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mardi, 04 mars 2008

A propos de "La France en danger d'islam"

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A propos de "La France en danger d'islam" de René Marchand

L’auteur : René Marchand, selon la quatrième de couverture de son ouvrage, est « ancien élève de l’Ecole nationale des Langues orientales vivantes, licencié de langue et littérature arabe en Sorbonne. (Il) a fait l’essentiel de sa carrière dans l’audiovisuel : il fut notamment journaliste, rédacteur en chef de radio et de télévision, producteur, responsable de la fiction d’une chaîne…Il a été aussi scénariste, enseignant, chef d’entreprise, et a présidé la section professionnelle Presse-Communication d’une grande formation politique. ». C’est donc un homme éclectique, qui, depuis qu’à l’âge de 16 ans il fréquentait Langues O, a, tout au long de sa vie – il a maintenant dépassé la soixantaine - accumulé les expériences les plus diverses, mais sans ne jamais oublier ses premières amours, cette culture arabo-islamique qui, d’évidence, le fascine. Il la connaît d’autant mieux, de l’intérieur, en quelque sorte, qu’il est arabisant et que, s’il a « roulé sa bosse » dans le monde entier, ses errances l’ont souvent mené en terre d’islam.

Politiquement, il semble très proche du gaullisme, du moins de ce gaullisme qui a disparu avec le Général. Ce n’est en tout cas ni un extrémiste, ni un exalté, et, baigné de culture arabo-islamique, il ne manifeste aucun mépris a priori à l’égard de celle-ci, bien au contraire. Simplement, il en connaît les dangers, et, constatant la présence sur le sol européen, et plus particulièrement français, d’importantes communautés allochtones musulmanes, il tire la sonnette d’alarme, non point de façon émotive, irrationnelle, non point en raison de quelque obsession anti-arabe, anti-musulmane, ou autre, ou encore par nostalgie d’un passé qui n’a peut-être jamais existé exactement comme on se le représente, mais en s’appuyant sur des faits précis, constants, vérifiables, qu’il puise, et c’est là son originalité, au cœur même de l’islam, de cet islam qu’il connaît parfaitement, et du dedans. 

Deux observations préliminaires :

Date de rédaction de l’ouvrage : La rédaction de ce livre était achevée avant le 11 septembre 2001, mais à cette date, il n’était pas encore publié. L’auteur et son éditeur sont convenus de ne rien modifier au texte initial « laissant le lecteur juger de la pertinence des analyses, interrogations et projections présentés à la lumière des faits de la plus récente actualité ». Pari gagné ! Ni les attentats de New York et de Washington, ni tous les autres événements survenus depuis n’ont démenti ou infirmé en rien les thèses développées par l’auteur dans cet ouvrage. Cela prouve le bien-fondé de celles-ci…ce qui ne manque pas, d’un certain point de vue, d’être quelque peu inquiétant ! 

Mode d’exposition : Dès la page 20, l’auteur prévient : « Je n’ai pas voulu m’enfermer dans un « genre éditorial » bien cadré, bien rationnel, bien « cerveau gauche » (…) Je ne me suis pas interdit digressions, notes marginales encadrés, photos souvenir (…) J’ai voulu des retours « en spirale », un peu par imitation des auteurs arabes qui les affectionnent,( c’est nous qui soulignons)  mais surtout afin d’irriter, de provoquer, d’enfoncer le clou. » Le procédé ne facilite pas la tâche de celui qui voudrait résumer ce livre, mais il présente l’irremplaçable avantage d’immerger le lecteur occidental dans un mode de pensée différent du sien, et, par conséquent, de l’aider à sortir de ses catégories mentales sans rapport avec celles des arabo-musulmans. Or, qui veut appréhender utilement les problèmes posés par l’islam à nos civilisations non-islamiques, qui veut tenter d’en comprendre un tant soit peu les tenants et les aboutissants, doit nécessairement se défaire de ses propres modes de penser et de sentir. Ainsi, l’auteur, grâce à ce mode d’exposition de sa pensée qui pourra paraître à certains un peu « tordu » (mais une spirale n’est-elle pas forcément tordue ?) nous aide à nous libérer de cet ethnocentrisme qui a fait jusque là tant de ravages, et qu’il condamne vigoureusement. Nous reviendrons plus loin sur ce point fondamental.

Le sujet de l’ouvrage : Marchand fait référence à la France dans le titre de son ouvrage. En fait, s’il appuie sa démonstration sur l’exemple français, celle-ci peut aisément être étendue à tout le continent européen, et notamment à un pays comme la Belgique où les données humaines, sociales et démographiques sont à peu de chose près les mêmes que celles qui prévalent en France, et où les mêmes erreurs ont été commises par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, qui ont dirigé ces pays depuis plus de trente années. René Marchand montre bien que la cause principale de ces erreurs réside dans le manque d’attention aux faits dont ont fait preuve avec une constance effarante ces gouvernements,  par paresse intellectuelle, parfois par lâcheté politique, mais le plus souvent par ignorance crasse de la réalité de l’islam, par méconnaissance totale de sa culture, lesquelles conduisent à pratiquer un ethnocentrisme générateur de contre-sens dramatiques.

Un réquisitoire contre l’ethnocentrisme (1).  D’ailleurs, dès l’abord, René Marchand présente son livre comme « un réquisitoire contre l’ethnocentrisme. » (p.15). Il est intéressant, à ce propos, de noter que l’ouvrage d’Alain Bauer et Xavier Raufer « La guerre ne fait que commencer » (2) débute lui aussi par un réquisitoire contre la paresse intellectuelle et le manque d’imagination qui conduit, disent-ils en substance, à « préparer toujours la guerre que l’on vient de perdre, et à renvoyer à plus tard toute réflexion sur celle qui a lieu présentement. » En définitive, Marchand, Bauer et Raufer soutiennent la même thèse, à savoir que l’ethnocentrisme est la cause principale de cette incapacité dans laquelle se trouvent les gouvernements occidentaux, qu’ils soient américains, belges ou français de combattre efficacement le danger islamiste. Tout au contraire, ils se laissent hypnotiser par l’adversaire, endormir, berner, et ce, en toute bonne conscience. Or, ce danger existe. Dès le début de son livre, Marchand nous narre sa rencontre surréaliste avec un jeune « intellectuel » islamiste, survenue en 1994. Ce récit est édifiant, et je convie qui nierait encore la réalité de cette menace à lire le compte-rendu de cette rencontre, qui a eu lieu, je le répète et insiste, sept ans avant les attentats du 11 septembre ! Nous y reviendrons plus loin..

Bauer et Raufer se présentent en techniciens, spécialistes de la sécurité, et c’est sous cet angle, pratique et technique, qu’ils reprochent aux Occidentaux, et surtout aux Américains, leur ethnocentrisme, et, plus particulièrement pour ce qui est de ces derniers, Bauer et Raufer montrent comment ceux-ci l’ont poussé jusqu’à la caricature. au point de s’être imaginé, lors de la mise en place d’Echelon, que l’humanité entière s’exprimait en anglais, ce qui les avait conduit à ne pas prévoir, avant le 11 septembre, d’interprètes d’arabe ou d’ourdou pour le débriefing des communications enregistrées, avec les conséquences que l’on sait !

Au contraire, l’ouvrage de Marchand est un livre de passion, non point de cette passion brûlante et impétueuse comme celle qui anime une Oriana Fallaci, qui semble tremper sa plume dans la lave d’un volcan (3), mais de cette passion, au sens étymologique du terme, qui est à la fois amour et souffrance, celle-ci mal dissimulée par un voile de pudeur. René Marchand se montre, lui, plus sentimental que technicien (4). Ce n’est pas plus mal, bien au contraire, car ainsi il nous fait pénétrer au cœur – dans tous les sens du terme – du problème, c’est-à-dire, de l’islam et des dangers qu’il représente pour nous et notre civilisation gréco-romano-judéo-chrétienne.

Marchand, je l’ai dit, est arabisant, et il consacre plusieurs pages à la langue arabe, et plus particulièrement à l’arabe littéraire, c’est-à-dire à l’arabe du Coran, qui n’a pas varié depuis quatorze siècles. Toute modification en serait en effet sacrilège, puisque c’est dans cette langue que Dieu a fait « descendre » le Coran. On ne peut toucher à la langue dans laquelle Dieu a choisi de s’exprimer. L’auteur nous explique qu’il s’agit d’une langue sémitique qui ne « fonctionne » pas comme nos langues indo-européennes. La syntaxe, le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison des verbes, tout cela est différent, se bâtit différemment. Traduire « bêtement » un texte arabe en français est source d’erreur, voire de contre-sens. Je rappelle d’ailleurs à ce propos que le grand orientaliste Jacques Berque a très humblement et très lucidement intitulé sa traduction du Coran « essai de traduction. »

A cause de cette approche en définitive très subjective des choses, il nous immerge dans la réalité objective de l’islam, de cette grande religion-loi-culture-civilisation qu’il nous est tellement difficile d’aborder et de pénétrer avec notre rationnalité froide et mathématique (5). Il convient de se « mettre dans la peau de l’autre », de se placer dans sa tête ; là est le nœud de tout problème. Les joueurs d’échec le savent mieux que quiconque : la victoire n’appartient pas au plus intelligent, au plus savant, au meilleur stratège, au meilleur tacticien, en soi, mais à celui qui possède la meilleure intuition des catégories mentales de son adversaire, à celui qui parvient le mieux à « se mettre dans sa peau », et, qui, par là, réussit non seulement à prévoir ses coups, mais à choisir, parmi plusieurs parades possibles, celle qui le désarçonnera..

Un réquisitoire contre le chronocentrisme : De même que l’ethnocentrisme consiste à prêter nos propres catégories mentales à nos adversaires, sans tenir compte du fait que leur culture est différente de la nôtre, que leur langue est autre, le chronocentrisme consiste à vouloir décalquer leur Histoire sur la nôtre, ce qui est absurde. Par exemple, Marchand se hérisse lorsqu’il entend vanter la « tolérance » qui aurait régné dans l’Andalousie musulmane, alors qu’à l’époque, le mot n’avait aucun sens. Ceux qui prétendent excuser les crimes et abus des islamistes en faisant valoir que l’islam étant apparu six siècles après le christianisme, il serait aujourd’hui dans l’état où se trouvait le christianisme au Moyen-âge, font également et stupidement du chronocentrisme, perdant de vue que l’islam est une religion essentiellement statique, alors que le christianisme est évolutif, et que l’on ne peut comparer que ce qui est comparable. Le chronocentrisme est en définitive un avatar de l’ethnocentrisme, voire sa forme la plus achevée, et, par conséquent, la plus stupide et la plus dangereuse. Contre ce vice de la pensée, René Marchand nous met aussi en garde.

Les données du problème : L’auteur pose un certain nombre de questions, à partir de deux données indiscutables. La première de celle-ci est le nombre de musulmans résidant en France. Il y sont plus nombreux que dans bien des pays islamiques, plus nombreux qu’en Libye ou au Liban, ou encore qu’en Bosnie, Kosovo et Macédoine confondus, par exemple, plus nombreux, aussi, qu’ils n’étaient en Algérie à la veille de la guerre d’Indépendance ! La proportion de musulmans dans la population totale de la France actuelle atteint, si elle ne les dépasse pas, les 10%. Il convient d’insister sur le mot « actuel », en effet, compte tenu des facteurs démographiques, de la fécondité des femmes allochtones plus élevée que celle des autochtones, d’une part, et de l’impossibilité de juguler complètement toute immigration clandestine, d’autre part, cette proportion ne peut que croître dans les décennies à venir. Cela constitue-t-il un danger, au regard de la seconde donnée, à savoir la certitude proclamée des islamistes de voir la France musulmane au 21ème siècle ? René Marchand donne des éléments pour en juger.

Selon lui, si rien n’est entrepris, la France (et j’ajoute, la plupart de nos pays européens) « de djihad froid en djihad chaud, se condamneront à livrer sur leur sol une impitoyable guerre de Reconquista. » Tel est d’ailleurs le sous-titre de ce livre : de la djihad à la reconquista ». Etrange, comme cet homme, qui n’a rien a priori contre les Arabes ni contre les musulmans, qui, arabisant confirmé, les comprend et parfois même, les admire, qui traverse le fleuve bouillonnant des questions qui se posent à nous, Occidentaux, en marchant précautionneusement de pierre en pierre, de fait en fait, sans porter sur eux de jugements de valeur, qui seraient forcément erronés puisque nos valeurs et les leurs ne coïncident pas, en prenant ces faits tels qu’ils sont, une fois le gué franchi, se retrouve sur l’autre rive en compagnie d’un Guillaume Faye. Le livre de Marchand valide, en quelque sorte l’Avant-Guerre de Faye (6), et ce n’est pas le moindre de ses mérites.  

Le centre de la spirale : C’est incontestablement le récit de la rencontre de l’auteur avec « Abou Yazid » à Paris en 1994, rencontre à laquelle je faisais déjà allusion plus haut. L’auteur consacre tout un chapitre à la relation de cette entrevue riche d’enseignements. « Abou Yazid » se présente comme un jeune homme intelligent, nullement exalté d’apparence, parlant de façon mesurée pour exposer le plan de conquête de la Terre entière par l’islam en vue de l’établissement d’un Califat mondial. « La France sera musulmane comme l’ensemble de la planète. Il n’y a qu’un seul Dieu, Allah…(azza wa jalla – Il est puissant et auguste.) » Ce qui est frappant dans les propos d’ « Abou Yzid », c’est d’abord que le plan exposé en 1994, qui avait déjà commencé à être mis en œuvre à l’époque, a été poursuivi exactement comme le jeune interlocuteur de Marchand l’avait annoncé, et qu’il continue d’être appliqué ; c’est ensuite que ce jeune homme paraît au fait de tout ce qui concerne l’Occident, histoire, civilisation, mode de penser, catégories mentales, qualités et faiblesses etc. On ne peut l’accuser de faire preuve d’ethnocentrisme ! Et là réside la supériorité – espérons-le, temporaire – des islamistes sur nous. Eux savent qu’on ne peut vaincre un adversaire, non seulement si on ne le connaît pas, mais, pis encore, si l’on s’imagine le connaître alors qu’on ne fait que lui prêter ses propres sentiments et ses propres idées, qui lui sont en réalité parfaitement étrangers. « Abou Yazid » nous enseigne également que d’un autre côté – et c’est en quelque sorte le deuxième volet de la force de nos adversaires – il faut être soi-même, et en être fier. On ne peut réussir sans foi et sans passion. L’erreur consiste, sous couvert de « non-ethnocentrisme », à oublier ses propres valeurs, à renier sa propre civilisation, à renoncer à ce que l’on est, à son histoire, à son passé. Cet oubli de soi, ce mimétisme qui amène à faire sienne les conceptions et les valeurs de l’adversaire, tel est d’ailleurs ce qu’ « Abou Yazid » reproche aux nationalistes algériens des années 50/60. Ah ! soupire-t-il, s’ils avaient pris les Français au mot ! S’ils avaient accepté l’intégration qu’à l’époque on leur proposait ! La France serait aujourd’hui un pays musulman. Mais ils ont préféré promouvoir un nationalisme algérien, à l’occidental, « comme si un musulman pouvait avoir une autre patrie que l’islam ! Mais » ajoute-t-il à l’intention de Marchand, « Que voulez-vous ! C’étaient vos élèves ! » 

Ne pas être ethnocentrisme, ce n’est pas larguer les amarres et se laisser dériver au gré des courants et des modes, bien au contraire, c’est s’ancrer dans sa propre réalité, charnelle, concrète, foncière.

Conclusion :Le plus grand compliment que je pourrais faire à René Marchand, c’est de dire qu’à moi, qui ait la prétention de connaître un peu les tenants et aboutissants de la question, son livre ne m’a (presque) rien appris que je ne sache déjà, mais qu’il me l’a appris autrement. En effet, grâce à cet ouvrage, le lecteur voit l’islam du dedans L’islam n’est plus un objet que l’on observe de l’extérieur, avec ses lunettes d’occidental sûr de lui, peut-être un rien méprisant pour cette religion-loi-culture-civilisation incompréhensible avec nos modes d’investigation intellectuelle et de raisonnement ; l’islam devient, dans toute l’acception du terme, sujet, avec lequel on se retrouve en quelque sorte de plein–pied . En cela, cet ouvrage est unique et précieux ; il est à lire et, surtout, à relire.

Christian MAROT

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(1) Marchand indique la définition de l’ethnocentrisme donnée par le dictionnaire Hachette,  tout en se plaignant de sa « sécheresse » et de son insuffisance : « Tendance à prendre comme base de référence systématique les critères de jugement et les normes (l’auteur ajoute : les systèmes d’analyse) de son propre groupe social pour juger d’autres groupes sociaux (l’auteur ajoute : analyser et apprécier leurs systèmes d’analyse et de jugement).

(2) Editions Lattès.

(3) Oriana Fallaci. La Rage et l’Orgueil. Editions Plon.

(4)  Page 14, René Marchand écrit : « Si j’ai, depuis longtemps, divorcé de l’islam, je ne l’ai jamais abandonné totalement. Comme ces époux qui ont eu un enfant qui les lie à jamais, ou ces amants qui ont vécu de trop beaux moments pour, un jour, s’ignorer… »

(5) J’ajoute ceci à la démonstration de l’auteur : dans la plupart des langues indo-européennes, et notamment en français ou en anglais, le mot « raison » se rattache étymologiquement au latin ratio, ce qui lui donne une connotation mathématique, alors qu‘en arabe, le mot signifiant « raison » possède la même racine que celui voulant dire « licou ». Pour un Arabe, la raison n’est donc pas « rationnelle », au sens européen du terme, mais elle est ce qui entraîne, ce qui tire…comme la foi ! D’une certaine façon, par conséquent, pour un arabo-musulman, le fanatisme est « raisonnable » !

(6) Editions l’Aencre. 2003. Paris  

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