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vendredi, 09 octobre 2020

Les marches des empires sous haute tension

Et de trois. Les drones turcs qui officiaient déjà en Syrie et en Libye survolent désormais le Haut-Karabakh, cette région montagneuse où les Arméniens affrontent les Azéris, soutenus par Ankara non seulement dans les airs, mais également au sol. Les supplétifs syriens à la solde de la Turquie, qui combattaient d’abord les Kurdes, ont migré vers la Tripolitaine libyenne puis aujourd’hui vers le Caucase, troisième front militaire pour le régime nationaliste de Recep Erdogan. 

Dans les mêmes contrées, Moscou pèse également de tout son poids, quoique moins offensivement qu’Ankara. En Syrie très officiellement pour soutenir coûte que coûte le gouvernement de Damas. En Libye, pour appuyer sans le dire ouvertement le régime du maréchal Haftar, sis en Cyrénaïque. La Russie est également une alliée historique de l’Arménie, quoi qu’elle maintienne aussi des relations de bon voisinage avec l’Azerbaïdjan, ancienne république d’URSS. Nous saurons certainement dans les prochains jours quelle attitude le grand pays orthodoxe adoptera dans le conflit du Haut-Karabakh. Une chose est sûre, la Russie et la Turquie ont montré en Syrie et en Libye qu’elles savaient s’entendre, nouant une étrange relation mêlant compétition et coopération, ce que le management nomme parfois “coopétition”. Pour la Syrie et peut-être plus discrètement pour l’Arménie, une autre grande puissance régionale est de la partie : l’Iran. La République islamique a su depuis longtemps maintenir des relations relativement cordiales avec la Turquie, tout en projetant ses ambitions géopolitiques le long de l’« arc chiite », avec, dans le cas syrien, l’appui russe, là aussi mêlé de rivalité.

Trois puissances régionales (dans le cas de Moscou également mondiale, vestige atomique de la Guerre froide) ; trois anciens empires. Ils se jaugent et rivalisent sans cesse, s’affrontent parfois, rarement directement, coopèrent souvent. Les points de friction qui deviennent objets de négociation se cristallisent naturellement dans leurs “marches”, le mot prenant ici un sens géopolitique. Les marches sont situées aux confins des empires et servent le plus souvent de zone tampon. Elles sont métissées et mélangées, ethniquement et religieusement. Leurs identités sont multiples, selon que l’on appartient à telle ou telle communauté, l’ensemble formant une mosaïque insaisissable. Pour un Européen de l’ouest, habitué à l’Etat-nation et à des frontières qui délimitent distinctement un dedans et un dehors, la notion de marche apparaît mystérieuse. Elles sont pourtant une réalité historique, souvent tragique. L’Arménie est un cas intéressant : elle est pour le coup un Etat-nation, mais est en même temps une marche aux confins des trois empires turc, russe et iranien. L’enclave arménienne du Haut-Karabakh en est la manifestation la plus criante.  

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Ces marches sont aujourd’hui sous haute tension au Levant. Les Etats-Unis se retirant progressivement du Moyen-Orient, les trois anciens empires se repositionnent derechef pour définir ensemble, mais au mieux de leurs intérêts, de nouveaux équilibres régionaux. Depuis 2015, la Russie tente de jouer les arbitres musclés, mais ouverts aux négociations. L’Iran, lui, joue un jeu plus solitaire pour consolider l’axe qui le mène à la Méditerranée. Quant à la Turquie, elle apparaît aujourd’hui comme l’acteur le plus véhément et le plus offensif de cette triade. 

Les actions géopolitiques de ces trois vieux empires sont le signe de la nouvelle multipolarité de notre monde. Des puissances moyennes déroulent leur propre agenda sur les ruines d’un monde bipolaire qui a vécu. L’Asie n’est pas en reste. Aux confins de la Chine, du Pakistan et de l’Inde, la tension militaire est à son comble dans la région disputée du Cachemire, autre mosaïque de populations au sang mêlé, où les armes résonnent de plus en plus, depuis des mois. Sans parler d’une autre marche chinoise, le Xinjiang, peuplé de Ouïghours contre lesquels Pékin exerce une emprise de plus en plus puissante.  

Etonnant paradoxe : en Europe, on ne cesse de vanter la diversité, les mosaïques, les mélanges, le métissage, mais le discours dominant ne sait comment penser ces “marches” géopolitiques, symboles d’une histoire longue et tragique qui n’entre pas dans les cases trop binaires du “droit-de-l’hommisme” ou du “néo-conservatisme”. Le vieux continent, du reste, n’échappe pas à ce phénomène des marches sous tension. Que l’on pense à l’Ukraine et, aujourd’hui, à la Biélorussie. Le schéma de pensée que l’on calque sur ces deux pays est souvent de deux ordres. D’un côté, le logiciel de la Guerre froide : il faudrait absolument que l’Ukraine devenue pro-européenne entrât dans l’OTAN pour endiguer la Russie. En 2014, certains intellectuels et politiques, qui, comme Cassandre n’ont pas été écoutés, ont senti le danger immense de jouer sur cette corde sensible qui n’allait qu’augmenter la douleur des Ukrainiens. “Ukraine”, en russe, signifie justement “marche”. Le nom même d’Ukraine aurait dû nous mettre en garde : jouer ce pays contre la Russie était incroyablement dangereux. L’histoire de ces cinq dernières années n’a fait qu’augmenter le syndrome d’encerclement russe. La seule solution sage aurait consisté à faire du rapprochement – heureux ! – de l’Ukraine avec l’Europe un pont vers la Russie. Encore aurait-il fallu, pour cela, que l’Europe eusse été indépendante des Etats-Unis, qui se refusent toujours d’en finir avec la Guerre froide. En l’occurrence, le maintien d’une logique bipolaire dans les relations Est/Ouest attise la tension qui existe dans les anciennes marches de l’empire russe. L’autre lecture trop courante est celle de la simple opposition entre démocratie et dictature. Car si la Biélorussie est bien une dictature et que l’on ne peut que souhaiter qu’elle ne le soit plus à l’avenir, elle n’est pas qu’un régime politique, mais aussi un pays, un peuple, une histoire, une culture composites, indissociablement liés à la Russie. Heureusement, jusqu’à présent, les Européens ont fait preuve de davantage de prudence qu’en Ukraine. L’avenir dira ce qu’il adviendra du régime dictatorial de Loukachenko. Mais une chose est sûre : la Biélorussie ne devra jamais servir de bouclier contre la Russie. Transformer une marche en un mur est un risque que l’on ne peut se permettre de prendre.

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Cette leçon devra aussi servir pour l’avenir, alors que le couple formé par les Etats-Unis et la Chine fait peser sur le monde le risque d’une nouvelle bipolarité à l’échelle internationale, laquelle ne sera pas forcément contradictoire avec le maintien d’une certaine multipolarité à l’échelle régionale. Samuel Huntington a trop souvent mal été lu : le père du “choc des civilisations” n’était pas partisan de l’ingérence militaire, mais bien au contraire d’une forme d’isolationnisme réfléchie. Selon lui, les Etats-Unis ne devaient pas intervenir partout dans le monde mais s’appuyer sur les grandes puissances régionales – chacune dominant une civilisation – pour déterminer un équilibre global qui soit le moins mauvais possible. Un projet qui, malheureusement, n’a pas été retenu. Il avait pourtant bien des qualités, à commencer par une forme de sage prudence. Aujourd’hui, pour le bien des Arméniens comme des Azéris, et plus globalement pour le bien de toutes les minorités du Moyen-Orient qui vivent dans les “marches” des vieux empires, l’Europe aurait peut-être tout intérêt à encourager, non sans fermeté, la formation d’un nouvel équilibre, le moins précaire possible, entre la Russie, la Turquie et l’Iran. Mais il nous faudrait pour cela abandonner notre vieille Guerre froide avec la Russie, en finir avec nos rêves d’une Turquie européenne qui existerait à notre image et arrêter de voir l’Iran comme un pays dont l’histoire aurait commencé en 1979. Bref, assumer un monde multiple, divers et fragile, à l’image de ses marches qui souffrent dans leur chair. 

*Alexis Feertchak, membre fondateur de Geopragma

samedi, 19 octobre 2019

Les caractères des décadences impériales

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Les caractères des décadences impériales

Nicolas Bonnal

Sir John Glubb et la décadence impériale

theylive.jpgOn parle beaucoup dans le monde antisystème de la chute de l’empire américain. Je m’en mêle peu parce que l’Amérique n’est pour moi pas un empire ; elle est plus que cela, elle est l’anti-civilisation, une matrice matérielle hallucinatoire, un virus mental et moral qui dévore et remplace mentalement l’humanité  – musulmans, chinois et russes y compris. Elle est le cancer moral et terminal du monde moderne. Celui qui l’a le mieux montré est le cinéaste John Carpenter dans son chef-d’œuvre des années 80, They Live. Et j’ai déjà parlé de Don Siegel et de son humanité de légumes dans l’invasion des profanateurs, réalisé en 1955, année flamboyante de pamphlets antiaméricains comme La Nuit du Chasseur de Laughton, le Roi à New York de Chaplin, The Big Heat de Fritz Lang.

On assiste néanmoins, certes, à un écroulement militaire, moral des américains et autres européens qui se font régulièrement humilier (sans forcément s’en apercevoir, tant ils sont devenus crétins) par les russes, les chinois et même par des iraniens présumés attardés…

Il faut alors rappeler ce qui motive ces écroulements impériaux. Je l’ai fait maintes fois en étudiant la décadence romaine à partir de textes tirés de la grande littérature romaine, agonisante du reste, puisqu’au deuxième siècle, après le siècle d’Auguste comme dit Ortega Y Gasset, les romains deviennent bêtes (tontos) comme les ricains, les franchouillards branchés et les Bozo britishs d’aujourd’hui. J’ai aussi rappelé dans trois brefs essais sur Ibn Khaldun les causes de la décadence morale du monde arabe.

Hervé nous a donné à connaître Glubb, personnage charmant et décati, qui me fait penser à l’oncle de Purdey dans l’un de mes « chapeau melon et bottes de cuir » préféré, oncle qui déclare que « tous les empires se sont cassé la gueule ». Dans cette série les méchants sont souvent et comme par hasard des nostalgiques de la grandeur impériale…

glubb.jpgTémoin donc de la désintégration de l’empire britannique causée par Churchill et Roosevelt, militaire vieille école, Glubb garde cependant une vision pragmatique et synthétique des raisons de nos décadences.

Commençons par le résumé donc de Glubb. Causes de la grandeur :

« Les étapes de la montée et de la chute de grandes nations semblent être:

– L’âge des pionniers (explosion)

– L’ère des conquêtes

– L’ère du commerce

– L’âge de la richesse

– L’âge de l’intellect, particulièrement dangereux…

Puis Glubb donne les causes de la décadence historique :

« La décadence est marquée par :

– une culture de la défensive (nous y sommes en plein avec Trump en ce moment)

– Le pessimisme (pensez au catastrophisme financier, économique climatique, avec cette Greta barbante qui insulte ses victimes consentantes).

– Le matérialisme (vieille lune, Ibn Khaldun ou Juvénal en parlant déjà)

– La frivolité (Démosthène en parle dans son épistèmé, traité sur la réforme, les athéniens passant leur temps au théâtre)

– Un afflux d’étrangers qui finit par détraquer le pays (Théophraste en parle au quatrième siècle, avant l’écroulement athénien, dans ses caractères)

– L’Etat providence. C’est très bien que Glubb en parle, à la manière de Tocqueville (Démocratie II, p. 380), de Nietzsche (« nous avons inventé le bonheur ! », au début de Zarathoustra) et du méconnu australien Pearson. Pearson résume en un trait-éclair : le prophète et le héros sont devenus des femmes de ménage. Ou des bureaucrates humanitaires ?

– Un affaiblissement de la religion. »

Sur ce dernier point, on évoquera Bergoglio qui est passé comme une lettre à la poste chez les cathos zombis qui lui sont soumis. La religion catholique canal historique n’intéresse plus les ex-chrétiens, à part une poignée d’oasis, comme l’avait compris le pape éconduit Benoit XVI. Le Figaro-madame faisait récemment sans barguigner la pub d’une riche catho, bourgeoise, mariée à une femme, et qui allait à la messe le dimanche…

Bloy, Drumont, Bernanos observaient la même entropie en leur temps. Sur le journal La Croix, qu’embêtait la manif anti-PMA récemment, Léon Bloy écrivait vers 1900 dans son journal : « Pour ce qui est de la Croix, vous connaissez mes sentiments à l’égard de cette feuille du Démon, surtout si vous avez lu la préface de Mon Journal. »

coolconquest.jpgToutes ces causes se cumulent aujourd’hui en occident. Glubb écrit à l’époque des Rolling stones et on comprend qu’il ait été traumatisé, une kommandantur de programmation culturelle (l’institut Tavistock ?!) ayant projeté l’Angleterre dans une décadence morale, intellectuelle et matérielle à cette époque abjecte. C’est l’effarante conquête du cool dont parle le journaliste Thomas Frank. En quelques années, explique Frank notre nation (US) n’était plus la même. Idem pour la France du gaullisme, qui rompait avec le schéma guerrier, traditionnel et initiatique de la quatrième république et nous fit rentrer dans l’ère de la télé, de la consommation, des supermarchés, de salut les copains, sans oublier mai 68. Je ne suis gaulliste que géopolitiquement, pour le reste, merci… Revoyez Godard, Tati, Etaix, pour reprendre la mesure du problème gaulliste.

Glubb explique ensuite le raisons (surtout morales, de son point de vue de militaire de droite) de la décadence…

« La décadence est due à:

-Une trop longue période de richesse et de pouvoir

– L’Égoïsme

– L’Amour de l’argent

-La perte du sens du devoir. »

Très bien dit. Il semble que la date charnière de l’histoire de France, après le beau baroud d’honneur de la quatrième république, soit la reddition algérienne du gaullisme. Après on a consommé et on s’est foutu de tout : les bidasses, la septième compagnie prirent le relais de Camerone, de Dien-Bien-Phu…

Jusque-là Glubb nous plait mais il ne nous a pas surpris. Trouvons des pépites dans ce bref aperçu des écrits de Glubb tout de même :

« Les héros des nations en déclin sont toujours le même, l’athlète, le chanteur ou le acteur. Le mot ‘célébrité’ aujourd’hui est utilisé pour désigner un comédien ou un joueur de football, pas un homme d’État, un général ou un littéraire génie. »

Et comme notre homme est un arabisant distingué, il parle de la décadence arabe – citant lui le moins connu mais passionnant Ibn Ghazali.

« Dans la première moitié du neuvième siècle, Bagdad a connu son apogée en tant que plus grande et la plus riche ville du monde. Dans 861, cependant, le Khalif régnant (calife), Mutawakkil, a été assassiné par ses turcs mercenaires, qui ont mis en place une dictature militaire, qui a duré environ trente ans.

Au cours de cette période, l’empire s’est effondré, les divers dominions et provinces, chacun en recherchant l’indépendance virtuelle et à la recherche de ses propres intérêts. Bagdad, jusque-là capitale d’un vaste empire, a trouvé son autorité limitée à l’Irak seul. »

Cet écroulement provincial fait penser à notre Europe pestiférée, à l’Espagne désintégrée du binôme Sanchez-Soros, et évoque ces fameuses taifas, micro-royaumes écrabouillés un par un par les implacables et modernes rois catholiques.

Glubb ajoute :

« Les travaux des historiens contemporains de Bagdad au début du Xe siècle sont toujours disponibles. Ils ont profondément déploré la dégénérescence des temps dans lesquels ils vivaient, en insistant sur l’indifférence de la religion, le matérialisme croissant, le laxisme de la morale sexuelle. Et ils lamentaient aussi la corruption des fonctionnaires du gouvernement et le fait que les politiciens semblaient toujours amasser de grandes fortunes quand ils étaient en fonction. »

glubbF.jpgDétail chic pour raviver ma marotte du présent permanent, Glubb retrouve même trace des Beatles chez les califes !

« Les historiens ont commenté amèrement l’influence extraordinaire acquise par les populaires chanteurs sur les jeunes, ce qui a entraîné un déclin de la moralité sexuelle. Les chanteurs « pop » de Bagdad ont accompagné leurs chansons érotiques du luth (sic), un instrument ressemblant à la guitare moderne. Dans la seconde moitié du dixième siècle, en conséquence, le langage sexuel obscène est devenu de plus en plus utilisé, tels qu’ils n’auraient pas été tolérés dans un âge précoce. Plusieurs califes ont émis des ordres pour interdire les chanteurs «pop» de la capitale, mais en quelques années ils revenaient toujours. »

Glubb dénonce le rôle de la gendarmerie féministe (voyez Chesterton, étudié ici…) :

« Une augmentation de l’influence des femmes dans la vie publique a souvent été associée au déclin international. Les derniers Romains se sont plaints que, bien que Rome ait gouverné le monde, les femmes gouvernassent Rome. Au dixième siècle, une semblable tendance était observable dans l’empire arabe, les femmes demandant l’admission à des professions jusque-là monopolisées par les hommes. »

Affreux sexiste, Glubb ajoute :

« Ces occupations judiciaires et administratives  ont toujours été limitées aux hommes seuls. Beaucoup de femmes pratiquaient le droit, tandis que d’autres ont obtenu des postes à l’université, de professeurs. Il y avait une agitation pour la nomination de femmes juges qui, cependant, ne semble pas avoir réussi. »

Sur ce rôle de la manipulation de la « libération » de la femme, qui n’a rien à voir avec l’égalité des droits, dans la décadence des civilisations, je recommanderai le chef d’œuvre sur Sparte de mon ami d’enfance Nicolas Richer, fils de Jean Richer, l’éclaireur de Nerval.

Et je célébrerai aujourd’hui cette pépite, à une époque où l’histoire devient une caricature au service de lobbies toujours plus tarés :

« Alternativement, il existe des écoles «politiques» de l’histoire, inclinée pour discréditer les actions de nos anciens dirigeants, afin de soutenir la modernité des mouvements politiques. Dans tous ces cas, l’histoire n’est pas une tentative de déterminer la vérité, mais un système de propagande, consacré à l’avancement de projets modernes. »

Nietzsche écrit déjà dans sa deuxième dissertation inactuelle :

« Les historiens naïfs appellent « objectivité » l’habitude de mesurer les opinions et les actions passées aux opinions qui ont cours au moment où ils écrivent. C’est là qu’ils trouvent le canon de toutes les vérités. Leur travail c’est d’adapter le passé à la trivialité actuelle. Par contre, ils appellent « subjective » toute façon d’écrire l’histoire qui ne considère pas comme canoniques ces opinions populaires. »

Terminons avec Glubb, qui donne deux siècles et demi à chaque empire, l’anglais, l’ottoman, l’espagnol y compris. On voit bien que l’empire américain n’en est pas un. C’est en tant que matrice subversive que l’entité-dollar-télé US est pernicieuse (Chesterton). Tout ce que Glubb dénonce dans l’intellectualisme si néfaste trouve en ce moment, avec la nouvelle révolution culturelle made in USA, un écho particulier. Tocqueville nous avait mis en garde : en démocratie, le pouvoir délaisse le corps et va droit à l’âme.

Sources :

Nicolas Bonnal – Mitterrand grand initié (Albin Michel) ; Chroniques sur la fin de l’histoire ; le livre noir de la décadence romaine (Amazon.fr)

Sir John Glubb – The Fate of Empires (archive.org)

Charles Pearson – National Life and character (archive.org)

Léon Bloy – L’invendable (wikisource.org)

LES PROLÉGOMÈNES D’IBN KHALDOUN (732-808 de l’hégire) (1332-1406 de J. C.), traduits en Français et commentés par W. MAC GUCKIN DE SLANE (1801-1878), (1863) Troisième partie, sixième section (classiques.uqac.ca)

Nietzsche – Deuxième considération inactuelle (wikisource.org) ; Ainsi parlait Zarathoustra

Ortega Y Gasset – L’ère des masses

Nicolas Richer – Sparte (Perrin)

Démosthène – Traité de la réforme (remacle.org)

Tocqueville – Démocratie en Amérique, I, 2.

Théophraste – Caractères, traduits par La Bruyère (ebooksgratuits.com)

Thomas Frank – The conquest of cool

Philippe Grasset – La grâce de l’histoire (mols)

mardi, 09 septembre 2014

How Empires End

How Empires End

sac-de-rome-par-les-barbares-en-410.jpgHistories are generally written by academics. They, quite naturally, tend to focus on the main events: the wars and the struggles between leaders and their opponents (both external and internal). Whilst these are interesting stories to read, academics, by their very nature, often overlook the underlying causes for an empire’s decline.

Today, as in any era, most people are primarily interested in the “news”—the daily information regarding the world’s political leaders and their struggles with one another to obtain, retain, and expand their power. When the history is written about the era we are passing through, it will reflect, in large measure, a rehash of the news. As the media of the day tend to overlook the fact that present events are merely symptoms of an overall decline, so historians tend to focus on major events, rather than the “slow operations” that have been the underlying causes.

The Persian Empire

When, as a boy, I was “educated” about the decline and fall of the Persian Empire, I learned of the final takeover by Alexander the Great but was never told that, in its decline, Persian taxes became heavier and more oppressive, leading to economic depression and revolts, which, in turn led to even heavier taxes and increased repression. Increasingly, kings hoarded gold and silver, keeping it out of circulation from the community. This hamstrung the market, as monetary circulation was insufficient to conduct business. By the time Alexander came along, Persia, weakened by warfare and internal economic strife, was a shell of an empire and was relatively easy to defeat.

The Tang Dynasty

Back then, I also learned that the Tang Dynasty ended as a result of the increased power amongst the eunuchs, battles with fanzhen separatists, and finally, peasants’ revolts. True enough, but I was not taught that the dynasty’s expansion-based warfare demanded increases in taxation, which led to the revolts. Continued warfare necessitated increasing monetary and land extortion by the eunuchs, resulting in an abrupt decrease in food output and further taxes. Finally, as economic deterioration and oppression of the citizenry worsened, citizens left the area entirely for more promise elsewhere.

Is there a pattern here? Let’s have a more detailed look—at another empire.

The Spanish Empire

In 1556, Philip II of Spain inherited what was regarded as Europe’s most wealthy nation, with no apparent economic problems. Yet, by 1598, Spain was bankrupt. How was this possible?

Spain was doing well but sought to become a major power. To achieve this, Philip needed more tax dollars. Beginning in 1561, the existing servicio tax was regularised, and the crusada tax, the excusado tax, and the millones tax were all added by 1590.

Over a period of 39 years (between 1559 and 1598) taxes increased by 430%. Although the elite of the day were exempt from taxation (the elite of today are not officially exempt), the average citizen was taxed to the point that both business expansion and public purchasing diminished dramatically. Wages did not keep pace with the resultant inflation. The price of goods rose 400%, causing a price revolution and a tax revolution.

Although Spain enjoyed a flood of gold and silver from the Americas at this time, the increased wealth went straight into Philip’s war efforts. However, the 100,000 troops were soon failing to return sufficient spoils to Philip to pay for their forays abroad.

In a final effort to float the doomed empire, Philip issued government bonds, which provided immediate cash but created tremendous debt that, presumably, would need to be repaid one day. (The debt grew to 8.8 times GDP.)

Spain declared bankruptcy. Trade slipped to other countries. The military, fighting on three fronts, went unpaid, and military aspirations collapsed.

It is important to note that, even as the empire was collapsing, Philip did not suspend warfare. He did not back off on taxation. Like leaders before and since, he instead stubbornly increased his autocracy as the empire slid into collapse.

Present-Day Empires

Again, the events above are not taught to schoolchildren as being of key importance in the decline of empires, even though they are remarkably consistent with the decline of other empires and what we are seeing today. The very same events occur, falling like dominoes, more or less in order, in any empire, in any age:

  1. The reach of government leaders habitually exceeds their grasp.
  1. Dramatic expansion (generally through warfare) is undertaken without a clear plan as to how that expansion is to be financed.
  1. The population is overtaxed as the bills for expansion become due, without consideration as to whether the population can afford increased taxation.
  1. Heavy taxation causes investment by the private sector to diminish, and the economy begins to decline.
  1. Costs of goods rise, without wages keeping pace.
  1. Tax revenue declines as the economy declines (due to excessive taxation). Taxes are increased again, in order to top up government revenues.
  1. In spite of all the above, government leaders personally hoard as much as they can, further limiting the circulation of wealth in the business community.
  1. Governments issue bonds and otherwise borrow to continue expansion, with no plan as to repayment.
  1. Dramatic authoritarian control is instituted to assure that the public continues to comply with demands, even if those demands cannot be met by the public.
  1. Economic and social collapse occurs, often marked by unrest and riots, the collapse of the economy, and the exit of those who are productive.
  1. In this final period, the empire turns on itself, treating its people as the enemy.

The above review suggests that if our schoolbooks stressed the underlying causes of empire collapse, rather than the names of famous generals and the dates of famous battles, we might be better educated and be less likely to repeat the same mistakes.

Unfortunately, this is unlikely. Chances are, future leaders will be just as uninterested in learning from history as past leaders. They will create empires, then destroy them.

Even the most informative histories of empire decline, such as The Decline and Fall of the Roman Empire, by Edward Gibbon, will not be of interest to the leaders of empires. They will believe that they are above history and that they, uniquely, will succeed.

If there is any value in learning from the above, it is the understanding that leaders will not be dissuaded from their aspirations. They will continue to charge ahead, both literally and figuratively, regardless of objections and revolts from the citizenry.

Once an empire has reached stage eight above, it never reverses. It is a “dead empire walking” and only awaits the painful playing-out of the final three stages. At that point, it is foolhardy in the extreme to remain and “wait it out” in the hope that the decline will somehow reverse. At that point, the wiser choice might be to follow the cue of the Chinese, the Romans, and others, who instead chose to quietly exit for greener pastures elsewhere.

Reprinted with permission from Casey Research.

10:33 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, empires, déclin, décadence | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 30 janvier 2011

Afghanistan - "Totenacker der Imperien"?

Afghanistan – »Totenacker der Imperien«?

Gedanken zur Verlängerung des Afghanistan-Mandates

Wolfgang Effenberger

 

Mitte Januar 2011 beschloss die Bundesregierung, das Afghanistan-Mandat vorerst bis Ende 2011 zu verlängern. Dann soll der Abzug beginnen, sofern »die Lage dies erlaubt«. Weder dürften die verbleibenden deutschen Soldaten, noch die »Nachhaltigkeit des Übergabeprozesses» gefährdet werden. Die seit Jahren übliche Rhetorik, die üblichen Worthülsen. Diese schwammigen Formulierungen sind eine Farce. Viel wichtiger als der Beginn eines scheinbaren Abzuges – man erinnere sich an den »Abzug« der US-Kampfbrigaden im Irak im Sommer 2010 (1) – ist das definitive Ende mit der Rückkehr des letzten Soldaten. Diesen Mut hat die Sowjetunion bewiesen und den Rückzug aus Afghanistan fest terminiert: Am 15. Februar 1989 überquerte mit General Boris Gromow der letzte sowjetische Soldat die Termez-Brücke am Grenzfluss Amu Darja.

Mehr: http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/deutschland/wolf...

 

 

 

Quelle: http://gesellschaftsspiegel.de/wordpress/wp-content/uploads/brz158.jpg

samedi, 20 février 2010

Réflexions sur la chute des empires

Colloque de Londres, 19 novembre 1995

 

Réflexions sur la chute des empires

(Intervention de Robert Steuckers)

 

downfall_wallpaper2.jpg1.

Lorsqu'après la perestroïka, après la chute du Mur de Berlin, après le retrait des troupes soviétiques hors d'Europe orientale, après l'effondrement des structures étatiques soviétiques en 1991, les Etats-Unis sont demeurés la seule et unique superpuissance en lice sur la scène internationale et le Président Bush pouvait effectivement espérer qu'un “Nouvel Ordre Mondial” allait émerger sous la direction de son pays, béni par le Tout-Puissant. Mais la tâche de diriger le monde n'est pas aisée, si l'on se souvient des pro­phécies du Prof. Paul Kennedy sur l'“hypertrophie impériale”. Bon nombre d'empires dans l'histoire ont sombré dans le déclin jadis simplement parce qu'ils ne pouvaient plus contrôler tous les territoires se trouvant sous leur juridiction ou, pour être plus précis, toutes les grandes voies de communication de l'Empire sur terre comme sur mer. Cette tâche nécessite une mobilisation constante de tous les moyens militaires, diplomatiques et économiques.

- Mobiliser les moyens militaires coûte très cher et soumet la nation impériale au risque de négliger ses problèmes domestiques, comme l'éducation et la santé. L'écroulement de l'empire peut alors avoir pour cause un manque de dirigeants et de gestionnaires qualifiés pour les grandes entreprises ou même pour les armées, ou par un le poids excessif des classes sociales exclues.

- Mobiliser tous les moyens diplomatiques implique une recherche constante de nouveaux alliés fiables. Mais l'art de la diplomatie nous enseigne qu'il faut éviter de trop se fier aux alliés qui risquent de devenir trop puissants et de vous lancer un défi ultérieurement. Aujourd'hui, les Etats-Unis, en tant que seul su­perpuissance demeurant en lice, essaiyent de mobiliser des musulmans modérés autour de la Turquie, des musulmans fondamentalistes-conservateurs autour de l'Arabie Saoudite, des musulmans fondamen­talistes révolutionnaires autour du Soudan, afin d'acquérir un certain contrôle de l'Asie Centrale, de la ré­gion du Golfe ou de l'Afrique du Nord. Ce constat doit nous amener à poser une question: ces nouveaux alliés seront suffisamment fiables à long terme? Une partie d'entre eux, ou même l'ensemble, ne pourrait-elle pas évoluer comme l'Iran et devenir en un tourne-main des ennemis fanatiques de la superpuissance dirigeante? Les philosophes parmi nous se remémoreront la dialectique du Maître et de l'Esclave chez Hegel. L'Esclave obéira aussi longtemps qu'il ne pourra pas faire autrement, tant qu'il sera payé pour ac­complir sa tâche. Il se rendra indispensable. Mais dès qu'il prendra conscience de son pouvoir en tant qu'adjoint ou qu'allié, il défiera son Maître. C'est là une loi de l'histoire bien connue.

- Mobiliser tous les moyens économiques implique de dépenser des sommes considérables pour la dé­fense et de rogner dans les autres domaines, comme la santé et l'éducation. Sur le long terme, avec une telle politique, la solidarité nationale s'évanouit, la nation cesse d'être une communauté, le sens du res­pect mutuel disparaît, la moralité publique demeure un vague souvenir et la cohésion du pays ne peut plus œuvrer pour soutenir la puissance de l'Etat sur la scène internationale. Le manque d'investissements dans le domaine de l'éducation conduit à engager du personnel enseignant à l'étranger, même dans des pays potientiellement ennemis. Les Etats et les peuples soumis à la superpuissance impériale peuvent ti­rer avantage du fait que les charges militaires sont supportées par la puissance hégémonique et investir dans les affaires sociales domestiques, gagnant du même coup en cohésion et en qualité d'enseignement, c'est-à-dire en pariant sur une politique qui leur donnera très vite de meilleures gestion­naires et de meilleurs ingénieurs.

 

A cause de l'“hypertrophie impériale” et à certaines faiblesses domestiques, les Etats-Unis doivent au­jourd'hui pratiquer la politique suivante dans le monde:

- Premièrement, contrôler l'Asie Centrale pour contenir la Russie;

- Deuxièmement, contrôler la région du Golfe pour contenir et l'Irak et l'Iran ou pour empêcher toute affir­mation européenne ou japonaise dans cette zone recelant les plus grands gisements de pétrole du globe;

- Troisièmement, contrôler tous les pays situés entre la Méditerranée et la Corne de l'Afrique;

Cette triple nécessité implique d'ores et déjà de déléguer du pouvoir à la Grande-Bretagne, pour qu'elle négocie avec les challengeurs islamiques en Algérie; à l'Allemagne, pour qu'elle négocie directement avec l'Iran, comme l'a annoncé officiellement la semaine dernière le Ministre des Affaires Etrangères al­lemand, Klaus Kinkel, dans les colonnes du plus important des hebdomadaires de l'Europe continentale, Der Spiegel  (Hambourg). Si le boycott de l'Iran est la politique officielle de Washington, la nouvelle poli­tique de Berlin à l'égard de Téhéran sera celle du “dialogue critique”.

 

Déléguer de telles tâches à Londres ou à Berlin constitue en fait un recul de la stratégie impériale améri­caine parce que cela signifie réintroduire Londres et Berlin dans des zones d'où ces pays avaient été ex­clus au cours des événements de ce siècle par une intervention directe ou indirecte des Etats-Unis. Il nous reste à poser une question: les Etats-Unis seront-ils capables de contrôler entièrement la politique des diplomates et des industriels allemands en Iran, surtout sur les Allemands agiront dans les premières étapes de leur “dialogue critique” avec l'accord tacite de Washington? La délégation de pouvoir indique que l'hypertrophie impériale n'est déjà plus gérable.

 

2.

Mais outre la difficulté croissante à contrôler tout ce qui devrait être contrôlé, comment l'impérialisme se présente-t-il aujourd'hui?

a) L'IMPÉRIALISME MILITAIRE. L'impérialisme militaire de la seule superpuissance de 1995 consiste en résidus d'alliances forgées au temps de la Guerre Froide. L'OTAN ne peut évidemment plus avoir le même but et les mêmes objectifs aujourd'hui qu'il y a dix ans lorsque Berlin était encore divisé par un Mur et des champs de mines et quand les troupes russes étaient concentrées en Thuringe, à 70 km de Francfort, où l'on trouve l'aéroport stratégique le plus important d'Europe Centrale. L'évolution la plus logique que pour­rait subir l'OTAN dans les années à venir serait une fusion du pilier européen avec l'UEO et un désenga­gement graduel des Etats-Unis sur le théâtre européen. L'UEO, en tant que pilier européen de l'OTAN, ab­sorbera dans une seconde phase des nouveaux pays comme l'Autriche, la Hongrie, la Slovénie et la République Tchèque, donnant à l'alliance un profil beaucoup plus européen et de moins en moins atlan­tique. Ensuite, nous devons espérer une fusion graduelle de l'UEO et de l'OSCE, afin d'établir la paix dans toute l'Europe et en Asie septentrionale et centrale. Espérons que cette OSCE acquerra de plus en plus de substance dans les décennies qui viennent.

 

b) L'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE. La première tâche que se donnera Washington, c'est de susciter du désordre partout dans le monde, spécialement dans les régions d'importance hautement stratégique, afin qu'aucune autre puissance ne soit en mesure de les contrôler et de glâner quelques bribes d'hégémonie régionale. ce désordre mobilisera des forces qui ne pourront plus consacrer leurs énergies à des fusions régionale ou à des processus de pacification ou à des processus impériaux au sens antique et non impérialiste du terme. La tâche que s'assignera Washington  —comme le fait généralement toute puissance hégémonique—  sera d'éviter l'émergence de tout challengeur. Mais sera-t-il possible, sur le très long terme, de confiner la Turquie dans un rôle mineur si la Turquie reçoit pour mission de coordonner les énergies des peuples turcophones d'Asie Centrale et deviendra ainsi une puissance hégémonique sur un groupe de pays comptant plus de 130 millions d'habitants? Sera-t-il possible d'obliger Berlin à suivre gentiment toutes les politiques suggérées par Washington si l'Allemagne, en tant que pays industriel très puissant et très efficace, amorce un travail en tandem avec une grande puissance pétrolière comme l'Iran, potentiellement forte aussi sur le plan militaire? Surtout si l'on se souvient que la première guerre mondiale a éclaté en partie parce que l'on voulait éviter que l'industrie de l'Allemagne de Guillaume II n'exerce une domination hégémonique sur le Moyen-Orient...

 

c) L'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE. Washington contrôle le commerce mondial par le biais du GATT ou du FMI. Mais l'idéologie qui se cache derrière ces structures nées immédiatement après la seconde guerre mondiale est une idéologie du libre-marché, visant à détruire toutes les barrières douanières pro­tectrices, pour créer, en bout de course, un monde unifié, heureux et uniforme, soit le monde que crai­gnait de voir émerger un Georges Orwell. Les barrières douanières était un système utilisé par les pays les moins puissants au niveau industriel pour aider leur population à développer en toute autonomie une industrie nationale, capable d'évoluer selon les schèmes culturels du peuple autochtone. Entre 1944 et 1946, les Etats-Unis, étant devenus le pays industriel le plus puissant, désiraient maintenir le monde tel qu'il était à ce moment-là de l'histoire, où Washington régnait sur de vastes groupes de pays dévastés ou sous-équipés. Le développement du Japon et de l'Allemagne, de même que celui des Nouveaux Pays Industriels (NPI) d'Asie orientale, constituent un danger pour le marché domestique américain lui-même, tout simplement parce que le Japon, l'Allemagne, Taïwan et Singapour n'ont pas la charge de financer une armée colossale et une technologie militaire hautement avancée capable d'intervenir partout dans le monde. Le résultat est que les voitures et les gadgets japonais envahissent les magasins aux Etats-Unis, en vertu du principe du libre marché imposé jadis par Roosevelt et Truman, mais les voitures et les gad­gets américains n'envahissent pas les boutiques japonaises...

 

Mais dans un domaine, l'Amérique se défend sans efforts avec un indéniable succès: dans les médias. Elle garde un atout gagné lors de la seconde guerre mondiale: l'utilisation généralisée d'un anglais appau­vri à travers le monde entier, comme une sorte de nouveau pidgin. Mais ce phénomène de “pidginization” permet à l'Amérique de lancer partout dans le monde des produits scientifiques ou culturels, de mettre sur pied des banques de données et de contrôler l'industrie informatique. Mais cet état de “pidginization” ne constitue-t-il pas une situation temporaire? Des méthodes pour apprendre la langue anglaise ont été ré­pandues dans le monde, si bien qu'une élite pragmatique, qui n'est ni américaine ni britannique, est dé­sormais capable d'utiliser cette langue correctement et d'envoyer des informations en anglais dans les banques de données ou sur internet. C'est déjà le cas, surtout dans les pays européens où l'anglais s'apprend et s'enseigne facilement parce que les langues locales lui son apparentées, comme en Allemagne, en Scandinavie et dans les pays du Bénélux. De ce fait, des informations reposant sur une base culturelle différente peuvent désormais modifier l'idéologie dominante en utilisant la langue de l'idéologie dominante. D'autres schèmes philosophiques ou spirituels peuvent d'ores et déjà avoir un cer­tain impact sur l'idéologie globale et relativiser ses certitudes. A la fin du processus, l'idéologie globale ne sera plus la même. Les cultures dominées infiltreront le discours dominant. Un processus semblable se déroulera du fait de l'anglicisation de l'Inde. D'ores et déjà les Indiens écrivent et impriment en anglais et injectent simultanément des conceptions et des modes de pensée indiens dans l'ensemble de la sphère anglophone ou dominée par l'anglais. L'Inde devient ainsi, petit à petit, la première voix du monde non-eu­ropéen et non-blanc, directement dans la langue d'origine européenne la plus répandue dans le monde.

 

3.

Comment lutter contre ces diverses formes d'impérialisme?

a) Contre l'IMPÉRIALISME MILITAIRE, la meilleur politique que l'Europe puisse suivre aujourd'hui est une politique d'inertie, une politique qui s'interdit d'embrayer sur les bellicismes américains et les condamna­tions unilétérales d'ennemis désignés par Washington. La meilleur chose que les puissances euro­péennes puissent faire, c'est d'attendre, de retarder les paiements dans le cadre des alliances avec les Etats-Unis, de développer lentement le pilier européen et de favoriser à terme la fusion avec l'UEO. Mais nous devons également être fort attentifs et ne pas nous faire dérober des opportunités au Moyen-Orient, ne pas nous faire barrer l'accès à des voies maritimes ou fluviales ou à des marchés équilibrés avec des puissances de moindres dimensions en dehors d'Europe, puissances que nous ne pourront jamais consi­dérer comme des semi-colonies mais toujours comme des partenaires à part entière.

b) Face à l'IMPÉRIALISME DIPLOMATIQUE, les journalistes, politiciens, intellectuels, professeurs d'université, initiatives privées européens doivent sans cesse suggérer des alternatives à l'actuel Ordre mondial, qui est basé sur une idéologie accordant trop d'importance à l'argent et trop peu d'importance à la culture, l'éducation, la recherche, les traditions et la religion. Nous devons combler le “vide spirituel” qui s'est constitué au fil des décennies, justement parce que nous n'avions pas de “vide technologique”.

c) Contre l'IMPÉRIALISME TECHNOLOGIQUE, nous devons absolument focaliser nos attentions sur la responsabilité de chacun pour les atouts irremplaçables que nous offre la Terre-Mère, c'est-à-dire focali­ser nos attention sur les matières écologiques, parce que l'environnement malade de ce XXième siècle finissant nous a fait découvrir que toutes les choses que recelait la Terre avaient des limites et qu'il n'est plus possible désormais d'ignorer ces limites purement et simplementn comme nous l'avait enseigné une certaine philosophie étroitement rationaliste et cartésienne, surtout dans le cadre de nos pratiques éco­nomiques. Nous devons également respecter le principe de RÉCIPROCITÉ au niveau global. Ce n'est pas une bonne politique de laisser des continents entiers mourir de faim ou plongés dans les plus affreux dé­sastres de la guerre, du génocide ou des dissensions civiles. Nous ne pouvons pas offrir à l'Afrique une solution qui serait purement et simplement une reprise du vieil impérialisme colonialiste ni accentuer le néo-colonialisme financier en Amérique latine: seul sera cohérent l'avenir qui généralisera les principes de coopération et de réciprocité. Par exemple, les productions bon marché des pays du Tiers-Monde doivent être taxées si elles sont importées chez nous mais de la façon suivante: les pays du Tiers-Monde expor­tateurs doivent avoir la chance d'acheter des produits de haute technologie dans les pays riches qui im­portent les biens qu'ils produisent, de façon à ce que les travailleurs des pays développés puissent con­server leur emploi; l'économiste français Lauré suggère une TVA pour les produits du Tiers-Monde qui se­rait thésaurisée pour acheter des produits de plus haute technologie ou d'autres biens nécessaires au pays importateurs; en effet, les pays industriels ne peuvent tolérer une dialisation de leurs propres socié­tés, ou quelques happy fews  viveraient dans l'opulence à côté de masses clochardisées. Les sociétés duales émergent quand les marchandises bon marché du monde extérieur remplacent les mêmes mar­chandises produites dans le cadre domestique. Une telle situation crée les problèmes que nous connais­sons: chômage et misère dans les pays développés, pas de décollage et famine dans les pays en voie de développement. Un cul-de-sac dont nous devons tous sortir.

 

Et si le GATT vise en dernière instance à interdire les douanes, il ne dit rien de bien précis quant aux normes. La stabilisation des marchés domestiques pourrait dès lors s'opérer dans l'avenir non pas en appliquant des tarifs douaniers mais en imposant des normes de qualité afin de protéger des branches performantes de l'économie domestique et d'éviter ainsi le chômage, de conserver l'emploi et d'empêcher toute dualisation de la société.

 

Les chutes d'empires au cours de l'histoire ont toujours obligé les peuples à agir localement, à se tourner vers la planification régionale. Ce fut le cas immédiatement après l'effondrement de l'empire romain en Europe. Aujourd'hui, l'aménagement territorial sur base régionale est redevenu une nécessité, surtout dans les régions demeurées en marge, comme l'“Arc Atlantique” (du Portugal à la Bretagne) ou le Mezzogiorno. Même aux Etats-Unis, l'idée d'un vaste réaménagement territorial sur base régionale est aujourd'hui perçue comme une nécessité plutôt urgente, ainsi que nous le constatons dans les mouve­ments biorégionalistes et communautariens, qui peuvent être considérés comme les deux projets poli­tiques les plus intéressants d'Outre-Atlantique à ce jour. Mais ce retour aux racines et aux faits régionaux est possible aujourd'hui en interaction avec des technologies globales telles Internat. La coopération, les échanges d'informations, l'éducation interculturelle sont désormais possibles sans violence ou sans con­trôle colonial, c'est-à-dire sans qu'il ne soit nécessaire de perdre ses racines ou ses traditions. Etre membre d'un peuple spécifique, parler une langue très difficile et très ancienne, apprendre les langues antiques, mortes ou subsistantes, s'immerger totalement dans une tradition religieuse ou culturelle seront des atouts et non plus des inconvénients. Mais pour atteindre cette diversité globale, nous allons devoir nous armer de patience. La route sera longue qui nous mènera à cette diversité. Mais nous invitons tous les hommes à marcher joyeusement avec nous dans cette direction.

 

Comme l'écrivait récemment Hermann Scheer, un ingénieur allemand spécialisé en énergie solaire, dans son ouvrage Zurück zur Politik  (Piper, Munich, 1995), nous devons combattre pour construire un ordre économique global permettant à chaque Etat de forger sa propre politique énergétique et écologique, afin de démanteler les monopoles en économie, en politique et dans les médias, de lutter pour imposer un nouvel ordre agricole débarrassé des monopoles céréaliers et des manipulations génétiques, pour restau­rer l'agriculture écologique et créer des systèmes de communication respectueux de l'environnement.

 

Comme l'écrivait le philosophe italo-slovène Danilo Zolo (in Cosmopolis,  Feltrinelli, Milano, 1995), “le vieux modèle hiérarchisant... sera remplacé par une nouvelle logique, la logique du pacifisme faible, c'est-à-dire un pacifisme qui n'est pas le pacifisme habituel et conventionnel, visant à supprimer définitivement les guerres dans le monde, mais un pacifisme nouveau qui respecte la diversité des cultures et accepte la compétition entre les intérêts divergents”. Mais sans planétariser les guerres et les conflits.

 

Atteindre une anti-utopie de ce type est possible. Mais, comme je viens de le dire, le chemin qui y mène est très très long. Et je répète: marchons joyeusement dans cette direction.

 

Robert STEUCKERS.

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samedi, 19 septembre 2009

Thoughts about the Fall of Empires

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Archives of "SYNERGIES EUROPEENNES" - 1995

 

 

Conference, London, 19th November 1995

 

Thoughts about the Fall of Empires

 

Robert Steuckers

 

1.

When after the perestroika, after the Fall of the Wall in Berlin, after the withdrawal of Soviet troups out of Eastern Europe, after the crumbling down of the USSR, the United States were the only superpower left on the international scene and President Bush could effectively hope that a “New World Order” was about to emerge under the leading of his own blessed country. But the task to lead the world is not easy, as one remembers the prophecies of Prof. Paul Kennedy about the “imperial overstretch”. Many empires in his­tory have declined in the past simply because they couldn't manage to control all the lands under their rule or, to be more precise, to control all the highways of Empire on land and sea. This task necessitates a constant mobilization of all military, diplomatic and economic means.

- To mobilize the military means is very expensive and submits the imperial nation to the risk of neglecting domestic issues such as education or health. The fall down of the Empire could then be caused by a lack of drilled staff for companies or even for armies or by a overweight of the excluded social classes.

- To mobilize all the diplomatic means implies a constant search for new and reliable allies. But the art of diplomacy teaches us that you should avoid to rely to much on allies risking to become too powerful and to challenge you in coming years. Today the United States, as only remaining superpower, try to mobilize moderate Muslims around Turkey, fundamentalist-conservative Muslims around Saudi Arabia, fundamen­talist-revolutionnist Muslims around Sudan, to take over a certain degree of control in Central Asia, in the Gulf Region and in Northern Africa. But this must lead us to ask a urgent question: will those new allies be reliable enough for the long term? Isn't there any risk to see a part of them or even all of them evoluate like Iran and becoming overnight fanatical foes of the leading superpower? Philosophers among us will re­member Hegel's dialectics of Master and Slave. The Slave will obey as long as he cannot do anything else, so long he is paid to perform his job; he will even make himself indispensable. But as soon as he be­comes conscious of his power as adjunct or as ally, he will challenge his Master. This is a well-known law of history.

- To mobilize all economic means implies to spend a lot of money on defence and to restrain all expenses in other fields, such as health and education. In the long run, national solidarity vanishes, the nation is not a community anymore, the sense of mu­tual respect disappears, morality remains a simple souvenir, and national cohesion cannot work anymore to support the power of the State in the world. Lack of invest­ments in education leads to engage staff abroad, even in potentially ennemy coun­tries. Subordinated States may easily take advantage of the fact that the military burden is supported by the leadership po­wer and invest in social domestic affairs, gaining in national cohesion and in educa­tion, i.e. in a policy that will give them ve­ry soon better managers and better engi­neers.

 

Due to the imperial overstretch and to some domestic weaknesses,

- first, the necessity of controlling Central Asia to contain Russia,

- second, the necessity of controlling the Gulf to contain Irak and Iran or to prevent any European or Japanese assertiveness in the most important oil-producing fields of the world,

- third, the necessity to control all the lands between the Mediterranean and the Horn of Africa, imply already nowadays to delegate some power

- to Britain, to negociate with the Islamic challengers in Algeria;

- and to Germany, to negociate directly with Iran, as Foreign Minister Klaus Kinkel officially announced last week in the columns of the most important weekly magazine of Continental Europe, Der Spiegel of Hamburg.If boycott of Iran is the official policy of Washington, “critical dialogue” will be the new policy of Berlin towards Teheran.

 

The delegation of tasks to London and Berlin is in fact a setback in the imperial strategics of Washington, because it means reintroducing Britain and Germany in areas from where both had been excluded during the events of this century by a direct or an indirect intervention of the United States. The question is now: Will the States be able to control entirely the policy of German diplomats and industrialists in Iran, espe­cially when Germans will act in their first steps with the tacit agreement of America? The delegation of po­wer indicates that the overstretch is already unmanageable.

 

2.

But beside the established fact of a rising difficulty to control all what has to be controlled, which are the schemes of imperialism today?

 

a) MILITARY IMPERIALISM. The military imperialism of the lonely superpower of 1995 consists of remain­ders of alliances settled at the time of Cold War. The NATO cannot have the same goal and purposes now than ten years ago when Berlin was divided by a Wall and mine fields and when Russian troups were con­centrated in Thuringen, fifty miles from Frankfurt, where you find the most important strategic airfield of Central Europe. The most logic evolution NATO will undergo in the years to come is a merging of the European pillar with the WEU and a gradual disengagement of the USA. The WEU will then absorb new countries such as Austria, Hungary, Slovenia and the Czech Republic, giving the alliance a true European profile, which will not be “Atlantic” anymore. Further we may hope a gradual merging of the WEU and the OSCE in order to keep peace throughout Europe and Northern and Central Asia. Let us hope that this OSCE will gain more substance in the decennia to come.

 

b) DIPLOMATIC IMPERIALISM. The first task of Washington will be to instigate disorder throughout the world, especially in high strategic regions, in order that no other power be in state of controlling them and take over some leadership. Disorder will mobilize forces that wouldn't so be able to merge and to initiate peace processes or imperial processes in the old non imperialist sense of the word. The task of Washington will —as usual for every leading power— be to avoid the emergence of challengers. But would it be possible to keep Turkey in a minor role if Turkey is in charge of coordinating the turkic peoples of Central Asia and is to become as such a hegemonic power upon a group of countries with more than 130 millions inhabitants? Would it be possible to compel Berlin to follow gently every suggested policy of Washington if Germany, as a very powerful and efficient industrial country, starts a tandem working with an oil-power and a potential military power as Iran? Especially when one remembers that WW1 was fought partly to prevent any hegemonic domination of German industry in the Middle East...

 

c) TECHNOLOGICAL IMPERIALISM. Washington controls by means of the GATT or the IMF the World Trade. But the ideology behind those schemes born immediately after WW2 is a free-market ideology, ai­ming at destroying all protective customs to create at the end a unified happy and uniform world, i.e. the world feared by George Orwell. But protective customs were a system invented by less powerful countries at industrial level to help their own people to develop a genuine industry, evolving according to the cultural schemes of the people. Between 1944 and 1946, the USA, being at that time the most powerful industrial country, wanted to preserve the world as it was, i.e. to reign over a wide set of destroyed or slowly deve­lopping countries. The developpment of Japan and Germany, as well as the “New Industrial Countries” of East Asia has jeopardized the domestic market of the United States themselves, simply because Japan, Germany, Taïwan and Singapore hadn't the burden of financing a huge army and a high level military tech­nology, able to intervene everywhere in the world. The result is that Japanese cars and gadgets overflow the stores in the USA, according to the principle of free market imposed in former times by Roosevelt and Truman, but American cars and gadgets don't overflow the Japanese shops...

 

On one level America is defending itself with an undeniable success: in the field of medias. One trump-card gained during WW2 is still a considerable asset: the widespread use of an impoverished English lan­guage throughout the world, as a kind of new pidgin. But this pidginization allows America to send eve­rywhere scientific and cultural products, to set up data banks and to control the computer industry. But is pidginization not a provisional situation? Methods to learn the English language have been spread in the world, so that a pragmatic non-American and non-British elite is now able to use the language properly and to send information in English through the data banks or internet. This is already the case, mainly in European countries, where English is easily learned and taught due to the fact that the local languages are related to it, such as in Germany and the Scandinavian and Low Countries. Information with a totally different cultural background can now modify the dominant ideology using the same language as the one of the dominant ideology. Other philosophical or spiritual assets can now have a certain impact on the global ideology and relativize its certainties. At the end of the process, the global ideology wouldn't be the same anymore. Dominated cultures can infiltrate the dominating discourse. The same can happen with anglicized India. Indians print and write in English, infiltrating at the time Indian conceptions and ways of thinking in the entire English-speaking and English-dominated sphere. India can become the first voice of the non-European non-White world directly in the most widespread language of European origin. 

 

3.

How to struggle against the various forms of imperialism?

 

a) Againt MILITARY IMPERIALISM, the best policy in Europe is now a policy of inertia. The best thing we can do in Europe now is to wait, to delay all payments, to develop slowly the European pillar and the mer­ging with the WEU. But we must also pay attention not to be bereft of some opportunities in the Middle East, or to some accesses to waterways and to balanced markets with smaller powers outside Europe, that we shouldn't consider as half-colonies but as true partners.

 

b) In front of DIPLOMATIC IMPERIALISM, it is up to European journalists, politicians, intellectuals, uni­versity teachers, private initiatives to suggest endlessly alternatives to the present World Order, which is based on an ideology giving to much importance to money and to less importance to culture, education, research, tradition and religion. We have to fill the “spiritual gap”, having emerged, decennia after decen­nia, because we had no “technological gap”.

 

c) Against TECHNOLOGICAL IMPERIALISM, we must pay an uttermost attention to responsability for the innumerable assets of our Mother-Earth, i.e. for all ecological matters, because the sick environment of this 20th century has lead us to discover that all things of the Earth have limits and that it is not possible to ignore merely those limits as a certain  narrow rationalistic and Cartesian philosophy had taught us to practice in our economical activities. We have also to respect the principle of RECIPROCITY at global le­vel. It is not a good policy to let entire continents starve or be plunged into the most awful disasters of war, genocide and civil dissent. Renewed imperialism is not a solution for Africa nor disguised colonialism for Latin America, but the future will be built according to the principles of cooperation and reciprocity. For instance, cheap productions of Third World Countries should be taxed when imported but not in money. Exporting Third World Countries should be given the opportunity to buy higher technology in the rich coun­tries importing goods from them, so that people there can keep their jobs; the French economist Lauré suggested a VAT for Third World products, that would be treasured in order to buy higher technologies or other needed goods in the importing country; indeed the industrial countries shouldn't suffer from a duali­zation of their own societies, where happy fews would live in luxury next to hoboized masses. Dual socie­ties emerge when cheap goods of abroad replace the same goods produced at home. Such a situation creates problems: worklessness and misery in developped countries, no take-off and starvation in deve­lopping countries. A cul-de-sac out of which we all need to get out.

 

And if the GATT forbids customs, it doesn't forbid norms. Stabilization of domestic markets could happen in the future not by applying customs but by imposing quality norms in order to protect performing domes­tic branches, avoid worklessness, preserve jobs and prevent any dualization of society.

 

Falls of Empires have always obliged people to act locally, to turn to regional planning. So it was after the crumbling down of Roman Empire in Europe. Today regional planning is a necessity again, especially in “margin-regions” like the “Atlantic Bow” (from Portugal to Britanny) or the “Mezzogiorno”. Even in the Uni­ted States regional planning is now seen as a rather urgent necessity, more particularly within the bio­regionalist and communitarian movements, that may be considered as two of the most interesting political issues overthere at present time. But this return to regional roots and facts is now possible in interaction with global technologies such as Internet. Cooperation, exchange of information, intercultural education are now possible without violence or colonial control, i.e. without the necessity of loosing one's roots and one's traditions. Being member of a genuine people, speaking a very difficult and archaic language, lear­ning old languages, to be totally dipped in a religious or cultural tradition will be assets and no more draw­backs. But to reach this global diversity, we will have to struggle patiently. It's a long long way to global diversity. But we invite everyone in the world to march joyfully towards this goal.

 

As the German solar-energy-engineer Hermann Scheer recently wrote in his book “Back to Politics” (Zurück zur Politik, Piper, Munich, 1995), we must struggle for a global economical order allowing every State to have his own energy and environment policies, for dismantling monopolies in economy, politics and medias, struggle to impose a new agricultural order getting rid of cereals monopolies and genetic ma­nipulations, struggle to restore ecological agriculture and communications systems.

 

As the Slovenian-Italian philosopher Danilo Zolo (in Cosmopolis, Feltrinelli, Milano, 1995) says, “the old hierachical model ... will be replaced by a new logic, the logic of ‘weak pacifism’, i.e. not the usual and conventionnal pacifism that aims at suppressing definitively wars in the world but a new pacifism that res­pects the diversity of cultures and accepts competition between divergent interests”. But without plane­tarizing wars and conflicts.

To reach such an anti-utopia is possible. But, as I already just said, the way to it is very very long. I there­fore repeat: let us march joyfully towards it.