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dimanche, 08 juin 2008

Systèmes satellitaires

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Systèmes satellitaires: la problématique dépendance de l'Europe

 

Les derniers modèles de voitures de rêve, les plus coûteux et les plus luxueux, exhibent, bien en vue, le plus sophi­sti­qué des accessoires jamais installés sur un tableau de bord d'automobile: le navigateur satellitaire GPS, qui permet de voir sur une carte électronique la position du véhicule et le parcours à suivre pour rejoindre la destination. Le marché prometteur des appareillages GPS pour applications civiles est solidement dominé aujourd'hui par les Etats-Unis et pour­rait rapporter quelque 50 milliards de dollars dans les sept prochaines années.

 

Mais ces appareils pourraient tout aussi bien apporter des avantages dans bon nombre d'autres secteurs. Cela va de la sécurité et de l'efficacité des systèmes de transport à l'agri­culture (épandage d'engrais), de la prospection de gise­ments de pétrole et de gaz à la détermination de l'heure exacte. Il y a bien sûr d'autres utilisations possibles, par exemple dans les activités de loisir (voile, excursions, alpi­nisme), dans la pêche (récupérations des filets, localisation des bancs de poissons, surveillance des opérations) et dans l'orientation des mal voyants. Le tout, bien entendu, aura des retombées bénéfiques sur le plan de l'emploi.

 

Peu d'observateurs ont réellement compris les aspects poli­ti­ques et militaires qui se profilent derrière ce Global Po­si­tion­ning System (ou: GPS). Ce système est le fruit d'une tech­nologie militaire américaine, basée sur une con­stel­la­tion de 24 satellites en orbite géostationnaire, ou en rota­tion à la verticale de l'Equateur avec la même vitesse an­gu­laire que la Terre, si bien qu'ils paraissent fixes à ceux qui les observent depuis celle-ci. Ces satellites sont équipés d'é­metteurs-récepteurs et d'horloges atomiques, qui trans­mettent des signaux précis et cryptés permettant aux utili­sa­teurs autorisés, dotés de récepteurs adéquats, de fixer leur position sur la Terre par rapport à au moins trois sa­tel­lites.

 

Ce système a été réalisé vers la moitié des années 70 par le Département de la Défense des Etats-Unis pour permettre aux navires, aux avions et aux véhicules terrestres de ses forces armées de déterminer leur propre position en tous points du globe. Par la suite, ce système a été mis gratui­te­ment à la disposition de tous les utilisateurs qui le souhai­taient, y compris dans les pays européens. Mais ils devaient se contenter de signaux standards volontairement dégra­dés, donc insuffisamment précis pour la plus grande part des applications; au lieu de précisions au mètre près, dont disposent les militaires, les utilisateurs civils peuvent comp­ter sur une précision légèrement inférieure à cent mè­tres. Dans de telles conditions, il est possible, par exem­ple, de localiser un véhicule volé ou un voyageur perdu dans le désert, mais non pas de fournir une assistance à des opérations telles l'atterrissage d'un avion ou l'accostage d'un navire, ni, a fortiori, le ciblage d'un objectif militaire avec toute la précision voulue pour l'éliminer.

 

Qui plus est, le GPS n'offre pas les garanties voulues de con­tinuité et d'intégrité du service, vu que douze heures ou plus peuvent passer avant que les utilisateurs ne soient aver­tis de l'envoi de signaux non corrects. Ensuite, la cou­verture des zones urbaines et des latitudes septentrionales est nettement insuffisante. Comme le système est gratuit ac­tuellement, il ne risque pas d'être tarifé outre mesure dans l'avenir. Par ailleurs, le contrôle du système, que les Etats-Unis n'entendent partager avec personne, peut revê­tir une importance fondamentale pour la sécurité mon­dia­le: le scénario esquissé dans un film récent, Il domani non muore mai, dans lequel une manipulation du système GPS amène le monde au seuil d'un nouveau conflit, ne relève plus tout à fait de la science-fiction.

 

La réponse des militaires russes

 

Face à cette situation d'extrême dépendance vis-à-vis des struc­tures de commandement militaires américaines, la pre­­mière puissance qui a commencé à chercher une répon­se est la Fédération de Russie, qui, en 1996, s'est doté d'un système global de positionnement et de navigation satel­li­taire, similaire en substance à celui mis en œuvre par les A­méricains. Ce système russe s'appelle le GLONASS, et se trou­ve actuellement  sous le contrôle direct des plus hautes sphères de l'armée.

 

Les Européens, au contraire, sont restés nettement à la traî­ne. Ce n'est qu'en 1998 que la Commission des com­mu­nautés européennes a formulé une proposition en vue d'éla­borer une stratégie européenne en matière de systèmes globaux de navigation via satellites; ce programme est des­ti­né à recevoir à terme la même importance que le projet Aria­ne, mis sur pied il y a une trentaine d'années.

 

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Cinq sigles à connaître:

EGNOS: European Geostationary Navigation Overlay Service

GLONASS: Global Navigation Satellite System (équivalent russe du GPS)

GNSS: Global Navigation Satellite System (système global s'articulant en deux phases; cf. texte)

GPS: Global Positioning System (USA)

WAAS: Wide-Area Augmentation System (le système de potentialisation régionale du GPS, en cours de développement sous l'impulsion de l'aviation américaine)

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Pendant la première phase, il est prévu la mise au point d'un élément fonctionnant, appelé EGNOS, intégré dans le sy­stème mondial de première génération, GNSS-1 (plei­ne­ment compatible avec le GPS). Cela présuppose la néces­si­té de s'appuyer sur des signaux de base fournis par les Etats-Unis et par la Russie, mais en en augmentant la pré­ci­sion et l'intégrité par le truchement d'éléments supplé­men­taires installés sur la Terre et dans l'espace. Ce système pour­rait devenir opérationnel en 2001.

Dans la seconde phase, l'UE collaborerait au dévelop­pe­ment du GNSS-2, le système mondial pour les objectifs ci­vils, destiné à remplacer les systèmes militaires existants. La contribution européenne au GNSS-2, qui n'en est encore qu'au stade de projet, sera constituée du système GALILÉE (que l'on ne confondra pas avec le véhicule spatial homo­nyme envoyé sur Jupiter). Ce système GALILÉE se basera sur une constellation de satellites en orbite terrestre mo­yenne, c'est-à-dire située à environ 23.000 km d'altitude. Il s'agit d'une orbite intermédiaire entre celle des satellites géostationnaires (36.000 km) et celle des satellites en or­bi­te terrestre basse, entre 700 et 2000 km.

L'abaissement de l'orbite, par rapport aux satellites ac­tuels, permettra l'utilisation de dispositifs au sol de moin­dre puissance, c'est-à-dire plus petits, moins coûteux et moins polluants. La constellation est liée à une infra­struc­ture et à des systèmes terrestres de façon à fournir un ser­vice intégré, nécessaire pour les réseaux transeuropéens de positionnement et de navigation. GALILÉE devra fournir des prestations tri-dimensionnelles sur les masses continentales avec une précision meilleure de 10 m et rendra disponible sur toute la planète des signaux pour la détermination du temps universel et indépendant.

Le calendrier du programme prévoyait la définition du pro­jet pour 2000, la fin de la phase de développement en 2005, sa réalisation pendant les années 2006 et 2007 et le dé­but de sa mise en œuvre réelle en 2009. Le programme se­ra administré par la Commission européenne, par l'Agen­ce spatiale européenne et par les diverses agences natio­na­les (pour l'Italie: l'Agenzia spaziale italiana).

Le coût exact du programme dépendra du panachage choisi des satellites, ceux à orbite moyenne (MEO) et ceux qui sont géostationnaires (GEO). Le budget s'élève d'environ 1,6 milliard d'euro pour une constellation de 21 MEO et de 3 GEO à environ 2,2 milliards d'euro pour 36 MEO et 9 GEO. A ces sommes, il faut ajouter entre 600 et 750 millions d'euro pour la fourniture d'un service d'accès contrôlé, ga­ran­tis­sant sécurité et certification. Les financements seront par­tiellement publics, via le budget de l'UE, et partielle­ment is­sus d'un partenariat entre le public et le privé, qui pourra obtenir des entrées importantes grâce à un système de tarification, qui sera d'autant plus justifié si la qualité de ser­vice offerte se montre meilleure par rapport à celle, gra­­­tuite, fournie par les Etats-Unis.

GALILÉE apportera des avantages fondamentaux à l'Europe sur les plans stratégique, politique, industriel et écono­mi­que. Les avantages se répartiront entre l'industrie et les uti­lisateurs. Selon des estimations formulées par les com­mu­nautés européennes, le volume des affaires, relatif à la vente des appareillages et des services, en valeur ajoutée sur le marché de la navigation satellitaire, pourrait montrer une augmentation de l'ordre de 80 milliards d'euro pour la période de 2005 à 2023. Ces bénéfices découlent soit d'une amplification du marché, soit d'un accroissement des quo­tas pour l'industrie européenne. En particulier, celle-ci de­vrait passer de 15% en 2005  —dans un scénario où seul le GPS entre en jeu—  à 30%, dans un scénario où le GPS et GA­LILÉE sont couplés. Le pourcentage augmentera de 30% à 60% en 2023. Les autres bénéfices indirects, plus diffi­cile­ment quantifiables, sont, par exemple, une diminution de la densité du trafic, dont un accroissement de la mobilité, dans le domaine de la téléphonie mobile, ce qui apporte, en plus, d'autres avantages d'ordre écologique, pour l'hom­me et l'environnement.

Angelo GALLIPI.

(article paru dans Area, décembre 2000).

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