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samedi, 20 février 2010

Céline vient de débarquer

celine_1_louis-ferdinand-celine-0045_1262086184.jpgCéline vient de débarquer...

Lucien Rebatet

Ex: http://zentropa.splinder.com/

"Quand un matin du début de novembre 1944, le bruit se répandit dans Sigmaringen : « Céline vient de débarquer », c’est de son Kränzlin que le bougre arrivait tout droit. Mémorable rentrée en scène. Les yeux encore pleins du voyage à travers l’Allemagne pilonnée, il portait une casquette de toile bleuâtre, comme les chauffeurs de locomotive vers 1905, deux ou trois de ses canadiennes superposant leur crasse et leurs trous, une paire de moufles mitées pendues au cou, et au-dessus des moufles, sur l’estomac, dans une musette, le chat Bébert, présentant sa frimousse flegmatique de pur parisien qui en a bien connu d’autres. Il fallait voir, devant l’apparition de ce trimardeur, la tête des militants de base, des petits miliciens : « C’est ça, le grand écrivain fasciste, le prophète génial ? » Moi-même, j’en restais sans voix.  Louis-Ferdinand, relayé par Le Vigan, décrivait par interjections la gourance de Kränzlin, un patelin sinistre, des Boches timbrés, haïssant le Franzose, la famine au milieu des troupeaux d’oies et de canards. En somme, Hauboldt était venu le tirer cordialement de ce trou, et Céline, apprenant l’existence à Sigmaringen d’une colonie française, ne voulait plus habiter ailleurs.

La première stupeur passée, on lui faisait fête. Je le croyais fini pour la littérature. Quelques mois plus tôt, je n’avais vu dans son Guignol’s Band qu’une caricature épileptique de sa manière (je l’ai relu ce printemps, un inénarrable chef d’œuvre, Céline a toujours eu dix, quinze ans d’avance sur nous). Mais il avait été un grand artiste, il restait un grand voyant.  Nous nous sommes rencontrés tous les jours pendant quatre mois, seul à seul, ou en compagnie de La Vigue, de Lucette, merveilleuse d’équilibre dans cette débâcle et dans le sillage d’un tel agité. Céline, outre sa prescience des dangers et cataclysmes très réels, a été constamment poursuivi par le démon de la persécution, qui lui inspirait des combinaisons et des biais fabuleux pour déjouer les manœuvres de quantités d’ennemis imaginaires. Il méditait sans fin sur des indices perceptibles de lui seul, pour parvenir à des solutions à la fois aberrantes et astucieuses. Autour de lui, la vie s’enfiévrait aussitôt de cette loufoquerie tressautante, qui est le rythme même de ses plus grands bouquins. Cela aurait pu être assez vite intolérable. Mais la gaité du vieux funambule emportait tout.

Le « gouvernement » français l’avait institué médecin de la colonie. Il ne voulait d’ailleurs pas d’autre titre. Il y rendit des services. Abel Bonnard, dont la mère, âgée de quatre-vingt-dix ans, se mourait dans une chambre de la ville, n’a jamais oublié la douceur avec laquelle il apaisa sa longue agonie. Il pouvait être aussi un excellent médecin d’enfants. Durant les derniers temps, dans sa chambre de l’hôtel Löwen, transformée en taudis suffocant (dire qu’il avait été spécialiste de l’hygiène !) il soigna une série de maladies intrinsèquement célinesques, une épidémie de gale, une autre de chaudes-pisses miliciennes. Il en traçait des tableaux ébouriffants.  L’auditoire des Français, notre affection le ravigotaient d’ailleurs, lui avaient rendu toute sa verve. Bien qu’il se nourrît de peu, le ravitaillement le hantait : il collectionnait par le marché noir les jambons, saucisses, poitrines d’oies fumées. Pour détourner de cette thésaurisation les soupçons, une de ses ruses naïves était de venir de temps à autre dans nos auberges, à l' « Altem Fritz », au « Bären », comme s'il n'eût eu d'autres ressources, partager la ration officielle, le « Stammgericht », infâme brouet de choux rouges et de rutabagas. Tandis qu'il avalait la pitance consciencieusement, Bébert le « greffier » s'extrayait à demi de la musette, promenait un instant sur l'assiette ses narines méfiantes, puis regagnait son gîte, avec une dignité offensée.

— Gaffe Bébert ! disait Ferdinand. Il se laisserait crever plutôt que de toucher à cette saloperie... Ce que ça peut être plus délicat, plus aristocratique que nous, grossiers sacs à merde ! Nous on s'entonne, on s'entonnera de la vacherie encore plus débectante. Forcément !

Puis, satisfait de sa manœuvre, de nos rires, il s'engageait dans un monologue inouï, la mort, la guerre, les armes, les peuples, les continents, les tyrans, les nègres, les Jaunes, les intestins, le vagin, la cervelle, les Cathares, Pline l'Ancien, Jésus-Christ. La tragédie ambiante pressait son génie comme une vendange. Le cru célinien jaillissait de tous côtés. Nous étions à la source de son art. Et pour recueillir le prodige, pas un magnétophone dans cette Allemagne de malheur ! (Il en sort à présent cinquante mille par mois chez Grundig pour enregistrer les commandes des mercantis noyés dans le suif du « miracle » allemand.)

Dans la vaste bibliothèque du château des Hohenzollern Céline avait choisi une vieille collection de la Revue des Deux Mondes, 1875-1880. Il ne tarissait pas sur la qualité des études qu'il y trouvait : « Ça, c'était du boulot sérieux... fouillé, profond, instructif... Du bon style, à la main... Pas de blabla. » C'est la seule lecture dont il se soit jamais entretenu devant moi. Il était extrêmement soucieux de dissimuler ses « maîtres », sa « formation ». Comme si son originalité ne s'était pas prouvée toute seule, magnifiquement.

De temps à autre, quand nous nous promenions tous deux sans témoin, le dépit lui revenait de sa carrière brisée, mais sans vaine faiblesse, sur le ton de la gouaille :
— Tu te rends compte ? Du pied que j'étais parti... Si j'avais pas glandé à vouloir proférer les vérités... Le blot que je me faisais... Le grand écrivain mondial de la « gôche »... Le chantre de la peine humaine, de la connarderie absurde... Sans avoir rien à maquiller. Tout dans le marrant, Bardamu, Guignol, Rigodon... Prix Nobel... Les pauvres plates bouses que ça serait, Aragon, Malraux, Hemingway, près du Céline... gagné d'avance... Ah ! dis donc, où c'est que j'allais atterrir !... « Maî-aître »... Le Nobel... Milliardaire... Le Grand Crachat... Doctor honoris causa... Tu vois ça d'ici !

Bien entendu, il ne fut pas question un seul instant d’employer Céline à une propagande quelconque, hitlérienne ou française. Moi-même, tout à fait indifférent aux bricolages « ministériels », je passai l’hiver à compulser les livres d’art du Château et à grossir le manuscrit de mon roman, les Deux Etendards.

Nous devions en grande partie ces privilèges à notre ami commun, le cher Karl Epting, qui avait dirigé l’Institut allemand à Paris, le vrai lettré européen, demeuré d’une francophilie inaltérable, même après les deux années de Cherche-Midi dont il paya.

Outre  cette amitié précieuse, la mansuétude de tous les officiers allemands était acquise à Céline. Et il la fallait très large, pour qu’ils pussent fermer leurs oreilles à ses sarcasmes. Car Louis-Ferdinand était bien le plus intolérant, le plus mal embouché de tous les hôtes du Reich. Pour tout dire, il ne pardonnait pas à Hitler cette débâcle qui le fourrait à son tour dans de si vilains draps. C’était même le seul chapitre où il perdît sa philosophie goguenarde, se fît hargneux, méchant. Par réaction, par contradiction, l’antimilitariste saignant du Voyage se recomposait un passé, une âme de patriote à la Déroulède. Ah ! l’aurai-je entendu, le refrain de son fait d’armes des Flandres, « maréchal des logis Destouches, volontaire pour une liaison accomplie sous un feu d’une extrême violence », et du dessin qui l’avait immortalisé à la première page de l’Illustré National.

– En couleurs… Sur mon gaye… Au galop, le sabre au vent… Douzième cuirassier !... Premier médaillé militaire sur le champ de bataille de la cavalerie française… C’est moi, j’ai pas changé. Présent !... qui c’est qui me l’a tiré ma balle dans l’oreille ? C’est pas les Anglais, les Russes, les Amerlos… J’ai jamais pu les piffer, moi les Boches. De les voir se bagotter comme ça partout, libres, les sales « feldgrau » sinistres, j’en ai plein les naseaux, moi, plein les bottes !

– Mais enfin, Louis, tu oublies. Ils sont chez eux, ici !

– J’oublie pas, j’oublie pas, eh ! fias ! C’est bien la raison… Justement… Les faire aux pattes, sur place ! Une occasion à profiter, qui se retrouvera pas… Au ch’tar, les Frizons, tous, les civils comme les griviers. Au « Lag », derrière les barbelés, triple enceinte électrique… Tous, pas de détail. Voilà comment je la vois, moi, leur Bochie.

Il écumait, réellement furieux. Alors qu’il reniflait des traquenards sous les invites les plus cordiales, qu’il se détournait d’un kilomètre pour éviter une voiture dont le numéro ne lui paraissait « pas franc », il se livrait devant les Allemands à son numéro avec une volupté qui écartait toute prudence. Karl Epting avait projeté de constituer, pour notre aide, une Association des intellectuels français en Allemagne. Un comité s’était réuni, à la mairie de Sigmaringen. Céline y avait été convié, en place d’honneur. Au bout d’une demi-heure, il l’avait transformée en pétaudière dont rien ne pouvait plus sortir.

Un dîner eut lieu cependant le soir, singulièrement composé d’un unique plat de poisson et d’une kyrielle de bouteilles de vin rouge. De nombreuses autorités militaires et administratives du « Gau » s’étaient faites inviter, friandes d’un régal d’esprit parisien. Il y avait même un général, la « Ritterkreuz » au cou. Céline, qui ne buvait pas une goutte de vin, entama un parallèle opiniâtre entre le sort des « Friquets », qui avaient trouvé le moyen de se faire battre, mais pour rentrer bientôt chez eux, bons citoyens et bons soldats, consciences nettes, ne devant des comptes à personne, ayant accompli leur devoir patriotique, et celui des « collabos » français qui perdaient tout dans ce tour de cons, biens, honneur et vie. Alors ; lui, Céline, ne voyait plus ce qui pourrait l’empêcher de proclamer que l’uniforme allemand, il l’avait toujours eu à la caille, et qu’il n’avait tout de même jamais été assez lourd pour se figurer que sous un pareil signe la collaboration ne serait pas un maléfice atroce. Mais les hauts militaires avaient décidé de trouver la plaisanterie excellente, ils s’en égayèrent beaucoup, et Ferdinand fut regretté quand il alla se coucher.

Les Allemands passaient tout à Céline, non point à cause de ses pamphlets qu'ils connaissaient mal, mais parce qu'il était chez eux le grand écrivain du Voyage, dont la traduction avait eu un succès retentissant. Le fameux colonel Boemelburg lui-même, terrible bouledogue du S.D. et policier en chef de Sigmaringen, s'était laissé apprivoiser par l'énergumène. Il fallait bien d'ailleurs que Céline fût traité en hôte exceptionnel pour être arrivé à décrocher le phénoménal « Ausweis », d'un mètre cinquante de long, militaire, diplomatique, culturel et ultra-secret, qui allait lui permettre, faveur unique, de franchir les frontières de l'Hitlérie assiégée.

Il n'avait pas fait mystère de son projet danois : puisque tout était grillé pour l'Allemagne, rejoindre coûte que coûte Copenhague, où il avait confié dès le début de la guerre à un photographe de la Cour son capital de droits d'auteur, converti en or, et que ledit photographe avait enterré sous un arbre de son jardin. L'existence, la récupération ou la perte de ce trésor rocambolesque n'ont jamais pu être vérifiées. Mais sur la fin de février ou au début de mars, on apprit bel et bien que Céline venait de recevoir le mythique « Ausweis » pour le Danemark.

Deux ou trois jours plus tard, pour la première fois, il offrit une tournée de bière, qu'il laissa du reste payer à son confrère, le docteur Jacquot. À la nuit tombée, nous nous retrouvâmes sur le quai de la gare. Il y avait là Véronique, Abel Bonnard, Paul Marion, Jacquot, La Vigue, réconcilié après sa douzième brouille de l'hiver avec Ferdine, deux ou trois autres intimes. Le ménage Destouches, Lucette toujours impeccable, sereine, entendue, emportait à bras quelque deux cents kilos de bagages, le reliquat sans doute des fameuses malles, cousus dans des sacs de matelots et accrochés à des perches, un véritable équipage pour la brousse de la Bambola-Bramagance. Un lascar, vaguement infirmier, les accompagnait jusqu'à la frontière, pour aider aux transbordements, qui s'annonçaient comme une rude épopée, à travers cette Allemagne en miettes et en feu. Céline, Bébert sur le nombril, rayonnait, et même un peu trop. Finis les « bombing », l'attente résignée de la fifaille au fond de la souricière. Nous ne pèserions pas lourd dans son souvenir. Le train vint à quai, un de ces misérables trains de l'agonie allemande, avec sa locomotive chauffée au bois. On s'embrassa longuement, on hissa laborieusement le barda. Ferdinand dépliait, agitait une dernière fois son incroyable passeport. Le convoi s'ébranla, tel un tortillard de Dubout. Nous autres, nous restions, le cœur serré, dans l'infernale chaudière. Mais point de jalousie. Si nous devions y passer, du moins le meilleur, le plus grand de nous tous en réchapperait.
                  
Lucien REBATET, Mémoires d’un fasciste II, Pauvert, 1976, p. 218 – 224.

The death and life of James Connolly

The death and life of James Connolly

By John WIGHT - Ex: http://21stcenturysocialism.com/

james_connolly13.jpgIn Dublin's Kilmainham Jail on 12th May 1916, a working class man born in Scotland was executed for his part in the Easter Rising, an attempt to liberate Ireland from 800 years of foreign occupation. Because his injuries aquired in the defeated insurrection were so severe that he was unable to stand, the British soldiers tied James Connolly to a chair in order that he could face the firing squad.

In that rising, the men and women who took on the overwhelming military might of the British Empire held out for four days. Their leaders were rounded up afterwards and shot, each of them defiant to the end. The aftermath was the armed struggle waged by the IRA under Michael Collins, leading to the formation in 1921 of the Irish Free State; following which there was a civil war which lasted a further two years.

The life of James Connolly, a key leader of the Easter Rising, is worthy of special attention. It is a tale which begins amid the grinding poverty of a disease-ridden slum populated by Irish immigrants in Edinburgh towards the end of the 19th century.
  
Anti-Irish sentiment in Scotland was commonplace during this period, with the poison of religious sectarianism exacerbated by the poverty which resulted from a laissez faire capitalist model- an unremitting struggle of all against all for the crumbs from the table, while the capitalist bosses made their profits. In Edinburgh, the poor Irish immigrants were squeezed together in their own ghetto in the centre of the city. The locals named it 'Little Ireland', and here the ravages of poverty – in the shape of alcoholism, crime, and diseases such as cholera and typhus - were part of every day life.
  
James Connolly, born 5 June 1868, was the youngest of three brothers. At the age of ten, after his mother died, he lied about his age and began work in the print-shop of a local newspaper.

At an age when his life might otherwise have consisted of going to school and running free with other boys his age, here he was being introduced to the cruel world of employment under lightly-regulated capitalism; a mere child experiencing all the dirt and noise and smells of heavy machinery amongst the worn and broken men who toiled long hours for starvation wages.
  
Desperate to escape this fate, at the age of fourteen Connolly once again lied about his age and joined the British Army. He was posted to Ireland, the birthplace of his parents, and it was there, witnessing the atrocities being carried out against the Irish people by the British Army, that the seeds of class consciousness and hatred of oppression were planted.
  
It was also during this period that he met his wife, Lillie Reynolds, who worked as a domestic servant for a prominent unionist family in Dublin. An outstanding figure in her own right, Lillie would remain by her husband’s side to the end of his life, sharing in his triumphs and defeats.
 
Connolly deserted from the British Army at the age of 21, moved back to Scotland with Lillie and there began his involvement in the working class movement. In 1889 whilst living in Dundee, he joined the Socialist League, an organisation committed to revolutionary internationalism and which which received the endorsement of Friedrich Engels.  

A year later he moved to Edinburgh with his wife and by then two children, where he returned to the grind of manual labour, picking up work here and there as he and his wife struggled against poverty. Throughout, Connolly continued to find time for politics and he became secretary of the Scottish Socialist Federation. He entered a municipal election as a socialist candidate around this period and received 263 votes.
  
In 1896, James Connolly returned to Dublin, a city he'd grown to love while posted there in the British Army, in response to an offer to work for the Dublin Socialist Club.  Shortly after his arrival he founded the Irish Socialist Republican Party. In his first statement on behalf of the ISRP, he wrote:

“The struggle for Irish freedom has two aspects: it is national and it is social. The national ideal can never be realised until Ireland stands forth before the world as a nation, free and independent. It is social and economic, because no matter what the form of government may be, as long as one class owns as private property the land and the instruments of labour from which mankind derive their substance, that class will always have it in their power to plunder and enslave the remainder of their fellow creatures.”

At this time there were two strands of revolutionary thought in Ireland, national liberation and socialism. Connolly had decided by this point that, rather than being antagonistic, these strands were in fact complementary.
  
This was a view which ran counter to the prevailing current in the socialist movements in continental Europe during that period, including most of those who ascribed to the legacy of Karl Marx. The dominant view among the leading socialist theorists was that the struggle for socialism must reach across the false divisions of national, ethnic and cultural identity. Nationalist movements as such were scorned. But most of those European Marxists had no experience of living under the domination of a foreign empire; for them the 'national question' only existed in the abstract.

Much of Connolly’s most powerful writing and thinking focused on this very issue. As he put it:

“The struggle for socialism and national liberation cannot and must not be separated.” 

And:

 “The cause of labour is the cause of Ireland; the cause of Ireland is the cause of Labour.”

In his synthesis of the cause of the working class with the cause of liberation from imperial domination, James Connolly was a major progenitor of the left politics of the 20th Century, and also of the early 21st Century.

Connolly was also an early champion of women's rights. He argued:

 “The worker is the slave of capitalist society, the female worker is the slave of that slave.”

'I know of no foreign enemy except the British government'

In 1903, as work and finances in Dublin dwindled, Connolly moved to the United States. He'd visited there the year before; travelling across the country lecturing on political philosophy and trade unionism, and his lectures had received a warm reception and much praise from leading figures within the nascent US socialist movement of the period, in particular Daniel De Leon.   

After a hard initial few years in his adopted country, Connolly eventually managed to find stable work, and in 1906 became a paid organiser for the recently formed Industrial Workers of the World (IWW), led by the legendary Big Bill Haywood.  He also joined the American Socialist Labor Party and founded a monthly newspaper, The Harp, with which he aimed to reach the East Coast's huge Irish immigrant population.

Largely due to Connolly's focus on Irish immigrants, he and De Leon soon split. De Leon, an orthodox Marxist, abhorred Connolly's belief that Marxism should be adapted to varying cultures and traditions if a nation of immigrants was to be mobilized in the cause.

The split was acrimonious, Connolly accusing De Leon of being elitist, De Leon questioning Connolly's methods and grasp of Marxist theory and practice. However, Connolly continued on the path he had chosen, and it was obvious by now that a large part of his motivation in doing so was an increasing homesickness for his beloved Ireland.

In 1910 his dream of returning to Ireland became reality. He returned after being invited to become national organizer for the newly-formed Socialist Party of Ireland.  Soon after his return he published a number of pamphlets, one of which, Labour in Irish History, was was a major step in the development of an understanding of the history of Ireland.

By now possessing an unshakable belief in the importance of the trade union movement for the revolutionary struggle, Connolly joined with James Larkin in his Irish Transport and General Workers Union.  Connolly moved north to Belfast to organize for the ITGWU, hoping to smash down the barriers of religious sectarianism and unite the working class in the shipyards around which the city was built. 

He had little success.
  
In 1913, he moved back to Dublin to join Larkin in the titanic struggle which began when the Dublin employers locked out thousands of workers in an attempt to break the increasing influence and strength of the ITGWU.

A protest meeting of the workers was held despite a ban on such meetings having been ordered by the authorities. It was savagely attacked and broken up by baton-wielding police, and afterwards Connolly was arrested.  He refused bail for good behaviour and was sentenced to three months in prison. Immediately embarking on a hunger strike, he was released after just one week.

Connolly's first endeavour upon his release was to form a workers' militia. Never again, he vowed, would workers be trampled into the ground by police horses or beaten down under police batons. He called this new militia, which comprised around 250 volunteers, the Irish Citizen Army (ICA).  The day after its formation, Connolly spoke at a meeting:

 “Listen to me, I am going to talk sedition. The next time we are out on a march, I want to be accompanied by four battalions of trained men.”

When Larkin left Ireland for a fundraising tour of the United States in 1914, Connolly became acting general secretary of the ITGWU. The same year, watching as millions of workers went off to be slaughtered in the First World War, he was devastated:

 “This war appears to me as the most fearful crime of the centuries. In it the working class are to be sacrificed so that a small clique of rulers and armament makers may sate their lust for power and their greed for wealth. Nations are to be obliterated, progress stopped, and international hatreds erected into deities to be worshipped.”

All over Europe, even socialists succumbed to the poison of patriotism, joining the war efforts in their respective countries and thus heralding the end of the Second International in which socialist parties and figures representing Europe's toiling people had vowed to campaign against the war and the slaughter of worker by worker. Connolly's analysis of the war was scathing:

 “I know of no foreign enemy in this country except the British Government. Should a German army land in Ireland tomorrow, we should be perfectly justified in joining it, if by so doing we could rid this country for once and for all the Brigand Empire that drags us unwillingly to war.”

That British Government attempted to buy off Irish sentiment, hitherto in support of outright independence from the Empire, with a Home Rule bill, which in effect promised devolved power if the political leadership in Ireland at that time - people like John Redmond of the Irish Parliamentary Party - would agree to the recruitment of Irish workers to be slaughtered in the trenches in an imperialist war.
    
The bill split the Irish national liberation movement into those who supported it as a step towards outright independence and those, like Connolly, who were totally against it. He declaimed:

 “If you are itching for a rifle, itching to fight, have a country of your own.  Better to fight for our own country than the robber empire. If ever you shoulder a rifle, let it be for Ireland.”

It was then that Connolly's position shifted with regard to 'physical force'.  Previously, he had wanted no part in it, eschewing it as reckless and contrary to Marxist doctrine of a mass revolution of the working class, whereby consciousness precedes action.
  
But with the retreat of the European socialists, and the failure of the trade unions to act against the war, Connolly despaired of ever achieving the society he’d dedicated his life to without armed struggle. An organisation called the Irish Republican Brotherhood was planning just the kind of insurrection which Connolly had in mind. Connolly had taken a dim view of the IRB and its leaders up until then, viewing them as a bunch of feckless romantics. However, when they revealed their plans to him at a private meeting – plans involving the mobilization of 11,000 volunteers throughout the country - and that a large shipment of arms was on the way from Germany, he agreed to join them with his own ICA volunteers.

Connolly was respected enough by the IRB leaders, in particular Padraig Pearse, to be appointed military commander of Dublin's rebel forces. Pearse, a school teacher, was certain that they would all be slaughtered. He was imbued with a belief in the necessity of a blood sacrifice to awaken the Irish people, holding obscurantist beliefs that were steeped in Irish history and the Gaelic culture. But for all that he was no less committed to his cause than Connolly to his, and as a consequence they soon developed a grudging respect for one another.
  
In the end, the plan for the Easter Sunday insurrection went awry.  Rebel army volunteers deployed outwith Dublin received conflicting orders and failed to mobilize, leaving Dublin isolated. After postponing the insurrection for a day due to the confusion, the Dublin leadership decided to press on regardless. Connolly assembled his men outside their union headquarters, known as Liberty Hall.

By now he knew their chances for success were slim at best, and indeed it is said that he turned to a trusted aide as the men formed up and, in a low voice, announced:

 “We’re going out to be slaughtered.”

With Padraig Pearse beside him, Connolly marched his men to their military objective, the General Post Office building on O'Connell Street in the centre of Dublin. They rushed in, took control of the building, and barricaded themselves in to await the inevitable military response from the British.
  
Connolly, Pearse and one of the other leaders of the insurrection, Thomas C. Clarke, marched out into the street to read out the now famous proclamation of the Irish Republic.
  
In it, at Connolly's insistence, the rights of the Irish people to the ownership of Ireland, to equality and to the ending of religious discrimination were included:

“The Republic guarantees religious and civil liberty, equal rights and equal opportunities to all its citizens, and declares its resolve to pursue the happiness and prosperity of the whole nation and of all its parts, cherishing all the children of the nation equally, and oblivious to the differences carefully fostered by an alien government, which have divided a minority from the majority in the past.”

After holding out against the British Army for four days, during which Connolly inspired the men under his command with his determination and courage, in the process suffering wounds to the chest and ankle, British reinforcements and artillery arrived from the mainland to begin shelling rebel positions throughout the city.
  
The leadership, upon realizing the hopelessness of their situation, and in order to prevent the deaths of any more of their volunteers and civilians in a losing fight, reluctantly decided to surrender.
  
In the aftermath the ringleaders of the Rising were executed. Connolly was saved for last, the severity of his wounds failing to deter the British from taking their revenge as they tied him to a chair in the courtyard of Kilmainham Jail, where he was executed by firing squad.

At his court martial days prior, held in his cell in deference to those same wounds, James Connolly made the following statement:

 “Believing that the British Government has no right in Ireland, never had any right in Ireland, and never can have any right in Ireland, the presence, in any one generation of Irishmen, of even a respectable minority, ready to die to affirm that truth, makes the Government forever a usurpation and a crime against human progress.  I personally thank God that I have lived to see the day when thousands of Irishmen and boys, and hundreds of women and girls, were ready to affirm that truth, and to attest to it with their lives if need be.”

When news of the Rising was released, some prominent European socialists dismissed it as a putsch of little or no great consequence. But a leading Russian activist, Vladimir Lenin, was not of that opinion, and went so far as to refute such criticisms in his article, The Results of the Discussion on self-determination. To him, the Easter Rising stood as an example of the awakening of the working class and the masses that was taking place across Europe, providing hope that global revolution was on the horizon.

He wrote:

“Those who can term such a rising a Putsch are either the worst kind of reactionaries or hopeless doctrinaires, incapable of imagining the social revolution as a living phenomenon.”

Today, a statue of James Connolly stands in pride of place at the centre of Dublin. A brass engraving of the Proclamation of the Irish Republic also sits at pride of place in the window of the General Post Office headquarters, where Connolly made his stand for the liberty of his nation and the working class during four fateful days in April 1916.

Réflexions sur la chute des empires

Colloque de Londres, 19 novembre 1995

 

Réflexions sur la chute des empires

(Intervention de Robert Steuckers)

 

downfall_wallpaper2.jpg1.

Lorsqu'après la perestroïka, après la chute du Mur de Berlin, après le retrait des troupes soviétiques hors d'Europe orientale, après l'effondrement des structures étatiques soviétiques en 1991, les Etats-Unis sont demeurés la seule et unique superpuissance en lice sur la scène internationale et le Président Bush pouvait effectivement espérer qu'un “Nouvel Ordre Mondial” allait émerger sous la direction de son pays, béni par le Tout-Puissant. Mais la tâche de diriger le monde n'est pas aisée, si l'on se souvient des pro­phécies du Prof. Paul Kennedy sur l'“hypertrophie impériale”. Bon nombre d'empires dans l'histoire ont sombré dans le déclin jadis simplement parce qu'ils ne pouvaient plus contrôler tous les territoires se trouvant sous leur juridiction ou, pour être plus précis, toutes les grandes voies de communication de l'Empire sur terre comme sur mer. Cette tâche nécessite une mobilisation constante de tous les moyens militaires, diplomatiques et économiques.

- Mobiliser les moyens militaires coûte très cher et soumet la nation impériale au risque de négliger ses problèmes domestiques, comme l'éducation et la santé. L'écroulement de l'empire peut alors avoir pour cause un manque de dirigeants et de gestionnaires qualifiés pour les grandes entreprises ou même pour les armées, ou par un le poids excessif des classes sociales exclues.

- Mobiliser tous les moyens diplomatiques implique une recherche constante de nouveaux alliés fiables. Mais l'art de la diplomatie nous enseigne qu'il faut éviter de trop se fier aux alliés qui risquent de devenir trop puissants et de vous lancer un défi ultérieurement. Aujourd'hui, les Etats-Unis, en tant que seul su­perpuissance demeurant en lice, essaiyent de mobiliser des musulmans modérés autour de la Turquie, des musulmans fondamentalistes-conservateurs autour de l'Arabie Saoudite, des musulmans fondamen­talistes révolutionnaires autour du Soudan, afin d'acquérir un certain contrôle de l'Asie Centrale, de la ré­gion du Golfe ou de l'Afrique du Nord. Ce constat doit nous amener à poser une question: ces nouveaux alliés seront suffisamment fiables à long terme? Une partie d'entre eux, ou même l'ensemble, ne pourrait-elle pas évoluer comme l'Iran et devenir en un tourne-main des ennemis fanatiques de la superpuissance dirigeante? Les philosophes parmi nous se remémoreront la dialectique du Maître et de l'Esclave chez Hegel. L'Esclave obéira aussi longtemps qu'il ne pourra pas faire autrement, tant qu'il sera payé pour ac­complir sa tâche. Il se rendra indispensable. Mais dès qu'il prendra conscience de son pouvoir en tant qu'adjoint ou qu'allié, il défiera son Maître. C'est là une loi de l'histoire bien connue.

- Mobiliser tous les moyens économiques implique de dépenser des sommes considérables pour la dé­fense et de rogner dans les autres domaines, comme la santé et l'éducation. Sur le long terme, avec une telle politique, la solidarité nationale s'évanouit, la nation cesse d'être une communauté, le sens du res­pect mutuel disparaît, la moralité publique demeure un vague souvenir et la cohésion du pays ne peut plus œuvrer pour soutenir la puissance de l'Etat sur la scène internationale. Le manque d'investissements dans le domaine de l'éducation conduit à engager du personnel enseignant à l'étranger, même dans des pays potientiellement ennemis. Les Etats et les peuples soumis à la superpuissance impériale peuvent ti­rer avantage du fait que les charges militaires sont supportées par la puissance hégémonique et investir dans les affaires sociales domestiques, gagnant du même coup en cohésion et en qualité d'enseignement, c'est-à-dire en pariant sur une politique qui leur donnera très vite de meilleures gestion­naires et de meilleurs ingénieurs.

 

A cause de l'“hypertrophie impériale” et à certaines faiblesses domestiques, les Etats-Unis doivent au­jourd'hui pratiquer la politique suivante dans le monde:

- Premièrement, contrôler l'Asie Centrale pour contenir la Russie;

- Deuxièmement, contrôler la région du Golfe pour contenir et l'Irak et l'Iran ou pour empêcher toute affir­mation européenne ou japonaise dans cette zone recelant les plus grands gisements de pétrole du globe;

- Troisièmement, contrôler tous les pays situés entre la Méditerranée et la Corne de l'Afrique;

Cette triple nécessité implique d'ores et déjà de déléguer du pouvoir à la Grande-Bretagne, pour qu'elle négocie avec les challengeurs islamiques en Algérie; à l'Allemagne, pour qu'elle négocie directement avec l'Iran, comme l'a annoncé officiellement la semaine dernière le Ministre des Affaires Etrangères al­lemand, Klaus Kinkel, dans les colonnes du plus important des hebdomadaires de l'Europe continentale, Der Spiegel  (Hambourg). Si le boycott de l'Iran est la politique officielle de Washington, la nouvelle poli­tique de Berlin à l'égard de Téhéran sera celle du “dialogue critique”.

 

Déléguer de telles tâches à Londres ou à Berlin constitue en fait un recul de la stratégie impériale améri­caine parce que cela signifie réintroduire Londres et Berlin dans des zones d'où ces pays avaient été ex­clus au cours des événements de ce siècle par une intervention directe ou indirecte des Etats-Unis. Il nous reste à poser une question: les Etats-Unis seront-ils capables de contrôler entièrement la politique des diplomates et des industriels allemands en Iran, surtout sur les Allemands agiront dans les premières étapes de leur “dialogue critique” avec l'accord tacite de Washington? La délégation de pouvoir indique que l'hypertrophie impériale n'est déjà plus gérable.

 

2.

Mais outre la difficulté croissante à contrôler tout ce qui devrait être contrôlé, comment l'impérialisme se présente-t-il aujourd'hui?

a) L'IMPÉRIALISME MILITAIRE. L'impérialisme militaire de la seule superpuissance de 1995 consiste en résidus d'alliances forgées au temps de la Guerre Froide. L'OTAN ne peut évidemment plus avoir le même but et les mêmes objectifs aujourd'hui qu'il y a dix ans lorsque Berlin était encore divisé par un Mur et des champs de mines et quand les troupes russes étaient concentrées en Thuringe, à 70 km de Francfort, où l'on trouve l'aéroport stratégique le plus important d'Europe Centrale. L'évolution la plus logique que pour­rait subir l'OTAN dans les années à venir serait une fusion du pilier européen avec l'UEO et un désenga­gement graduel des Etats-Unis sur le théâtre européen. L'UEO, en tant que pilier européen de l'OTAN, ab­sorbera dans une seconde phase des nouveaux pays comme l'Autriche, la Hongrie, la Slovénie et la République Tchèque, donnant à l'alliance un profil beaucoup plus européen et de moins en moins atlan­tique. Ensuite, nous devons espérer une fusion graduelle de l'UEO et de l'OSCE, afin d'établir la paix dans toute l'Europe et en Asie septentrionale et centrale. Espérons que cette OSCE acquerra de plus en plus de substance dans les décennies qui viennent.

 

b) L'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE. La première tâche que se donnera Washington, c'est de susciter du désordre partout dans le monde, spécialement dans les régions d'importance hautement stratégique, afin qu'aucune autre puissance ne soit en mesure de les contrôler et de glâner quelques bribes d'hégémonie régionale. ce désordre mobilisera des forces qui ne pourront plus consacrer leurs énergies à des fusions régionale ou à des processus de pacification ou à des processus impériaux au sens antique et non impérialiste du terme. La tâche que s'assignera Washington  —comme le fait généralement toute puissance hégémonique—  sera d'éviter l'émergence de tout challengeur. Mais sera-t-il possible, sur le très long terme, de confiner la Turquie dans un rôle mineur si la Turquie reçoit pour mission de coordonner les énergies des peuples turcophones d'Asie Centrale et deviendra ainsi une puissance hégémonique sur un groupe de pays comptant plus de 130 millions d'habitants? Sera-t-il possible d'obliger Berlin à suivre gentiment toutes les politiques suggérées par Washington si l'Allemagne, en tant que pays industriel très puissant et très efficace, amorce un travail en tandem avec une grande puissance pétrolière comme l'Iran, potentiellement forte aussi sur le plan militaire? Surtout si l'on se souvient que la première guerre mondiale a éclaté en partie parce que l'on voulait éviter que l'industrie de l'Allemagne de Guillaume II n'exerce une domination hégémonique sur le Moyen-Orient...

 

c) L'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE. Washington contrôle le commerce mondial par le biais du GATT ou du FMI. Mais l'idéologie qui se cache derrière ces structures nées immédiatement après la seconde guerre mondiale est une idéologie du libre-marché, visant à détruire toutes les barrières douanières pro­tectrices, pour créer, en bout de course, un monde unifié, heureux et uniforme, soit le monde que crai­gnait de voir émerger un Georges Orwell. Les barrières douanières était un système utilisé par les pays les moins puissants au niveau industriel pour aider leur population à développer en toute autonomie une industrie nationale, capable d'évoluer selon les schèmes culturels du peuple autochtone. Entre 1944 et 1946, les Etats-Unis, étant devenus le pays industriel le plus puissant, désiraient maintenir le monde tel qu'il était à ce moment-là de l'histoire, où Washington régnait sur de vastes groupes de pays dévastés ou sous-équipés. Le développement du Japon et de l'Allemagne, de même que celui des Nouveaux Pays Industriels (NPI) d'Asie orientale, constituent un danger pour le marché domestique américain lui-même, tout simplement parce que le Japon, l'Allemagne, Taïwan et Singapour n'ont pas la charge de financer une armée colossale et une technologie militaire hautement avancée capable d'intervenir partout dans le monde. Le résultat est que les voitures et les gadgets japonais envahissent les magasins aux Etats-Unis, en vertu du principe du libre marché imposé jadis par Roosevelt et Truman, mais les voitures et les gad­gets américains n'envahissent pas les boutiques japonaises...

 

Mais dans un domaine, l'Amérique se défend sans efforts avec un indéniable succès: dans les médias. Elle garde un atout gagné lors de la seconde guerre mondiale: l'utilisation généralisée d'un anglais appau­vri à travers le monde entier, comme une sorte de nouveau pidgin. Mais ce phénomène de “pidginization” permet à l'Amérique de lancer partout dans le monde des produits scientifiques ou culturels, de mettre sur pied des banques de données et de contrôler l'industrie informatique. Mais cet état de “pidginization” ne constitue-t-il pas une situation temporaire? Des méthodes pour apprendre la langue anglaise ont été ré­pandues dans le monde, si bien qu'une élite pragmatique, qui n'est ni américaine ni britannique, est dé­sormais capable d'utiliser cette langue correctement et d'envoyer des informations en anglais dans les banques de données ou sur internet. C'est déjà le cas, surtout dans les pays européens où l'anglais s'apprend et s'enseigne facilement parce que les langues locales lui son apparentées, comme en Allemagne, en Scandinavie et dans les pays du Bénélux. De ce fait, des informations reposant sur une base culturelle différente peuvent désormais modifier l'idéologie dominante en utilisant la langue de l'idéologie dominante. D'autres schèmes philosophiques ou spirituels peuvent d'ores et déjà avoir un cer­tain impact sur l'idéologie globale et relativiser ses certitudes. A la fin du processus, l'idéologie globale ne sera plus la même. Les cultures dominées infiltreront le discours dominant. Un processus semblable se déroulera du fait de l'anglicisation de l'Inde. D'ores et déjà les Indiens écrivent et impriment en anglais et injectent simultanément des conceptions et des modes de pensée indiens dans l'ensemble de la sphère anglophone ou dominée par l'anglais. L'Inde devient ainsi, petit à petit, la première voix du monde non-eu­ropéen et non-blanc, directement dans la langue d'origine européenne la plus répandue dans le monde.

 

3.

Comment lutter contre ces diverses formes d'impérialisme?

a) Contre l'IMPÉRIALISME MILITAIRE, la meilleur politique que l'Europe puisse suivre aujourd'hui est une politique d'inertie, une politique qui s'interdit d'embrayer sur les bellicismes américains et les condamna­tions unilétérales d'ennemis désignés par Washington. La meilleur chose que les puissances euro­péennes puissent faire, c'est d'attendre, de retarder les paiements dans le cadre des alliances avec les Etats-Unis, de développer lentement le pilier européen et de favoriser à terme la fusion avec l'UEO. Mais nous devons également être fort attentifs et ne pas nous faire dérober des opportunités au Moyen-Orient, ne pas nous faire barrer l'accès à des voies maritimes ou fluviales ou à des marchés équilibrés avec des puissances de moindres dimensions en dehors d'Europe, puissances que nous ne pourront jamais consi­dérer comme des semi-colonies mais toujours comme des partenaires à part entière.

b) Face à l'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE, les journalistes, politiciens, intellectuels, professeurs d'université, initiatives privées européens doivent sans cesse suggérer des alternatives à l'actuel Ordre mondial, qui est basé sur une idéologie accordant trop d'importance à l'argent et trop peu d'importance à la culture, l'éducation, la recherche, les traditions et la religion. Nous devons combler le “vide spirituel” qui s'est constitué au fil des décennies, justement parce que nous n'avions pas de “vide technologique”.

c) Contre l'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE, nous devons absolument focaliser nos attentions sur la responsabilité de chacun pour les atouts irremplaçables que nous offre la Terre-Mère, c'est-à-dire focali­ser nos attention sur les matières écologiques, parce que l'environnement malade de ce XXième siècle finissant nous a fait découvrir que toutes les choses que recelait la Terre avaient des limites et qu'il n'est plus possible désormais d'ignorer ces limites purement et simplementn comme nous l'avait enseigné une certaine philosophie étroitement rationaliste et cartésienne, surtout dans le cadre de nos pratiques éco­nomiques. Nous devons également respecter le principe de RÉCIPROCITÉ au niveau global. Ce n'est pas une bonne politique de laisser des continents entiers mourir de faim ou plongés dans les plus affreux dé­sastres de la guerre, du génocide ou des dissensions civiles. Nous ne pouvons pas offrir à l'Afrique une solution qui serait purement et simplement une reprise du vieil impérialisme colonialiste ni accentuer le néo-colonialisme financier en Amérique latine: seul sera cohérent l'avenir qui généralisera les principes de coopération et de réciprocité. Par exemple, les productions bon marché des pays du Tiers-Monde doivent être taxées si elles sont importées chez nous mais de la façon suivante: les pays du Tiers-Monde expor­tateurs doivent avoir la chance d'acheter des produits de haute technologie dans les pays riches qui im­portent les biens qu'ils produisent, de façon à ce que les travailleurs des pays développés puissent con­server leur emploi; l'économiste français Lauré suggère une TVA pour les produits du Tiers-Monde qui se­rait thésaurisée pour acheter des produits de plus haute technologie ou d'autres biens nécessaires au pays importateurs; en effet, les pays industriels ne peuvent tolérer une dialisation de leurs propres socié­tés, ou quelques happy fews  viveraient dans l'opulence à côté de masses clochardisées. Les sociétés duales émergent quand les marchandises bon marché du monde extérieur remplacent les mêmes mar­chandises produites dans le cadre domestique. Une telle situation crée les problèmes que nous connais­sons: chômage et misère dans les pays développés, pas de décollage et famine dans les pays en voie de développement. Un cul-de-sac dont nous devons tous sortir.

 

Et si le GATT vise en dernière instance à interdire les douanes, il ne dit rien de bien précis quant aux normes. La stabilisation des marchés domestiques pourrait dès lors s'opérer dans l'avenir non pas en appliquant des tarifs douaniers mais en imposant des normes de qualité afin de protéger des branches performantes de l'économie domestique et d'éviter ainsi le chômage, de conserver l'emploi et d'empêcher toute dualisation de la société.

 

Les chutes d'empires au cours de l'histoire ont toujours obligé les peuples à agir localement, à se tourner vers la planification régionale. Ce fut le cas immédiatement après l'effondrement de l'empire romain en Europe. Aujourd'hui, l'aménagement territorial sur base régionale est redevenu une nécessité, surtout dans les régions demeurées en marge, comme l'“Arc Atlantique” (du Portugal à la Bretagne) ou le Mezzogiorno. Même aux Etats-Unis, l'idée d'un vaste réaménagement territorial sur base régionale est aujourd'hui perçue comme une nécessité plutôt urgente, ainsi que nous le constatons dans les mouve­ments biorégionalistes et communautariens, qui peuvent être considérés comme les deux projets poli­tiques les plus intéressants d'Outre-Atlantique à ce jour. Mais ce retour aux racines et aux faits régionaux est possible aujourd'hui en interaction avec des technologies globales telles Internat. La coopération, les échanges d'informations, l'éducation interculturelle sont désormais possibles sans violence ou sans con­trôle colonial, c'est-à-dire sans qu'il ne soit nécessaire de perdre ses racines ou ses traditions. Etre membre d'un peuple spécifique, parler une langue très difficile et très ancienne, apprendre les langues antiques, mortes ou subsistantes, s'immerger totalement dans une tradition religieuse ou culturelle seront des atouts et non plus des inconvénients. Mais pour atteindre cette diversité globale, nous allons devoir nous armer de patience. La route sera longue qui nous mènera à cette diversité. Mais nous invitons tous les hommes à marcher joyeusement avec nous dans cette direction.

 

Comme l'écrivait récemment Hermann Scheer, un ingénieur allemand spécialisé en énergie solaire, dans son ouvrage Zurück zur Politik  (Piper, Munich, 1995), nous devons combattre pour construire un ordre économique global permettant à chaque Etat de forger sa propre politique énergétique et écologique, afin de démanteler les monopoles en économie, en politique et dans les médias, de lutter pour imposer un nouvel ordre agricole débarrassé des monopoles céréaliers et des manipulations génétiques, pour restau­rer l'agriculture écologique et créer des systèmes de communication respectueux de l'environnement.

 

Comme l'écrivait le philosophe italo-slovène Danilo Zolo (in Cosmopolis,  Feltrinelli, Milano, 1995), “le vieux modèle hiérarchisant... sera remplacé par une nouvelle logique, la logique du pacifisme faible, c'est-à-dire un pacifisme qui n'est pas le pacifisme habituel et conventionnel, visant à supprimer définitivement les guerres dans le monde, mais un pacifisme nouveau qui respecte la diversité des cultures et accepte la compétition entre les intérêts divergents”. Mais sans planétariser les guerres et les conflits.

 

Atteindre une anti-utopie de ce type est possible. Mais, comme je viens de le dire, le chemin qui y mène est très très long. Et je répète: marchons joyeusement dans cette direction.

 

Robert STEUCKERS.

00:05 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, déclin, décadence, empires | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook