jeudi, 26 novembre 2009
Ukraine: triste fin de la "révolution orange"
Bernhard TOMASCHITZ :
Ukraine : triste fin de la « révolution orange »
Youchtchenko n’a plus guère de chances pour les prochaines présidentielles : on s’attend à un duel Timochenko/Yanoukovitch
Le 17 janvier 2010, l’Ukraine se choisira un nouveau président. L’actuel président Voctor Youchtchenko, qui lutte pour sa réélection, n’a pas beaucoup de bonnes cartes dans son jeu. Dans les sondages, il ne fait pas de scores mirobolants et doit se contenter de taux d’approbation qui frisent les pourcentages à un seul chiffre ! Celui qui a le vent bien en poupe est l’ancien concurrent de Youchtchenko lors de la fameuse « révolution orange » de décembre 2004 et janvier 2005, Victor Yanoukovitch, qui approche les 30% dans les sondages, suivi par le chef du gouvernement, Mme Julia Timochenko, qui, elle, dépasser légèrement les 30%. D’après les études réalisées par l’Institut « Centre Razoumkov », Yanoukovitch aurait les meilleures chances de succès. Toutefois, on ne peut pas prévoir à 100% la victoire du président du « Parti des Régions ». Pour quels motifs ? Selon le « Centre Razoumkov », l’incertitude demeure à cause « du pourcentage relativement élevé de ceux qui sont contre tous les candidats, de même à cause du pourcentage tout aussi élevé de ceux qui expriment leur ‘déception générale’ à l’endroit de tous les candidats ». En tout et pour tout, quatorze candidats vont briguer la plus haute fonction de l’Etat.
Les faibles chances que les sondages accordent à Youchtchenko prouvent aussi l’échec misérable de la « révolution orange », déclenchée il y a cinq ans grâce à l’appui financier et logistique considérable de la fondation « Open Society » du milliardaire américain d’origine hongroise, Georges Soros. Cela n’étonnera personne : au cours de ces dernières années, la politique intérieure ukrainienne n’a pas été marquée par des bonds en avant mais par une querelle constante entre le président et son ancienne compagne de combat, Julia Timochenko.
Pour conserver encore le gouvernail du pouvoir, le président, aujourd’hui âgé de 55 ans, ne cesse plus de jouer la carte anti-russe, qui ne fait de l’effet que dans l’Ouest du pays. Courant novembre, il a demandé au gouvernement de revoir les contrats d’achat et de transit du gaz qui ont été signés antérieurement entre Gazprom et « Naftogas Ukrainy ». En réclamant une telle révision, il espère déclencher une nouvelle « guerre du gaz » avec la Russie. Selon les experts russes, cette démarche de Youchtchenko peut engranger des résultats parce que Moscou ne fermera pas les robinets de gaz, surtout pendant les élections ukrainiennes. Si les Russes le faisaient, ils procureraient à Youchtchenko un argument de choix, celui de dire que la Russie pratique à l’égard de l’Ukraine « une politique inamicale », explique Konstantin Simonov, directeur général de la Fondation pour la Sécurité Energétique Nationale, basée à Moscou.
Sur le plan de la politique extérieure, Youchtchenko n’a commis que des dégâts, en voulant à tout prix imposer sa vision d’une Ukraine totalement inféodée à l’OTAN. Les relations entre Moscou et Kiev, qui devraient normalement être cordiales, sont aujourd’hui tendues ; or le changement survenu à la Maison Blanche à Washington, début 2009, a fait perdre au président ukrainien des interlocuteurs importants. « Sous George Bush, Youchtchenko, qui suivait une politique pro-OTAN, était l’enfant chéri de la politique américaine. Depuis l’avènement de Barack Obama, nous n’avons plus rien entendu des Américains qui, vraisemblablement, attendent », explique le politologue ukrainien Nikola Primouch.
Entretemps, le gouvernement de Kiev cherche à normaliser ses relations avec le Kremlin. Le principal point de discorde entre les deux pays réside dans le stationnement de la flotte russe de la Mer Noire en Crimée. Youchtchenko veut mettre un terme le plus rapidement possible à l’accord qui fixe la présence de cette flotte jusqu’en 2017, afin d’éliminer la principale pierre d’achoppement qui empêche l’Ukraine de devenir membre à part entière de l’OTAN. En octobre dernier, cependant, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors d’une rencontre avec son collègue ukrainien Petro Porochenko à Moscou, a marqué son accord pour que « toutes les questions litigieuses soient réglées par les voies de la négociation sans politisation inutile et en tenant compte des intérêts des deux parties ». La flotte russe de la Mer Noire, basée en Crimée, y resterait donc dans les prochaines années à venir. « Ni Kiev ni Moscou ne veulent une révision de l’accord-cadre en vigueur sur la flotte de la Mer Noire », a fait savoir Porochenko. L’accord avait été signé en 1997 et devait durer vingt ans, prévoyant, en l’une de ses clauses, un éventuel prolongement. Les Ukrainiens n’ont pas fait savoir s’ils accepteraient ce prolongement, désiré par le Kremlin.
Si Yanoukovitch gagne les présidentielles, comme semblent l’indiquer les sondages, alors la flotte russe de la Mer Noire restera en Crimée au-delà de l’année 2017. En effet, l’ancien président, qui a ses assises électorales dans les régions orientales de l’Ukraine majoritairement peuplées de Russes ethniques, est considéré comme le candidat du Kremlin. En revanche, si Mme Timochenko devient présidente, les Russes demeureront dans l’incertitude. Celle-ci cherche aujourd’hui à nuire à Youchtchenko pour des considérations de politique intérieure et opte donc, en apparence, pour une politique russophile. Il faut cependant savoir que cette dame blonde et élancée, avec ses longues tresses ramenées à l’avant de la tête, et qui lui font une étonnante couronne, a longtemps défendu une politique antirusse. Il y a deux ans et demi, Mme Timochenko réclamait, dans un article publié dans « Foreign Affairs » à Washington, « que l’Occident se mêle ouvertement des affaires intérieures des pays de l’ancienne sphère d’influence et d’intérêt de la Russie et opère une politique d’endiguement contre elle , parce qu’à cause de ‘ses traditions impériales impitoyables’, elle harcelait ses voisins, Etats issus de la dissolution de l’ancienne Union Soviétique ». Et pour citer encore Timochenko : « Les relations entre la Russie et les Etats issus de l’ancienne URSS doivent être considérées comme un problème international, soumis aux règles reconnues de la politique internationale et non pas comme un problème qui ne concernerait que la seule Russie ». Pour cette raison, ajoutait-elle, l’Occident devait s’efforcer de créer « un contre-poids à l’expansionnisme de la Russie ».
Bernhard TOMASCHITZ.
(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°46/2009 ; trad.. franc. : Robert Steuckers).
00:25 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, affaires européennes, ukraine, politique internationale, politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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