jeudi, 19 juillet 2007
Carences juridiques de la ND
Les carences juridiques de la « Nouvelle Droite »
Ange SAMPIERU
Le mouvement intellectuel des idées en France a été incontestablement marqué, à partir des années 80, par l'apparition du courant dit de la “nouvelle droite” (ND).
La capacité de ce courant intellectuel à traiter les multiples aspects de la réflexion contemporaine est une réalité incontournable, en dépit de sa progressive marginalisation dans le débat des idées de la fin de ce siècle.
Héritière en cela des écoles idéologiques modernes, la ND a prétendu participer à la vague de contestation qui a toujours agité les intellectuels européens. En particulier, dans le champ du politique, la ND a posé les fondements d'une critique globale du courant bourgeois dominant, qu'il soit d'inspiration marxiste ou libéral.
Puisant dans le courant gramsciste une partie de son corpus idéologique, la ND a tourné son regard vers de multiples domaines, notamment dans la doctrine relative à l'organisation de la Cité. A ce titre, et sans prétendre à une position définitive, la pensée juridique constitue un des domaines de réflexion majeurs.
L'influence, bien que marginale, des grands philosophes du droit —en particulier du droit public— allemands et français (Carl Schmitt en Allemagne, René Capitant en France) a fait l'objet d'une opération d'instrumentalisation chez les penseurs de la ND. La mise en œuvre d'une réflexion (critique) sur la notion de droit dans la gestion politique de la Cité moderne n'a pas été, de ce fait, négligée. La ND a reconnu, dans le cadre d'une conception globale, la place éminente du jus, traductrice d'une certaine vision du monde. Appréciation contemporaine qui s'appuie, en outre, sur une synthèse historique, expression des courants idéologiques fondamentaux.
Il apparait néanmoins que cette attention portée à la signification fondamentale du droit par la ND n'a jamais débouché sur une conception du droit propre à ce courant.
La découverte des notions essentielles, de caractère historique, consubstantielles à la réflexion juridique, ne la conduit pas, pour autant, à une élaboration originale d'une nouvelle pensée juridique.
Dans un contexte historique marqué par une déliquescence des liens communautaires forts, la ND n'a pas été en mesure de construire une doctrine juridique nouvelle. Prudents, voire timides, devant une tâche essentielle, les penseurs de la ND n'ont, à aucun moment, pris le risque d'une action créatrice. Cette relative stérilité dans le domaine de la réflexion juridique est-elle alors lié à une incapacité intellectuelle réelle - ou tout simplement à une difficulté de traduction de la pensée dans le champ du droit, expression concrète d'un mode de vie collectif?
Il reste que l'on ne trouve qu'exceptionnellement abordée une analyse des doctrines juridiques modernes, la ND préférant se réfugier dans une réflexion binaire, de nature idéologique, entre le droit romain et le droit germanique. Timidité ou stérilité? Dans les deux cas, cette absence traduit les limites d'une pensée qui se prétend, par ailleurs, globale.
Sous l'angle idéologique, on peut aussi questionner l'absence de la ND dans le domaine de la réflexion juridique comme une manifestation chronique de la réduction intuitu personnae. Le poids impérial de son penseur n°1, Alain de Benoist, dans la délimitation de la pensée de la ND, pourrait aussi expliquer la faiblesse de sa réflexion juridique. Phénomène classique, que l'on retrouve dans de multiples courants de pensée, d'un “gourou” fort brillant mais loin de l'image de l'homme de la Renaissance, loin aussi de la réalité vivante et charnelle.
Le droit est-il un outil trop complexe, trop fuyant quand on se place dans la perspective de construire une doctrine multiforme? Seul l'intéressé pourrait sérieusement nous apporter une réponse à la question.
Il est aussi vrai que la ND, plutôt marquée par une vision “historiciste” du débat doctrinal, n'aborde jamais la nature immédiate et concrète de la pensée juridique moderne.
La ND, en choisissant de ne pas rentrer dans le débat actuel du champ juridique, n'apparait pas plus impliquée dans les choix concrets d'une organisation civile et publique de la Cité.
Ce double refus n'est pas constitutif d'un quelconque délit. Il exige tout de même une certaine explication, dans la mesure où, au travers de son discours idéologique, la ND prétend participer au mouvement de réflexion contemporaine sur le devenir de la Cité européenne.
A quand une vraie réponse?
Ange SAMPIERU.
05:05 Publié dans Droit / Constitutions, Nouvelle Droite, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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