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jeudi, 13 septembre 2007

La fin du kémalisme en Turquie

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Andreas MÖLZER, Député européen

Lettre de Bruxelles

 

La fin du kémalisme en Turquie

 

Avant son élection à la fonction de Président, Abdullah Gül avait promis solennellement, en jurant ses grands dieux, qu’il respecterait la constitution laïque de la Turquie. Va-t-il réellement tenir cette promesse électorale ? Pour répondre à cette question, il faudra observer ses faits et gestes avec attention dans les mois qui viennent. Personne ne s’est étonné évidemment que l’ancien ministre des affaires étrangères du gouvernement AKP islamiste cherchait à éviter toute provocation inutile à l’endroit des militaires, gardiens de l’ordre kémaliste. Au cours de ce printemps 2007, les militaires avaient menacé le pays d’un putsch, si Gül entrait au Palais présidentiel de Cankaya, menace qui avait suffi à le faire reculer mais avait aussi plongé le pays dans une crise profonde.

 

Aujourd’hui, on ne sait pas trop si Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan résisteront à la tentation de transformer la Turquie selon leurs visions, ce qui correspondrait, finalement, à son islamisation complète. Un premier pas dans cette direction pourrait bien survenir fin septembre 2007, lorsque Erdogan proposera l’ébauche annoncée d’une nouvelle constitution. Le point principal de cette ébauche, d’après ce que l’on sait déjà ou que l’on subodore, serait de dépouiller totalement l’armée de ses pouvoirs, ce qui signifierait de facto la fin définitive du kémalisme.

 

L’islamisation menaçante de la Turquie ne semble pas troubler du tout l’UE. Bien au contraire : l’élection de Gül a soulevé d’enthousiasme l’établissement politique de l’UE, surtout le Président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, car, prétendait-il, un « nouvel élan » avait enfin secoué la Turquie et permettait d’entrevoir du nouveau dans les négociations en vue de l’adhésion d’Ankara à l’Union, négociations qui s’étaient enlisées depuis quelques mois. L’Etat turc est donc désormais aux mains d’un parti d’obédience islamiste et cela ne dérange nullement l’établissement eurocratique. Au lieu de cultiver une inquiétude légitime, l’eurocratie bruxelloise préfère sottement écouter les discours lénifiants venus d’Ankara, qui disent que le processus de réforme, auquel l’Europe légale tenait tant, va enfin pouvoir se poursuivre. Alors qu’il aurait fallu, au plus tard après l’élection effective de Gül à la présidence, mettre sans délais un terme définitif aux pourparlers préparant une éventuelle adhésion de la Turquie à l’UE. Car en examinant le parcours personnel de Gül et en analysant les déclarations qu’il fit dans le passé, de lourds soupçons pèsent sur le nouveau président turc, car, tout comme pour Erdogan, ce contexte nous porte à penser que les deux compères ne cherchent pas à européaniser la Turquie mais bien plutôt à islamiser l’Europe.

 

La sagesse empirique nous enseigne à nous méfier des promesses pré-électorales des présidents, qui changent d’avis dès qu’ils sont en poste, comme le prouve d’ailleurs, aujourd’hui, la nouvelle attitude de Nicolas Sarközy ; hier, le président français disait s’opposer à une éventuelle adhésion turque ; aujourd’hui, il tient des propos assez différents. Lors des présidentielles françaises, rappelons-nous, il jouait le rôle de l’opposant clairvoyant à toute adhésion turque. Aujourd’hui, à peine deux mois et demi après son entrée en fonction, il abandonne cette position de combat, au vif plaisir du puissant lobby pro-turc. Si les pays membres de l’UE mettaient sur pied une « Commission des Sages » pour préparer l’avenir de l’Europe, déclarait Sarközy dans un de ses discours, alors il ne s’opposerait plus à l’ouverture de nouvelles négociations avec la Turquie.

 

Ce dont l’Europe a besoin, ce n’est nullement d’une commission confuse qui permettrait à Sarközy de passer élégamment à d’autres la « patate chaude » que fut cette très importante promesse électorale en matière de politique étrangère, qu’il n’a plus l’intention de tenir. L’Europe a bien plutôt besoin d’hommes d’Etat véritables, capables d’aller au devant des désirs et des soucis de la population, de les prendre au sérieux, et non pas de charlatans frivoles qui, délibérément, jouent avec l’avenir de notre continent. Car le citoyen, qui est en réalité, ne l’oublions pas, le souverain réel, rejette majoritairement, et de manière claire, l’adhésion de la Turquie à l’UE, parce que ce pays a une autre culture, une autre histoire et une autre mentalité et qu’il se trouve en dehors des frontières de l’Europe.

 

Andreas MÖLZER.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°37/05 septembre 2007).

01:20 Publié dans Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

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