dimanche, 10 février 2008
Alan Heusaff (1921-1999)
Alan Heusaff (1921-1999): histoire d'un militant pour la liberté des Celtes
Avec Alan Heusaff disparaît un combattant pour la liberté des peuples!
Alan Heusaff zobet d'an Anaon. Alan Heusaff s'est envolé parmi les âmes. Telle est la formule consacrée dans la langue des pères. Sans aucun doute, Alan Heusaff trouvera rapidement la route pour le mener à l'Ile des Femmes, des Pommes sacrées et de l'éternelle jouvence. Sur l'Ile d'Avalon, Alan Heusaff sera aux côtés des héros et du Roi Arthur, qui, un jour, reviendra pour libérer son pays des occupants étrangers. L'homme qu'une foule impressionnante de militants pour la liberté a accompagné lors de son ultime voyage, le 7 novembre 1999, par une journée pluvieuse, était un acteur de l'histoire. Un de ces héros modernes qui ont tout sacrifié pour leur idéal, pour leur patrie, pour l'idée de liberté. L'église du petit village de Spideal, dans le Comté de Connemara en Irlande, quelques jours après la Fête du Samhain, était pleine de Gallois, d'Irlandais, d'Ecossais, de Corniques et naturellement de Bretons, venus de Dublin et de Galway, de Cork et de Limerick. Et aussi directement de la Petite Bretagne. Bernard Moffat, secrétaire général de la Ligue Celtique, était présent aux obsèques, arrivé directement de l'Ile de Man. Ce jour-là, les bourrasques du vent ont soulevé les bannières noires et blanches, le Gwenn ha Du breton, et ont recouvert les voix de la foule entonnant le Bro goz ma zadou (Vieux pays de mes pères), l'hymne national breton, rédigé en 1921 par le troisième Grand Druide Taldir (= “Front d'Acier”) sur la musique de l'hymne national gallois.
PNB, Bagadou Sturm, Bezenn Perrot
Alan Heusaff, du haut de ses 78 ans —les plus courageux meurent toujours trop jeunes— incarnait en lui tous les combats des Bretons et des Celtes depuis 60 ans. Né en 1921 à Rosporden, dans la Petite Cornouaille bretonne, il a fréquenté dans sa jeunesse l'Ecole Normale pour enseignants de Kemper (Quimper). Scandalisé par le traitement qu'infligeait l'occupant français à son pays, il adhère en 1938 au Parti Nationaliste Breton, qui venait à peine de parier sur la carte indépendantiste. Dans la foulée, il adhère également au Kadervenn, un noyau de combattants organisé par Célestin Lainé, qui voulait en faire l'embryon d'une armée bretonne et qui recrutait de nombreux anciens de l'organisation clandestine Gwenn ha Du, responsable d'attentats contre des objectifs français à partir de 1932. Le jeune Alan participe notamment aux manœuvres secrètes de juillet 1938 sur les terres de Lanvaux, dans le Sud de la Bretagne, dans une atmosphère de veillée d'armes. Plus tard, quand la guerre se sera déchaînée sur l'Europe, entraînant dans son cortège d'horreurs les petites nations qui ne l'avaient pas voulue, il s'engage dans les Bagadou Sturm (Groupes de combat), formations paramilitaires du PNB, organisées par le musicien Yann Goulet (disparu en septembre dernier à Dublin). En 1943, quand les partisans pro-français s'étaient donné pour spécialité d'abattre dans le dos les militants nationalistes bretons, et surtout après l'assassinat crapuleux de l'Abbé Perrot, exposant généreux du mouvement culturel, par des terroristes demeurés inconnus, Alan Heusaff s'inscrit à la Bezenn Perrot. Cette formation, également créée par Célestin Lainé, est devenue, selon la définition même de son chef, “la première armée bretonne en guerre contre la France depuis la défaite historique de Saint-Aubin du Cormier”. Entraînée dans un cyclone infernal, la Bezenn est rapidement prise en mains par les Allemands et incorporée de force dans le SD (Sichereitsdienst, Service de Sécurité) et participe, en Bretagne, aux combats contre les maquis communistes. Chassés de Bretagne par la défaite allemande, les ultimes combattants de l'“armée bretonne” se retrouvent à Tübingen, regroupés autour de Lainé. Certains d'entre eux, comme Aël Péresse, resteront en Allemagne, où ils devront vivre pendant de nombreuses années sous une fausse identité pour échapper aux services secrets français. Alan Heusaff, avec de nombreux compagnons, décide de partir pour l'Irlande, en passant par l'une des organisations mises sur pied en collaboration avec le mouvement républicain et les patriotes gallois, rassemblés au sein du mouvement politique Plaid Cymru, pour protéger les Bretons de la terrible répression française qui s'abattait sur leur pays.
La “Celtic League”
En 1950, Alan Heusaff reprend ses études à l'Université de Dublin, et, quand il les achève, trouve un emploi dans le service national de l'aéronautique irlandaise. En 1959, il crée, avec Yann Fouéré, le journal Breton News qui se veut le lien entre tous les réfugiés politiques bretons, mais qui, rapidement, devient un organe inter-celtique de combat. En 1961, toujours avec Yann Fouéré, mais aussi, cette fois, avec Gwynfor Evans et J. E. Jones, respectivement président et secrétaire général du Plaid Cymru, il fonde sur l'Ile de Rhos au Pays de Galles, la Celtic League (= Ligue Celtique). Celle-ci, au début, n'était rien d'autre qu'un mouvement dans lequel les différents partis nationaux des pays celtiques étaient représentés en tant que tels. En 1972, Breton News prend le nom de Carn, une dénomination commune dans toutes les langues celtiques, et devient l'organe officiel de la Ligue. Alan Heusaff est élu secrétaire général de la Ligue Celtique, charge qu'il conservera pendant 25 ans, avant de s'occuper de la branche internationale. Il est rentré au moins une fois en Bretagne, en 1980, à l'occasion du décès de son vieux commandant Célestin Lainé, pour disperser ses cendres sur le champ de Saint Aubin du Cormier, où les armées réunies de toute l'Europe s'étaient massées pour défendre l'indépendance de la Bretagne, mais ont été battues en 1488 par les troupes françaises du Général La Trémoille. Jusqu'à sa mort, Alan Heusaff a lutté pour réaliser, au sein de l'Union Européenne, une fédération des nations celtiques, dès que celles-ci auraient été libérées de leurs tutelles étrangères.
Thierry JIGOUREL.
(article paru dans La Padania, Milan, 11 novembre 1999; http://www.lapadania.com/1999 ).
00:55 Publié dans Affaires européennes, Biographie, Histoire, Hommages, Terres d'Europe, Terroirs et racines | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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