude Lévi-Strauss a écrit que l'ethnocentrisme est un phénomène naturel, résultat des relations directes ou indirectes entre les sociétés (1). Tous les peuples sont ethnocentristes. Ceci dit, seule la "civilisation occidentale" est ethnocidaire parce qu'elle tend au prosélytisme, variante "pacifique" de "l'hétérophobie", manifestation de la "haine de l'autre".

L'hétérophobie

Tous les peuples subissent la tentation de l'ethnocentrisme et l'on doit admettre qu'une certaine dose d'ethnocentrage est nécessaire a l'équilibre d'une communauté, car elle renforce son "auto-perception", c’est-à-dire qu'elle dignifie l'image que la communauté se fait d’elle-même. Mais lorsque cet ethnocentrage dégénère, surgissent alors des manifestations d'hétérophobie, de haine de l'autre, de haine à l'égard de tout ce qui est différent. En règle générale, se cache derrière l'hétérophobie non un complexe de supériorité mais bien plutôt un complexe d'infériorité, une insatisfaction d'ordre culturel, provoquée par la perte de cette auto-perception qu'éprouve une communauté ethnique donnée, ce qui équivaut à une déviation ou une insuffisance d'ethnocentrage. Les manifestations d'hétérophobie sont, au fond, au nombre de 2 : la répudiation et l'assimilation.

L'ethnocide par répudiation

La répudiation consiste en ceci : la relation entre 2 groupes ethniques s’interprète selon le schéma dualiste nature/culture. La "société civilisée" juge la "société sauvage" comme inférieure, comme infra-humaine, et la perçoit comme un mode d'organisation quasi animal. Dans cette logique, les cultures dites "sauvages" sont destinées à être "bonifiées", "valorisées" par le truchement de la domination. Celle-ci, bien sûr, n'exclue pas la violence physique voire l'annihilation d'une race entière (génocide) ; elle n'exclut pas non plus l'ethnocide mais, ici, celui-ci se produit comme conséquence directe de l'exercice de la domination violente, ce qui la différencie de l'autre manifestation d'hétérophobie : l'assimilation.

L'ethnocide par assimilation

L'assimilation est une manifestation altérophobique plus subtile, moins polémique et conflictuelle. Elle consiste en la négation de la différence moyennant l'assimilation à la culture même qui pratique cette stratégie. L'autre devient identique, ce qui évite de poser le problème, pourtant bien tangible, de la différence des cultures. La distance est "censurée". Il s'agit d'un ethnocide pratiqué avec "bonne conscience" et qui correspond au phénomène néo-colonialiste actuel. L'ethnocide se pratique en 2 mouvements consécutifs : a) la déculturation qui génère une hétéroculture ; b) l'assimilation effective, l'ethnocide proprement dit.

Par déculturation, nous entendons l'ensemble des contacts et interactions réciproques entre les cultures. Le terme fut lancé à la fin du XIXe siècle par divers anthropologues nord-américains et plus particulièrement par l'ethnologue J.W. Powells en 1880 dans le but de désigner "l'interpénétration des civilisations". Comme l’a expliqué Pierre Bérard (2), le phénomène survient en plusieurs étapes. En 1er lieu, la culture autochtone s'oppose à la conquérante. Ensuite, avec la prolongation du contact, l'on commence à accepter certains éléments tout en en rejetant d'autres mais le germe d'une culture syncrétique est semé. C'est lors de la 3ème phase que l'on peut parler d'hétéroculture ; ce concept, cerné par J. Poirier (3), peut s'appliquer lorsque l'ethnotype ou mentalité collective, qui constitue avec l'idiome l'un des substrats de la culture, est affecté définitivement par des interventions extérieures. Les individus, coupés de leur mémoire, leur système social "chamboulé" deviennent les agents opérationnels de l'ethnocide (finalement un auto-ethnocide). Il se produit alors une assimilation complète, la disparition définitive de la culture originelle est chose faite et l'acceptation des valeurs de l'autre est acquise. Les courroies de transmission principales de ce processus sont au nombre de 3 : la religion, l'école et l'entreprise. La déculturation consommée et l'hétéroculture installée, l’on peut parler d'ethnocide par assimilation,

L'ethnocide : mort des différences

Le concept d'ethnocide fut suggéré pour la 1ère fois en 1968 par Jean Malaurie qui avait lu le livre de G, Condominar, L’exotique est quotidien. L'ethnocide partage avec le génocide une certaine vision de l'autre mais il n'adopte pas une attitude violente ; au contraire, il adopterait plutôt une attitude "optimiste". La propension ethnocidaire raisonnerait en fait comme suit : "Les autres, d'accord, ils sont 'mauvais' mais l'on peut les 'améliorer' en les obligeant a se transformer au point de devenir identiques au modèle que nous imposons". L'ethnocide s'exécute donc "pour le bien du sauvage". Une telle, attitude s'inscrit bien dans le cadre de l'axiome de l'unité de l'humanité, dans l'idée qu'il existerait un homme universel et abstrait, dans cet hypothétique archétype d'un homme générique. Archétype qui tenterait de fonder l'unité de l’espèce sur une donnée zoologique qui réduirait la culture à un "fait naturel" : cet archétype de l’universalisme militant constitue de ce fait une régression anti-culturelle. L'ethnologie a souvent succombé à cette erreur : dans le cadre de cette discipline, on a estimé, par ex., que l'indianité n'est pas quelque chose de consubstantiel à l'indien (qui est perçu comme un "être humain de couleur") ; dépouillé de son identité (l'indianité), l’indien accédera à la "dignité d'homme" : il s’occidentalisera.

Les 3 phases de l'ethnocide

Dans le cadre socio-économique, ce processus se manifeste en 3 phases fondamentales :

  • a) celle du spectacle : les peuples entrent en contact avec le modèle à imposer, ils contemplent les élites occidentales qui agissent comme vitrines, reflets du "progrès". Ces élites fonctionnent comme 1er instrument de l'ethnocide.
  • b) Celle de la normalisation : on élimine les scories culturelles indigènes, en les reléguant dans des zones dites "arriérées" ou "sous-développées" que l'on a, auparavant, contribué à créer ; l'instrument de pénétration est ici l'idéologie humanitaire qui prétend lutter contre la pauvreté.
  • c) la consolidation : issue des pays industrialisés, la culture dominante s'incruste totalement dans le pan-économisme ; les instruments de cet enkystement : modes de masse, idéologie du bien-être, etc.

Les conséquences de ce processus ont été mises en relief par G. Faye (4) : en même temps que les individus se dépersonnalisent pour végéter dans une existence narcissique et hyper-pragmatique, les traditions des peuples deviennent des secteurs d'un système économicisé et technicisé. Il y a souvenance mais pas de mémoire. Le passé est visité (comme un vieux musée poussiéreux) mais il n'est déjà plus habité. Un vrai peuple intériorise son passé et le transforme en modernité. Le système le transforme en ornement médiatisé et aseptique.

Matrices philosophiques de l'ethnocide

Tant l'esprit du processus d'assimilation que la légitimation de l'ethnocide reposent sur une série de préjugés bien ancrés dans l’idéologie moderne : ils s'inscrivent dans le cadre de la conception linéaire de l'histoire. En 1er lieu, nous rencontrons l'idéologème de la nature convergente de toutes les civilisations vers un système occidental. Dans cette optique, il serait possible de transférer n'importe où le développement culturel d'une population et de l'offrir à une autre parce que les cultures sont jugées simples accidents transitoires ou degrés inférieurs au encore marches d'escalier vers la civilisation unique, celle qui correspond à l'humanité abstraite, représentée aujourd'hui par le système occidental.

Cette vision téléologique est en rapport direct avec le 2nd idéologème, celui de l'unité de l'histoire, celui du sens unique de l'histoire : la civilisation serait alors un processus qui, avec l'aboutissement du développement, se muerait en état de fait ; le temps serait cumulatif et commun à tous les peuples. Bref, on enferme ainsi les peuples dans un processus abstrait et continu, dans un temps unique qui évoluerait vers le point omega du monde marchand et du bien-être de masse. Ces idéologèmes (unicité de l'histoire et convergence naturelle des civilisations) alimentent l'idéologie de l'unité de l'humanité. C'est, comme le souligne Pierre Bérard, "l'ogre philanthropique des ethnies". Résultat : l'homme occidental, prototype achevé de l'humanité unique, devient modèle planétaire.

Quand l'ethnocide engendre de graves pathologies

Ce type d'idées, que l'on tente d'inculquer aux peuples, n'est pas inoffensif. Au contraire, pareilles idées engendrent des pathologies dans l'orbite des psychologies sociale et individuelle, pathologies qui provoquent des déséquilibres sociaux. L'homme en l'intérieur duquel 2 cultures se combattent est un marginal qui ne peut plus se retrouver lui-même, qui ne sent plus les liens qui l’unissent à sa communauté d'origine, mais qui, en plus, ne sent pas se créer en lui d'autres liens qui l'uniraient au modèle culturel qu'on prétend lui imposer. Et ces liens qui, ensembles, donnent naissance à un véritable sentiment d'enracinement et d'appartenance collective, sont indispensables au bon équilibre social. Par la manipulation de ces idéologèmes déréalisants, les idéologies dominantes ont créé une authentique pathologie de la déculturation dont les symptômes ont été chiffrés par Rivers dés 1922 : érosion de la joie de vivre et thanatomanie. En 1941, Keesing observa les terribles effets déstabilisateurs de la dualité des codes axiologiques (l'original et l'imposé) chez des sujets appartenant à des ethnies soumises à un processus de déculturation. Le comportement imposé par l'idéologie occidentale est fréquemment perçu par la culture indigène comme délictueux et vice-versa. Cela donne lieu à des états d'anxiété où le patient déprécie généralement sa propre personne. Le processus de déculturation est-il irréversible ? Les peuples victimes de l'ethnocide, ou ceux qui sont en situation d'hétéroculture, ont-ils une quelconque possibilité de survivre en tant que peuples, c'est-à-dire en tant que matrices de systèmes de valeurs uniques et originales ?

La bouée de sauvetage : amorcer la contre-déculturation

Lorsque nous faisons allusion aux phases de déculturation (opposition initiale, culture syncrétique, hétéroculture et assimilation), nous avons délibérément laissé de côté une dernière et unique phase potentielle, signalée par Pierre Bérard : la contre-déculturation. Dans ce cas, la culture menacée de disparition, de façon inespérée, prétend restaurer les valeurs fondamentales qu'elle a sécrété du temps de sa pleine indépendance. Un tel phénomène, bien que difficile et complexe, peut se produire. Les mouvements des Indiens d'Amérique du sud l'illustrent parfaitement. Les phénomènes régionalistes en Europe aujourd'hui, qui ont une souche historique bien discernable comme ceux des Bretons, Flamands, Basques, etc., s'inscrivent également dans cette dynamique de contre-déculturation. Idem pour les revendications de beaucoup de pays du Tiers-Monde.

De nos jours, seule une réaction allant dans le sens d'une contre-déculturation peut freiner et corriger la dégénérescence des cultures populaires dans le monde entier et empêcher ainsi leur disparition. Le 1er obstacle à cette réaction, signe de santé, est l'idéologie universaliste et mercantile implantée à partir des structures internationales de domination techno-économique dont le pouvoir s'étend à tous les niveaux de la vie quotidienne. Il reste un espoir : que les peuples s'aperçoivent que ce système techno-économique est en réalité un géant aux pieds d'argile. Ils sauront alors que la réaction que nous souhaitons est possible et qu'elle sera efficace.

NOTES :

  • 1) Anthropologie structurale (1973).
  • 2) Ces cultures qu’on assassine in La cause des peuples, éd. Labyrinthe, 1982.
  • 3) Identités collectives et relations interculturelles, éd. Complexe, 1978.
  • 4) Les systèmes contre les peuples in La cause… (op. cit.).

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Pour une nouvelle définition du nationalisme

Pour une nouvelle définition du nationalisme

 

Conférence donnée par Robert Steuckers, le 16 avril 1997 à Bruxelles 

 

 

«Nationalisme» signifie, au départ, selon une définition minimale, la défense de la “nation” sur les plans politique, culturel et écono­mique. Par conséquent, toute définition du “nationalisme” dérive forcément d'une définition de la “nation”.

 

 

 

Qu'est-ce qu'une “nation”? Le terme “nation” vient du latin natio, substantif dérivé du verbe nasci,  naître. Donc, dans sa signification originelle, natio  signifie naissance, origine, famille, clan (Sippe),  la population d'un lieu précis (d'une ville, d'une province, d'un Etat ou, plus généralement, d'un territoire). Dans nos ré­gions au moyen-âge, on appelait diets(ch) ou deutsch les locuteurs de langue thioise (= germanique), en précisant que ceux qui habitaient la rive gauche du Rhin étaient des Westerlingen, tandis que ceux qui habitaient à l'Est du grand fleuve se faisaient appeler Oosterlingen.  Cette terminolo­gie se retrouve en­core dans les noms de famille Westerlinckx ou Oosterlinckx (ainsi que leurs variantes, orthographiées dif­férem­ment). A l'époque médiévale, Regino de Prüm, en évoquant les na­tiones populorum, indique que les “nations” sont des groupes de populations possédant tout à la fois des ancêtres communs, une langue commune et, surtout, ce que l'on a tendance à oublier quand on fait aujourd'hui du “nationalisme” comme Monsieur Jourdain fai­sait de la prose, des systèmes communs de droit, voire des es­quisses de constitu­tions. Dans la définition de Regino de Prüm, l'aspect juridique n'est pas exclu, le continuum du droit fait partie intégrante de sa définition de la nation, alors que certains nationalismes actuels ne réfléchissent pas à la nécessité de rétablir des formes traditionnelles de droit national et se contentent d'interpréter le droit en place, qui fait, par définition, abstraction de toutes les appartenances supra-individuelles de l'homme. Ce droit en place n'a pas été voulu par les néo-nationalistes: il s'opposera toujours à eux. Ou alors, les néo-nationalistes se bornent à rejeter le droit et plaident pour des mesures d'exception ou pour un gouvernement par ukases ou par comités de salut public, ce qui n'est possible que dans des périodes troublées, notamment quand un ennemi extérieur menace l'intégrité du territoire ou quand des bandes de hors-la-loi troublent durablement la convivialité publique (attaques de forugons convoyant des fonds ou initiatives de réseaux de pédophiles en chasse de “chaire fraîche”). Dans le contexte belge, il convien­drait de rejeter toutes les formes de droit et toutes les institutions qui nous ont été léguées par la ré­vo­lution française et le code napoléonien, pour les remplacer par des formes modernisées du droit cou­tumier flamand, brabançon, liégeois, etc. La grande faiblesse des mouvements nationaux dans notre pays, y compris du mouvement flamand, a été de ne pas proposer un droit alternatif, inspiré du droit cou­tumier d'avant 1792 et de contester globalement et systématiquement les formes de “droit” (?) dominantes, non-démocratiques et héritées de la révolution française.

 

 

 

Dans quel contexte le terme de “nation” a-t-il été employé pour la première fois? Dans les universités: une natio, dans la Sorbonne du moyen-âge, est une communauté d'étudiants issus d'une région particulière. Ainsi, la Sorbonne comptait une natio germanica ou teutonica regroupant les étudiants flamands, alle­mands et scandi­naves, une natio scozia ou scotia regroupant les étudiants venus des îles britanniques, une natio franca, regroupant les étudiants d'Ile-de-France et de Picardie, une natio normanica, avec les Normands (que l'on distinguait des “Français”) et une natio provencialensis, pour les Provençaux, et, plus généralement, les locuteurs des par­lers d'oc.

 

 

 

Mais, par ailleurs, au moyen-âge, les gens voyageaient peu, sauf pour se rendre à Compostelle; ils n'avaient que rarement affaire à des étrangers. Ceux-ci étaient généralement bien accueillis, surtout s'ils avaient des choses originales, drôles, étranges à raconter. Le rôle de l'étranger est souvent celui du con­teur d'histoires insolites. Certaines manières des étrangers étonnent, sont considérées comme bizarres, voire inquiètent ou suscitent l'animosité: très souvent, on est choqué quand ils parlent trop haut ou trop vite; dans le Nord, on est rebuté par la manie méridionale de toucher autrui, dans le Sud, on est froisé par la distance corporelle qu'aiment afficher les gens du Septentrion. Les habitudes alimentaires sont généra­lement mal jugées. L'animosité à l'égard de l'étranger se limitait, au fond, à ces choses quotidiennes, ce qui est bien souvent le cas encore au­jour­d'hui.

 

 

 

La conscience d'une “nationalité” n'est pas perceptible dans les grandes masses au moyen-âge. Seuls les nobles, qui ont fait les croi­sades, les clercs qui sont davantage savants et connaissent l'existence d'autres peuples et d'autres mœurs, et les marchands, qui ont accompli de longs voyages, savent que les coutumes et les manières de vivre sont différentes ailleurs, et que ces différences peuvent être sources de conflictualités.

 

 

 

Le nationalisme ne devient une idéologie qu'avec la Révolution française. Celle-ci exalte la nation, mais dans une acception bien différente des nationes  de la Sorbonne médiévale. La nation est la masse des citoyens, qui n'appartenaient pas auparavant à la no­blesse ou au clergé. Cette masse est désormais po­litisée à outrance, pour des raisons d'abord militaires: les hommes du peuple, indis­tinctement de leurs origines régionales ou tribales, sont mobilisés de force dans des armées nombreuses, par la levée en masse. A Jemappes et à Valmy, en 1792, les beaux régiments classiques de la guerre en dentelles, qu'ils soient wallons, autrichiens, croates, hon­grois ou prussiens, sont submergés par les masses compactes de conscrits français hâtivement vêtus et armés. Jemappes et Valmy annoncent l'ère de la “nationalisa­tion des masses” (George Mosse). Celle-ci, dit Mosse, prend d'abord l'aspect d'une militarisa­tion des corps et des gestes, par le truchement d'une gymnastique et d'exercices physiques à but guer­rier: Hébert en France, Jahn en Prusse, drillent les jeunes gens pour en faire des soldats. Plus tard, les premiers na­tio­na­listes tchèques les imitent et créent les sokol,  sociétés de gymnastique. Après les guerres de la Ré­vo­lution et de l'Empire, le nationalisme en Allemagne est révolutionnaire et se si­tue à gauche de l'échi­quier politique. Puisque le peuple allemand s'est dressé contre Napoléon et a aidé le roi de Prusse, les prin­ces locaux, la noblesse et le clergé à chasser les Français, il a le droit d'être repré­senté dans une as­semblée, dont il choisit directement les députés, par élection. En 1815, dans l'Europe de Metternich, le peu­ple ne reçoit pas cette liberté, il est maintenu en dehors du fonctionnement réel des institutions. D'où une évidente frustration et un sentiment de profonde amertume: si le simple homme du peuple peut être ou doit être soldat, et mourir pour la patrie, alors il doit avoir aussi le droit de vote. Tel est le raisonnement, telle est la revendication première des gauches nationales sous la Restauration metter­nichienne en Eu­rope centrale.

 

 

 

Dans l'Allemagne de l'ère Metternich, le nationalisme est un “nationalisme de culture” (Kultur­natio­na­lismus), où l'action poli­tique doit viser la préservation, la défense et l'illustration d'un pa­tri­moine culturel précis, né d'une histoire particulière dans un lieu donné. La culture ne doit pas être l'apanage d'une élite réduite en nombre mais être diffusée dans les masses. Le nationalisme de culture s'accompagne toujours d'une “pédagogie populaire” (Volkspedagogik)  ou d'une “pédagogie nationale”. Concours de chants et de poésie, promotion du patrimoine musical national, inauguration de théâtres en langue populaire (Anvers, Prague), in­térêt pour la littérature et l'histoire locale/nationale sont des mani­festations importantes de ce nationalisme, jugées souvent plus im­portantes que l'action politique propre­ment dite, se jouant dans les élections, les assemblées ou les institutions. Le nationalisme de culture permet d'organiser et de capillariser dans la société un “front du refus”, dirigé contre les institutions nées d'idées abstraites ou détachées du continuum historique et culturel du peuple. Ce na­tionalisme de culture est toujours tout à la fois affirmateur d'un héritage et contestataire de tout ce qui fonctionne en dehors de cet héritage ou contre lui.

 

 

 

Le nationalisme selon Herder et le nationalisme selon Renan

 

 

 

De la volonté d'organiser une “pédagogie populaire” découlent deux tendances, dans des contextes diffé­rents en Europe.

 

- D'une part, il y a les pays où la nation est perçue comme une “communauté naturelle”, c'est-à-dire une communauté reposant sur des faits de nature, de culture, sur des faits anthropologiques ou linguistiques. Cette vision provient de la philosophie de Herder et elle structure le nationalisme allemand, le nationa­lisme des peuples slaves (Russes, Serbes, Bulgares, Croates; en Pologne et chez les Tchèques, cet hé­ritage herdérien s'est mêlé à d'autres éléments comme le catholicisme, le messianisme de Frank, un héri­tage hus­site ou un anti-cléricalisme maçonnique), et, enfin, le nationalisme flamand qui est “herdérien” tant dans ses acceptions catholiques que dans ses acceptions laïques (souvenir de la révolte des Gueux contre l'Espagne).

 

- D'autre part, nous trouvons dans l'histoire européenne une con­ception de la nation comme “communauté de volonté” (wilsgemeenschap);  pour l'essentiel, elle est dérivée des écrits de Renan. Elle est la caracté­ristique principale d'un nationalisme fran­çais postérieur à l'ère révolutionnaire et jacobine. Le nationalisme français n'est pas un nationalisme de culture (et donc ne constitue nullement un nationalisme pour les Allemands, les Slaves et les Flamands) parce qu'il implique un refus des faits naturels, une né­gation du réel, c'est-à-dire des mille et unes particularités histo­riques des nations concrètes. Renan savait que la France de son temps n'était déjà plus un peuple homogène, mais un mixte com­plexe où intervenaient un fonds préhistorique cromagnonique-auri­gnacien (grottes de Lascaux, sites archéologiques périgourdins, etc.), un fonds gaulois-celtique ou basque-aquitain, un apport romain-la­tin et des adstrats francs-germa­niques ou normands-scandinaves. Aucune de ces composantes ne peut revendiquer de représenter la France seule: donc ces réalités, pourtant impassables, doivent être niées pour que fonctionne la ma­chine-Etat coercitive, de Bodin, des monarques, de Richelieu et des jacobins. Pour que l'idéologie ne soit pas trop raide, schématique et abstraite, donc rébarbative, Renan table non pas sur les réalités con­crètes, anthropologiques, ethniques ou linguisitiques, mais sur une émotion artificiellement entretenue pour des choses construites, relevant de l'“esprit de fabrication” (dixit le Savoisien Joseph de Maistre) ou sur des modes assez ridi­cules et des fantaisies sans profondeur (modes vestimentaires pa­risiennes, glamour féminin, produits culinaires ou cosmétiques à la réputation surfaite et toujours parfaitement inu­tiles, etc.). Le ci­toyen d'une telle nation adhère avec un enthousiasme artificiel à ces constructions abs­traites ou à ces styles de vie mondains et cita­dins sans profondeur ni épaisseur, et, en même temps, nie ses pa­trimoines réels, ses traditions rurales, ses héritages, qu'il brocarde par une sorte de curieuse auto-flagellation, de concert avec les pro­pagandistes politiques et les mercantiles qui diffusent ces modes ne correspondant à aucun substrat populaire réel. Cette adhésion est une “volonté”, dans l'optique de Renan. Sa fameuse idée d'un “plébiscite quotidien” n'est jamais que l'exercice d'auto-flagellation des ci­toyens, le catéchisme qu'il doit apprendre pour être un “bon élève” ou un “bon citoyen”, pour oublier ce qu'il est en réalité, pour exorciser le “plouc” qui est en lui et l'empêche d'adhérer béatement à tous les pa­risianismes. Aujourd'hui, les modes vestimentaires, musicales, cinématographiques américaines, diffu­sées en Europe, jouent un rôle analogue à celui qu'avaient les modes françaises jusqu'en 1940. Les mani­festations d'américanisme oblitèrent les traditions historiques et culturelles d'Europe comme les manifes­ta­tions du parisianisme avaient oblitéré les traditions historiques et culturelles des provinces soumises aux rois de France, puis à la secte jacobine-fanatique.

 

 

 

Que signifie cette dualité dans les traditions nationalistes en Europe? Pour Herder, le peuple, en tant qu'héritage et continuité pluriséculaire, prime toutes les structures, qu'elles soient étatiques, démocra­tiques, républicaines, monarchiques ou autres. Les struc­tures passent, les peuples demeurent (Geen tronen blijven staan, maar een Volk zal nooit vergaan,  [Aucun trône ne reste debout, mais un peuple ne passe jamais], dit l'hymne national flamand, contenant ainsi une magistrale profession de foi herdérienne dont les Flamands qui le chantent aujourd'hui ne sont plus guère cons­cients et dont la portée philosophi­que est pourtant universelle). Pourquoi, chez Herder, cette primauté du donné brut et naturel qu'est le peuple par rapport aux institutions étatiques construites? Parce qu'au mo­ment où il écrit ses traités sur l'histoire, il n'y a pas un Etat alle­mand unitaire. Les Allemands du continent sont éparpillés sur une multitude d'Etat, comme c'est encore le cas aujourd'hui. Dans le contexte allemand du XVIIIième, on ne peut donc pas parler de l'Etat comme d'une réalité concrète, puisque cet Etat n'existe pas. Ce qui existe en réalité, ce qui est vraiment là, sous les yeux de Herder, c'est une vaste population germanique, diversifiée dans ses façons de vivre et par ses dialectes, mais unie seulement par une langue littéraire et une culture générale permet­tant d'harmoniser ses dif­férences régionales ou dialectales. Herder voit une nation germa­nique en devenir constant, un édifice non achevé. Les nationalismes qui dérivent de sa philosophie de l'histoire perçoivent leur objet privilégié, soit la nation-peuple, comme un phénomène mouvant, en évolution constante. La primauté de la culture sur les institutions (jugées toujours éphémères et sur la voie de la caducité), du peuple sur l'Etat, conduit aisément à la pratique de défendre les Volksge­nossen  (= les “congénères”) contre les Etats étrangers qui les oppri­ment ou qui, plus simplement, ne permettent pas leur dé­ploiement op­timal. Tous les “congénères” doivent en théorie béné­ficier d'insti­tutions souples et protectrices, déduites de l'héritage juridique et historique national voire d'institutions partagées par la majorité nationale. Il appa­raît intolérable que certains “congénères” soient sous la coupe d'institutions étrangères ou contraints de servir de chair à canon dans des armées non nationales. Le sentiment qui naît de voir des “congénères” subir des injustices conduit parfois à une vo­lon­té d'irrédentisme. Dans cette optique nationale-allemande et herdérienne, les Autrichiens, les Alsa­ciens, les Luxembourgeois, les habitants d'Eupen et de Saint-Vith, les Tyroliens du Sud, les res­sortis­sants des disporas allemandes de la Vistule à la Volga et de Bessarabie au Turkestan sont des com­patriotes allemands à part entière. Pour les Flamands, les habi­tants du Westhoek ou les diaspo­ras fla­mandes réparties jusqu'au pied des Pyrénées sont des compatriotes  —indé­pendamment de leur “natio­nalité de papier”—  qu'il faut proté­ger quand ils ont maille à partir avec l'Etat étranger qui les tient sous tutelle. Le conflit entre Serbes et Croates vient du fait que ni les uns ni les autres ne peuvent accepter de voir les leurs sous la coupe d'un Etat reposant sur des principes qui leur sont étrangers: orthodoxes-byzantins pour les uns, catholiques-romains pour les autres. Les Russes aussi se sentent les protec­teurs de leurs compa­triotes en Ukraine, en Estonie, au Kazakstan et dans toutes les ré­publiques musul­ma­nes de l'ex-URSS. Les Hongrois affirment au­jourd'hui haut et fort qu'ils protègent leurs compatriotes des Tatras et de la Voïvodine et laissent sous-entendre, notamment à la Slova­quie et à la Serbie, qu'ils sont prêts à intervenir militairement si les droits des minorités hongroises sont bafoués.

 

 

 

Pour Renan, l'idée d'une “communauté de volonté” ou d'un “plé­biscite quotidien” repose de fait sur une volonté d'oublier chaque jour ce que l'on est en substance, afin de correspondre à une idée abstraite (la citoyenneté républicaine et universelle dans la version rationaliste, délirante et fanatique) ou à une image idéale (dans la version édulcorée et modérée). Pour les tenants du natio­nalisme de culture, une telle dé­marche est une aberration. C'est ce que repro­chent les nationalistes flamands ou les germanophiles al­saciens à leurs “franskiljoens” ou à leurs “Französlinge”. Rien de plus ridicule évidemment que le franco­phile brabançon ou strasbour­geois qui se pique de suivre les modes de Paris. Gauche et mala­droit, il ca­mou­fle, derrière des propos grandiloquents et un caté­chisme sché­ma­tique, une honte et une haine patho­logiques de soi, qu'il essaye fé­bri­le­ment, de surcroît, d'inculquer à ses compatriotes. A Bruxelles, cer­taines nullités politiciennes de bas étage inféodées au FDF (Front des Francophones) jouent ce jeu avec une obstination inquiétante, avec un fanatisme comparable à celui qui s'est exercé sous la Ter­reur, et bé­néficient du soutien à peine dissimulé de quelques ser­vices du Quai d'Orsay.

 

 

 

Pour Tilman Mayer (cf. Prinzip Nation. Dimensionen der nationalen Frage am Beispiel Deutschlands, Le­ske + Budrich, Leverkusen, 1986; Bernd Estel/Tilman Mayer (Hrsg.), Das Prinzip Nation in modernen Ge­sell­schaften. Länderdiagnosen und theoretische Perspektiven, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1994), philosophe allemand qui s'est penché sur la question du nationalisme, il convient de distinguer dans cette pro­blématique Herder/Renan, les notions d'ethnos  et de demos. L'ethnos est un groupe démographique humain, avec une base eth­nique bien clairement profilée. Le demos  est l'ensemble des élec­teurs (donc des habitants de toutes les circonscriptions électorales d'un pays donné), sans qu'il ne soit néces­sai­re­ment tenu compte de leur profil ethnique/anthropologique; ceux-ci peuvent certes exprimer leurs opinions sur le plan politique et institutionnel, mais ils ne peuvent en aucun cas porter atteinte au fait naturel, au factum  qu'est l'ethnos.  Pour Mayer, comme jadis pour Herder, les peuples sont autant d'expressions spécifiques de cette humanité diversifiée voulue par Dieu (Herder est pasteur protestant), autant de façons de l'“être-homme” (het menszijn/Mensch-sein).  Cette affirmation appelle d'autres réflexions d'or­dre philosophique et anthropolo­gique. A leur tour, ces réflexions condui­sent à l'affirmation de prin­cipes politiques pratiques:

 

- Première réflexion: l'homme (l'humanité) est ontologiquement faible. Dans le donné naturel brut, dans sa déréliction, jeté au beau milieu d'un monde souvent hostile, l'homme nu, seul, est désarmé, ne pourrait survivre. Le “petit d'homme” n'a ni la fourrure de l'ours, ni les crocs du tigre, ni la fulgurante rapidité du guépard, ou l'agilité du dauphin ou les muscles puissants des grands singes anthropo­morphes. Pour pal­lier à ces défauts, l'homme a besoin de la tech­nique et de la culture.

 

 

 

- La technique, la fabrication d'outils, l'habilité manuelle lui procu­rent les instruments quotidiens (vête­ments, armes, ustensiles di­vers, récipients, etc.) qui lui assurent sa survie biologique.

 

- La culture, en ce sens, est un ensemble de rites, de traditions, de règles ou d'institutions anthropolo­giques (mariage, famille, etc.) ou politiques (Etat, organisation militaire, judiciaire, etc.), qui permet­tent soit d'orienter les comportements vers le maximum d'efficacité soit de déployer autant de stratégies pos­sibles pour répondre aux innombrables défis que lancent le monde et l'environnement.

 

 

 

Pluriversalité

 

 

 

L'humanité est répandue sur l'ensemble du globe, sous toutes les latitudes et dans tous les climats ou les biosphères; cette répartition humaine est mouvante par l'effet des phénomènes migratoires, la pluralité des modes culturels/institutionnels est dès lors un postu­lat nécessaire, pour ne pas désorienter les hommes, pour leur con­server à tous un fil d'Ariane dans leurs pérégrinations à travers un monde labyrin­thique. Les cultures doivent être maintenues et pro­mues dans leur extrême diversité, de façon à ce que les stratégies de survie restent nombreuses pour affronter les innombrables si­tuations ou contextes aux­quels l'homme est sans cesse confronté. Ce postulat de la diversité nécessaire induit un “pluriversalisme” et réfute les démarches universalistes. Le monde est un plurivers et non un univers. Un monde qui serait géré par une et une seule vi­sion des choses serait un danger pour l'humanité, car cette vision unique, cette pensée unique, éliminerait la possibilité de déployer, ne fût-ce que par imitation, des stratégies mul­tiples éprouvées avec succès dans d'autres Umwelten  que le mien (les explorateurs po­laires européens imitent les Esquimaux, les soldats européens imi­tent en Guyane, au Gabon ou en Birmanie les stratégies de survie des Pygmées dans les forêts vierges africaines, les explorateurs du désert calquent leurs com­portement sur les Bédouins ou les Touaregs, etc.). La pluriversalité est donc bel et bien une nécessité et un avantage pour l'homme, et la volonté perverse de certains cé­nacles, officines ou bureaux d'imposer une “political correctness”, niant cette luxuriante pluriversalité au profit d'une fade universa­lité, est une dangereuse aberration.

 

 

 

Si, en permanence, on peut tester au quotidien des stratégies vitales ethniquement ou biorégionalement profilées, on donne à l'humanité dans son ensemble plus de chances de survie. Dans une telle optique, l'Autre (l'Etranger) est toujours un ensei­gnant, tout comme nous sommes pour lui aussi des enseignants. L'ennemi dans une telle optique est celui, compatriote ou étranger, qui refuse d'entendre et d'écouter l'Autre, d'enseigner ce qu'il sait, d'approfondir ce qu'il est, celui qui impose des modèles abstraits et inféconds par coercition ou par séduction perverse. Car dans un monde régi par le mono-modèle pré­co­ni­sé par les tenants de l'idéologie dominante et par leurs inquisiteurs, une réciprocité fé­conde et bien­veil­lan­te, comme celle que nous souhaitons planétari­ser, ne serait pas possible.

 

 

 

Ces options pour la pluriversalité ou la pluralité doivent se répercu­ter au sein même de la nation. Au sein de sa nation, l'homme public ou politique, qui opte pour la vision herdérienne, plurielle et pluri­verselle, doit, pour demeurer logique avec lui-même, respecter la pluralité qui constitue sa propre nation. Car la nation n'est jamais un monolithe, même quand elle est apparemment homogène ou plus homogène que ses voi­sines. La nation est une communauté complexe et multidimensionnelle, et non un groupe humain simple et unidimensionnel. La complexité et la multidimensionalité per­mettent de réaliser au sein de la nation ce qui se fait dans le monde: tester à chaque instant autant de stratégies vitales diffé­rentes que possible. Le personnel politique pluriversaliste sélec­tionne alors les meilleures stratégies disponibles et les adapte à la situation et aux défis du moment: tel est le véritable pluralisme, et non pas cette pluralité d'options par­tisanes figées que l'on nous suggère aujourd'hui, en nous disant qu'elle est la panacée et l'unique forme de démocratie possible. Un Etat trop centralisé as­sèche ses potentialités: c'est le cas de la France qui tombe en que­nouille sous le poids de ses contradictions mais c'est aussi le cas de la Wallonie ruinée où le PS francophile impose trop unilatéralement ses schémas et ce serait le cas d'une Flandre où seul le CVP aurait le dernier mot. Une vision organique de la nation implique la présence constante d'une pluralité de réseaux d'opinions ou une pluralité de projets, qui doivent avoir pour but, évidemment, de renforcer la co­hésion de la nation, d'y introduire de l'harmonie, d'optimiser son déploiement.

 

 

 

La typologie des nationalismes chez John Breuilly

 

 

 

Dans Nationalism and the State  (Manchester University Press, 2d ed., 1993), John Breuilly nous offre une excellente classification de différents types de nationalismes qui se sont présentés sur la scène mondiale.

 

 

 

Première remarque de Breuilly: le nationalisme peut être porté par des strates très différentes de la so­ciété. Il peut être porté par la noblesse et la “ruling class” (comme en Angleterre), par la classe bourgeoise révolutionnaire (en France, de la Révolution à la Troisème République), par les paysans, par les ouvriers ou par les intellectuels. En Afrique du Sud, en Bulgarie, en Croatie, partielle­ment en Flandre (pendant la révolte paysanne contre la république française en 1796-99), en Irlande ou en Roumanie, les paysans sont porteurs de l'idée nationale. Avec James Connolly en Irlande et avec le péronisme en Argentine, les ouvriers et les syndicats (socialistes ou justicialistes) affirment la souveraineté nationale. Les intellec­tuels jouent un rôle moteur dans l'éclosion du na­tionalisme en Tchèquie, en Finlande, en Flandre, en Ir­lan­de, au Pays Basque et en Catalogne.

 

 

 

1. Dans un contexte où il n'existe pas d'Etats-nations, nous trouvons:

 

- des nationalismes d'unification, comme en Italie, en Allemagne ou en Pologne au XIXième siècle.

 

- des nationalismes de séparation, où les nations tentent de s'affranchir des empires dans lesquels elles sont incluses, comme la Hongrie, la Tchèquie, la Croatie dans l'empire austro-hongrois, ou la Roumanie, la Grèce et la Bulgarie dans l'empire ottoman.

 

La Serbie, par exemple, est séparatiste contre les Ottomans, mais unificatrice dans le contexte yougo­slave à partir de 1918, où elle est dominante. Les Arabes sont séparatistes contre les Turcs pendant la première guerre mondiale, mais unitaires dans leurs revendications nationales ultérieures. On peut éga­lement dire que le nationalisme flamand est tout à la fois séparatiste contre l'Etat belge mais vise l'unification pan-néerlandaise dans l'idée des Grands Pays-Bas, l'unification de Dunkerque à Memel dans l'idée hanséatique et “basse-allemande” (“Aldietse Beweging”) de C. J. Hansen (1833-1910), l'unification de tous les peuples germaniques chez quelques ultras de la collaboration entre 1940 et 1945 (De Vlag, etc.).

 

 

 

Pour les nations qui ne disposent pas d'une pleine souveraineté et sont incluses dans de vastes empires coloniaux, le nationalisme peut revêtir les aspects suivants:

 

a. Etre un nationalisme anti-colonialiste, comme en Inde jusqu'à l'indépendance en 1947 ou comme dans les nations afri­caines avant la grande vague de décolonisation des années 60 (où les sol­dats ghanéens revenus du front de Birmanie et travaillés par les miliants indiens et gandhistes, hostiles à la tutelle britannique, ont joué un rôle primordial).

 

b. Etre un sous-nationalisme dans des Etats issus des par­tages impérialistes décidés en Europe et/ou des adminis­trations coloniales qui en ont résulté. Ce fut le cas du Pa­ki­stan en Inde, ce qui conduira à la partition du sous-continent indien. Ce fut également le cas au Ka­tan­ga dans l'ex-Congo belge, mais cette sécession fut un échec.

 

c. Etre un nationalisme réformiste. Le nationalisme réformiste est un nationalisme qui se rend compte que la souveraineté for­melle de la nation est insuffisante voire inutile, qu'elle ne peut faire valoir clairement ses prérogatives théoriques, vu le retard écono­mique, industriel, institutionnel, militaire et technique que le pays a accumulé au cours de son histoire. Le nationalisme réformiste vise donc à accé­lérer le passage à un stade de développement optimal qui permet de faire face plus efficacement aux im­périalismes qui tentent d'empiéter la souveraineté nationale. Les exemples histo­riques de nationalisme réformiste sont le Japon de l'ère Meiji, la Chine de Sun Ya-Tsen et la Turquie des Jeunes Turcs.

 

 

 

2. Dans un contexte où n'existent que des Etats-nations, où les im­périalismes coloniaux ont théorique­ment disparu et où les empires multinationaux tendent à disparaître, plusieurs types de nationa­lismes peuvent se manifester:

 

a. Les nationalismes d'unification, qui prennent parfois le relais d'un nationalisme anti-colonialiste et sont, à ce titre, séparatistes. Ces na­tionalismes d'unification post-coloniaux sont le panafricanisme après la vague des indépendances dans les années 60. Ou le pana­rabisme, le nationalisme panarabe de Nas­ser.

 

 

 

b. Le nationalisme de réforme en Europe. En Italie, par exemple, le nationalisme démarre dans le gi­ron du libéralisme italien qui est rigoureusement étatiste et centraliste. Il vise à créer en Italie un appareil industriel capable de concurrencer l'Angleterre, la France et l'Allemagne. L'obsession des libéraux italiens est de voir le pays basculer dans le sous-développement et devenir ainsi le jouet des puissances étran­gères. Le fascisme prendra directement le relais de ce libéralisme national: sur le plan philoso­phique, la filia­tion libéralisme/fascisme prend son envol à partir de Hegel pour aboutir à l'interprétation ita­lienne originale de Benedetto Croce et de celui-ci, qui reste libéral et s'oppose au fascisme, à l'actualisme hégé­lien/fasciste de Giovanni Gentile. A cette volonté permanente de modernisation de la société, de l'éco­no­mie et des institutions ita­liennes, s'ajoute l'idéologie du futurisme qui proclame haut et clair ses in­tentions de balayer tous les archaïsmes qui frappent la société italienne d'incapacité. En Allemagne, à partir de Bismarck et de Guillaume II, la volonté de ne pas devenir le jouet de l'Angleterre ou de la France est clai­re­ment affichée: le programme d'industrialisation va bon train, couplé à une vision autarcique et contex­tuelle de l'économie (où les règles du jeu économique doivent favoriser un contexte politique et his­torique précis, sans prétendre à l'universel; cf. les “écoles historiques” en économie et les pratiques pré­conisées par le “socialisme de la chaire”). Les historiens anglais reconnaissent volontiers que les Allemands les ont battus à la fin du XIXième siècle sur le plan des technologies chimiques et que la chimie a été le moteur d'un développement ultra-rapide de l'industrie allemande.

 

 

 

c. Le nationalisme de séparation au sein d'Etats constitués, bi-ethniques ou multiethniques, bi­lingues ou multilingues, se mani­feste dans des contextes de déséquilibres entre les composantes. Le nationalisme de séparation flamand prend actuellement de l'ampleur car le déséquilibre entre les deux modèles d'économie en Belgique (le wallon et le flamand) ne sont pas compatibles au ni­veau fédéral, n'exigent pas les mêmes réponses et les mêmes modu­lations. En effet, une vieille structure économico-industrielle comme la Wallonie, qui correspond à la “première vague” de la société industrielle et a connu de graves difficultés à cause de l'effondrement des conjonctures en Europe, ne peut être gérée par les mêmes principes qu'une Flandre au tissu plus neuf, composé de PME, mais plus fragile face à la grande finance internationale. En Ecosse, les problèmes sont également différents de ceux de l'Angleterre. En Italie du Nord, avec les ligues régiona­listes, les clivages qui opposent les provinces septentrionales à l'Etat fédéral et aux structures sociales complexes (mafias incluses) des régions méridionales sont profonds, mais s'expriment davantage par un populisme séparatiste plutôt que par un nationalisme de culture ou d'Etat, d'ancienne mouture, avec son folklore et ses ri­tuels.

 

 

 

Le besoin vital d'identité selon Kurt Hübner

 

 

 

Sur les plans psychologique, anthropologique et ontologique, l'homme a un besoin vital d'identité, tant au niveau personnel qu'aux niveaux communautaire et politique. Le philosophe allemand contemporain Kurt Hübner (in: Das Nationale. Verdrängtes, Unvermeidliches, Erstrebenswertes, Styria, Graz/Wien/ Köln,1991) résume brillamment en huit points majeurs ce besoin vital d'identité:

 

1. L'identité d'une nation est un postulat anthropologique.

 

2. L'identité nationale repose sur un ensemble structuré de systèmes de règles, qui harmonisent les liens entre les individus et les groupes au sein de la nation.

 

3. Ces systèmes de règles fonctionnent comme des régulateurs et ne doivent pas être définis plus préci­sément, car toute définition serait ici un enfermement conceptuel infécond qui ferait fi des innombrables potentialités de la nation, en tant que fait de vie.

 

4. Ces systèmes nationaux sont instables et connaissent des hautes et des basses conjonctures.

 

5. Cette instabilité exige une adaptation constante, c'est-à-dire une attention constante aux transforma­tions potentielles qui ne cessent de survenir. Dans un tel contexte, le nationaliste est celui qui demeure toujours en état d'alerte, parce qu'il souhaite que la conjoncture reste toujours haute pour le bénéfice de son peuple et est prêt à consacrer volontairement toutes ses énergies personnelles à ce travail quotidien de réception et d'adaptation des défis et des nouveautés.

 

6. Les transformations qu'une nation est appelée à subir ne sont jamais prévisibles. Dans l'appréhension du fait national (das Nationale),  on ne peut donc pas faire appel à une grille de déchiffrement détermi­niste. Le nationalisme est toujours plutôt volontariste, il refuse d'accepter les basses conjonctures ou les dysfonctionnements de la machine étatique ou les imperfections génératrices de déclins et de crises: c'est là la grande différence entre le nationalisme et les autres grandes idéologies des XIXième et XXième siècles, comme le libéralisme, qui accepte les effets pervers de l'économie et les juge inéluctables, ou le marxisme (de moutures sociale-démocrate ou communiste), qui se réclame philosophiquement du déter­minisme positiviste le plus plat et rejette toutes les formes et les manifestations de volontarisme comme des irrationalités dangereuses.

 

7. Le nationalisme ne parle donc jamais de déterminations mais de destin (lot, Schicksal, destiny). La no­tion de destin, à son tour, postule l'adhésion à la raison pratique (voire à des jeux diversifiés de raisons pratiques), plutôt qu'à la raison pure, toujours perçue comme unique en soi. La/les raison(s) pratique(s) appréhende(nt) les imperfections, les chutes de conjoncture, sans jamais chercher à les éluder mais, au contraire, visent à les travailler de multiples façons et à améliorer les situations dans la mesure du pos­si­ble, tandis que la raison pure, en politique, dans le flux de l'histoire, tente de plaquer des principes irréels sur le réel, provoquant à terme des déphasages insurmontables. La manie de la “political correctness” est un avatar médiocre de cette raison pure de kantienne mémoire, appliquée maladroitement et déformée ou­trancièrement par des idéologues a-critiques. Dont les agitations frénétiques provoqueront bien évidem­ment des déphasages catastrophiques selon l'adage: qui veut faire l'ange, fait la bête.

 

8. La nation n'est donc pas une essence figée, comme l'affirment trop souvent les vieilles droites ou les romantismes nationaux étriqués, car tout caractère figé implique une sorte de déterminisme, induit une propension problématique à répéter des formes mortes, à proclamer des discours répétitifs, en porte-à-faux par rapport au réel mouvant et effervescent. Au contraire, la nation doit toujours être perçue comme un mouvement dyna­mique, comme une modulation localisée du destin auquel tous les hommes sont confrontés, comme un mouvement dynamique qu'il n'est jamais simple de définir ou d'enfermer dans une définition trop étroite. Cela ne veut pas dire qu'il faille rejeter sans ménagement l'héritage romantique ou les formes anciennes de nationalisme. Un tel rejet se perçoit dans les gauches qui font toujours abstrac­tion du temps et de l'espace (catégories auxquelles personne ne peut se soustraire) ou dans un parti ex-nationaliste comme la Volksunie flamande où l'on court d'un novisme sans épaisseur à l'autre, en se mo­quant méchamment et sottement des héritages que le nationalisme plus traditionnel aime à cultiver. Le tra­vail des nationalistes romantiques constitue un héritage divers, où s'accumulent des trésors de dé­cou­vertes culturelles, litté­raires et archéologiques. Parmi tous ces éléments, on trouve des matériaux utiles pour promouvoir une dynamique nationale actuelle. La manie du rejet est donc une aberration sup­plé­men­taire du modernisme actuel.

Conclusion + remarques sur la “marche blanche”

 

En résumé, dans notre optique, tout nationalisme doit placer la concrétude “peuple” (Volk) avant l'ab­strac­tion “Etat”. Si l'Etat passe avant le peuple concret, et si cette pratique se proclame “nationaliste”, nous avons affaire à un paradoxe pervers. La priorité accordée à la population concrète dans un conti­nuum historique concret signifie que, dans tous les cas de conflit ou de contestation violente, la vérité ou la solution est à rechercher dans la population elle-même. La “marche blanche” du 20 octobre 1996 à Bru­xelles a montré que cette idée est ancrée dans le fond du subconscient populaire, tant en Flandre qu'en Wallonie, mais qu'elle ne peut pas s'exprimer dans les institutions étatiques belges, ce fatras d'ab­strac­tions dysfonctionnantes et sans avenir positif possible. La “marche blanche” a exprimé un mé­con­ten­tement sans proposer un droit alternatif, clairement exprimé. L'échec de cet étonnant mouve­ment po­pulaire est dû à l'absence, dans la société belge, d'écoles (méta)politiques cohérentes, capables de vivi­fier constamment les legs du passé: seule l'Inde actuelle a donné l'exemple d'un mouvement para­politique actif et efficace, vieux de près d'un siècle, le RSS, think tank  bien drillé se profilant derrière la victoire récente du BJP. Les parents des enfants disparus ou assassinés ont eu tort de répondre à l'invitation du Premier Ministre à la fin de cette journée mémorable du 20 octobre 1996: ils auraient dû refuser de le voir ce jour-là et réclamer, devant la foule innombrable venue les acclamer, la poursuite des grèves sponta­nées et des manifestations populaires contre les palais de justice et poser davantage de condi­tions:

 - exiger au moins le retour inconditionnel du juge Connerotte, la démission de Stranard et Liekendael voire la dissolution de toute la Cour de Cassation,

 

- exiger l'incarcération des magistrats notoirement incompétents et leur jugement dans les deux mois par une cour populaire spéciale,

 

- réclamer que les gendarmes fautifs et/ou négligeants soient traduits devant une cour martiale expé­ditive, com­posée de militaires de réserve, occupant tous une profession indépendante dans la société (méde­cins, chefs d'entreprise, avocats d'affaires, professeurs d'université, gestionnaires de grandes en­tre­pri­ses de pointe), expression d'une souveraineté populaire, d'une créativité professionnelle qui ont le droit de s'exprimer et de juger très sévèrement, avec une rigueur implacable, les fonctionnaires incompé­tents, auxquels on autorise de porter des armes et à qui on accorde des prérogatives ou des passe-droits et qui ne s'en servent pas à bon escient, qui sont assermentés dont parjures quand ils défaillent; de telles négligences sont des crimes graves de trahison à l'encontre de notre peuple;

 

- imposer le rétablissement de la peine de mort pour les crimes contre les enfants et, enfin,

 

- imposer la mise sur pied immédiate d'un comité de salut public composé d'officiers de réserve, de ju­ristes indépendants et de citoyens n'étant ni fonctionnaires de l'Etat ou d'une région ni membres d'un parti (quel qu'il soit); ce comité de salut public aurait été commandé par un lieutenant-drossard (fonction pré­vue par le droit brabançon au XVIIIième siècle pour lutter contre la grande criminalité, notamment les bandes de “chauffeurs” qu'étaient les “bokkenrijders”, avant l'adoption aberrante du droit révolutionnaire et napo­léonien, véhicule d'abstractions perverses et de délires juridiques modernistes); ce comité de sa­lut public et ce lieutenent-drossard auraient eu préséance sur toutes les autres institutions judiciaires et au­raient pu agir à leur guise et procéder à des arrestations rapides, mais uniquement dans le cadre de l'en­quête sur les agissements de Dutroux, menée par le juge Connerotte, légalement désigné au départ (Un comité de salut public ne saurait avoir la prétention de régenter tout le fonctionnement de la société au-delà des compétences concrètes des professionnels, mais seulement de gommer ponctuellement, au plus vite, par une bonne et diligente justice, les anomalies les plus dan­ge­reuses de la société).

 La naïveté des parents et de la foule a été incommensurable et le cynisme abject du pouvoir en place  —qui ne se sou­cie ni des dysfonctionnements ni de la vie des enfants et des humbles—  a pu s'imposer rapidement, au bout de quelques semaines. Sur le plan philosophique et politique, le comité de salut pu­blic aurait eu pour fonction de prouver urbi et orbi  la priorité de l'homme concret sur toutes les structures abstraites, assu­rant ainsi le triomphe d'une idée vivante mais étouffée qui traverse notre peuple. Devant le citoyen simple et honnête, meurtri dans ce qu'il a de plus cher, les autorités doivent toujours plier, que ces autorités soient la gendarmerie, la magistrature ou l'Etat.

 

 

 

Enfin, dernière remarque, le nationalisme, dans ce pays, ne doit pas se contenter de discours idéalistes, de grandiloquences sans objet, de lamentations interminables sur tout ce qui ne va plus, mais travailler à im­poser au pouvoir corrompu  —qui se revendique d'idéologies irréelles ne donnant jamais la priorité aux faits réels marqués par le temps et le lieu—  les ins­truments juridiques qui sanctionneraient cette priorité: p. ex. le referendum et la multiplication des ombud­smen, dans tous les domaines de la fonction publique.

 

 

 

Robert STEUCKERS,

 

Bruxelles, 16 avril 1997.

 

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