lundi, 31 mars 2008
L'itinéraire politique de Nobusuke Kishi

L’itinéraire politique de Nobusuke Kishi
Né le 13 novembre 1896 à Yamaguchi au Japon, Nobusuke Kishi fut un homme d’Etat japonais, à l’ascendance samouraï. Le clan aristocratique, dont il faisait partie, avait favorisé le mouvement de modernisation et d’occidentalisation (technique) du Japon. Bon nombre de membres de son clan serviront donc le Japon moderne dans la marine, l’armée ou la politique. En 1917, il s’inscrit à l’Université Impériale de Tokyo et devient disciple du professeur Shinkichi Uesugi, interprète nationaliste et conservateur de la nouvelle constitution. Plus tard, Nobusuke Kishi lira le penseur nationaliste Ikki Kita, qui cherchait à établir un ordre nouveau pour la société japonaise. Devenu haut fonctionnaire de l’Empire du Soleil Levant après ses études, il travaillera à l’industrialisation de la Mandchourie, sous les auspices du Général Hideki Tojo, commandant de l’armée japonaise du Kwantung. Quand Tojo devint premier ministre en octobre 1941, Kishi rejoint son cabinet en tant que ministre du commerce et de l’industrie. Il prépare la guerre contre les Etats-Unis. Arrêté par l’occupant américain en 1945, il est interné pendant trois ans au titre de criminel de guerre dans la sinistre prison de Sugamo. Il sera libéré en 1948 sans avoir eu à subir de jugement. En prison, il se familiarisera avec les concepts de la gouvernance à l’occidentale tout en déplorant les mesures prises par les occupants.
Dès sa libération, il replonge avec enthousiasme dans la politique, devenant premier ministre en 1952. Maître dans l’art de manier les pions en coulisses, il parvient à faire fusionner les deux partis conservateurs japonais et à créer ainsi le parti libéral-démocratique, dont il devient le secrétaire général. En 1956, il est ministre des affaires étrangères, puis, quand le premier ministre doit se retirer pour raison de santé, il prend sa place en 1957. Sa ferme intention était de réviser la constitution et de réarmer le Japon (comme l’a voulu plus tard Koinuchi). Le débat était ouvert à l’époque : le Japon avait regagné confiance en lui-même : la gauche était neutraliste et refusait le stationnement de troupes américaines pour surveiller des pays tiers ou pour mater des révoltes sociales. La droite refusait les clauses du traité nippo-américain qui réduisait la souveraineté japonaise. Kishi s’envole en juin 1957 pour Washington et y obtient des Américains la promesse de retirer toutes les troupes terrestres endéans un an. Au terme de toutes ces négociations, Kishi obtient un nouveau traité, d’où les clauses prévoyant l’intervention des troupes américaines en cas de troubles intérieurs ont disparu. Pour l’opposition de gauche, ce traité, où les deux partenaires sont en théorie égaux, reste inacceptable. Des troubles éclatent dans tout le Japon au cours de l’année 1960. Le 23 juin 1960, Kishi est contraint de démissionner. Quelques jours plus tard, un nationaliste radical le poignarde mais sans lui porter un coup fatal. Retiré de la politique active, il continuera à diriger en coulisses le parti libéral-démocrate. Il meurt à Tokyo le 7 août 1987 (Robert Steuckers).
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A. Mölzer: sur le Kosovo

Andreas MÖLZER :
Réflexions sur la proclamation unilatérale d’indépendance au Kosovo
Cette manière de procéder -de proclamer unilatéralement son indépendance- peut avoir de terribles conséquences pour l’Europe, du moins pour sa portion située entre les Pays Baltes et les Balkans. Si l’on suit cette logique, la plupart des Etats doivent se dissoudre. Pourquoi les Hongrois de Transylvanie ou du sud de la Slovaquie, pourquoi les Russes des Pays Baltes, pourquoi les Allemands de Haute Silésie (actuellement polonaise) devraient-ils renoncer à cette autodétermination que s’accordent les Kosovars ? Vu sous cet angle, nous avons, en reconnaissant le Kosovo, ouvert une véritable boîte de Pandore. Les groupes ethniques, nés au cours de l’histoire, qui se sont développés sur un territoire précis pendant plusieurs siècles successifs, ont bien davantage le droit de revendiquer leur indépendance politique que les Kosovars, qui ne sont jamais qu’une nation d’immigrants.
Vu la nature explosive que revêt l’idée du droit des peuples à l’autodétermination dans ces régions multi-ethniques et bigarrées et vu les conséquences que cela pourrait entraîner, la seule alternative viable aurait été d’européaniser ces territoires. L’imbroglio ethnique et culturel que l’on retrouve en Europe orientale, et surtout dans les Balkans, et qui forme la trame de ces régions, ne peut trouver de solution pacifique que sous un baldaquin supra-national, comme au temps de la monarchie des Habsbourgs. Une perspective européenne pour l’ensemble des Balkans occidentaux serait effectivement une solution envisageable. Lorsque tous les Etats qui ont émergé de l’ancienne Yougoslavie seront devenus membres de l’UE, lorsque les marchandises circuleront librement dans un territoire sans frontières, les conflits de nationalités pourront de fait être définitivement surmontés.
Mais la situation actuelle ne nous permet pas d’être optimistes : les Balkans, semble-t-il, resteront un baril de poudre en Europe, pendant quelques générations encore. La fierté de la nation serbe a été bafouée ; l’orgeuil nationaliste des Albanais a été galvanisé ; les Croates de Bosnie n’ont trouvé aucune solution à leurs problèmes ; plus généralement, ces Etats nés de la dissolution de la Yougoslavie ne sont pas viables économiquement, ce qui rajoute encore de la poudre au baril déjà plein à ras bord.
Les autres Etats européens ne semblent pas réellement conscients de la situation : ils ne suggèrent aucune politique intelligente pour enrayer ce processus calamiteux. Dans le cas du Kosovo, ils ont aggravé la situation en voulant l’améliorer, n’ont pas contribué à apporter une solution durable. Nous réclamons une politique qui aille dans le sens des intérêts de l’Europe toute entière !
Andreas MÖLZER.
(Extrait d’un long article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°9/2008 ; trad. fran9. : Robert Steuckers).
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dimanche, 30 mars 2008
Sur le juriste Pieter Stockmans

Sur le juriste Pieter Stockmans
Pieter Stockmans, juriste brabançon, naît à Anvers le 3 septembre 1608. Il devint professeur à l’Université de Louvain en 1632, puis Conseiller d’Etat du Brabant en 1643. En 1663, il fait partie du « Conseil Secret » et, en 1665, de la « Cour Suprême de Guerre » (« Opperkrijgsraad » / « Oberkriegsrat »). En 1666, il prend la plume pour fustiger, avec force arguments, les prétentions de Louis XIV sur la rive occidentale du Rhin. Ses arguments sont collationnés dans le « Tractatus de jure devolutionis ». Stockmans est fasciné par l’antiquité grecque et par le stoïcisme, qui entend demeurer au-dessus de la petitesse humaine. Ami du gouverneur espagnol, le Marquis de Caracena, qui exerça ses prérogatives de 1659 à 1664, il est envoyé à la Diète Impériale de Ratisbonne pour réclamer l’intervention de l’Empire contre les prétentions françaises. Il soumet à cette lamentable assemblée deux écrits : « Scriptum gallicum contra securitatem circuli Burgundici nuper in comitiis Ratisbonensis compositum » (36 pages) et « Refutatio scripti gallici contra circuli Burgundici securitatem compositi ». Il prouve et rappelle dans ces textes que le « Cercle de Bourgogne », menacé par la France, demeure une partie intégrante du Saint Empire et doit donc recevoir le soutien du Reich. Il ne sera pas écouté. La menace française devient de plus en plus pesante, surtout à partir du moment où Louis XIV énonce « les droits à la dévolution ». Stockmans y répond par une « Deductio » anonyme, en latin et en néerlandais. Ensuite, il récapitule tous ses arguments dans son « Tractatus de jure devolutionis » (1666). L’historien français Guy Joly lui répond. Stockmans rédige alors une « Pars Secunda » de son « Tractatus », puis une « Pars Tertia », qualifiant les prétentions françaises d’inepties et d’erreurs. Pieter Stockmans meurt à Bruxelles le 7 mai 1671 (Robert Steuckers).
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Du précédent bosniaque à la crise du Kosovo

Andreas MÖLZER :
Du précédent bosniaque à la crise du Kosovo
A coup sûr, nous pouvons dire que la création de la Bosnie a constitué le premier péché originel de la communauté internationale et de l’Union Européenne. Dans leurs efforts pour imposer le dogme de la viabilité et de l’excellence des entités étatiques multi-ethniques et muti-culturelles, elles ont cru, jusque aujourd’hui, qu’en Bosnie comme au Kosovo elles allaient pouvoir neutraliser les vieilles haines nationales et apaiser définitivement les conflits entre peuples qui en découlaient.
Dans le cas de la Bosnie, elles ont commencé par reconnaître, à côté des habituelles catégories ethniques, des identités religieuses. Serbes et Croates vivent là-bas dans des communautés imbriquées les unes dans les autres sur un même territoire, ce qui rendait la situation déjà extrêmement compliquée. Or, par-dessus cet imbroglio ethnique, les instances internationales n’ont rien trouvé de mieux que d’y superposer un niveau identitaire supplémentaire, d’ordre religieux et culturel, en mettant les Musulmans de Bosnie sur le même pied que les identités serbe et croate : le champ de la problématique en est devenu encore plus complexe. Le Kosovo s’ajoute aujourd’hui à un Etat bosniaque à dominante musulmane sur le sol européen, un Etat kosovar dont l’islam s’est considérablement radicalisé au cours des conflits de ces vingt dernières années. Des influences venues du Proche Orient et l’arrivée de moudjahiddins flanqués d’imams militants ont contribué à rendre fondamentaliste un islam albanais qui s’était fortement laïcisé au fil du temps. On ne s’étonnera pas, dès lors, d’apprendre que la Turquie fut le premier Etat à reconnaître le Kosovo indépendant, en y mettant beaucoup d’emphase.
Conséquence immédiate de la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo : les Serbes de Bosnie, ceux de la « Republika srpska », réclament, en même temps que les Serbes du Kosovo, que leurs zones de peuplement soient détachées des nouveaux Etats à dominante musulmane pour être rattachés à la Serbie. Quels arguments la communauté internationale et surtout l’Union Européenne pourraient-elles bien avancer pour rejeter cette requête ? Après qu’elles aient reconnu le Kosovo, mystère et boule de gomme !
Le projet imaginé et mis au point, il y a une bonne décennie, par le chef d’Etat serbe Milosevic et son homologue croate Tudjman, apparaît rétrospectivement bien réaliste, lui qui prévoyait, dans les zones de peuplement où Serbes et Croates vivaient imbriqués, une « épuration ethnique pacifique ». Ce projet rappelait certes les accords entre Hitler et Mussolini pendant la seconde guerre mondiale au Tyrol méridional et dans la zone du « Kanaltal » en Carinthie. Tudjman et Milosevic voulaient « désimbriquer » les zones mixtes de manière pacifique sans tenir compte du facteur islamo-bosniaque et arrondir à terme les territoires de la Croatie et de la Serbie. Mais ce projet n’a pu se réaliser. L’intervention américaine et la volonté de l’UE d’imposer son dogme de l’absolue nécessité d’Etats multi-ethniques s’y sont opposés.
Dorénavant, les frontières d’Etat pourront donc être révisées par des déclarations unilatérales d’indépendance et ces révisions seront automatiquement reconnues par la communauté internationale. Pour les Balkans, il conviendra d’imaginer et d’élaborer des projets viables sur le long terme et réellement générateurs de paix. Dans ce cas, le droit des peuples à la pleine autodétermination devra s’appliquer de manière radicale et complète. Il faudra organiser des referenda et votations populaires, ensuite procéder au détricotage des zones ethniquement bigarrées sur base du droit privé, dans la mesure où il faudra liquider et vendre des biens immeubles et mettre en œuvre le déménagement volontaire des populations qui ne veulent pas vivre sous la domination d’autres ethnies. Dans la logique qui vient de s’imposer, on devra envisager l’émergence d’un Etat pan-albanais, qui regroupera tous les territoires peuplés d’Albanais, c’est-à-dire l’Albanie, le Kosovo et les parties de la Macédoine et de la Bosnie où ils sont majoritaires. Mais ce qui est vrai pour les Albanais, doit être vrai pour les Serbes : ceux-ci doivent recevoir le droit de décider par consultation populaire, dans tous les Etats nés du démantèlement de l’ancienne Yougoslavie, s’ils veulent vivre ensemble dans un grand Etat serbe ou séparés dans plusieurs Etats. Il faudra ensuite vérifier dans quelle mesure les Monténégrins et les Macédoniens constituent ou non de véritables ethnies, avec une langue et une culture particulières, et dans quelle mesure ils sont encore ou non animés par le désir de posséder leur propre Etat.
Andreas MÖLZER.
(extrait d’un article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°9/2008 ; trad. franç. : Robert Steuckers).
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1814: Bonaparte à Fontainebleau

30 mars 1814: Napoléon Bonaparte, aux abois, se réfugie à Fontainebleau, alors que Paris capitule après de violents combats. Les armées coalisées entrent en France, sous le commandement du Prussien Blücher et de l’Autrichien Schwarzenberg. Ceux-ci renouent avec la stratégie de Götz von Berlichingen au 16ième siècle : pénétrer l’espace des Gaules par la conquête du plateau de Langres, où la Seine, les rivières du bassin de la Seine et la Meuse prennent leurs sources. Sur le flanc oriental du plateau de Langres coule la Saône, principal affluent du Rhône, qu’elle rejoint à Lyon. Les stratégies impériales, quand elles ont été déployées contre la France, avaient une dimension hydrographique. Les Autrichiens entendaient soumettre à une occupation permanente ce plateau de Langres, de façon à :
1) contrôler le bassin de la Seine et, partant, Paris, ensuite
2) prévenir toutes manœuvres françaises en direction de la Meuse, et, simultanément de l’ensemble fluvial le plus proche à l’Est, constitué par la Meurthe et la Moselle, qui donne sur le Rhin et, enfin
3) mettre un pied dans le bassin du Rhône, pour, à bien plus long terme, ramener dans le giron impérial l’espace rhodanien, ancien royaume de Burgondie du temps de l’empereur Conrad II.
Charles-Quint, et son allié et parent Philibert de Savoie, avaient tenté des opérations similaires en Provence, façade méditerranéenne de l’espace médiéval du royaume de Burgondie. La chute de Napoléon Bonaparte n’a pas entraîné l’application de cette vieille stratégie hydrographique : Metternich préféra se ménager une France dirigée par Talleyrand (qui accède au pouvoir le lendemain 31 mars 1814) contre un danger prussien et protestant qu’il voit poindre à l’horizon. Metternich veut rétablir de la sorte l’alliance franco-autrichienne, scellée avant la révolution, par le mariage du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine.
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samedi, 29 mars 2008
Entretien avec S.E. Vladeta Jankovic

Entretien avec son Excellence Vladeta Jankovic, ambassadeur de Serbie auprès du Saint-Siège
L’ « Indépendance » du Kosovo : une entorse au droit international
Le quotidien romain « Rinascita » a interviewé l’ambassadeur de Serbie auprès du Saint Siège, Vladeta Jankovic. Les journalistes de Rinascita lui ont posé quelques questions sur l’avenir de la Serbie, sur les très prochaines élections politiques et administratives prévues pour le 11 mai 2008 et sur les risques qu’encourt le droit international à la suite de la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo par les séparatistes albanais.
Propos recueillis par Andrea PERRONE
Q. : Monsieur Vladeta Jankovic, Voyeslav Kostunica a démissionné de son mandat de premier ministre. La crise de la coalition au pouvoir à Belgrade a été suscitée par les débats sur l’adhésion éventuelle à l’Union Européenne et par la problématique de l’intégrité territoriale de la Serbie. Quelles sont les prévisions pour les prochaines élections ?
VJ : La démission du premier ministre était inévitable. Les divergences de vue entre les différents partenaires de la coalition portaient sur les éléments suivants : une partie du gouvernement, axée autour du Parti Démocratique de Boris Tadic, le Président serbe, était en faveur du processus d’intégration à l’Union Européenne, sans tenir compte du fait que la majeure partie des membres de l’UE avait reconnu la proclamation illégale d’indépendance du Kosovo. Les autres partenaires de la coalition de l’exécutif serbe, comme le Premier ministre, estimaient qu’il fallait geler le processus d’intégration à l’UE afin que les pays membres se déclarent tous en faveur de l’intégrité territoriale de la Serbie, telle qu’elle existait de facto avant la proclamation de l’indépendance kosovare. Ces divergences de vue portaient effectivement sur des éléments substantiels. A partir du moment où il a constaté qu’il ne pouvait plus obtenir l’unanimité, le Premier ministre a demandé au Président, en accord avec les principes de la Constitution, de dissoudre le Parlement et de fixer une date pour de prochaines élections législatives. Celles-ci ont été prévues pour le 11 mai. Le peuple se prononcera : il décidera s’il faut aller de l’avant dans les négociations avec l’Union Européenne, nonobstant le fait qu’une grande partie des Etats européens ait reconnu l’indépendance du Kosovo ou, au contraire, si Belgrade devra concentrer tous ses efforts pour conserver l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Serbie, comme le reconnaissent par ailleurs les résolutions des Nations Unies.
Q. : Il y a un mois, Pristina s’est déclarée indépendante de Belgrade. Qu’en pensez-vous ?
VJ : Pour l’essentiel, je retiens qu’il n’y aura pas de différence, quel que soit l’équipe qui sortira victorieuse des élections du 11 mai : tous seront d’accord pour dire que l’indépendance du Kosovo est illégale et que l’idée d’un Etat kosovar indépendant est impensable. La Serbie ne le reconnaîtra jamais. Cependant, il est plus difficile de dire maintenant quelle approche sera la meilleure. Le plus important, c’est que tous les Serbes se mettent d’accord pour refuser l’indépendance du Kosovo. A l’heure actuelle, la majorité des Etats de l’UE a reconnu l’indépendance du Kosovo, ce qui fait 16 Etats sur 27.
Q. : Pensez-vous qu’un gouvernement plus fort, par exemple porté par un tandem Kostunica-Nikolic, aura une approche plus ferme sur la question de la sécession du Kosovo ?
VJ : Il me parait fort difficile de spéculer dès aujourd’hui sur les résultats des prochaines élections. Il me parait cependant impossible qu’un seul parti puisse obtenir d’emblée la majorité absolue, sans avoir besoin de partenaire.
Q. : Avec la sécession du Kosovo, c’est une boîte de Pandore qui s’ouvre…
VJ : C’est prévisible. Et c’était prévisible depuis longtemps. Et, de fait, les Albanais de Macédoine, qui forment 30% de la population macédonienne, cherchent déjà à obtenir davantage de droits pour leur minorité ; ils exigent que la langue albanaise soit reconnue comme langue officielle en Macédoine, que leur drapeau soit hissé sur les bâtiments publics, qu’une amnistie soit décrétée pour tous les Albanais qui ont participé à l’insurrection de 2001 en Macédoine. Ce pays est donc sur la voie de la fédéralisation. La partie albanophone de la Macédoine réclament aujourd’hui cette fédéralisation et finira demain par réclamer une sécession, vu que les Albanais de Macédoine ont déjà reconnu l’indépendance du Kosovo. Nous avons donc une crise sécessionniste en Macédoine et une autre en Géorgie, où les républiques indépendantistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud veulent s’unir à la Russie. Voilà donc la boîte de Pandore que vous évoquiez dans votre question… De manière analogue, la Transnistrie pourra proclamer son indépendance, de même que le Nagorno-Karabakh, où le processus est déjà à l’œuvre. On peut également prévoir que de telles sécessions auront lieu ailleurs dans le monde. A peu près vingt-six pays ont reconnu l’indépendance du Kosovo, mais d’autres ont refusé de reconnaître cette sécession parce qu’ils craignent qu’ils auront tôt ou tard à affronter un problème similaire à l’intérieur de leurs propres frontières, comme Chypre, la Slovaquie, la Roumanie et l’Espagne. En dehors d’Europe nous avons l’Indonésie et l’Inde en conflit avec le Pakistan pour le Cachemire. L’indépendance du Kosovo a mis en crise l’ensemble du droit international. On remet ainsi en question les décisions des Nations Unies et leurs résolutions. Certains Etats prétendent que le Kosovo est un cas à part, un cas sui generis. C’est faux.
Q. : Pensez-vous que le rôle de Moscou et les futures décisions russes seront vraiment importants pour trouver une solution ?
VJ : Pour ce qui concerne Moscou, la Russie a soutenu la Serbie depuis le début de la crise. Le Kosovo est virtuellement perdu pour la Serbie depuis 1999. La Fédération russe, en 1999, sous Eltsine, était très faible économiquement et politiquement. Depuis lors, tout a changé. La Fédération de Russie est devenue beaucoup plus forte et veut prouver au monde qu’elle peut exercer une réelle influence sur la question. La Russie sous Poutine est en mesure de soutenir la Serbie, de forcer la décision en sa faveur, non pas parce que les Russes sont orthodoxes et slaves mais pour une question de principes, liée au droit international qui a subi une grave entorse à la suite de la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo. La Russie est redevenue forte et soutient la Serbie à la tribune des Nations Unies, à l’OSCE et dans toutes les organisations internationales. Mais il n’y a pas que la Russie qui soutient la Serbie au niveau international ; en effet, au Conseil de Sécurité, quinze pays s’affirment en faveur de Belgrade, dont la Russie, bien sûr, mais aussi la Chine, le Vietnam, l’Indonésie, la Libye et l’Afrique du Sud, dont le soutien est ferme, car, en Afrique, les frontières des Etats sont instables, complexes et difficiles à maintenir. Les Américains exercent une forte pression sur la République Tchèque, la Grèce, la Roumanie, mais ces pays continuent à résister car, potentiellement, ils pourraient avoir les mêmes problèmes que la Serbie avec le Kosovo. En outre, rappelons-nous que le monde a une population d’environ six milliards d’âmes et que si l’on additionne les habitants de la Chine, de la Russie, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Afrique du Sud, nous obtenons un chiffre de quelque trois milliards et demi de personnes ; nous pouvons dire alors que la majeure partie de la population de la planète soutient la Serbie.
Q. : Je voudrais vous parler des églises, des monastères et des Serbes du Kosovo ? Quel sera leur avenir ?
VJ : Les monastères et les églises du Kosovo doivent impérativement être placés sous la protection des contingents militaires de l’UNMIK. Les monastères orthodoxes du Kosovo sont d’une valeur culturelle inestimable : ils remontent aux 12ième, 13ième et 14ième siècles. Pour l’heure, ce sont des soldats italiens très courageux qui les défendent : leur attitude est exemplaire malgré le comportement du gouvernement italien et le rappel à Belgrade de notre ambassadeur en Italie. Ces monastères et ces églises, sous la protection des troupes italiennes de l’UNMIK relèvent d’un héritage culturel important pour le monde entier. Ils sont un patrimoine pour l’humanité toute entière et figurent d’ailleurs sur la liste des sites à protéger, dressée par l’UNESCO. Les fresques que l’on trouve dans ces bâtiments historiques sont parmi les plus belles de cet art au monde. On peut comparer leur facture et leur qualité à ce que l’on retrouve dans la cathédrale de Chartres en France.
Q. : Quelle différence y a-t-il entre la mission de l’UNMIK et celle d’EULEX ?
VJ : La mission de l’UNMIK est très importante. La Serbie ne s’oppose nullement à la présence de l’UNMIK parce que celle-ci a été décidée par le Conseil de Sécurité de l’ONU. En revanche, la mission européenne EULEX ne rencontre pas l’approbation de la Serbie, parce qu’elle n’a pas été sanctionnée par une décision des Nations Unies. La différence entre les deux missions est donc de taille. La mission de l’UNMIK découle d’une résolution votée aux Nations Unies et repose sur les principes de l’ONU, voilà pourquoi la Serbie accepte pleinement sa présence sur le territoire serbe.
Q. : Quelle est la position du Saint Siège et du Pape Benoît XVI, alias l’ancien Cardinal Josef Ratzinger, à propos de l’indépendance du Kosovo ?
VJ : La position du Saint Siège repose sur la prudence et la modération. Elle s’est déjà exprimée en diverses occasions et le Saint Père l’a confirmée lors de la présentation de mes lettres de créance, il y a un mois. Le Saint Siège comprend qu’il y a péril pour toute la chrétienté, pour les milliers de réfugiés qui ont dû quitter le Kosovo en 1999 ; le Saint Siège se préoccupe surtout de la défense de la justice et des principes du droit international. La Serbie croit, elle aussi, au droit international, au droit des gens et des Etats. C’est le moment de faire montre de solidarité et de ne plus penser aux divisions au sein de la chrétienté. Les chrétiens doivent défendre les droits et principes culturels des autres peuples. C’est très important pour le Saint Siège, non seulement pour les droits de la Serbie mais aussi pour ceux de tous les autres peuples et, subséquemment, pour la paix dans le monde.
(entretien paru dans « Rinascita », Rome, 20 mars 2008 ; http://www.rinascita.info ; adresse électronique pour toute information : info@rinascita.net ).
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Citation de Montesquieu

Citation de Montesquieu
« Dans les monarchies extrêmement absolues, les historiens trahissent la vérité, parce qu’ils n’ont pas la liberté de la dire : dans les Etats extrêmement libres, ils trahissent la vérité à cause de leur liberté même, qui, produisant toujours des divisions, chacun devient aussi esclave des préjugés de sa faction, qu’il le serait d’un despote ».
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vendredi, 28 mars 2008
Citation de Nicolas Berdiaev

Citation de Nicolas Berdiaev
« Les événements se déroulent dans la réalité de l’esprit avant de se manifester dans la réalité extérieure de l’histoire ».
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Socialisme et gildes

Davide D’AMARIO :
Le projet social d’Ezra Pound : communautés et gildes
« Je sais, et non d’après une théorie mais bien par expérience, que l’on peut vivre infiniment mieux avec très peu d’argent et beaucoup de temps libre, qu’avec plus d’argent et moins de temps. Le temps n’est pas de l’argent, mais presque tout le reste… » (Ezra POUND).
Les réflexions, que je couche ici sur le papier, sont le fruit d’une lecture du très beau livre de Luca Gallesi, « Le origini del fascismo di Ezra Pound », édité auprès des Edizioni Ares. A l’évidence, cet article est tout simplement un point de départ qui me permettra de développer ultérieurement mes sentiments « extravagants » et, quelles que soient les positions que prendront les hommes que je mentionnerai dans mes interprétations, celles-ci ne pourront être ramenées ou assimilées en tous points à la structure solide et scientifique du livre de Gallesi.
Quand Marx, bien à raison, proposait l’unité de tous les travailleurs du monde, à une période historique bien précise, les capitalistes étaient divisés. Ils s’opposaient les uns aux autres dans des querelles internes, inhérentes à la division de leur camp en « capitalismes nationaux ». Rappelons aussi que Marx, à cette époque, parlait de gouvernements réduits à des « comités d’affaires » pour le compte de leurs bourgeoisies respectives. Je pense que Marx se rendait parfaitement compte que les limites territoriales opposaient les bourgeoisies capitalistes entre elles, limites dans lesquelles on retrouvait une diversité monétaire, la concurrence, le protectionnisme, de véritables barrières économiques de toutes natures qui contribuaient à limiter l’internationalisation des capitaux et généraient des tensions parmi les capitalistes.
Par ce préambule, je veux simplement arriver au constat que la réflexion de Marx est plus actuelle aujourd’hui qu’elle ne l’était hier parce que, depuis trente ans environ, les travailleurs subissent attaque sur attaque ; certes, on me rétorquera qu’ils en ont toujours subies mais, aujourd’hui plus que jamais, c’est bien pire : ils ont été totalement éliminés du jeu dans la mesure où ils ont perdu toute conscience unitaire. Dans cette situation difficile, la pensée prophétique d’Ezra Pound me semble mieux expliquer la situation de nos contemporains. Effectivement, les communautés de travailleurs ont été, à intervalles réguliers, divisées, fragmentées, disloquées ; les attaques principales contre elles se sont faites au niveau des salaires mais plus encore au niveau de leur dignité humaine. C’est ici que reviennent les fameux « comités d’affaires » de Marx. Plus que jamais, aujourd’hui, et sous les yeux de tous, les exploités sont divisés et les décideurs du monstre capitaliste s’organisent de plus en plus, s’unissent et coordonnent leurs agissements criminels.
Que le lecteur me pardonne cette petite digression, mais j’entends exprimer ici ma conviction que cette digression peut intégrer le raisonnement que je vais développer ici, justement parce que je vais parler des socialismes atypiques, utopiques et étranges, de ces socialismes que l’inquisition de certains pontes marxistes-léninistes, sans Marx ni Lénine, ont campé comme des drôleries dépourvues de sens (dans le meilleur des cas !).
Le socialisme qui trouve ses origines quasi magiques dans l’œuvre du poète-économiste Ezra Pound propose une vision du monde humain diamétralement opposée aux spéculations financières et à l’usure, qui ont perfectionné aujourd’hui leur horrible règne. Ce socialisme est communautaire et il a séduit également le génial poète irlandais William Butler Yeats, qui a lutté pour l’indépendance de sa Terre, fière et passionnée, une indépendance enracinée dans la littérature, le théâtre, la poésie, la Vie. Mieux que toutes paroles ou éloges à l’adresse à ce héraut de la liberté irlandaise : l’épitaphe gravé sur sa tombe, qui évoque l’attitude existentielle à adopter sur le chemin terrestre et difficile de chacun. « Jette un regard froid sur la Vie, sur la Mort, Chevalier, et poursuis ton chemin ».
Je vais maintenant chercher à ramener à la mémoire de mes lecteurs ces nombreux socialistes, dont les idées n’ont pas été concrétisées, ces expériences de communautariens inconscients, en leur époque, de la portée de leurs projets, de tous ces hommes dont les propositions généreuses n’ont pas été suivies d’effets, mais que nous pouvons, sans hésiter, poser comme les pionniers au cœur pur, au langage vrai, du mouvement actuel de décroissance. Et pas seulement de ce mouvement-là…
Esquissons l’historique de quelques-unes de ces tentatives ou expériences. Dans l’Angleterre, rebelle et pensante, fièrement anti-capitaliste et anti-colonialiste, une perspective révolutionnaire s’est dessinée dans les esprits, certes sur un plan plutôt théorique et nettement moins pratique, mais néanmoins digne de nos respects. Dans cette Angleterre, une culture alternative a vu le jour, très différente de l’impérialisme officiel, qui n’était que racisme hautain, exclusivisme social et économique, à des années lumière des politiques maçonniques et sectaires axées sur la violence envers les exploités : la littérature de l’époque en témoigne. Les enfants, filles et garçons, furent les premières victimes de cette violence sociale, de la monstrueuse dynamique socio-politique de cet âge du manchestérisme triomphant. On les retrouvaient par dizaines de milliers dans de sinistres orphelinats, dans d’hideuses fabriques, dans des « maisons de correction ou de redressement », sans cesse exposés au châtiment de la bastonnade, au stupre, ou furent purement et simplement tués car considérés comme inutiles ou bons à rien voire destinés à devenir simple viande de boucherie dans un futur imaginé comme complètement robotisé.
Face à ces visions d’horreurs, se constitue, sur le plan doctrinal, le « socialisme des gildes ». Il se veut une doctrine culturelle alternative, différente de l’horreur manchésterienne. Le « gildisme » a été théorisé par un historien anglais, G. D. H. Cole, puis, au fil des années, par le livre manifeste d’un architecte socialiste et chrétien, Arthur Joseph Penty (1875-1937), « The Restoration of the Gild System », paru en 1906.
Ce socialisme atypique, admirateur du moyen âge, ennemi infatigable et passionné de l’industrialisme moderne, lançait un appel au retour à l’artisanat, à un système de production à petite échelle, sous le contrôle normatif des gildes professionnelles. En suivant l’exemple du socialiste William Morris, ce socialisme refusait l’idée que la production de produits « de qualité médiocre et vendus à bon marché » constituait un avantage pour le consommateur. De cette façon, ce socialisme gildiste anticipait, avec ses idées radicales, tous les courants critiques du système capitaliste nés dans les années 70 du 20ième siècle, courants qui, au cours de ces dernières années, sont revenus à pas de colombe sur l’avant-scène idéologique mondiale. Ces critiques recèlent des rancoeurs contre un système abominable et sont perpétuellement à la recherche de solutions pour soulager les peines des travailleurs réduits à l’esclavage, y compris de solutions dans la lutte actuelle contre les caractères démoniaques de l’exploitation mentale des travailleurs. Dans cette optique intellectuelle et socialiste, l’homme ne doit pas se limiter à analyser la vie à l’intérieur des structures dominantes de la société industrielle mais, au contraire, doit s’en évader et lancer des dards empoisonnés sur le monstre « Progrès », posé comme fin en soi et qui nous broie tous aujourd’hui.
Dans le même filon, où se mêlent intérêts culturels et intérêts politiques, nous trouvons la publication « The New Age », éditée par A. R. Orage. Elle fut une revue, une tribune, qui assura le lien, la jonction, entre ce socialisme des gildes et le renouveau artistique et culturel constitué par la résistance communautarienne (avant la lettre). A cette revue contribuèrent des militants et des penseurs, des écrivains et des poètes du calibre d’un Ezra Pound, d’un William Butler Yeats, d’un G. K. Chesterton et de bien d’autres qui, ensemble, formèrent une redoute dans les années 10 et 20 du 20ième siècle en Angleterre, où germèrent des idées qui demeurent encore et toujours actuelles. Dans cette revue, on étudiait et analysait les œuvres de Nietzsche et de Marx, pour les enrichir et les dépasser, les inscrire dans des projets réalisables.
Nous avons eu affaire, là, à une culture socialiste originale et non dogmatique, qui a pris forme, a émergé à la vie en se mêlant sans remords à la religiosité véritable du peuple, sans chercher à trancher le cordon ombilical qui reliait le socialisme aux traditions populaires, sans renier des formes fortes et solidement ancrées de religiosité païenne ou chrétienne, présentes au sein du peuple.
La « Ligue des Gildes Nationales » en fut le mouvement organisé, la représentante de cette jeune communauté de pensée. Elle naquit en l’année fatale 1915, où une boucherie sans nom allait commencer, où la fine fleur de la jeunesse européenne tombera au combat ou en sortira renforcée. Dès son émergence, cette « Ligue » eut à subir les avanies des marxistes sectaires, ignorants et démagogues, qui la traitèrent de « mouvement petit-bourgeois et utopiste ». Ces socialistes communautariens et gildistes, qui avaient adhéré à la « Ligue », croyaient que la force éthique, et non le matérialisme vulgaire, devait se poser comme le noyau incandescent de la lutte socialiste parce qu’ils estimaient que la liberté individuelle devait s’épanouir à l’intérieur et en symbiose avec la communauté populaire ; ils pensaient également que la responsabilité sociale devait s’étendre au peuple tout entier, de façon à ce que la Révolution trouve dans le peuple lui-même, et non à l’extérieur de lui, une légitimité faite de sang, de chair et d’idée, prête à prendre, aux moments terribles de l’épreuve, les rênes de la cause communautaire. Pour ces militants communautariens et nationaux, la lutte contre l’esclavage et contre l’incertitude étaient les axes majeurs de l’action socialiste.
Dans leurs propositions, les gildistes de la « Ligue » réclamaient d’être libérés du spectre du chômage, d’être libres dans les usines, de bénéficier du droit au travail sous la houlette de directeurs qu’ils auraient choisis, d’éliminer du monde du travail tous les dirigeants imposés d’en haut, tant dans les entreprises privées que dans le secteur de l’Etat. Ils étaient convaincus que sans une démocratie industrielle, il ne pouvait pas y avoir de démocratie politique. Cette brève approche de l’idéologie gildiste nous permet de conclure que le « contrôle communautarien » devait venir de la « base ». Ce mouvement, non unitaire, alignait à l’évidence des personnalités diversifiées, exprimant des positions parfois contradictoires, mais, en dépit de ces divergences de surface, elles avaient toutes un projet général, qu’il serait intéressant de raviver aujourd’hui.
Davide D’AMARIO.
(article paru dans le quotidien romain « Rinascita », 19 février 2008).
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jeudi, 27 mars 2008
Kosovo: nouveau protectorat américain?

Safet BABIC :
Le Kosovo : nouveau protectorat américain ?
Le Kosovo, que les Allemands nomment aussi l’Amselfeld, le « Champ des Merles », est une région au centre de la péninsule balkanique, dont les frontières touchent au sud-ouest l’Albanie, au nord-ouest le Monténégro, au nord et à l’est la Serbie aujourd’hui réduite et, au sud-est, la Macédoine. Après la guerre de 1999, le Kosovo a reçu, par le truchement de la résolution 1244 des Nations Unies, le statut d’un territoire autonome à l’intérieur de la Serbie et a été placé sous l’administration de l’ONU.
Les frontières occidentales et méridionales du Kosovo sont constituées de zones montagneuses. Au centre de cette cuvette, nous trouvons deux plaines : celle du Champ des Merles, avec Pristina pour capitale, et la Métochie à l’Ouest, dont le centre est Prizren. Les deux plaines sont séparées par une zone de collines, semi-montragneuse. Le Kosovo, avec ses 10.877 km², a une superficie a peu près égale au tiers de celle de la Belgique. Sa densité démographique de 175 habitants par km² en fait un territoire à la population relativement dense. On estime que la population du Kosovo est d’environ 1,9 million d’habitants. Cette population est très jeune : 33% a moins de quinze ans ; 6% seulement a plus de 65 ans. Entre 350.000 et 400.000 Kosovars vivent à l’étranger, surtout en Allemagne, en Autriche et en Suisse. D’après des estimations récentes de l’OSCE, 91% de la population du Kosovo est albanaise, 5% est serbe et les derniers 4% sont constitués d’autres minorités, surtout des Tziganes et des Turcs. A la suite des élections parlementaires du 17 novembre 2007, que les Serbes ont boycottées, le PDK, ou « Parti Démocratique du Kosovo », formation du chef de l’opposition Hashim Thaçi, est devenu la principale force politique du pays. Une semaine après ces élections, ont commencé les ultimes négociations entre Serbes et Albanais du Kosovo à Baden près de Vienne. Elles se sont terminées le 28 novembre 2007 sans qu’un accord n’ait été conclu. Après cet échec, le Président Sejdiu a exclu toute poursuite des négociations avec la Serbie et a annoncé que la seule alternative serait de proclamer bien vite l’indépendance du Kosovo.
C’est ainsi que l’indépendance du Kosovo est devenue une probabilité toujours plus grande, même si la Serbie, et son allié traditionnel, la Russie, ont annoncé que ce ne serait pas sans conséquences. Les Albanais du Kosovo reçoivent le soutien des Etats-Unis et de l’Union Européenne. Même l’ancien ministre allemand des affaires étrangères, l’écologiste Fischer, n’hésite pas à transgresser certaines règles diplomatiques et à propager l’idée d’un Kosovo indépendant. Mais l’histoire nous enseigne toutefois que le Kosovo est le cœur même de la Serbie.
Une histoire sanglante
Ce n’est pas sans raison qu’un homme politique macédonien, il y a quelques années, qualifiait les Balkans de « débris d’empires ». Longtemps peuplé de populations de souche illyrienne, le Kosovo est devenu la patrie des Serbes, une population slave méridionale. Au départ, le Kosovo a été le centre de la Serbie médiévale. Le biographe de Charlemagne, Eginhard, mentionne déjà la Serbie en 822. L’Albanie n’apparaîtra dans les textes médiévaux qu’en 1272, après qu’elle eût été fondée par Charles d’Anjou. Avant l’occupation ottomane à la suite de la défaite serbe du Champ des Merles en 1389, aucune chronique n’évoque d’Albanais en Serbie. Ce n’est qu’après l’occupation complète de la Serbie par les Turcs musulmans que les Albanais pénètrent dans cette région située au nord de leur zone de peuplement, après avoir adhéré en masse à la religion islamique. Les historiens albanais voient dans les Albanais des descendants des Illyriens, ce qui est cependant contesté. Les Serbes quittent le pays par vagues, ce qui diminue leur pourcentage au sein de la nouvelle population.
A la suite des avancées des troupes du Prince Eugène de Savoie-Carignan, qui battent les Turcs, les Serbes se soulèvent au Kosovo et font payer cher aux occupants ottomans les avanies que ceux-ci leur avaient fait subir. La « Grande Migration » de 1690 mena beaucoup de Serbes sur le territoire de l’actuelle Croatie, où les souverains autrichiens les utilisèrent comme paysans-colons et garde-frontières, dotés de privilèges, le long de la frontière militaire austro-ottomane, afin de prévenir et contenir toute nouvelle invasion turque.
En 1871, le rapport était de 318.000 Serbes pour 161.000 Albanais au Kosovo. Tandis que la Serbie était devenue complètement indépendante en 1878, la domination turque au Kosovo ne se termina qu’en 1912. Dans les dernières années de l’occupation ottomane, la terreur anti-serbe alla crescendo, tant et si bien que peu avant que n’éclate la première guerre mondiale en 1914, il n’y avait plus que 90.000 Serbes dans la région. Pendant la seconde guerre mondiale, la Kosovo appartenait à l’Albanie qui était protectorat italien. Tandis que les Serbes sont demeurés jusqu’à nos jours assez germanophobes, l’Allemagne était généralement adulée chez les Albanais. Il y eut même une division de Waffen-SS constituée de volontaires albanais (la Division « Skanderbeg »).
Après 1945, le chef de la nouvelle Yougoslavie communiste, Tito, interdit aux Serbes de revenir sur le territoire du Kosovo, alors qu’il laissait les frontières entre la Serbie et l’Albanie ouvertes, ce qui entraîna l’immigration de 100.000 Albanais sur le territoire kosovar, sous souveraineté yougoslave. Sous Tito régnait un véritable embargo sur toutes les informations en provenance du Kosovo. Finalement, la minorité serbe subit ouvertement attaque sur attaque, ce qui, d’après des sources américaines, a entraîné l’exode hors du Kosovo de quelque 60.000 Serbes entre 1972 et 1982. En 1974, le régime titiste accorde une autonomie élargie aux Albanais du Kosovo. Cette autonomie fut annulée en 1989 après l’énorme vague d’indignation qui secoua la Yougoslavie après que les Albanais eurent commis des viols en masse et des voies de fait contre des concitoyens non albanais au Kosovo.
Dans les années 90, l’UçK se constitue grâce aux appuis que lui procurent les services secrets américains. L’UçK entendait systématiser la terreur pour parvenir à un Kosovo indépendant. L’appareil policier serbe riposta, avec toute la rigueur voulue, en 1999. L’exode des Albanais du Kosovo vers l’Albanie fut le prétexte saisi par l’OTAN pour intervenir militairement contre la Serbie. En Allemagne, le gouvernement rouge-vert de l’époque participa allègrement à cette violation flagrante du droit des gens, déguisée en « action de représailles », alors qu’un pays de l’OTAN comme la Grèce a eu le courage d’exprimer à l’égard de la Serbie sa « solidarité orthodoxe » et de rester neutre. Depuis 1999, 16.000 soldats de la KFOR, sous le commandement de l’OTAN, sont stationnés au Kosovo, dont 3500 militaires de la Bundeswehr allemande. Malgré cette présence, personne ne s’attend à une relance économique de la province, vu le taux de chômage de 70% qui y règne.
Aujourd’hui, on parle d’installer au Kosovo un protectorat américain supplémentaire, après que l’expérience bosniaque se soit, elle aussi, avéré un fiasco total. Dans le nouveau cabinet kosovar, on constate, par exemple, que le ministère de l’énergie sera confié à l’économiste Justina Pula-Shikora, qui avait travaillé jusqu’ici à la fameuse Fondation Soros à Pristina. L’Etat du Kosovo ne sera donc jamais qu’une marionnette aux mains de Washington. Pour amadouer le gouvernement de Belgrade, on promet aux Serbes qu’ils pourront adhérer à l’UE. Le contribuable allemand ira bien entendu de sa poche pour financer ce marché de dupes.
Un avenir sanglant ?
Il serait tout à fait incongru d’appliquer des critères centre-européens dans une région comme les Balkans. Sur le plan historique, le Kosovo a appartenu politiquement, depuis toujours, à la Serbie. Mais la Voïvodine, très fertile sur le plan agricole, appartenait jadis ethniquement à la Hongrie et est aujourd’hui peuplée majoritairement de Serbes. Quant aux Serbes de Bosnie, qui menacent de proclamer leur propre Etat indépendant sur le territoire bosniaque, ils ne sont arrivés là qu’à partir du 16ième siècle. Beaucoup d’entre eux venaient d’ailleurs du Kosovo. Il faut aussi se rappeler qu’une grande partie des 600.000 Serbes qui ont vécu pendant plusieurs siècles en Krajina, un territoire croate, ont quitté la Croatie après l’opération « Tempête » du Général Ante Gotovina en 1995.
Le mieux, à l’évidence, est de trouver des solutions pacifiques à cet imbroglio, prévoyant des entités ethniquement homogènes et cohérentes sur le plan territorial. On pourrait éventuellement procéder à des « échanges territoriaux » et à des compensations matérielles. Or ce sont précisément des solutions pacifiques de ce type-là que l’Occident, avec les Etats-Unis en tête, a sans cesse torpillé. Car finalement l’existence d’entités étatiques fragiles sert l’hégémonisme global. Les faiblesses intérieures entraînent la dépendance en politique extérieure. Cette réalité vaut sur le plan de la domination culturelle comme sur celui de la domination économique, ce que démontrent notamment les privatisations au profit de consortiums étrangers en Bosnie et au Kosovo. Ce dernier détient, soulignons-le, les plus grandes ressources en minerais divers d’Europe. Les Balkans ont toujours eu une grande importance géopolitique et, au beau milieu de ceux-ci, le Kosovo réunit à lui seul tous les atouts stratégiques de la péninsule. Il est à la croisée des voies de communications, à cheval sur les lignes de fracture de demain, quand il s’agira de maîtriser les sphères d’influence politiques et les réserves de matières premières.
L’offre serbe d’accorder une très large autonomie au Kosovo, d’accepter que se constitue une équipe de football kosovar indépendante et que la province aujourd’hui majoritairement albanophone dispose de représentations diplomatiques a été une offre correcte, une ouverture au dialogue intelligente et posée. Mais les Kosovars, excités par les Américains, ont exigé l’indépendance totale. Même si l’on raisonne en termes d’ethnies, de patries charnelles ou d’appartenance linguistique, on doit alors partir du principe minimal d’une partition possible et nécessaire du Kosovo entre la Serbie et l’Albanie. En effet, au nord de la rivière Ibar, la majorité de la population est serbe. En revanche, si l’on raisonne en termes d’histoire et de culture, cette partition est impensable pour les Serbes car la plupart des monuments religieux et des monastères serbes se situent au-delà de la rive sud de l’Ibar.
Si d’aventure le Kosovo devenait définitivement indépendant, les mouvements sécessionnistes auraient le vent en poupe dans le monde entier, ce qui constituerait un désavantage évident pour la Russie, principal adversaire géopolitique des Etats-Unis. La problématique du Kosovo montre, de manière exemplaire, que tout assemblage étatique multiculturel est, à terme, menacé d’éclatement et, qu’en fin de compte, seules les puissances extérieures à l’espace (« raumfremde Mächte ») profitent de leurs tensions intérieures. La protection qu’accordent les Etats-Unis aux Albanais musulmans du Kosovo ne tiendra qu’aussi longtemps que cela conviendra aux intérêts des cénacles dominants de New York et Washington. Si, un jour, les Albanais du Kosovo décidaient de mener leur politique à leur guise, ils devront vite déchanter et il ne leur resterait plus qu’à méditer un adage jadis forgé par Ernst Niekisch : « Celui qui a l’Amérique pour amie, n’a plus besoin d’ennemis ! ».
Safet BABIC.
(article paru dans « Deutsche Stimme », février 2008 ; cf. http://www.deutsche-stimme.de ; trad. franç. : Robert Steuckers).
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Franz Xaver Baader

27 mars 1765: Naissance à Munich de Franz Xaver von Baader. Ingénieur des mines de formation, il se révèle comme philosophe en 1814, quand il soumet un mémoire aux Empereurs d’Autriche et de Russie et au Roi de Prusse, afin de pérenniser l’idéal de “Sainte-Alliance” continentale. Pour forger définitivement ce bloc véritablement eurasien (avant la lettre!), Baader étudie la théologie et plaide pour un rapprochement entre le catholicisme occidental et l’orthodoxie russe, que Rome refusera. Baader deviendra ainsi un adversaire résolu de la Papauté romaine, ennemie de l’unification européenne et eurasiatique.
La théologie de Baader puise ses sources chez les Pères de l’Eglise et chez les mystiques allemands du moyen-âge. Hostile au cartésianisme et au rationalisme des Lumières, Baader croit à la révélation divine et pense que l’homme participe du divin, comme le pensaient aussi les mystiques médiévaux. L’homme est donc un être intermédiaire entre la sphère du divin et celle de la nature. L’homme est une part d’un donné préexistant, dont il s’agit de maintenir l’harmonie. L’Etat doit tenir compte de ce donné et ne jamais succomber aux sirènes des idéologies mécaniques qui se revendiquent fallacieusement d’un “état de nature” et d’un “droit naturel”. Les Etats doivent se donner des constitutions particulières, fruits organiques de leur propre histoire, et non pas viser à adopter tous un modèle préétabli, unique, de constitution, qui serait considéré comme une panacée valable en tous temps et tous lieux. Baader s’insurgera très vite contre les misères générées par la société industrielle et réclamera l’avènement d’un Etat qui ait une politique sociale bien définie, afin d’éviter la prolétarisation des masses. Franz Xaver von Baader meurt à Munich le 23 mai 1841.
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mercredi, 26 mars 2008
Nouvelle alternative à la mondialisation

Rodolphe LUSSAC:
Ni Davos, ni Porto Alegre: pour une troisième voie, nouvelle alternative à la mondialisation
D’un côté, Davos, la Mecque du patronat planétaire, le pèlerinage des ultra-riches, le séminaire des évêques de l’ultralibéralisme, nous donne la température de l’univers de l’argent-roi en direct de la capitale éphémère de la World Company. De l’autre côté, Porto Alegre, la grande ferme expérimentale, des hippies high-tec, des anarcho-libertaires recyclés, les gourous d’une humanité juste et paisible, les routards du tiers mondisme et les fidèles répliques du Che, pour nous donner mauvaise conscience et, en passant, laisser quelques larmes sur les favellas brésiliennes, histoire de comprendre quelque chose sur le fossé Nord-Sud. Bref à en croire les apparences, il s’agirait là de deux camps ennemis, hermétiques, bien retranchés, entre le camp des mondialistes et ceux du "non mondialisme". En fait, structurellement, sociologiquement, culturellement et même politiquement, il n’en est rien.
Le camp des mondialistes et celui des prétendus anti-mondialistes sont tous deux affectés par ce que l’on appelle, en sociologie, les vertus de "l’isomorphisme", c’est-à-dire qu’ils possèdent les propriétés structurelles analogues qui permettent une autorégulation et une conservation délétère du système dominant. D’un côté, la légitimité de Davos, de l’autre, la contestation de Porto Alegre, le tout saupoudré à la sauce médiatique et le tout est joué. Tous deux sont de vastes agents de socialisation à l’échelle internationale; ils fonctionnent dans une complémentarité fallacieusement hostile, comme des vases communicants par interposition médiatique. L’un comme l’autre de ces deux camps ont besoin de leurs coups de gueule, d’action spectaculaires pour jouir d’une notoriété médiatique. Il s’agit en fait d’un commerce médiatique. Les deux camps ont l’un comme l’autre besoin de leur façade antagoniste et agressive, pour se médiatiser et se vendre mutuellement, en inculquant systématiquement, d’une façon complémentaire, une culture spécifique et unique à l’échelon planétaire.
Jeunes rebelles sans cause
"Soutenir la croissance et réduire la fracture" le mot d’ordre de Davos. Les deux camps se confortent dans leur rôle de courroie de transmission médiatique réciproque; la participation de soixante-neuf représentants d’organisations non-gouvernementales et de nombreux syndicalistes au côté de représentants de multinationales, n’ont fait que refléter la promotion médiatique d’une version réformiste, humanisée des "globals leaders". Une forme de mondialisation sociale à l’écoute des plus défavorisés. De l’autre côté, à Porto Allegre on est bien loin des cocktails molotov, des affrontements, des gaz lacrymogènes et des voitures incendiés de Seattle et Zurich. Cette fois-ci, on a bien compris le message. A l’ajustement phraséologique de Davos ont répondu les accents institutionnels et réformistes d’une nouvelle forme de mondialisation à visage humain. Le mouvement des sans-terre, l’organisation Via Campesina, le mouvement ATAC, les rescapés de mouvements maoïstes, les crados anarcho-libertaires , les bolchos en tout genre et les étudiants ratés des campus de la nouvelle gauche, ont planché, répartis en cent ateliers, pour affirmer une plus grande participation de la société civile dans le commerce international. Bref les jeunes rebelles sans cause ont bien compris la leçon de leurs paternels. Le forum de Porto Alegre s’est terminé sans déclaration finale. Et pour cause, en l’absence de fondements suffisants pour une réflexion articulée et fructueuse, les participants n’ont fait que leur aveu d’impuissance et de leur incapacité de véhiculer une quelconque vision du monde, un quelconque projet de société, à part le fait de fumer du shit en communauté sous l’oeil bien veillant du Che et de la Passionaria. Le discours révolutionnaire a cédé le pas devant une stratégie réformiste qui rejoint le discours globalisant et rassurant d’une croissance soutenue des pontifes de Davos.
Macdonaldisation des styles de vie
En fait d’un point de vue culturel, Davos et Porto Allegre ne sont que l’alter ego, les deux faces prétendument opposées d’un seul et unique processus de mondialisation qui se propage à l’échelon planétaire, articulé autour d’une dualité complémentaire, le nivellement uniformisateur d’un côté et la micro-hétérogénéité anarchique de l’autre côté. En effet, la mondialisation propage la macdonaldisation des styles de vie, des normes de comportement, des musiques, des modes de consommation par un processus de nivellement culturel uniformisateur. Cette uniformisation est soutenue par les relais médiatiques et non gouvernementaux de la société civile qui propage subtilement le répertoire des normes et des valeurs des droits de l’homme, de la démocratie, de l’économie de marché, de la protection de l’environnement qui s’imposent aux quatre coins du monde. A cela vient se greffer la cyberspace et la hightech culturelle dernier cri.
En effet, d'un côté, on vend en quantité colossale des ordinateurs de dernier cri à des populations du tiers-monde, des représentants de l’élite locale, des intellectuels, des universitaires, des opérateurs sociaux culturels, qui en font la promotion et la commercialisation auprès de leur propre population en louant les vertus de la démocratie de marché, de l’écologie, du féminisme, etc. De l'autre côté, en réaction à la propagation de la culture consumériste et globalisante, se constitue des pôles culturels pseudo-contestataires, des groupes de pression souvent affiliés à des partis d’obédience socialisante voire communisante, qui prônent et génèrent un modèle micro-hétérogène culturel qui se manifeste dans toutes sortes de métissage, de crispations identitaires régionalistes, d’ethnicité , de prêt-à-porter spiritualiste, lesquels seraient bien sûr les remèdes et l’alternative à l’économie libérale, avec une redistribution plus juste des richesses, une solidarité internationale et une humanité plus juste, bref le tralala pleurnichard des alternatifs de tous bords.
Un échappatoire insuffisant et bricolé
En fait, ce camp contestataire est affecté par la maladie de l'hybridation, et ne constitue en réalité qu’un échappatoire insuffisant et bricolé à la culture Mcdonald de Davos, comme les larmoyants refrains sur le terroir pathétique de José Bové. Ce courant d’idée n’est que le rejeton de la mondialisation culturelle et ne peut être perçu comme un véritable mouvement de contre-modernité, car il procède des mêmes matrices individualistes, égalitaristes et économicistes qui font les piliers de la technocratie internationale. D’un côté, le monde de Davos serait une gigantesque Bourse mondiale avec toboggans entre les diverses places boursières mondiales, un argent facile et une frénétique spéculation où se délecteraient les yuppies débiles sur les start-ups du dernier modèle net, les sites, les portals, providers avec tous les barbarismes qui nous en mettent plein la figure: Yahoo, Wanadoo, Amazon, Vizzavi; dans ce parc d’attraction dernier cri, le décrochage définitif de la religion ultra-libérale par rapport à la ringardise économique et sociale de "l'archaïsme" socialo-humain s’opérerait par la promotion et la banalisation des nouvelles technologies, du monde virtuel et de la cyberconscience planétaire. De l’autre côté, le monde de Porto Allegre deviendrait une gigantesque rave party, avec le cannabis légalisé, où gigoteraient des générations entières de pacifistes décervelés, des gourous de l’humanisme techno, des raspoutines ethnos, au-dessus de laquelle s’élèverait un gigantesque nuage de fumée, du hashish recyclé pour préserver la couche d’ozone. Bref, la symbiose des deux mondes se fait par la vénération de l’hyperhédonisme et de l’ultra-rentabilité de milliards instantanés dans une ivresse collective, voilà l’alchimie du mondialisme réalisée, la pierre philosophale de la Word company enfin trouvée.
A l’ordre technocratique néolibéral des high tech trusts de Davos et l’hétérodésordre anarcho-soviet de Port Allegre, une Troisième voie s’impose, véritable alternative philosophique, métapolitique et économique qui soit une force de proposition, non seulement réactive, mais authentiquement et profondément matricielle. Cette nouvelle matrice se propose de :
Soumettre la modernité à un “Modulor”
- Ne pas rejeter la modernité mais repenser la modernité comme le résultat d’une dialectique entre la nature biologique de l’homme, l’organicité de la vie et les constructions de l’intelligence entre lesquels une équation étroite et asymétrique doit être établie au risque d’un débordement abstrait et incontrôlé du phénomène de la technicité, qui s’égare dans un désert d’artificialité, de dissymétrie et de stérilité. Comme chez Le Corbusier, la modernité serait soumise à un "Modulor", une unité de mesure dont les valeurs proportionnelles sont basées sur le corps humain et sur le corps organique social.
- Dénoncer l’imposture libérale qui, depuis Kant, Adam Smith, en passant par Milton Friedman, Hayek et la théorie de la justice de John Rawls, en vient à générer un véritable darwinisme social sous l’appellation sordide d’égalité des chances, processus dissolvant de toute forme de solidarité sociale où le rôle de l’Etat disparaît pour laisser place à la suprématie techno-financière des grands trusts transnationaux;
-La mondialisation est le fruit de ferments individualistes qui, depuis la révolution française et l’avènement du règne de la bourgeoisie mercantile, désintègre tout lien social et empêche toute forme de société d’évoluer organiquement de manière responsable et disciplinée.
Réintroduire le civisme et le loyalisme
L’absence de contrôle social engendre une irresponsabilité collective et individuelle croissante. Face à cette contagion individualiste, la crispation sécuritaire et la répression s’organise à l’échelon planétaire pour contenir la montée de l’incivisme et de la criminalité pandémique. C’est la nouvelle "guerre civile" localisée dont a parlé Hans Magnus Enzensberger, une forme de "brutalisation de la société" qui est le fruit conjugué de l’anomie généralisée, de l’idéologie sécuritaire et l’individualisme moderne. L’homme est dualité: tourné vers le dedans et membre de la cité, sa tragédie intérieure comme son drame politique découlent de cette double et contradictoire orientation; toute vraie politique, toute religion , tout mythe qui prétend ignorer l’un des deux aspects ou supprimer l’une des appartenances est malfaisant. L’être humain et son milieu réagissent en symbiose; c’est pourquoi il sera prioritaire de réintroduire dans les sociétés contemporaines le civisme et le loyalisme des citoyens, comme premier fondement d’une refonte globale du système.
- Face à la conception économiciste, mercantile et sociétaire de la vie sociale et individuelle, face à la sclérose et le déficit des institutions démocratiques qui se manifestent dans la structure des partis politiques et dans les méthodes de travail parlementaire, il convient de restaurer la suprématie de la sphère politique sur celle de l’économique, une politique au service du bien-être général, qui au-delà des clivages politiciens, de l’impuissance, de la gabegie, des luttes partisanes stériles saura sagement combiner l’autorité et la liberté, la hiérarchie et la justice sociale. Ainsi, le primat du politique en tant qu’incarnation d’une "polis" régénérée, saura écarter le plus insidieux et le plus nocif abus de pouvoir commis en Occident qu’est le "scientisme politique", cette prétention du rationalisme qui veut que la raison réglerait seule toutes les relations de la collectivité. Cette restauration du politique, terrain de communion, agira comme principe d’unité spirituelle, comme symbole unificateur d’une nation et ultime ancrage d’une adhésion à la famille de chaire et de sang que sont les nations.
-Dénoncer l’utopie conservatrice et réactionnaire du progrès. Depuis, Marx, Darwin, Rousseau, puis Fukuyama, le courant progressiste, qui croit en un progrès linéaire et continu de l’humanité, confondu avec les performances de l’informatique et des hautes technologies, nous annonce la fin de l’histoire. Or l’histoire même, les guerres, les génocides apportent un démenti radical à l’idée de progrès et même à l’idée de providence. Le mal pourrait se transformer en bien, or la crise de l’idée de progrès résulte de la crise de la représentation du mal, d’un dérèglement de la dialectique du mal et du bien, corroboré par l’absence de représentation du point de démarcation entre le bien et le mal. Toute la philosophie du progrès est à revoir.
Une vision synecdotique et métonymique de l'univers
- Devant l’anti-historicisme de la pensée contemporaine, il convient de réinstaller au cœur de la vie des peuples le sens de l’histoire. L’histoire conçue comme un phénomène culturel, métapolitique et organique indispensable dans la vie et l’affirmation de l’être collectif que sont les peuples, laquelle est une succession de conflits, de mélanges entre le pouvoir consensuel et le pouvoir absolu, la liberté et la contrainte, l’égalité et la hiérarchie, l’initiative et le contrôle multiple, la fraternité et la terreur. L’histoire s’inscrit dans une vision "synecdotique et métonymique de l’univers" qui, dans un espace-temps donné, est le vecteur d’une mise en forme et le moteur d’un ordre de choses, expression d’un espace symbolique collectif, qui tire ses sources d’une dialectique conflictuelle entre le conscient et l’inconscient collectif des peuples.
- A l’idée illuministe et utopique d’une humanité au singulier, substituer le concept d’une universalité régénérée par les valeurs de pluralité, de noblesse et de dignité, une humanité en tant que jonction solidaire et organique entre l’individu, la communauté et leur intégration harmonieuse dans l’espace-temps.
Attirer l'adhésion volontaire des peuples
- Substituer à la conception gestionnaire libérale de l’Etat, la conception et la fonction anagogique de l’Etat souverain, comme créateur de valeurs et de concepts transcendantaux, capables d’attirer l’adhésion volontaire des peuples.
-Dans la lignée de Hobbes et de Bodin, réhabiliter l’idée schmittienne du "nomos", d’un enracinement territorial de l’Etat moderne, à vocation universelle qui supplanterait les mécanismes artificiels multinationaux et régionaux qui servent l’uniformité mondialiste.
-A la suprématie de "l’international law", en vigueur et d’essence anglo-saxonne, en tant que droit international général, impersonnel, uniformisateur, abstrait et indifférencié, le plus souvent instrumentalisé par les puissances dominantes, il conviendra de procéder à une refonte juridique européenne, qui instituera un droit des peuples et des gens générateur d’un ordre de rapports organiques et différenciés entre les nations européennes, garant du respect de la pluralité, de la gradation fonctionnelle et de l’autonomie relative de chaque sujet et composante nationale. Un droit "éminent, central et de souverainetés partielles " —imperium eminens et jus singulare—, en vertu duquel il sera possible d’appliquer le principe pondéré des nationalités qui se substituerait aux divisions et aux inégalités générées par l’actuel "international law".
Hypertrophie logocentrique et refoulement du mythos
-Nous assistons, depuis l’ère philosophique socratique, à une contagion de l’hypertrophie logocentrique, marqué par le phénomène du "refoulement du mythos par le logos", lequel a précédé ce que Heidegger a appelé "la domination du logos", le règne du concept de la raison discursive et narrative précédant la période du nihilisme occidental. A cette image contemporaine logocentrique en laquelle un Logos construit le centre du monde, pour reprendre une expression de Ludwig Klages, il convient de substituer une nouvelle forme de déconstructivisme philosophique comme paradigme d’un nouveau nihilisme actif. Il ne s’agit pas ici d’opposer le "mythos", le langage en "état stationnaire", au soi-disant "logos" , " le langage en processus", car la démonstration irréfutable a été faite que le logocentrisme depuis les Lumières, et jusqu'à nos jours, a été contaminé par un esprit de vengeance et de ressentiment, ce que Gabriel de Malby, à la veille de la révolution, illustrera par ces termes: "Vengez les droits de l’homme, c’est à quoi se réduit la poétique de l’histoire". De sorte que le logocentrisme de la philosophie contemporaine est devenu l’une des expressions les plus conservatrices et les plus totalitaires dans l’interprétation de la vérité et du monde. Il convient donc de substituer à cette interprétation logocentrique du monde une interprétation "épochale" de la vérité et du monde, permettant un retour à l’essence humaine, conçue non pas comme une hégémonie de la présence, mais comme la perception active d’un perpetuum mobile de la remontée vers l’en-deçà de l’abaissement et de la réduction logocentrique. Cette position déconstructiviste ouvrirait la voie vers une forme de philosophie active, qui pour combattre les théories totalitaires, ne l’affronte pas par un affrontement critique mais par le biais d’une pensée créatrice, qui dépasse, transcende les oppositions, les contraires vers une forme de synthèse totale.
Le rôle actif, créateur et novateur du mythe
-Réinstaller dans l’histoire collective des peuples le rôle actif, créateur et novateur du mythe. Non pas le mythe conçu comme l'image archaïque et stationnaire, passéiste, d’une figure fondatrice, mais comme le vecteur de nouvelles potentialités créatrices à l’oeuvre dans l’inconscient collectif et individuel des peuples. Même si, selon la définition de Lévi-Strauss, le mythe a longtemps été considéré comme une onde stationnaire, il est néanmoins certain que cette onde stationnaire est soumise à des ruptures. La rupture dans l’histoire contemporaine consiste dans le clivage entre l’entropie du mythe prométhéen progressiste et utopique des sociétés contemporaines et les leçons qualifiées comme "régressives" de l’histoire, ponctués d’événements tragiques à rebours d’un sens linéaire et progressiste de l’humanité. Tout comme le langage, dont Deleuze et Foucault ont démontré qu’il s’agissait d’un composé de rapport de force, nous assistons, à l’époque contemporaine, à une scission entre le théâtre des énoncés c’est-à-dire, la glose médiatique et conformiste promettant la fin de l’histoire et l’avènement du bien-être de l’humanité entière, et la réalité du champ de visibilité quotidien c’est-à-dire l’actualité cruelle de tous les jours, une scission entre le primat du parler et de la penser unique et de l’irréductibilité du visible. C’est précisément à l’intersection de cette scission, que nous entendons restaurer le rôle créateur du mythe, non plus comme une onde stationnaire, mais considéré comme une onde dynamique et dialectale d’un rapport de forces.
Non pas le mythe fondateur de jadis mais une nouvelle forme de "mythe constitutif" et dynamique, constitutif de "jus terrae", projection archétypale du "jus spiritus", substituant au processus de la sécularisation de l’histoire et à sa réduction à une forme d’engineering realpoliticien et calculateur, la matrice et support d’un nouveau droit, facteur "historicisant", d’une affirmation souveraine, d’une négation radicale, d’une confrontation constante de forces opposés et irrationnelles en perpétuel devenir. Le "logos" mondialiste, qui désagrège les continuités naturelles et historiques, crée des séismes épistémologiques, marqués par le signe de l’inadéquation. Lorsque l’on entre dans le champ de la mondialisation technicienne, nous s’assistons plus aux transmutations mais à l’action des forces mutilantes, et au règne des mutations brutales.
Le logos mondialiste élimine le rôle cognitif de l'imagination
A la relation corps-âme-esprit de l’univers du "mythos" se substitue l’inéluctabilité d’un dualisme foncier qui relègue l’imagination et l’inconscient à la folie. Car l’espace du "mythos" est l’espace de la transmutation qui ne s’épanouit que par l’imagination. Notre nouveau mythe constitutif voyage à travers d’autres cultures qu’il assimile par l’espace de transmutation. C’est-à-dire que la convergence s’opère au plan des symboles. La transmutation du "mythos" possède une faculté transfiguratrice en vertu de laquelle un symbole, un archétype, sort de sa propre constellation, passe à la suivante, s’y installe, en subit l’impact mais retrouve sa propre origine et longueur d’onde, sans dégrader le champ d’allégorie et sans mutilation. Le "logos mondialiste" élimine le rôle cognitif de l’imagination en lui substituant le langage virtuel. Dès lors, à la transmutation des formes symboliques se substituent des mutations de toutes espèces, avec l’explosion de contenus étrangers dans des formes inadéquates à les contenir et le résultat est l’apparition de formes hybrides, des monstres de Frankenstein, un bricolage idéologique produisant des amalgames construits des plus pervers. Seul le "mythos" qui conquiert, digère et intègre par voie de transmutation est en mesure de parvenir et de faire croître le "telos" des grandes cultures universalisantes.
Face aux passéismes oniriques des souverainistes et l’absence de vision d’avenir des technocraties gouvernantes, le seul choix historique est désormais entre l’Europe, en tant que communauté spirituelle de nations unies par la même histoire, la même culture et le même destin, et l’ultralibéralisme américain fondé sur le consumérisme cosmopolite. A la rhétorique médiatique dominante, pleurnicharde et fallacieuse quand elle évoque le fossé Nord Sud, le fossé entre riches et pauvres, il conviendra de dénoncer prioritairement le génocide culturel et identitaire européen. C’est pourquoi, l’européanisation indispensable des nations européennes se fera sous la forme de cercles concentriques qui, de façon centripète, agiront à partir des axes "piémontais" franco-germanique, germano-mitteleuropéen, et germano-russe, fondement de l’unité et de l’idéal symphonique grand européen.
Rodolphe LUSSAC.
00:35 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique | |
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mardi, 25 mars 2008
Eurasia come destino
Eurasia come destino
Luca Leonello Rimbotti
Quello che ci domina non è un Impero. L’America ha un esercito e un’industria molto forti: ed è tutto. Le sue multinazionali - assai più agevolmente dei suoi eserciti - occupano qua e là nazioni e intere aree. Poi, però, l’America perde sempre la pace. Contrariamente a quanto ne pensano Luttwak, il geostratega dei finanzieri, oppure Toni Negri, il parafilosofo della borghesia parassita, gli USA non sono affatto un Impero, ma la sua grottesca parodia: non un segno di interiore potenza, non un cenno di superiore civiltà, nessun grandioso disegno valoriale, che non sia l’ottusa ripetizione di una vuota parola, in cui non crede più nessuno: democrazia, solo e sempre lo stesso logoro slogan.
Il disegno politico di opporre al Nulla planetario la sostanza di un vero Impero portatore di tradizione culturale, di civiltà e di autentico potere di popolo ha i confini precisi dell’Eurasia. In quello spazio geostorico che va da Lisbona a Vladivostok - l’Europa decenni or sono indicata da Jean Thiriart - numerose intelligenze politiche europee dell’ultimo secolo hanno visto la giusta risposta agli interrogativi posti dalla moderna politica mondiale. Se proprio quest’anno si ricordano i cento anni della conferenza londinese in cui Sir Halford Mackinder gettò le prime basi della moderna geopolitica, è proprio per rammentare che fin da allora l’Eurasismo poté dirsi una via ideologica e politica prettamente europea. Si voleva la risposta del blocco di terraferma nei confronti della talassocrazia mercantilista anglo-americana, già allora ben delineata. Behemoth contro Leviathan. La schmittiana, solida e immutabile Terra, contro il liquido, infido e mutevole Mare. Oppure, per dirla con le parole antiche di Pound: contadini radicati al suolo contro usurai apolidi. L’Eurasismo è il disegno geopolitico di assicurare l’Asia centrale all’Europa, per farne un blocco in grado di reggere la contrapposizione con il mondo occidentale-atlantico.
Antica idea russa, questa. I Russi avevano - (hanno?) - come una doppia anima: temono l’Asia (specialmente l’Asia gialla), ma ne amano il mistero, gli spazi. Dostoewskij ben rappresenta quest’angoscia russa. Maksim Gorkij, ad esempio, che pure stava dalla parte dei bolscevichi, era terrorizzato dalla possibile mongolizzazione della Russia bianca. Savickij invece, uno dei primi “eurasisti”, proclamava l’Oriente come fatale terra del destino europeo. Per parte sua, Karl Haushofer - lo studioso tedesco che con Ratzel fu il vero fondatore della geopolitica - aveva un’idea ben chiara: “Europa alleata della Russia contro l’America”. Intorno a questa nuova scienza - la geopolitica - da lui energicamente divulgata, si ritrovarono in molti.
L’Eurasismo come movimento politico storico fu cosa effimera: nato nel 1921 a Sofia per iniziativa di alcuni russi fuggiti dalla rivoluzione, si diceva erede dei vecchi slavofili: sognavano una grande Russia eurasiatica avversa all’Occidente. Cristiani ortodossi, alla maniera di Spengler pensavano che l’Occidente stesse tramontando e che al suo posto dovesse sorgere la “terza Roma” moscovita. Ma già nel 1927 l’organizzazione, infiltrata dai bolscevichi, sparì dalla scena. Ma non le sue idee. Che l’Europa dovesse sottrarsi all’egemonia anglosassone e al crescente predominio americano, appoggiandosi invece alla Russia e al suo prolungamento asiatico, rimase una convinzione diffusa. Il nazional-bolscevismo fu una viva espressione di questa tendenza, soprattutto nella Germania di Weimar, ma anche nell’URSS. Furono in diversi - a cominciare da Ernst Niekitsch - a pensare a una forma di comunismo nazionale e a un asse Berlino-Mosca, per creare una nuova forma di politica europea macro-continentale. E persino Alfred Rosenberg rifletté su un blocco russo-germanico. Erano orientamenti politici, ma al di sotto si animavano forti suggestioni culturali. L’Asia centrale, il Tibet, la Mongolia: realtà mitiche e mistiche, di cui alcuni personaggi subivano uno strano fascino. Era la terra magica del “Re del Mondo”, una specie di ombelico terrestre che si diceva racchiudesse tradizioni, saperi, occulte potenze. Questo mito era alimentato da figure al limite del fantastico: Roman Ungern-Sternberg, ad esempio. Detto Ungern Khan, questo bizzarro barone baltico combatté l’Armata rossa in Asia centrale, organizzò un esercito di cosacchi, mongoli, tibetani, siberiani, puntando all’erezione di un Impero teocratico di tipo lamaista in Eurasia. Claudio Mutti riporta che egli avrebbe ereditato, come potente talismano, nientemeno che il misterioso anello con la svastica che era stato di Gengis Khan.
Ma ci furono anche eminenti studiosi che videro nell’Asia centrale il fulcro di una forza che l’Europa avrebbe fatto bene ad assicurarsi. Giuseppe Tucci, grande orientalista, promosse studi, viaggi, contatti, fondò istituti e riviste, si disse convinto che il patrimonio di conoscenze esoteriche di cui l’Asia è detentrice dovesse far parte della nostra cultura: “Io non parlo mai di Europa e di Asia, ma di Eurasia”. Ma si può ricordare anche l’etnologo e geografo svedese Sven Hedin - tra l’altro, noto ammiratore di Hitler - che vagò per tutta la vita nell’Asia centrale alla ricerca delle sue più arcane tradizioni. E sulle tracce di un Tibet lontano padre del mondo ariano si misero, in quegli stessi anni, anche studiosi e ricercatori delle SS. A tutto questo si intrecciano interi brani di quella cultura alternativa, animata dall’esoterismo tradizionalista, che può riassumersi negli studi in materia portati avanti da Guénon o da Evola. E per molti decenni fu Lev Gumilëv, storico dei popoli della steppa, a lungo perseguitato dai sovietici, a elaborare il modello eurasiatico e a rilanciarlo anche in epoca post-comunista. Ma la geopolitica, erede della “geografia sacra” e così ricca di retroterra sapienziale, è soprattutto realtà. E’ la scienza che lega economia, storia e geografia: i popoli devono seguire le vie della loro collocazione, non quelle degli interessi dettati dall’internazionalismo finanziario. La geografia è quella: immutabile nei secoli, e i bisogni dei popoli ne sono la diretta conseguenza.
Da un po’ di tempo, sotto la spinta negativa dell’espansionismo americano-atlantista, si è avuto un ritorno della concezione geopolitica e, di conseguenza, dell’Eurasismo. Nella Russia post-comunista, una forma di Eurasismo è rinata per iniziativa di Aleksandr Dughin, che nel 1992 fondò la rivista “Elementy”, recante il sottotitolo “rassegna eurasista”. E tuttavia, il suo è un Eurasismo differente da quello religioso e conservatore degli anni venti. Dughin si è rifatto alla Rivoluzione Conservatrice tedesca - di cui Karl Haushofer era stato leader in materia di geopolitica - oppure a quell’ambiente della Nuova Destra europea (De Benoist, Steuckers) che ha fatto della scelta europeista anti-americana un suo cardine: rompere con l’atlantismo filo-americano, che sta portando i popoli alla rovina. Guardare invece a est, alla Russia, e a tutto quell’enorme bacino centroasiatico, dalle cui potenzialità ancora inespresse potrebbe partire un progetto di antagonismo politico di portata mondiale.
L’Eurasia non è una trovata dell’ultima ora. Quella di guardare alla Scizia, al Caucaso o addirittura alle Indie è un’antica nostalgia europea. Oggi la geopolitica ci ricorda che i bisogni, la collocazione e la terra dei nostri popoli europei sono i medesimi di duemilacinquecento anni fa. Solo che, nel frattempo, e in nome di interessi estranei, lontani e pericolosi, la nostra identità viene per la prima volta nella storia minacciata molto da vicino. La geopolitica e l’Eurasismo servono a ricordarci che l’Europa ha in mano la possibilità di gestire uno spazio imperiale omogeneo territorialmente e culturalmente, bene in grado di fronteggiare l’imperialismo atlantista-occidentale, e che questo grande spazio aspetta solo di essere organizzato da una volontà politica. Poiché l’Europa si merita un destino europeo.
* * *
Tratto da Linea del 4 Luglio 2004.
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lundi, 24 mars 2008
Quand les Turcs ravageaient le Frioul

Archimede Bontempi:
Quand les Turcs saccageaient le Frioul
Pier Paolo Pasolini, qui était Frioulan (et fier de l'être), a toujours gardé le souvenir des histoires que la tradition orale et populaire lui avait légué; plus tard, il a lu les documents conservés dans les archives municipales de sa province. Ces souvenirs et cette lecture l'ont conduit à écrire une pièce de théâtre, où transparaît toute son émotion, I Turcs tal Friûl, dans laquelle il a introduit une prière rappelant les invasions les plus effrayantes de ces cinq derniers siècles, remémorées par les documents d'archives de notre Europe. Cette œuvre dramatique de Pasolini est l'une des rares pièces jamais rédigées sur l'invasion et l'oppression subie par le peuple frioulan, face aux Ottomans. Quels ont été les faits historiques?
Les premières pressions ottomanes sur la Padanie orientale remontent à plus de 500 ans, quand les troupes d'Osman Bey amorcent une série d'incursions terribles en partant de leurs bases en Bosnie, terre où ils se sont installés après le succès de l'invasion menée personnellement par le Sultan Mourad I et la défaite de l'armée serbe au Champs des Merles au Kosovo-Métohie en 1389.
En 1415, l'armée ottomane soumet la Slovénie (terre impériale!) et des bandes d'irréguliers bosniaques et albanais pénètrent dans le Frioul pour en saccager les campagnes. Ils n'osent pas encore s'approcher des villes, bien défendues par les troupes de la Sérénissime. En 1472, pour la première fois, une armée régulière ottomane se présente aux frontières. Huit mille cavaliers turcs franchissent l'Isonzo et arrivent aux portes d'Udine. Leur nombre est toutefois insuffisant pour disloquer les défenses frioulanes. Ils se contentent de décrocher en emportant leur butin et les esclaves qu'ils ont capturés au sein de la population. Venise sent le danger et ordonne la construction d'une ligne de fortifications entre Gradisca et Fogliano et d'un mur entre Gradisca et Gorizia. Cinq ans plus tard, le 31 octobre 1477, une véritable armée bien structurée attaque le Frioul, déjà éprouvé en août par une invasion de troupes de cavaliers, légères et mobiles. Lorenzo de Papiris nous narre cette attaque dans une chronique conservée dans les archives du chapitre d'Udine. L'avant-poste de Cittadella sur l'Isonzo tombe; les Ottomans se répandent dans le Frioul. Vieillards et enfants sont systématiquement massacrés. Les garçons et les femmes sont enlevés pour être réduits en esclavage dans l'Empire ottoman. Au printemps suivant, les hordes turques pénètrent en Carniole et en Carinthie, terres germaniques et impériales, pour y commettre les mêmes déprédations. Ces attaques sont les premières escarmouches dans une longue série d'invasions.
1499: le Frioul ravagé et incendié
Dans la nuit du 28 septembre 1499, une armée de 30.000 hommes, commandée par Iskander Bey, vient renforcer les bandes d'irréguliers bosniaques, albanais et tziganes qui écument les campagnes à la recherche de butin et d'esclaves. Les 30.000 hommes d'Iskander Bey franchissent l'Isonzo, assiègent la forteresse de Gradisca, où se sont retranchées les troupes de la Sérénissime. Tout le Frioul est incendié: du haut des clochers de San Marco à Venise, on pouvait voir rougir les flammes des incendies allumés par les Ottomans dans toute la plaine, de la Livenza jusqu'au Tagliamento. Les flèches incendiaires, enduites de soufre, n'épargnaient ni les petites bourgades ni les fermes isolées. Les Ottomans assiègent ensuite Pantanins. Aviano, Polcenigo, Montereale, Valcellina et Fono tombent les unes après les autres. Morteglan, solidement fortifiée, résiste, mais un tiers de la population est tué ou déporté. Selon le haut magistrat vénitien Marin Sanudo, 25.000 Frioulans disparaissent durant cette invasion. Marco Antonio Sebellico, de Tarcento, écrit que toute la plaine entre l'Isonzo et le Tagliamento n'est plus qu'un unique brasier. Aujourd'hui encore, une stèle rappelle l'événement à la Pieve de Tricesimo: «…et le dernier jour d'octobre, les Turcs ont franchi l'Isonzo pour venir ensuite brûler notre patrie de fond en comble».
La valeur militaire des estradiots serbes
Les seules troupes capables d'opposer une résistance réelle aux Ottomans ont été les estradiots (ou stradiotes) serbes et grecs qui combattaient pour le compte de la Sérénissime. Ces troupes réussirent à tuer mille Ottomans dans les durs combats sur la plaine d'Udine. Elles connaissaient bien les techniques de combat des Turcs: de rapides incursions de cavaliers, qui criblent leurs cibles de flèches incendiaires, puis feignent de se retirer, pour ré-attaquer avec la rapidité de l'éclair. Les estradiots étaient capables de contrer cette stratégie, propre des peuples de la steppe. Ils ont aussi été utilisés contre les alliés des Turcs, les Français, en pénétrant les rangs de la cavalerie lourde pour en disloquer les dispositifs.
Le 4 octobre, comblés de butin et d'esclaves, l'armée ottomane s'apprête à repasser le Tagliamento, mais la rivière est en crue et tous les prisonniers ne peuvent se masser sur les bacs et radeaux. Pour ne pas s'en encombrer, Iskander Bey en fait égorger plus de mille sur les rives du Tagliamento. Le gros de l'armée passe à côté de Sedegliano, assiège le château de Piantanins, et met un terme à la résistance désespérée des Frioulans, commandés par Simone Nusso de San Daniele, qui, capturé, sera empalé par les vainqueurs. Le château est complètement rasé.
Le Frioul mettra de très nombreuses années pour se remettre de ces ravages. Le Doge de Venise, Agostino Barbarigo, à la demande des nonnes d'Aquileia, exempte de nombreuses communes de l'impôt. Le Sultan Bajazet II, plus tard, reprend cette guerre d'agression contre Venise sur terre et sur mer, avec l'appui de la France, allié traditionnel des Ottomans. Marco d'Aviano, prédicateur de réputation européenne, qui s'était distingué pendant le siège de Vienne en 1683, n'a jamais cessé de puiser des arguments historiques dans les chroniques frioulanes relatant ces invasions. C'est ce qu'il a fait quand il exhortait les troupes de l'armée européenne qui s'apprêtaient à libérer l'Europe du Sud-Est de la domination turque. L'écrivain contemporain Carlo Sgorlon retrace la biographie de ce prédicateur thaumaturge dans son roman Marco d'Europa.
Archimede BONTEMPI.
(article paru dans La Padania, le 20 octobre 2000; http://www.lapadania.com ).
00:58 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : affaires européennes | |
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