Il me semble largement trop tôt pour évaluer l'impact réel de la nomination de Herman Van Rompuy à la présidence permanente du Conseil européen. Le traité de Lisbonne, qui entre désormais en vigueur, en fait le personnage central des institutions communautaires. Mais on ne sait pas, pour ne citer qu'un exemple s'il parviendra durant les deux années et demi de son mandat à faire évoluer le système. La réduction du caractère "intergouvernemental", comme on dit dans le jargon de l'eurocratie, fait certainement partie de ses objectifs, dans la mesure des convictions qu'on lui prête. Mais y parviendra-t-il dans ce court délai ? Et surtout la France et l'Allemagne qui se sont accordées sur cette candidature pourront-elles, et désireront-elles, le voir réussir pleinement ? Rien ne l'assure.
En Turquie, dès le lendemain de son annonce, cette promotion du Premier ministre belge a beaucoup chagriné les partisans de l'adhésion. On a largement évoqué un discours qu'il avait prononcé, en 2004, devant le Conseil de l'Europe, réuni au Parlement belge. En cette circonstance M. Van Rompuy avait déclaré sans ambiguïté que "la Turquie ne fait pas partie de l'Europe et n’en ferait jamais partie". De façon très significative, il avait affirmé à l'appui de son propos :"les valeurs universelles de l'Europe, qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdraient de leur vigueur avec l'entrée d'un grand pays islamique tel que la Turquie".
Qu'un homme politique de droite évoque ainsi les racines chrétiennes de l'Europe ne me le rend pas foncièrement antipathique. Dois-je le dire, au risque de contrarier ainsi mes lecteurs les plus réticents à l'endroit de tout ce qui se passe à Bruxelles ? Je l'avoue sans tremblement. (1)
Rassurons quand même les inconditionnels de l'adhésion dont nous combattons ici le point de vue.
Dans les institutions internationales de l'occident, sous l'influence du Département d'État américain, et de quelques groupes de pression moins translucides, la diplomatie d'Ankara compte encore de nombreux relais.
Par exemple, le travailliste norvégien Thorbjorn Jagland, secrétaire général du Conseil de l'Europe et actuel président du Comité Nobel (2) estime qu'après Obama lauréat de cette année, le prix de la Paix devrait être attribué au premier ministre turc en exercice.
En même temps on apprend que la Turquie, en tant que candidate fait d'ores et déjà pression pour que la République de Chypre, membre de l'Union, et dont son armée occupe déjà 40 % du territoire, cesse de constituer un obstacle à sa participation à l'agence de Défense européenne (3). De même de révélatrices tractations se déroulent autour du retrait annoncé, après bientôt un demi-siècle d'ambiguïté, de la Grande-Bretagne théoriquement garante de l'indépendance de l'île. Le ministre britannique des Affaires européennes, le travailliste gallois Chrys Bryant, en a fait l'offre le 24 novembre en vue de "favoriser la réunification" dans le sens des actuels desiderata gouvernementaux turcs et dans l'esprit du plan Annan. (4) Et le chef de file conservateur David Cameron a confirmé son appui (5).
Tout ce maelström diplomatique ne conduira pas nécessairement au pire. On doit le savoir lié lui-même au rôle que le parti majoritaire turc souhaite jouer désormais dans le Proche Orient, où il développe ses liens avec la Syrie, l'Iran ou la Lybie..
Mais cela ne doit pas faire perdre de vue, au contraire, le danger pour l'identité européenne du principe même de cette candidature. Précisons d'ailleurs que si la démocratie turque peut en tirer des bénéfices, si l'adoption de standards voisins de ceux de nos pays peut paraître profitable, à de nombreux égards, rien ne nous assure que l'identité légitime du peuple turc en tire toujours profit.
On pouvait lire par exemple, dans le journal Zaman Today (6) que telle organisation féministe locale a dénoncé, dans le cadre de la Journée internationale du 25 novembre, le fait que 75 % des femmes turques "subiraient des violences conjugales", que 25 % des jeunes filles de moins de 18 ans auraient été victimes de violences sexuelles, etc. On doit être porté, d'abord, à relativiser l'information, ou le slogan, tout en lui trouvant, hélas, un air de vraisemblance.
Rappelons qu'au XVIIe siècle, Molière qui passait [jusqu'ici] pour la plus pure incarnation du génie français faisait poser par un de ses personnages féminins la fameuse question "et s'il me plaît à moi d'être battue". "Autre temps autre mœurs" dira-t-on avec le proverbe. Eh bien le raisonnement "identitaire", pour s'inscrire dans la logique de M. Besson (7), conclura peut-être : "autre pays, autres mœurs". (8)
On doit donc oser à ce titre conclure que les propos de M. Van Rompuy de 2004 rejoignent des préoccupations, que l'on invitera le lecteur à partager quant à l'hypothèse, apparemment prématurée, d'une intégration de ce pays dans l'Union qui se veut européenne.
Apostilles
En Turquie, dès le lendemain de son annonce, cette promotion du Premier ministre belge a beaucoup chagriné les partisans de l'adhésion. On a largement évoqué un discours qu'il avait prononcé, en 2004, devant le Conseil de l'Europe, réuni au Parlement belge. En cette circonstance M. Van Rompuy avait déclaré sans ambiguïté que "la Turquie ne fait pas partie de l'Europe et n’en ferait jamais partie". De façon très significative, il avait affirmé à l'appui de son propos :"les valeurs universelles de l'Europe, qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdraient de leur vigueur avec l'entrée d'un grand pays islamique tel que la Turquie".
Qu'un homme politique de droite évoque ainsi les racines chrétiennes de l'Europe ne me le rend pas foncièrement antipathique. Dois-je le dire, au risque de contrarier ainsi mes lecteurs les plus réticents à l'endroit de tout ce qui se passe à Bruxelles ? Je l'avoue sans tremblement. (1)
Rassurons quand même les inconditionnels de l'adhésion dont nous combattons ici le point de vue.
Dans les institutions internationales de l'occident, sous l'influence du Département d'État américain, et de quelques groupes de pression moins translucides, la diplomatie d'Ankara compte encore de nombreux relais.
Par exemple, le travailliste norvégien Thorbjorn Jagland, secrétaire général du Conseil de l'Europe et actuel président du Comité Nobel (2) estime qu'après Obama lauréat de cette année, le prix de la Paix devrait être attribué au premier ministre turc en exercice.
En même temps on apprend que la Turquie, en tant que candidate fait d'ores et déjà pression pour que la République de Chypre, membre de l'Union, et dont son armée occupe déjà 40 % du territoire, cesse de constituer un obstacle à sa participation à l'agence de Défense européenne (3). De même de révélatrices tractations se déroulent autour du retrait annoncé, après bientôt un demi-siècle d'ambiguïté, de la Grande-Bretagne théoriquement garante de l'indépendance de l'île. Le ministre britannique des Affaires européennes, le travailliste gallois Chrys Bryant, en a fait l'offre le 24 novembre en vue de "favoriser la réunification" dans le sens des actuels desiderata gouvernementaux turcs et dans l'esprit du plan Annan. (4) Et le chef de file conservateur David Cameron a confirmé son appui (5).
Tout ce maelström diplomatique ne conduira pas nécessairement au pire. On doit le savoir lié lui-même au rôle que le parti majoritaire turc souhaite jouer désormais dans le Proche Orient, où il développe ses liens avec la Syrie, l'Iran ou la Lybie..
Mais cela ne doit pas faire perdre de vue, au contraire, le danger pour l'identité européenne du principe même de cette candidature. Précisons d'ailleurs que si la démocratie turque peut en tirer des bénéfices, si l'adoption de standards voisins de ceux de nos pays peut paraître profitable, à de nombreux égards, rien ne nous assure que l'identité légitime du peuple turc en tire toujours profit.
On pouvait lire par exemple, dans le journal Zaman Today (6) que telle organisation féministe locale a dénoncé, dans le cadre de la Journée internationale du 25 novembre, le fait que 75 % des femmes turques "subiraient des violences conjugales", que 25 % des jeunes filles de moins de 18 ans auraient été victimes de violences sexuelles, etc. On doit être porté, d'abord, à relativiser l'information, ou le slogan, tout en lui trouvant, hélas, un air de vraisemblance.
Rappelons qu'au XVIIe siècle, Molière qui passait [jusqu'ici] pour la plus pure incarnation du génie français faisait poser par un de ses personnages féminins la fameuse question "et s'il me plaît à moi d'être battue". "Autre temps autre mœurs" dira-t-on avec le proverbe. Eh bien le raisonnement "identitaire", pour s'inscrire dans la logique de M. Besson (7), conclura peut-être : "autre pays, autres mœurs". (8)
On doit donc oser à ce titre conclure que les propos de M. Van Rompuy de 2004 rejoignent des préoccupations, que l'on invitera le lecteur à partager quant à l'hypothèse, apparemment prématurée, d'une intégration de ce pays dans l'Union qui se veut européenne.
JG Malliarakis
Apostilles
- Au même titre ai-je publié en annexe de mon petit livre La question turque et l'Europe les interventions, dans le même sens, de MM. François Bayrou et Jérôme Rivière, qui selon moi, en 2004, "sauvent l'honneur du parlement".
- cf. déclarations à "Cihan Haber Ajansi" le 25 novembre.
- Sigle anglais "EDA"= European Defense Agency
- cf.Famagusta Gazette d du 24 novembre/li>
- cf. Cyprus News Agency du 25 novembre
- Édition du 26 novembre. Ce quotidien dont il faut recommander le site est proche du gouvernement actuel. Il représente la source d'informations la plus riche et la plus "objective" en langue anglaise sur l'actualité turque. Il est lié à la fameuse organisation de Fetullah Güllen qui [pour faire court] a entrepris de liquider l'héritage kémaliste.
- qui, étant né à Marrakech, en 1958, dans un royaume du Maroc indépendant, a sans doute raison de remettre en cause la théorie artificielle du "jus soli".
- Je sais que le grand argument des Turcs consiste toujours à mettre au débit des Kurdes tout ce qui peut sembler archaïque dans leur propre pays et notamment la violence. Mais alors pourquoi nier, par ailleurs, la personnalité kurde et pourquoi ne leur accordent-ils pas leur indépendance ? Il est vrai qu'aujourd'hui la plus grande ville kurde s'appelle Istanbul.
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