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mercredi, 14 novembre 2007

Giuliani, faucon dans le sillage de Bush

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Bernhard TOMASCHITZ :

Giuliani, un faucon qui poursuivra l’oeuvre guerrière de Bush

 

Le « maire de l’Amérique » : tel est le titre dont aime s’affubler Rudolph, dit « Rudy », Giuliani. On se rappelle très bien ces images télévisées où il posait, le 11 septembre 2001, devant les caméras avec quelques pompiers new-yorkais sur les ruines du World Trade Center. Les événements du 11 septembre 2001 ont marqué durablement les idées que cultivait Giuliani en politique étrangère. Aujourd’hui candidat républicain à la présidence, il écrit dans les colonnes de la revue « Foreign Affairs » un article où il affirme d’emblée que « nous sommes tous membres de la génération du 9/11 ». L’ancien maire de New York conclut, après avoir analysé les attaques terroristes les plus importantes qu’ait jamais subi l’Amérique sur son propre sol, que la politique étrangère américaine se montrera encore plus dure, si, d’aventure, il devenait, lui, Président des Etats-Unis.

 

Giuliani, à qui les sondages donnent 30% des intentions de vote, se place nettement devant ses concurrents républicains comme Fred Thompson (22%) et John McCain (18%), est donc le successeur potentiel de Georges Bush junior. Il devra affronter trois défis en politique étrangère : tout d’abord, il devra gagner la « guerre contre le terrorisme ». Ensuite, il devra consolider le système international « que les terroristes veulent détruire ». Enfin, il lui faudra « étendre les avantages du système international dans un arc de plus en plus vaste de sécurité et de stabilité ». Derrière ces positions et ces projets se profile un calcul : marquer des points devant les électeurs en leur rappelant ses succès quand il fut maire de New York. Très vite après son entrée en fonction en 1994, il fit de la « capitale mondiale du crime » l’une des grandes villes américaines les plus sûres.

 

A première vue, on peut être surpris que Giuliani perçoive le terrorisme islamiste de la même façon que le gouvernement néo-conservateur en place autour de Bush. Car lorsqu’il était maire de New York, Giuliani, aujourd’hui âgé de 63 ans, avait des positions de gauche : il avait libéralisé les lois interdisant l’avortement ; il avait accepté les mariages homosexuels et milité pour la limitation du droit à détenir des armes à feu. Ces prises de position avaient fait de lui un adversaire résolu de l’aile conservatrice et néo-conservatrice du parti républicain. Toutefois, la manière manichéenne de regarder le monde, qui est le propre de Giuliani, fait que, pour lui, le monde est partagé entre le « Bien » et le « Mal ». Cette vision binaire des choses n’est pas tombée du ciel, en ce qui le concerne. Finalement, ce républicain est un admirateur de l’ancien Président Ronald Reagan, qui avait clairement inscrit sur sa bannière qu’il combattait l’ « Empire du Mal », soit l’Union Soviétique. En outre, Giuliani est aussi un admirateur de ce germanophobe rabique que fut Winston Churchill. A cette double admiration, il faut ajouter que, dans les années 80, Giuliani fut actif au sein du ministère de la justice, où il participa aux travaux d’un groupe qui enquêtait sur les activités de Yasser Arafat en vue de traduire le leader palestinien en justice. On soupçonnait ce dernier, à l’époque, d’être le « sponsor » principal du terrorisme au Moyen Orient.

 

Sur le plan du langage belliciste, Giuliani n’est pas plus modéré que l’actuel Président Bush. Le terrorisme islamiste, d’après lui, veut, comme jadis le « fascisme hitlérien » ou le « communisme soviétique »,  « détruire le système international existant ». Dans son article de « Foreign Affairs », il écrit, à ce propos : « Les terroristes sont adeptes d’une idéologie violente, le fascisme islamiste radical ». En même temps, le candidat républicain à la présidence, qui devra gagner dès le début de l’année 2008 les préliminaires pour franchir le premier obstacle qui le mènera à la Maison Blanche, appelle les citoyens américains à se préparer à une longue guerre, aussi longue que la Guerre Froide. A propos de cette obsession de Giuliani à vouloir absolument gagner la « guerre contre le terrorisme », Matt Bai écrivait, le 9 septembre dernier, dans les colonnes du « New York Times » : « Tous ceux qui ont étroitement collaboré avec Giuliani, quand il était maire, pourront vous raconter l’histoire d’un homme qui, avant le 11 septembre, ne s’intéressait que vaguement au terrorisme islamiste. Mais après les événements de cette journée, ce vague intérêt s’est mué en une sorte de mission personnelle ».

 

Selon Giuliani, les Etats-Unis ne se trouvent que dans une première phase de la guerre contre le terrorisme ; par conséquent, il n’est pas question de retirer rapidement les troupes américaines d’Irak ou d’Afghanistan. Il le dit d’ailleurs à l’avance, de manière à peine voilée : « Il est quasi sûr que les troupes américaines aient encore à combattre en Irak lorsque le prochain Président entrera en fonction ». Car, ajoute-t-il, il ne faut pas sombrer dans l’illusion que l’Irak et l’Afghanistan « atteindront rapidement le niveau de paix et de sécurité qui convienne au monde développé ». Les guerres d’Afghanistan et d’Irak doivent donc être menées, coûte que coûte, jusqu’au bout : « Les Etats-Unis ne peuvent trouver le repos tant que le réseau d’Al-Qaeda ne soit entièrement détruit et que ses chefs, à commencer par Ousama Ben Laden, ne soient tués ou pris prisonniers. Et les Etats-Unis ne pourront trouver le repos que lorsque le mouvement terroriste international et son idéologie seront vaincus ». Telle est la conclusion de Giuliani.

 

Si Giuliani devient Président, la politique étrangère américaine aura pour devise : « montrer sa puissance à tout prix ». Ainsi, il entend déployer le système anti-missiles qui est objet de controverse et empoisonne les relations avec la Russie. Ensuite, les « Etats voyous », surtout l’Iran, devront renoncer à toutes attaques contre les Etats-Unis et leurs alliés mais aussi à toute augmentation de leurs arsenaux en armes de destruction massive. Ensuite, parce que les troupes américaines sont à la limite de leurs capacités à cause des engagements en Irak et en Afghanistan, les militaires exigent la constitution d’au moins dix nouvelles brigades de combat. En outre, les Européens se verront encore davantage impliqués dans les guerres déclenchées par Washington. Une nouvelle OTAN devra à l’avenir se consacrer à la lutte contre le terrorisme.

 

Giuliani estime que l’Iran joue un rôle clef dans la diffusion du terrorisme islamiste. Car, en fin de compte, écrit-il, « la république islamique a travaillé, depuis qu’elle existe, à saper le système international ». Parce que Téhéran « s’est dissimulé derrière le principe de souveraineté pour éviter les conséquences de ses actes », les Etats-Unis doivent négocier avec l’Iran au départ d’une position de force. Cela ne signifie pas autre chose que de faire pression sur les « Etats voyous » car, pour Giuliani comme pour les néo-conservateurs en place, les guerres d’agressions contraires au droit des gens constituent une option jouable. L’ONU, écrit Giuliani en poursuivant ses raisonnements, « est certes utile pour des missions humanitaires ou pacificatrices, mais nous ne devons pas attendre beaucoup plus de cette institution ». Outre des Etats comme l’Iran ou la Syrie, d’autres pays encore doivent s’attendre à une radicalisation du climat politique, surtout s’ils critiquent la politique américaine. Les Etats-Unis demeureront donc avec Giuliani dans leur tradition spécifique : ils continueront à s’estimer moralement supérieurs au reste du monde ; Giuliani avertit d’ailleurs clairement le reste du monde : « ce sera la fin d’un anti-américanisme gratuit ».

 

Israël, pour sa part, pourra compter sur un soutien inconditionnel en cas de victoire électorale de Giuliani. Finalement, écrit-il, le soutien américain à l’Etat issu de l’idéologie sioniste est « la caractéristique principale de notre politique étrangère ». Cette déclaration n’est pas surprenante. Car la campagne électorale que mène déjà l’ancien maire de New York en le conduisant à énoncer à l’avance les grandes lignes de sa future politique étrangère, se place sous l’influence de Norman Podhoretz, représentant emblématique des cercles néo-conservateurs, très lié au lobby pro-israélien.

 

Podhoretz, qui a déclaré qu’il était au moins une fois par jour en contact téléphonique ou électronique avec l’équipe qui gère la campagne électorale de Giuliani, a dirigé, de 1960 à 1995, la revue « Commentary Magazine », lancée et financée par l’ « American Jewish Committee ». Comme Israël pourra compter sur un appui inconditionnel, tous les espoirs palestiniens s’évanouiront si Rudolf Giuliani devient Président des Etats-Unis. Car, a-t-il écrit, la situation déplorable dans laquelle végète le peuple palestinien ne découle pas de l’occupation et des annexions israéliennes, mais des succès du Hamas, en dépit de la légitimité démocratique de ces succès.

 

Giuliani, en poursuivant sa logique, lance un avertissement aux Palestiniens : « Créer un Etat palestinien propre est un acte qui doit se mériter par une bonne gouvernance, une volonté nette de combattre le terrorisme et, enfin, une volonté de vivre en paix avec Israël ».

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(Article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°43-44/2007).

 

 

 

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