Le Bulletin célinien n°436 est sorti de presse !
Sommaire :
András Hevesi, premier traducteur de Céline en hongrois
Céline dans Candide (1932-1936) [première partie]
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Le Bulletin célinien n°436 est sorti de presse !
Sommaire :
András Hevesi, premier traducteur de Céline en hongrois
Céline dans Candide (1932-1936) [première partie]
Dans cette épatante collection « Bouquins », vient de paraître la réédition de la biographie de Rimbaud par Jean-Jacques Lefrère (1954-2000). Cet hématologue le jour et biographe littéraire la nuit s’était essentiellement intéressé aux écrivains du XIXe siècle. Il est aussi l’auteur d’une biographie de Laforgue et de Lautréamont tout aussi érudites que celle-ci. À la fin de sa vie, il s’était attelé à une biographie de Céline qui ne restera malheureusement qu’à l’état d’ébauche (environ 200 pages). Il avait même fait le voyage au Cameroun pour prendre des notes sur place et voir ce qu’il y était possible de trouver. Son idée était de s’attaquer à l’un des auteurs les plus emblématique du XXe siècle, après avoir traité d’auteurs mythiques du siècle précédent. Il avait prévu trois volumes de 1500 pages chacun ! Hélas la maladie a cruellement eu raison de lui. Cette biographie aurait été passionnante et riche en découvertes tant Lefrère avait le culte des archives et de la recherche. Il avait déjà rassemblé une grande documentation, s’intéressant à tous les personnages secondaires qui avaient croisé Céline. Aussi était-il un peu écrasé par la masse de travail. Il insistait aussi sur le fait que, médecin lui-même, il avait une sorte de proximité avec le docteur Destouches. Cette recherche effrénée de la documentation se faisait parfois au détriment de l’essentiel : dans sa biographie de Rimbaud (qui compte plus d’un millier de pages), le poète s’évapore sous la masse de détails. Tout le contraire de la conception d’Henri Godard qui, pour sa biographie de Céline, fit sien ce propos de Malraux : « La biographie d’un artiste c’est sa biographie d’artiste. » À l’occasion de cette réédition, j’ai constaté que les querelles entre rimbaldiens sont au moins aussi vives que celles entre céliniens. Ce qui me rappelle cette plaisante réflexion de René-Louis Doyon à propos d’une autre confrérie : « On sait que les stendhaliens, plus que tous autres spécialistes, forment une gens susceptible, chatouilleuse, jalouse de leurs os médullaires et ne pardonnant à personne d’en analyser la substance, les accidents, les particularités, surtout si on ne fait point partie de cette communion tacite… »
Céline n’était pas un lecteur passionné de Rimbaud, lui préférant dans ce domaine les poètes du XVIe siècle, Louise Labé, du Bellay ou Ronsard. Mais il l’avait bien lu, comme en témoigne une lettre à son traducteur anglais dans laquelle il cite de mémoire des vers de la « Chanson de la plus haute tour¹ ». Dans une étude savante, une universitaire discerne ici et là dans l’œuvre célinienne l’empreinte rimbaldienne, une sorte de filiation cachée ². Ainsi, le prologue de Mort à crédit est vu comme une réécriture minutieuse des lettres dites du « Voyant », « Alchimie du verbe » ou « Nuit d’enfer ». C’est un peu poussé mais procure de surprenantes illustrations, non pas de la notion d’intertexte, mais de « compagnonnage » (Rimbaud-Céline) qui donnent à rêver. Ce qui paraîtra, en revanche, tangible, c’est l’affirmation de Céline qui assurait connaître la raison du départ de Rimbaud en Afrique : « Il en avait assez de tricher. (…) Il y a une hantise chez le poète de ne plus tricher. » L’alternative étant, comme on sait, de « mettre sa peau sur la table ».
• Jean-Jacques LEFRÈRE : Arthur Rimbaud (biographie), Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1408 pages (32 €)
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Céline et la soumission imbécile du Français
par Nicolas Bonnal
On entend ici et là qu’on va réagir, qu’on est le pays des rebelles, des droits de l’homme, de la liberté, des tranchées et qu’on va voir ce qu’on va voir à propos du vaccin, du masque, du confinement.
Je répète : jouez aux rebelles quinze secondes, vous qui me jetez la pierre, dans le métro, à l’école, au boulot. Il n’y a pas 30% de mécontents ou d’insoumis dans ce pays, mais 1%. Et ça dépend des jours et du sujet.
Une amie m’a écrit hier :
« J’entendais hier un général de gendarmerie, étonné de la "docilité" des français (à propos du couvre-feu), qui disait qu'en réalité on n'aurait pas le choix. Carnet vaccinal obligatoire pour voyager ; pour se soigner et aller à l'hosto idem ; pour travailler encore, les administrations demanderont à leurs employés de se faire vacciner (et je doute que le privé soit en reste) ; bref ce que tu dis depuis des mois. »
C’est ce que je dis depuis des mois parce que c’est ce qui se passe depuis des siècles.
Tout pays de la liberté se croit plus libre au fur et à mesure qu’il s’enferme dans les réseaux inextricables des lois. Maistre rappelait en 1789 qu’on avait eu plus de lois en un an qu’en mille.
Quelques rappels céliniens alors. C’est ma monographie la plus lue - avec celle de Tolkien - et elle est lue par des gens qui ont compris que Céline ne parle pas des juifs (sujet éculé tout de même) mais des Français :
« Il règne sur tout ce pays, au tréfonds de toute cette viande muselée, un sentiment de gentillesse sacrificielle, de soumission, aux pires boucheries, de fatalisme aux abattoirs, extraordinairement dégueulasse. Qui mijote, sème, propage, fricote, je vous le demande, magnifie, pontifie, virulise, sacremente cette saloperie suicidaire ? Ne cherchez pas ! Nos farceurs gueulards imposteurs Patriotes, notre racket nationaliste, nos chacals provocateurs, nos larrons maçons, internationalistes, salonneux, communistes, patriotes à tout vendre, tout mentir, tout provoquer, tout fourguer, transitaires en toutes viandes, maquereaux pour toutes catastrophes. Patriotes pour cimetières fructueux. Des vrais petits scorpions apocalyptiques qui ne reluisent qu’à nous faire crever, à nous fricoter toujours de nouveaux Déluges. »
Céline a compris que le Français n’est pas une victime de Macron, Hollande ou Sarkozy, du comité des forges ou du mondialisme ou de Bruxelles : le Français est un enthousiaste. On le laisse cracher le morceau (à Céline) :
« Plus de Loges que jamais en coulisse, et plus actives que jamais. Tout ça plus décidé que jamais à ne jamais céder un pouce de ses Fermes, de ses Privilèges de traite des blancs par guerre et paix jusqu’au dernier soubresaut du dernier paumé d’indigène. Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. »
Cela c’était avant 39. Pour aujourd’hui aussi ces lignes résonnent furieusement (pensez à ces queues d’andouilles voulant être testées cet été…) :
« Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit. »
Certains nous font le coup à la mode Maurras du grand recours, de la divine surprise (Trump…). On a vu la lâcheté incisive des femmes Le Pen. Céline savait ce qu’il en coûtait de se fier aux patriotes, aux nationalistes et autres, toujours les premiers à offrir leur poitrine aux démocraties, comme disait Bernanos. Et de rentrer dedans :
« Dans nos démocraties larbines, ça n’existe plus les chefs patriotes. En lieu et place c’est des effrontés imposteurs, tambourineurs prometteurs “d’avantages”, de petites et grandes jouissances, des maquereaux “d’avantages”. Ils hypnotisent la horde des “désirants”, aspirants effrénés, bulleux “d’avantages”. Pour l’adoption d’un parti, d’un programme, c’est comme pour le choix d’un article au moment des “réclames”, on se décide pour le magasin qui vous promet le plus “d’avantages”. Je connais moi des personnes, des véritables affranchis qui sont en même temps marxistes, croix-de-feu, francs-maçons, syndiqués très unitaires et puis malgré tout, quand même, encore partisans du curé, qui font communier leurs enfants. C’est des camarades raisonnables, pas des fous, qui veulent perdre dans aucun tableau, qui se défendent à la martingale, des Idéologues de Loterie, très spécifiquement français. Quand ça devient des racailles pareilles y a plus besoin de se gêner. »
Cela s’applique aussi au Bayrou, catho, bourgeois, six enfants, qui nous prépare le passeport vaccinal et la grande confiscation dans un bâillement/acquiescement général.
Céline remet notre occident démocrate – qui retombe dans son terrorisme/bolchévisme initial, ici ou en Amérique - à sa place :
« La conjuration mondiale seule véritable réussite de notre civilisation. Nous n’avons plus de patriotes. C’est un regret de bétail, on en a presque jamais eu de patriotes. On nous a jamais laissé le temps. D’une trahison dans une autre, on a jamais eu le temps de souffler… D’une guerre dans une autre… »
Après on est vendus aux étrangers mais c’est depuis des siècles (pensez à Concini dans le Capitan…) :
« On nous a toujours trafiqués, vendus comme des porcs, comme des chiens, à quelque pouvoir hostile pour les besoins d’une politique absolument étrangère, toujours désastreuse. Nos maîtres ont toujours été, à part très rares exceptions, à la merci des étrangers. Jamais vraiment des chefs nationaux, toujours plus ou moins maçons, jésuites, papistes, juifs… »
Parti de l’ordre, parti catholique, parti social-démocrate, parti européen, parti pro-américain, parti prosoviétique, on n’en finirait pas…Comme on sait dans le dernier pamphlet Céline a compris que le problème français est insoluble, plus fort que prévu, et que « bouffer du juif ne suffit plus » ! Il était temps Ferdinand !
Qui a envie de bouffer du Zemmour, du Toubiana, du Kunstler, du Greenwald ? En pourcentage il y a plus de juifs que de goys antisystèmes. 10% dans un cas, un pour dix mille dans l’autre.
Un autre antisémite qui a enfin compris les Français c’est Drumont. Et dans son Testament, très supérieur à la France juive, il écrivait le vieil Edouard :
« Quand les conquérants germains et francs qui, unis aux purs Gaulois et aux Celtes, constituèrent véritablement la France eurent perdu leur vigueur, l'élément gallo-romain l'emporta, la race latine reprit le dessus; or, cette race est faite pour la tyrannie, puisqu'elle n'a aucun ressort de conscience ; elle adore une idole imbécile, une idole de marbre ou de plâtre qu'on appelle la Loi, et au nom de cette Loi, elle subit tout. »
Ensuite Drumont l’explique cette ludique loi gallo-romaine :
« La Loi, c'est le licteur qui vient de la part de César annoncer au citoyen romain qu'il est condamné à mourir, mais qu'on lui laisse le choix du supplice ; c'est le gendarme de la Révolution qui vient parfois tout seul arrêter cinq ou six personnes et qui les conduit au Luxembourg ou à la Conciergerie, où un autre gendarme vient les chercher pour les conduire à la guillotine. Jamais il n'est entré dans la cervelle de ceux qu'on arrêtait ainsi, l'idée de commencer par tuer le gendarme. C'est là un spectacle extraordinaire et il n'y a jamais qu'en France qu'un gouvernement ait pu s'appeler, comme par une désignation constitutionnelle: la Terreur. »
Revenons à Céline et à la docilité du colonel de gendarmerie cité plus haut :
« Les Français subiront leur sort, ils seront mis, un jour, à la sauce vinasse... Ils le sont déjà. Pas d'erreur!... Le conquérant doit être sûr de ses esclaves en tous lieux, toujours en mains, sordidement soumis, il doit être certain de pouvoir les lancer, au jour choisi, parfaitement hébétés... dociles... jusqu' aux os... gâteux de servitude, dans les plus ronflants, rugissants fours à viande... sans que jamais ils regimbent, sans qu'un seul poil de ce troupeau ne se dresse d'hésitation, sans qu'il s'échappe de cette horde le plus furtif soupçon de plainte... »
C’est lui qui qualifie nos monuments aux morts de lourds dolmens de la docilité…
Source:
Nicolas Bonnal – Céline, le pacifiste enragé
18:24 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nicolas bonnal, louis-ferdinand céline, céline, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française | |
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Parution du n°436 du Bulletin célinien
Sommaire :
Céline au Brésil. Entretien avec Amanda Fievet Marques
Proust vu et corrigé par Céline
Céline dans le Journal de guerre de Paul Morand
La visite de la Beat Generation à Céline
Évelyne Pollet rééditée à Céline.
Arrivera-t-il à Mauriac ce qui est arrivé à d’autres écrivains ? Deux ans avant sa mort, il écrivait : « À force de ne pas mourir, le romancier que je suis a été peu à peu recouvert par le journaliste, que certes je ne renie pas : il n’est pas impossible que le Bloc-notes ou les Mémoires intérieurs seront consultés encore à une époque où nul ne songera plus à ouvrir mes romans. » Ainsi de Voltaire qui pariait sur ses tragédies alors que c’est sa correspondance que nous lisons. Et Candide qu’il considérait comme une pochade. Même chose pour Mauriac : on ne lit plus guère le romancier des tourments entre la religion et la chair. Mais, cinquante ans après sa mort, l’atticisme, parfois corrosif, du chroniqueur s’apprécie toujours autant. Ce Bloc-notes (1952-1970) était épuisé depuis plusieurs années. Jean-Luc Barré, qui dirige la collection “Bouquins”, a eu la bonne idée de le rééditer. Il en signe aussi la préface, connaissant bien le sujet pour avoir publié une biographie de Mauriac qui révéla au grand jour son homosexualité refoulée. Ce qu’avait subodoré Céline qui voyait en lui « un rongé pédé qui n’a jamais osé ». Au-delà de l’actualité politique, le bloc-notes peut se lire comme on savoure, mutatis mutandis, les mémoires de Saint-Simon. On y trouve un Mauriac gambadant en toute liberté, bien plus libre qu’il ne l’est dans ses romans. Il n’y est jamais question de Céline si ce n’est pour paraphraser les titres de deux de ses livres : Voyage au bout de la nuit (7 avril 1956) à propos du gouvernement de Front républicain, et Bagatelles pour un massacre (13 février 1958) sur le bombardement de représailles d’un village tunisien en réponse à l’attaque d’un avion français. C’est tout et c’est peu. Il est vrai qu’il est difficile d’imaginer deux personnalités aussi dissemblables. Cela avait pourtant bien commencé : en décembre 1932, deux phrases (pourtant réticentes) de Mauriac sur Voyage dans le très lu Écho de Paris ¹, suivies apparemment d’une lettre plus sensible, lui avaient valu une belle réponse : « Vous venez de si loin pour me tendre la main qu’il faudrait être bien sauvage pour ne pas être ému par votre lettre. » ² Les choses s’envenimèrent par la suite. Mauriac, quoique partisan de la clémence envers les épurés, exprima des jugements hérissant Céline. Belle lettre d’insultes en retour : « Oh Canaille mais oui vous êtes ! Canaille par tartufferie, messes noires, ou connerie on ne sait ! ». Il lui envoie aussi une virulente dédicace au verso d’une reproduction du dessin de L’Illustré National. Avec une allusion à la fameuse dédicace au lieutenant Heller de la Propagandastaffel. Avant-guerre, Ramón Fernandez avait emmené Mauriac rue Lepic rencontrer l’auteur de Voyage. Répulsion instinctive : « Il faisait mante !… exactement !… (…) des gestes d’insecte… » Il le verra surtout « bicot de race ». Le fait que Mauriac critiquait dans L’Express la politique coloniale de la France n’arrangea pas les choses. Mais Céline n’avait-il pas déjà tout dit en 1933 ? « Rien ne nous rapproche, rien ne peut nous rapprocher ; vous appartenez à une autre espèce. »
• François MAURIAC, Le Bloc-notes, 1952-1962 & 1963-1970, Robert Laffont / Mollat, coll. “Bouquins”, 2020, 2 volumes de 1290 & 1324 pages, index, préface de Jean-Luc Barré, édition établie et annotée par Jean Touzot.
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Parution du n°434 du Bulletin célinien
Sommaire :
Isak Grünberg, premier traducteur de Céline en allemand [II]
Christian Prigent et Céline
Quand André Balland voulait rééditer les pamphlets
Charles-Antoine Cardot nous a quittés
Céline dans Les Lettres françaises (suite)
Henri Guillemin face à Céline
Nos amis écrivent…
Le livre part d’un constat : tous les classiques de la littérature ont un jour été portés à l’écran. …Sauf Voyage au bout de la nuit. Émile Brami, qui connaît bien le sujet pour l’avoir déjà traité dans la revue Études céliniennes, lui consacre un petit volume illustré d’une quarantaine de photographies. Dans la première partie, il retrace toutes les tentatives avortées d’adaptation au cinéma. La presse des années trente est truffée d’échos comme celui-ci :
« Louis-Ferdinand Céline est parti mercredi pour l’Amérique par le Champlain. L’auteur de Voyage au bout de la nuit est attendu par les milieux littéraires de New York où la traduction de son livre connaît un vif succès. De là, L.-F. Céline partira par avion pour Hollywood afin de s’occuper de la mise en scène de son ouvrage dont Jacques Deval vient de négocier l’adaptation avec une firme d’éditions cinématographiques » (Le Populaire, 22 juin 1934).
Hélas pour Céline, ce projet ne verra pas le jour. Mais sans doute en est-il mieux ainsi. Michel Audiard, qui caressa longtemps l’espoir d’adapter Voyage, se félicitait finalement que le film n’eût jamais vu le jour : « …La littérature à ce niveau-là, on ne peut que saloper le coup. » La force et l’originalité du roman vient en effet de son écriture, d’où la difficulté de la transposition. Les autres livres de Céline n’ont pas davantage été adaptés à l’écran. Or, comme le rappelle l’auteur, les tentatives furent nombreuses : de Fellini à Leone en passant par Gance, Duvivier, Autant-Lara, Godard, Pialat, Dupeyron et tant d’autres. Émile Brami se penche sur les raisons qui rendent toute adaptation de Voyage périlleuse, ainsi que sur la possibilité d’adapter les autres romans de l’auteur. Restent les transpositions visuelles alternatives, telle la bande-dessinée même si les tentatives ne furent pas toujours concluantes. Jacques Tardi opta d’ailleurs pour l’illustration alors qu’antérieurement il adapta avec bonheur d’autres romans. Ce dont on est certain c’est que Céline, lui, avait tiré les leçons du cinéma : « Les écrivains d’aujourd’hui ne savent pas encore que le cinéma existe !… et que le cinéma a rendu leur façon d’écrire ridicule et inutile… péroreuse et vaine !… (…) leurs romans ne sont plus que des scénarios plus ou moins commerciaux, en mal de cinéastes !… » On sait qu’il appréciait surtout le cinéma muet. Cela remontait à l’époque où sa grand-mère, Céline Guillou, l’emmenait voir Le Voyage dans la lune de Méliès. Il révérait aussi Max Linder, Buster Keaton et Chaplin (celui d’avant le cinéma parlant). Plus tard, il fréquenta le milieu du cinéma au point de faire une figuration dans un film de Jacques Deval, Tovaritch (1935), tiré de sa pièce éponyme. Deux ans plus tard, l’auteur de Bagatelles pour un massacre polémiquait avec Jean Renoir dont il détestait La Grande Illusion ainsi que, d’une manière générale, le progressisme bêtifiant que l’on retrouve dans les films français des années trente. C’est aussi dans ce pamphlet que l’on trouve un portrait féroce, “avant la lettre”, de Harvey Weinstein, figure emblématique de ce que Céline nommait « Hollywood la juive ». Émile Brami cite d’ailleurs un large extrait de Bagatelles qui en témoigne. C’est dire si son livre est exhaustif.
• Émile BRAMI. Louis-Ferdinand Céline et le cinéma (Voyage au bout de l’écran), Écriture, 2020, 208 p., ill., index des noms cités.
On regrette l’absence d’une bibliographie qui recenserait les études antérieures sur le sujet, dont celles d’Éric Mazet (Études céliniennes, 2009 & L’Année Céline 2013 & 2014), d’Alain Cresciucci (Céline à l’épreuve, 2016) et d’Alain et Odette Virmaux (Cinématographe, novembre 1986).
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Par Jacques DUFRESNE
Ex: https://metainfos.fr
Ignace Philippe Semmelweis (1818-1865). Voici le nom qui se présente avec le plus d’insistance à mon esprit dans le contexte des deux grands débats actuels : sur le virus covid-19 et sur la violence faite aux femmes. Il se trouve que ce «sauveur des mères» a eu un biographe de génie, lui aussi médecin des pauvres : Louis-Ferdinand Céline. Dans son Semmelweis, qui fut sa thèse de doctorat en médecine, soutenue en 1924, s’ébauche un style qui s’accomplira huit ans plus tard dans le Voyage au bout la nuit, mais qui déjà, dans sa verdeur, transporte le lecteur dans une région de la vérité à laquelle aucun autre livre ne lui avait donné accès. Ce fut en tout cas mon expérience lors de ma première lecture à la fin de la décennie 1970. J’en suis à ma cinquième ou sixième lecture et je m’exclame de nouveau, avec plus d’enthousiasme encore que jadis : voici un livre qui devrait être une lecture obligatoire dans toutes les facultés de médecine ! J’ai lu quelques grandes biographies, parmi les œuvres de Plutarque, de Saint-Simon et de Stéphan Zweig notamment, aucune ne m’a donné autant que celle de Céline le sentiment de l’unité de l’auteur et de son sujet. Il m’est devenu impossible de les dissocier. Céline cite Semmelweis à quelques reprises, je me demande chaque fois s’Il s’agit vraiment d’une citation.
Je n’hésite plus à mettre entre parenthèses tout ce qu’on sait au croit savoir sur l’antisémitisme de Céline, suivant en cela l’exemple de l’homme qui aurait eu le plus de raisons de jeter l’anathème sur lui, George Steiner, un juif bien formé et bien informé qui, au lieu de nier le génie là où il le voyait associé aux passions les plus funestes, s’inclinait devant le mystérieux scandale de leur coexistence dans un même être, sans jamais exclure que, dans les mêmes circonstances , il aurait pu lui-même dériver vers les mêmes excès. Je reviens sur cette question dans un article distinct sur Steiner.
Semmelweis est celui qui, en 1848, quarante ans avant les découvertes de Pasteur sur l’infection par les microbes, a trouvé le remède à la plus tragique, la plus durable, la plus récurrente et la plus occultée des épidémies : celle qui, dans les grandes villes européennes du XIXème siècle notamment, frappaient les femmes pauvres réduites à accoucher dans les hôpitaux publics. Le taux de mortalité y était souvent de 40% et plus.
On ne sait plus qui de Socrate ou de Platon, il faut admirer le plus, tant le génie littéraire du second a contribué à la gloire du premier. Semmelweis a devant l’histoire la même dette à l’endroit de Céline que Socrate à l’endroit de Platon. Comparaison disproportionnée, m’objectera-t-on, l’œuvre de Platon est un sommet unique en son genre, tandis que la découverte de l’asepsie par Semmelweis, car c’est de cela qu’il s’agit, ne serait quun heureux événement parmi une foule d’autres semblables en médecine. Quand on a lu attentivement la thèse de Céline, on a au contraire et à jamais la conviction qu’il s’agit de deux plaidoyers en faveur de la même vérité, l’un au plus haut degré d’abstraction compatible avec la poésie, l’autre au ras du sol, comme dans les grands romans policiers mais jumelé à une poésie encore plus déchirante : celle de la compassion pour les malheureux.
« Semmelweis était issu d’un rêve d’espérance que l’ambiance constante de tant de misères atroces n’a jamais pu décourager, que toutes les adversités, bien au contraire, ont rendu triomphant. Il a vécu, lui si sensible, parmi des lamentations si pénétrantes que n’importe quel chien s’en fût enfui en hurlant. Mais, ainsi forcer son rêve à toutes les promiscuités, c’est vivre dans un monde de découvertes, c’est voir dans la nuit, c’est peut-être forcer le monde à entrer dans son rêve. Hanté par la souffrance des hommes, il écrivit au cours d’un de ces jours, si rares, où il pensait à lui-même : ‘’Mon cher Markusovsky, mon bon ami, mon doux soutien, je dois vous avouer que ma vie fut infernale, que toujours la pensée de la mort chez mes malades me fut insupportable, surtout quand elle se glisse entre les deux grandes joies de l’existence, celle d’être jeune et celle de donner la vie.’’ »[1]
Le Semmelweis de Céline est une chose unique dans l’histoire de la littérature. Tous les genres littéraires s’y entrelacent dans une harmonie impossible et pourtant bien atteinte : essai sur la méthode scientifique, roman policier, étude de caractères, évocation du génie des villes, histoire d’une époque et, à travers cette époque, témoignages saisissants sur la condition humaine. Quand on ferme le livre, on ne sait pas si l’on sort d’une fiction ailée ou d’un méticuleux rapport de laboratoire, d’une page de l’évangile ou d’une compilation de statistiques, mais on est sûr d’avoir fait quelque progrès dans l’inconnu de la vérité.
Semmelweis lui-même, comme Céline, est un être double, plein de compassion, mais aussi orgueilleux, intolérant et maladroit au point de nuire à ses propres recherches en se mettant inutilement à dos des collègues dont le soutien lui était nécessaire. Chercheurs du monde entier, en scaphandre, reliés par Internet et disposant d’ordinateurs tout puissants, la forme que prend aujourd’hui la recherche médicale, dans le cas des épidémies en particulier, rend très difficile pour nous de comprendre les génies solitaires du passé. Semmelweis fut peut-être le plus solitaire de tous. Et pour l’histoire des sciences telle qu’on la conçoit aujourd’hui, il n’a le mérite de la grandeur ni en tant que théoricien ni en tant que technicien : il ne fut qu’un observateur servi aussi bien par ses défauts, son orgueil, son entêtement que par ses qualités, son amour des vivants et son horreur de l’a peu près.
« L’ à peu près est la forme agréable de l’échec, consolation tentante…
Pour le franchir, l’ordinaire lucidité ne suffit pas, il faut alors au chercheur une puissance plus ardente, une lucidité pénétrante, sentimentale, comme celle de la jalousie. Les plus brillantes qualités de l’esprit sont impuissantes quand plus rien de ferme et d’acquis ne les soutient. Un talent seul ne saurait prétendre découvrir la véritable hypothèse, car il entre dans la nature du talent d’être plus ingénieux que véridique.
Nous avions pressenti, par d’autres vies médicales, que ces élévations sublimes vers les grandes vérités précises procédaient presque uniquement d’un enthousiasme bien plus poétique que la rigueur des méthodes expérimentales qu’on veut en général leur donner comme unique genèse.»[2]
Dans l’hôpital de Vienne où Semmelweis travaillait en tant qu’obstétricien, il y avait deux services de maternité, celui du professeur Bartch et celui du professeur Klin, dont il était l’adjoint. Après avoir éliminé une à une toutes les hypothèses, aussi farfelues les unes que les autres, rassemblées dans la littérature médicale de l’époque, il n’avait plus comme point de départ de son enquête qu’un seul fait : les femmes mouraient plus dans le service de Klin que dans celui de Bartch. Une différence entre les deux sautait aux yeux : dans le pavillon de Bartch le service était rendu par des sages-femmes, dans celui de Klin par des internes. Il a suffi à Semmelweis de signaler ce fait pour se mettre à dos et son patron et bon nombre de ses collègues. Il a en outre exigé avec une insistance incorrecte que les internes se lavent les mains entrant dans le pavillon de Klin; ce dernier, pour qui une telle précaution paraissait dénuée de tout fondement scientifique, le congédia. Les protecteurs de Semmelweis, car il en avait quelques-uns à Vienne, organisèrent pour lui un repos de deux mois à Venise, où il se rendit avec son ami Markusovsky. La merveille ici c’est la façon dont Céline, dans son roman biographique, raconte le séjour de Semmelweis et y voit le prélude à ses découvertes futures.
«Jamais Venise aux cent merveilles ne connut d’amoureux plus hâtif que lui. Et cependant, parmi tous ceux qui aimèrent cette cité du mirage, en fut-il un plus splendidement reconnaissant que lui ?
Après deux mois passés dans ce grand jardin de toutes les pierres précieuses, deux mois de beauté pénétrante, ils rentrent à Vienne. Quelques heures seulement se sont écoulées quand la nouvelle de la mort d’un ami frappe Semmelweis. Semblable cruauté du sort n’est-elle point normale dans sa vie ? »[3]
Le malheur n’a laissé aucun répit à Semmelweis. Il avait peu de temps auparavant perdu sa mère et son père. À son retour à Vienne, il apprend la mort de son meilleur ami, Kolletchka. Cette mort, comment se fait donc la science? enfermait la preuve que cherchait Semmelweis. Kolletchka s’était blessé à un doigt en pratiquant une autopsie : la vérité se dévoilait tragiquement : une quelconque particule cadavérique avait contaminé le sang de cet homme. Les internes transportaient cette substance dans les entrailles des mères. Semmelweis eut droit à un nouveau poste à son hôpital, cette fois dans le service de Bartch. Dans le but de préciser le contour de sa preuve, il obtint de son patron que les sages-femmes soient remplacées par des internes le temps d’une expérience. Le taux de mortalité s’accrut immédiatement. Semmelweis appliqua alors la solution technique qu’il avait à l’esprit depuis un moment : avant chaque intervention, obliger les sages-femmes et les internes à se laver les mains avec une solution de chlorure de chaux. Le taux de mortalité descendit à son niveau actuel.
Il existait toutefois d’autres causes d’infection que les particules cadavériques. Ces causes ne manquèrent pas de se manifester en certaines occasions. Les adversaires de Semmelweis les invoquèrent pour achever de discréditer leur collègue et l’empêcher de progresser dans la défense de sa thèse. Semmelweis devait tenter par la suite de rallier les plus grands médecins d’Europe à sa cause. Peine perdue, la plupart d’entre eux, y compris le grand Virchow, ne répondirent même pas à ses lettres.
Voici le diagnostic de Céline sur cette infection de la raison humaine par les passions.
« ‘’S’il s’était trouvé que les vérités géométriques pussent gêner les hommes, il y a longtemps qu’on les aurait trouvées fausses.’’ (Stuart Mill)
Ce philosophe, tout absolu qu’il paraisse, demeure cependant bien au-dessous de la vérité, voici la preuve. La plus élémentaire raison ne voudrait-elle pas que l’humanité, guidée par des savants clairvoyants, se fût pour toujours débarrassée de toutes les infections qui la meurtrissaient, et tout au moins de la fièvre puerpérale, dès ce mois de juin 1848 ? Sans doute.
Mais, décidément, la Raison n’est qu’une toute petite force universelle, car il ne faudra pas moins de quarante ans pour que les meilleurs esprits admettent et appliquent enfin la découverte de Semmelweis.»
Déchiré par la contradiction entre l’amour de ses patientes et l’impuissance déraisonnable de sa profession, Semmelweis perdit le reste de prudence qu’il avait en réserve. Il tenta de dresser l’opinion publique contre ses collègues en les traitant de criminels sur des affiches. « Assassins ! je les appelle tous ceux qui s’élèvent contre les règles que j’ai prescrites pour éviter la fièvre puerpérale. »[4] Il sombra ensuite dans une démence aussi ardente que l’avait été son amour de la vérité et des mères : il fit un jour irruption dans une salle de dissection, s’empara d’un scalpel, trancha les chairs d’un cadavre et se blessa à une main. Il s’ensuivit une infection semblable à celle qui avait emporté Kolletchka, mais plus violente et plus longue.
La démence de Semmelweis inspira à Céline, sur la maladie mentale, quelques pages qui portent la marque de son génie comme tant d’autres dans son livre. Savoir raison garder ! La raison, qu’il assimile au bon sens, est cette limite, cette chaîne, qui tempère en nous une intelligence capable de toutes les démesures.
« Rapidement il devint le pantin de toutes ses facultés, autrefois si puissantes, à présent déchaînées dans l’absurde. Par le rire, par la vindicte, par la bonté, il fut possédé tour à tour, entièrement, sans ordre logique, chacun de ses sentiments l’agissant pour son compte, paraissant uniquement jaloux d’épuiser les forces du pauvre homme plus complètement que la frénésie précédente. Une personnalité s’écartèle aussi cruellement qu’un corps quand la folie tourne la roue de son supplice.[…] Semmelweis s’était évadé du chaud refuge de la Raison, où se retranche depuis toujours la puissance énorme et fragile de notre espèce dans l’univers hostile. Il errait avec les fous, dans l’absolu. »
Semmelweis avait participé dans une euphorie excessive et irresponsable à la révolution hongroise de 1848. Pensant aux poètes de la même époque, romantique, Céline rappelle ensuite les risques de la fuite dans l’irrationnel. « S’ils se doutaient, les téméraires, que l’enfer commence aux portes de notre Raison massive qu’ils déplorent, et contre lesquelles ils vont parfois, en révolte insensée, jusqu’à rompre leurs lyres ! S’ils savaient ! De quelle gratitude éperdue ne chanteraient-ils point la douce impuissance de nos esprits, cette heureuse prison des sens qui nous protège d’une intelligence infinie et dont notre lucidité la plus subtile n’est qu’un tout petit aperçu. »[5]
N’en faisons pas une théorie. Céline écrivain éclipse ici Céline psychiatre. Retenons toutefois qu’avant lui Platon et Aristote avaint rattaché l’idée de raison à celle de limite et à arrêtons-nous à la pertinence de ce livre dans le contexte actuel. Semmelweis était un solidaire. Modeste sur le plan théorique par rapport à celles de Pasteur et de Virchow plus tard dans le même siècle, sa découverte, celle de l’asepsie, n’en n’est pas moins l’une des plus importantes de l’histoire de la médecine et elle a l’avantage par rapport à la plupart des découvertes postérieures de donner lieu à des applications qui ne coûtent rien, qui présentent le meilleur rapport coût/efficacité dont on puisse rêver. Rappelons aussi que Semmelweis a jeté les bases de ce qu’on appellera un siècle plus tard la médecine basée sur les faits.
Le même chercheur solitaire aurait sans doute été heureux de disposer des technologies et des moyens de communications offerts aux chercheurs d’aujourd’hui, mais on peut aussi se demander si la médecine ne se prive pas d’occasions de grandes découvertes en misant trop exclusivement les technologies de pointe. Faut-il exclure qu’il y ait dans le cas du cancer, de la maladie d’Alzheimer ou de tel ou tel virus grippal des causes échappant aux radars les plus sophistiqués, des causes simples que seul pourrait découvrir un génie rassemblant tous les facteurs de réussite que Céline a su repérer dans la vie et le caractère de Semmelweis. C’est parce qu’Il se posait les mêmes questions que, dans un livre intitulé Chercher, René Dubos, celui à qui l’on doit la découverte du premier antibiotique, se prononça en faveur de la recherche dans les petites universités comme complément à la recherche dans les grands instituts. Voici ce qu’il a observé dans les petites universités du Middle West : « Ce qui m’impressionne, c’est le nombre de jeunes gens à l’esprit très ouvert de qui sortiront les idées les plus originales, les plus inattendues, alors que si vous allez à Harvard, ou à l’Institut Rockefeller, vous trouverez des gens admirables, mais qui se sont engagés dans une voie dont ils ne pourront pas sortir.»[6]
[1]Louis-Ferdinand Céline, Semmelweis, Gallimard, Paris 1990, p. 81-82.
[2] Ibid., p.80
[3] Ibid., p.74
[4] Ibid., p.111
[5] Ibid., P.121
[6] René Dubos, Jean-Paul Escande, Chercher, Éditions Stock, 1979, p.55
SOURCE : http://encyclopedie.homovivens.org/
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This is a lost London Forum talk by Michael Walker on four French artists of the Right: Alphonse de Châteaubriant, Louis-Ferdinand Céline, Pierre Drieu La Rochelle, and Robert Brasillach. If anyone has details about when this talk was given, please post a comment below.
“Homage to Robert Brassilach”
Michael Walker
Comme le temps passe
Robert Brasillach
My homage is for the way you lived to die
That I a coward cannot emulate
You knew and wrote
Reason turns malevolent
after childhood disperses
And slumps into mature consideration
You could not have lived with yourself after failing.
So the leaden sentence was a gift
Better to die as you died
In the fluency and grace of certainty and light
Like poor Pucelle
Than grapple with compromise and penance
To win years in retirement and shame
Dying defiant
Sin pañuelo
The Castilian way.
Happiness a bagatelle
To a fascist
Dying well essential
Dying well redeems
The quintessence
Not delaying
Nor complaining
Nor dreading
Unbitter witness
The theatrical end
Many shrink and strive to safety
Delay complain and dread
And run away and hide
And sacrifice their pride for a
Doubtful grace
Not you a thief or cheat
Perhaps a busy undertaker
Coffins lined in neatly ordered rows
“The Bubonic East has
Broken out” –the facts
Every issue packed and bracketed
Childhood spoilt and spilled
Venom packed away in lofts or cellars
Then taken out and filmed
Nothing like that within you
So they held their tryst with you
Many shrink and strive to safety
They show their heads
Where they fear no censure
The dumb speak no treason
The illiterate pen no error
They called you traitor and acolyte to murder
But no betrayal was within you
Those
Who mattered to you
Will wait and wait
Carlists on horseback
Ragamuffin Spain
The islands of childhood
You walk to them
Punctual formal and correct
In the fields of your Great Faith
Le paradis terrestre
Martyr’s etiquette at the shore
Running and returning
Your last breath faithful
Hear the sea roar
Comme le temps passe
Robert Brasillach
00:09 Publié dans Histoire, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, deuxième guerre mondiale, seconde guerre mondiale, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française, collaboration, châteaubriant, brasillach, céline, drieu la rochelle | |
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par Juan Asensio
Ex: http://www.juanasensio.com
Autres saines lectures:
Louis-Ferdinand Céline dans la Zone.
00:48 Publié dans Littérature, Littérature, Livre, Livre, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, littérature française, lettres françaises, céline, louis-ferdinand céline, dominique de roux, juan asensio, livre | |
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Les trois derniers numéros du Bulletin célinien
Numéro 422:
Sommaire :
In memoriam Frédéric Monnier
Mort à crédit traduit en vietnamien
Céline, romancier de l’oubli
L’interview de Céline dans Europe-Amérique.
Il se savait condamné depuis plusieurs années et faisait face à la maladie avec un courage magnifique. J’ai fait sa connaissance il y a quarante ans lorsque Pierre publia son Ferdinand furieux avec 300 lettres inédites de Céline. Frédéric, lui aussi fervent admirateur de l’écrivain, suivit la trace de son père en se faisant l’éditeur de Céline dans les années 80. Il commença modestement en publiant, sous la forme de plaquettes, Chansons, puis un scénario de ballet, Arletty jeune fille dauphinoise, avant de s’attaquer à la correspondance de Céline, éditant celle-ci de manière rigoureuse et soignée. C’est ainsi que, grâce à lui, nous disposons de la correspondance à ses avocats (Naud et Tixier-Vignancour), à Joseph Garcin et enfin au traducteur hollandais de Céline, J. A. Sandfort. Faut-il préciser que ces éditions sont aujourd’hui très recherchées par la nouvelle génération de céliniens ? Les premiers livres qu’il a édités le furent sous l’égide de La Flûte de Pan, librairie musicale, sise rue de Rome à Paris, dont il fut le fondateur et qui s’avéra une belle réussite professionnelle. Ses dernières années furent consacrées à une enquête minutieuse sur son arrière grand-oncle, Marius Mariaud, figure méconnue du cinéma muet. Le livre, édité l’année passée par l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, est un modèle de recherche historiographique. Durant quatre ans Frédéric y apporta tout le soin et la persévérance dont il était capable. Cet ouvrage, qui fera date, constitue une manière de testament. « Il s’agissait moins ici de réhabiliter un auteur que de montrer ce qu’a été le parcours d’un homme qui a participé à la grande aventure créatrice de son temps et qui a fini sa vie dans le dénuement et l’oubli », écrit-il en conclusion. Sans lui, seuls quelques cinéphiles pointus connaîtraient l’œuvre de ce pionnier ¹.
Lorsqu’on évoque sa mémoire, il importe de relever cet humour pince-sans-rire apprécié par ses amis. Et qui est apparu très tôt si l’on en juge par les souvenirs de son père : « Frédéric a huit ans et demi. Il est impassible, il écoute et sourit à peine… En classe, il est très sage, il travaille peu, parle peu, sauf pour dire par moment et sans broncher, une énormité. On l’appelle Buster Keaton. Ce soir, visite de notre ami Frédéric Pons, prof à Louis Le Grand. Homme de haute taille avec un fort accent biterrois et un crâne chauve et pointu. Il prend Frédéric dans ses bras… “Et toi, petit Frrrdérrric, tu ne me dis rien ?…” …Frédéric pose sa main sur le crâne chauve et dit : “Oh !… la belle petite poire à lavement…” ». Et l’auteur d’ajouter : « Les parents disparaissent lâchement dans la cuisine… ». Sur la même page, Pierre Monnier conte d’autres anecdotes révélatrices de l’esprit déjà facétieux du fiston ².
Frédéric n’était pas un admirateur frileux de Céline. À un ami qui désapprouvait l’attitude de l’exilé rendant son éditeur responsable de la réédition des pamphlets pendant la guerre, il répondait : « Je pense au contraire que, pour se défendre dans un procès politique, ces coups-là sont permis. D’autant plus que Denoël était mort. » Bien entendu, il était à nos côtés au cimetière de Meudon lorsqu’en 2011, François Gibault, entouré de quelques autres admirateurs de l’écrivain, prononça une allocution à l’occasion du cinquantenaire de sa mort. Grand moment d’émotion… Avec Frédéric Monnier, nous perdons un ami fidèle ainsi qu’un homme de talent.
Numéro 421:
Sommaire :
Quand Céline se faisait siffler à Médan
La polémique de l’été 1957 dans l’hebdomadaire Dimanche-Matin
Quatre lettres de Paul Chambrillon à Albert Paraz
Résurrection d’Eugène Dabit
• « Louis-Ferdinand Céline, au fond de la nuit » (série “Grande traversée”). Production : Christine Lecerf. Réalisation : France Culture, 15-19 juillet 2019. À écouter sur www.lepetitcelinien.com.
Numéro 420
Sommaire :
Céline et le Prix Goncourt
Robert Denoël défend Céline
Simlâ Ongan, traductrice de Mort à crédit
Vichy face aux Beaux draps
L’Odyssée de Ferdine
Envions ceux qui ne connaissent pas encore L’Année Céline. Que de découvertes passionnantes en perspective ! ¹ Nulle forfanterie de l’éditeur lorsqu’il présente sa revue comme « le premier outil de référence pour les amateurs et les chercheurs ». C’est indubitablement le cas. À propos de la dernière livraison, Éric Mazet écrit : « S’il n’y avait qu’une seule Année Céline à posséder, ce serait celle-ci. Mais j’ai la collection complète et je la garde précieusement ² ». Il n’est pas le seul. Peut-on d’ailleurs se dire célinien si l’on ne détient pas la trentaine de volumes édités chaque année depuis 1990 ? Comme à chaque fois, on peut y lire un ensemble de lettres de l’écrivain dont la plupart inédites. L’une date de la jeunesse du cuirassier Destouches, l’autre du début de carrière du médecin de dispensaire. On peut surtout y découvrir une quarantaine de lettres écrites en exil à son beau-père, Jules Almansor. Et quatre lettres au québécois Victor Barbeau, né la même année que Céline et décédé centenaire. Pièce maîtresse de ce volume : le Rapport de la police danoise après l’arrestation de Céline à Copenhague, traduit et présenté par François Marchetti, le meilleur connaisseur de cette période de la vie de l’écrivain. Également au sommaire : un relevé des articles citant Céline dans la revue L’Homme libre, deux textes de l’écrivain hollandais Cola Debrot, un dossier sur la réception critique de Mea culpa, et une analyse fouillée des sources inconnues de L’École des cadavres. Laquelle montre qu’une réflexion sérieuse sur les pamphlets ne peut faire l’économie de la littérature, ces écrits ne se limitant pas au combat idéologique. Une lecture purement historienne de ce corpus ne peut dès lors aboutir qu’à une impasse : « Cette lecture doit impérativement et nécessairement tenir compte de l’écriture, sans quoi elle rate son objet. »
Un mot sur la qualité formelle de cette série imprimée sur papier de qualité et brochée au fil. Le fait que l’éditeur en soit aussi l’imprimeur n’y est pas étranger. D’un bout à l’autre de la chaîne (composition, mise en page, impression et brochage), la totalité du travail est assurée par Jean-Paul Louis, artisan patenté. Pour le reste, on ne se lasse pas de dire notre dette envers lui. Je songe en premier lieu à la correspondance célinienne (Paraz, Canavaggia, Monnier, Hindus, anthologie de la Pléiade) dont il s’est fait l’éditeur scientifique ³. Dans l’appareil critique, il s’attache – et c’est rafraîchissant dans le cas de Céline – à ne pas porter de jugement moral, politique ou idéologique : « L’éditeur de correspondance n’est ni pour ni contre, il est avec (…) Proximité et distanciation ne sont pas contradictoires, mais complémentaires : se mettre à bonne distance pour ajuster sa vision, acquérir la plus grande netteté possible et transmettre le résultat de ses observations 4. »
• L’Année Céline 2018, Éditions du Lérot, 384 p., ill. (Diffusé par le BC, 45 € franco).
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Bulletin Célinien n°419
Sommaire :
Sur un colloque oublié
Céline et Maurice Nadeau (suite)
Baryton et Parapine
Malraux (Alain) salue « le médecin des pauvres »
Un éditeur sous l’Occupation
Quand Dubuffet voulait aider Céline
Le doyen des célinistes se souvient.
Marc Laudelout.
De ces cahiers de prison se dégagent beaucoup d’émotion et de rage mêlées. On imagine ce que cette incarcération a représenté pour Céline qui, de bonne foi, se considérait injustement traité. Ils constituent à la fois un document littéraire de premier ordre et une part intimiste de l’œuvre aussi poignante que révélatrice d’un être victime de son tempérament d’écrivain de combat.
• Louis-Ferdinand Céline, Cahiers de prison (février-octobre 1946), Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF » [Cahiers Céline n° 13], 2019, 240 p. (Diffusé par le BC, 25 € frais de port inclus).
11:06 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : céline, marc laudelout, revue, littérature, littérature française, lettres, lettres françaises | |
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Bulletin célinien n°418 (mai 2019)
Sommaire :
Carnaval à Sigmaringen (mars 1945)
Malaparte et Céline
Quand Kaminski taillait un costume à Céline
Raymond Giancoli dans sa correspondance avec Albert Paraz.
par Marc Laudelout
Andrea Lombardi est sans nul doute le célinien le plus actif d’Italie. Outre un blog entièrement dédié à son auteur de prédilection, on lui doit plusieurs ouvrages dont une superbe anthologie, richement illustrée, éditée en 2016 par son association culturelle “Italia Storica”. Depuis plusieurs années, il n’a de cesse de rendre accessible au lectorat italien des textes peu connus de Céline (dont sa correspondance) mais aussi des témoignages et des études littéraires qu’il réunit dans des ouvrages de belle facture.
Aujourd’hui, il publie une plaquette réunissant les pièces du dossier polémique qui opposa Céline à Roger Vailland. Celui qui joua le rôle d’arbitre fut Robert Chamfleury (1900-1972), de son vrai nom Eugène Gohin. Comme chacun sait, il était locataire de l’appartement juste au-dessous de celui de Céline, au quatrième étage du 4 rue Girardon, à Montmartre. Après la guerre, il réfutera Vailland et affirmera que Céline était parfaitement au courant de ses activités de résistant. Au moment critique, Chamfleury lui proposa même un refuge en Bretagne. Dans une version antérieure de Féerie pour une autre fois, Céline le décrit (sous le nom de “Charmoise”) « cordial, compréhensif, conciliant, amical ». Sa personnalité est aujourd’hui mieux connue : parolier et éditeur de musique, Robert Chamfleury était spécialisé dans l’adaptation française de titres espagnols ou hispano-américains. Il fut ainsi une figure marquante de l’introduction en Europe des compositeurs cubains, et des rythmes nouveaux qu’ils apportaient. Il travaillait le plus souvent en duo avec un autre parolier, Henri Lemarchand. Lequel préfaça La Prodigieuse aventure humaine (1951, rééd. 1961) de son ami qui, sur le tard, rédigea plusieurs ouvrages de vulgarisation scientifique et de philosophie des sciences. Céline lui accusa réception avec cordialité de cet ouvrage et l’invita à venir le voir à Meudon. Dans sa plaquette, Andrea Lombardi reproduit la version intégrale de la lettre que Chamfleury adressa au directeur du Crapouillot, telle qu’elle parut, pour la première fois, dans le BC en 1990.
Un biographe de Céline a admis qu’il a fait preuve de « suspicion systématique » [sic] envers son sujet ¹. C’est aussi le seul à avoir mis en cause le témoignage de Chamfleury, instillant même le doute sur ses activités de résistant. Les auteurs du Dictionnaire de la correspondance de Céline précisent, eux, qu’il « appartenait au bloc des opérations aériennes, responsable donc de nombreuses missions de parachutage ». En fait, c’est plutôt le témoignage de Roger Vailland qu’il eût fallu mettre en question. Dans un livre de souvenirs publiés en 2009, Jacques-Francis Rolland, qui appartenait au même réseau de résistance que Vailland, le qualifia de « mélange de forfanterie, d’erreurs, de fausses assertions, affligé par surcroît d’un style indigne de l’auteur qui n’était manifestement pas dans son état normal lorsqu’il bâcla son pensum, l’un des pires de sa “saison” stalinienne » ².
• Andrea LOMBARDI (éd.), Céline contro Vailland (Due scrittori, una querelle, un palazzo di una via di Montmartre sotto l’Occupazione tedesca), Eclettica, coll. “Visioni”, 2019, 83 p., ill. Traduction des textes français : Valeria Ferretti. Couverture illustrée par Jacques Terpant (10 €)
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« Robert Denoël avait toutes les qualités d’un grand éditeur
et on peut rêver à ce qu’eût été son destin
si la guerre, suivie de cette mort tragique,
n’avait pas mis un terme à une vocation contrariée
par les vicissitudes du temps »
La carrière d’éditeur de Robert Denoël débute le 30 juin 1928 et s’achève le 2 décembre 1945. Durant ces dix-sept années d’activité, il a publié quelque 700 livres à différentes enseignes. Il fût l’éditeur de Louis-Ferdinand Céline et pour cela, assassiné à la fin de la IIe Guerre mondiale. Qui était vraiment Robert Denoël ? On trouvera des réponses à la question dans cette enquête ; Jean Jour s’est attaché à remonter aux sources, tout homme étant le fruit de ses origines et de son éducation. Pour cette figure secrète et sulfureuse de l’édition, il s’agissait de s’affranchir d’un milieu provincial figé : celui de la bourgeoisie catholique des années vingt : à travers son existence tumultueuse, ce sont tous les dessous terribles de l’édition, des années de guerre, des règlements de comptes politiques et financiers qui nous sont racontés avec talent par un auteur qui n’a cure du politiquement correct.
Préface de Marc Laudelout, directeur du Bulletin célinien, du livre de Jean Jour Robert Denoël, un destin, désormais disponible aux éditions Dualpha.
Alors que Bernard Grasset, Gaston Gallimard ou René Julliard ont depuis belle lurette leur biographe, aucune étude approfondie n’existe encore sur Robert Denoël. Le livre de l’Américaine Louise Staman, paru en 2002, s’attache surtout à éclaircir le mystère de son assassinat. C’est dire si Jean Jour s’aventure sur un terrain en friche et manifestement périlleux, compte tenu des circonstances de la disparition de cet éditeur.
Tragique destin que celui de ce jeune Liégeois qui n’aura pu exercer sa profession que durant une quinzaine d’années. Pour beaucoup, il demeure le découvreur de Céline auquel son nom demeure associé. Et pourtant nombreuses sont les œuvres importantes du XXe siècle qu’il aura publiées : L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit, Héliogabale d’Artaud, Tropismes de Nathalie Sarraute, Les Beaux Quartiers d’Aragon, Les Décombres de Rebatet, Le Bonheur des tristes de Luc Dietrich, Les Marais de Dominique Rolin, Notre-Dame des Fleurs de Jean Genet, pour ne citer que les plus connues.
On a parfois traité Denoël d’opportuniste. C’est ne pas voir qu’il fut viscéralement éditeur, très tôt soucieux de diversifier sa production, de publier des livres de qualité à une époque où la concurrence était rude, et d’assurer la pérennité de sa maison. Il réussit même à damer le pion à ses illustres confrères dans la course aux prix littéraires, récoltant sept Prix Renaudot – dont le fameux Voyage au bout de la nuit – en une décennie. Il fut aussi l’un des premiers éditeurs à publier des textes psychanalytiques, notamment ceux de René Allendy, Otto Rank et Marie Bonaparte.
Jean Jour a raison d’écrire que sa vie d’éditeur se caractérisa par une incessante course à l’argent. Toujours sur le fil du rasoir, Denoël n’eut jamais les moyens de ses ambitions. C’est sans doute ce qui le perdit, étant sans cesse contraint de faire des concessions. Ceci concerne tout aussi bien la diffusion de ses livres que la publication de titres plus ou moins imposés par les circonstances, ou, plus fâcheux encore, la cession de parts de sa société à des tiers qui se révéleront encombrants, voire dangereux.
Il dut également se colleter à Céline. On sait que son auteur vedette n’était guère accommodant, ne craignant pas de mettre en péril la survie même de la maison d’édition par une redoutable avidité pécuniaire. Lorsqu’en 1936, Céline adresse, par huissier, une assignation en bonne et due forme à son éditeur, celui-ci le met en garde : « Si vous persistez dans votre attitude, vous réussirez simplement à me jeter par terre, sans obtenir un franc. En effet, l’affaire Denoël & Steele est hypothéquée pour 200 000 frs et elle doit 50 000 frs au fisc. Quand on aura vendu aux enchères, il ne restera rien pour les autres créanciers. Les bouquins se vendront au camion à raison de 80 frs les 1 000 kilos et tout le bénéfice que vous en aurez tiré sera d’avoir ruiné un homme qui, peut-être, vous a fait quelque bien. »
Terrible aveu qui montre à quel point Denoël se trouve alors tenaillé entre une situation financière difficile et le manque de souplesse de Céline qui se vantera plus tard d’avoir été l’auteur le plus exigeant sur le marché. Mais s’il abreuvait volontiers son éditeur de sarcasmes, cela ne l’empêchera pas, plus tard, de lui rendre un juste hommage : « Un côté le sauvait… il était passionné des Lettres… il reconnaissait vraiment ce travail, il respectait les auteurs. »
Nul éloge comparable, sous la plume de Céline, à l’égard de Gaston Gallimard, faut-il le préciser ?
Qui était vraiment Robert Denoël ? On trouvera des réponses à la question dans cette enquête qui s’est attachée à remonter aux sources, tout homme étant le fruit de ses origines et de son éducation. Le fait que Jean Jour soit également natif de Liège lui aura permis de mieux appréhender cette figure secrète. Il s’agissait aussi de comprendre cette volonté farouche de s’affranchir d’un milieu provincial figé : celui de la bourgeoisie catholique des années vingt.
Et si Denoël a marqué l’histoire littéraire des années qui ont suivi, c’est grâce à une forte personnalité qui lui permit de vaincre bien d’obstacles : « Le physique de l’homme traduit le caractère. Tête romaine, figure romantique, mais empreinte d’énergie. Les yeux observateurs, sous les lunettes, pétillent d’esprit ». Ainsi le voit un compatriote venu lui rendre visite dans son bureau directorial, trois ans seulement avant sa disparition.
Robert Denoël avait toutes les qualités d’un grand éditeur et on peut rêver à ce qu’eût été son destin si la guerre, suivie de cette mort tragique, n’avait pas mis un terme à une vocation contrariée par les vicissitudes du temps.
Journaliste, Jean Jour (1937-2016) est né sur l’île d’Outremeuse, à Liège, patrie de Simenon, et en a retenu tout le côté pittoresque. Il est l’auteur d’une cinquantaine de livres très divers et a traduit plusieurs romans américains.
Robert Denoël, un destin de Jean Jour, éditions Dualpha, collection «Vérités pour l’Histoire», dirigée par Philippe Randa, 246 pages, 27 euros. Nombreuses illustrations. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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Bulletin célinien n°415
Février 2019
Sommaire :
Rencontre avec Yves-Robert Viala
À l’agité du bocal (re)composé par Bernard Cavanna
La vérité sur Bessy
Une conférence sur Céline
Le bilan de l’accueil et l’évolution de Céline de L’Église à Mort à crédit.
par Marc Laudelout
Tout a été dit sur l’indigeste pavé du tandem Taguieff-Duraffour paru au début de l’année passée ¹. En attendant la version en collection de poche, agrémentée d’une préface sur la réception critique (!), on peut maintenant y revenir avec quelque recul même si d’aucuns penseront qu’on lui accorde trop d’importance.
Fallait-il que les deux auteurs aient jadis éprouvé pour Céline « une admiration sans bornes » (expression employée dans l’introduction) pour en arriver là ! Peu suspect de complaisance envers l’écrivain, Émile Brami, dans l’un des premiers comptes rendus du livre, a magistralement montré l’inanité de certaines accusations (agent actif du SD, notamment) dépourvues de la moindre preuve ². Accusations basées sur une méthodologie contestable qui tient à la formation des auteurs : l’une vouée aux études littéraires, l’autre à la philosophie et à l’histoire des idées. Mais pas la moindre formation d’historien s’étant frotté à la critique interne et externe des documents. Si tel avait été le cas, plusieurs bourdes eussent été évitées. Le fait que Céline, véritable électron libre avant et pendant la guerre, ait souhaité la victoire de l’Axe et qu’il ait, à ce titre, fréquenté des officiels (allemands et français) n’est pas douteux. Ne l’est pas moins le fait qu’il n’ait pas mis une sourdine à son racisme (englobant son antisémitisme) pendant les années noires. Mais cela ne fait pas de lui un agent (stipendié ou pas) de la police allemande. D’autant qu’il est avéré qu’il fréquentait le plus souvent ces personnalités à des fins personnelles (récupération de son or saisi en Hollande, possibilité de séjourner sur la côte bretonne, etc.). Pour le reste, « était-il nécessaire de vouloir à toute force rendre Céline plus noir qu’il ne l’a été ? » ³. Oui s’il s’agit de faire en sorte que l’Université le boycotte tant et plus. Les auteurs auront alors beau jeu de constater qu’aucun « grand spécialiste universitaire » ne se penche décidément sur son œuvre. Mais, ce qui frappe le plus à la lecture du livre, c’est ce mépris d’acier qu’affichent les auteurs. Mépris envers l’écrivain qui a cessé d’être pour eux un classique, tout au plus un styliste de talent 4. Mépris envers ses exégètes, tel Henri Godard, déconsidéré car n’ayant pas les connaissances (philosophiques, ethnographiques, anthropologiques et génétiques) requises à leurs yeux pour pouvoir traiter valablement du sujet 5. Mépris envers les chercheurs, tel Éric Mazet ou Jean-Paul Louis, perçus comme des dévots du « culte célinien ». Mépris envers la plupart des autres célinistes, « érudits aussi passionnés que limités dans leurs perspectives ». Mépris enfin envers les admirateurs de son œuvre. Tous étiquetés célinophiles, célinomanes ou célinolâtres. De Kaminski à Peillon en passant par Vanino, Kirschen, Gosselin, Martin, Bounan et Bonneton, la liste des livres hostiles à Céline est déjà longue. Nul doute que celui-ci a décroché la palme.
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Bulletin célinien
Janvier 2019
Sommaire :
Réhabilitation littéraire
Aux céliniens d’en bas
Céline à Drouot
Le choc de Breugel
Le Prix Renaudot et la participation du lauréat
Quand Jacques Ovadia écrivait à Céline et à Pauvert
Intolérable « réhabilitation littéraire » de Céline ! C’est le sens implicite d’un article de Philippe Roussin * (qui se trouve être, comme Taguieff et comme Anne Simonin, directeur de recherche au CNRS). Selon lui, cette réhabilitation s’est faite au prix du refoulement de son antisémitisme. Paradoxal car, depuis une trentaine d’années, on ne peut plus lire un article sur Céline sans que ne soit inévitablement rappelé son passé de “collabo” et son antisémitisme patenté. Affirmer que cela a été mis sous le boisseau apparaît ébouriffant. C’est à croire que cet universitaire ne lit pas les journaux et ne regarde pas la télévision. Chaque commentateur se fait un devoir de rappeler cette composante de l’œuvre. Par ailleurs, ces vingt dernières années, les essais, opuscules et articles sur l’idéologie célinienne se sont multipliés.
Retour en arrière : dans un entretien paru il y a quelques années ¹, Roussin confiait que lorsqu’il était étudiant, il lisait avec passion la revue Tel quel de Sollers, « alors la seule université digne de ce nom ». C’était l’époque où ce trimestriel, très impliqué en politique, célébrait la “réussite” de la révolution culturelle chinoise. Aujourd’hui, Roussin déplore le virage que cette publication prit ensuite, lorsqu’elle « se détourna de la politique et hissa la littérature française au rang d’un absolu ». Sollers et ses amis redécouvrirent alors puis revendiquèrent Céline « comme leur champion incontesté ». Et proclamèrent qu’on ne peut pas juger un écrivain sur des critères moraux. C’était prendre le contre-pied des thèses sartriennes qui ont, on l’aura compris, l’aval de Roussin. Pour celui-ci, la littérature doit nécessairement se soumettre au jugement politique. Bien entendu il est résolument contre une réédition scientifique des pamphlets car ce serait leur donner « une caution exagérée ». Et d’ajouter (il se refuse naturellement à détenir ces textes chez lui) : « Ceux qui veulent les lire n’ont qu’à faire comme moi, aller en bibliothèque. ».
Sur deux pages, il passe douloureusement en revue les nombreux aspects de la gloire posthume de Céline : le fait qu’il soit reconnu à l’égal de Proust, sa consécration éditoriale dans la Pléiade, l’inscription (1993) de Voyage au bout de la nuit au programme de l’agrégation de littérature française, l’achat du manuscrit par la B.N.F, la dizaine de biographies à lui consacrée, le succès des adaptations théâtrales, etc. Heureusement, « la réhabilitation littéraire a ses limites » : retrait en 2011 du “Recueil des célébrations nationales” et suspension l’année passée du projet de réédition des pamphlets par Gallimard face aux protestations qu’il a suscitées. Roussin considère que l’actualité célinienne n’est plus seulement d’ordre littéraire mais aussi d’ordre politique en raison notamment du climat « xénophobe » en France et en Europe. Claire allusion au souhait des peuples de vouloir à la fois restreindre l’immigration de masse et l’accueil des migrants. De là à évoquer une “révolte des indigènes”…
• Philippe Roussin, « Réhabiliter Céline » in L’Histoire, n° 453, novembre 2018, pp. 62-64.
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Bulletin célinien n°413 (décembre 2018)
Sommaire :
L’énigme de l’assassinat de Denoël enfin résolue ?
Le lancement de Voyage et la querelle du Prix Goncourt
Esther Rhodes (1905-1955)
Jusqu’à ce jour, tout le monde (Céline lui-même, ses biographes, le monde judiciaire) considérait qu’en 1950 la justice française avait été bonne fille avec l’auteur des Beaux draps. Anne Simonin, directrice de recherche au CNRS, estime, elle, que le jugement fut d’une « sévérité extrême » ¹. Mais il y a mieux : on sait que l’année précédente, en novembre 1949, le commissaire du gouvernement Jean Seltensperger fut dessaisi du dossier, sa hiérarchie estimant son réquisitoire magnanime. Il se concluait, en effet, par le renvoi de Céline devant une Chambre civique (au lieu de la Cour de justice), ce qui eût entraîné une peine sensiblement moins lourde. L’historienne considère qu’il s’agit en réalité d’une « apparente complaisance », le magistrat ayant, au contraire, fait preuve d’une rare duplicité : « Imaginer renvoyer Céline en chambre civique était une façon habile de l’inciter à rentrer en France et à se produire en justice. Une fois Céline devant une chambre civique et condamné à la dégradation nationale, rien n’interdisait au commissaire du gouvernement de considérer que Céline avait aussi commis des actes de nature à nuire à la défense nationale (art. 83-4 du Code pénal). Le mandat d’arrêt, ordonné en 1945, autoriserait alors à renvoyer Céline en prison avant de le déférer en Cour de justice. Et le tour serait joué. » C’est perdre de vue que, dans son réquisitoire, Seltensperger avait requis la mainlevée du mandat d’arrêt. Et c’est surtout ne pas connaître les arcanes de cette histoire judiciaire. Coïncidence : il se trouve que le père (magistrat, lui aussi) d’un de nos célinistes les plus pointus, Éric Mazet, fut le meilleur ami de Jean Seltensperger. Au mitan des années soixante, les confidences que celui-ci fit au jeune Mazet attestent qu’il n’a jamais voulu piéger Céline, bien au contraire. Le réquisitoire modéré qu’il prononça en atteste et ce n’est pas pour rien que le dossier fut confié à un autre magistrat.
Ce n’est pas tout. En février 1951, les Cours de justice, juridiction d’exception chargé des affaires de Collaboration, furent dissoutes : celles-ci relevaient désormais de juridictions militaires. En avril, le Tribunal militaire de Paris fit bénéficier Louis Destouches d’une ordonnance d’amnistie applicable aux anciens combattants blessés de guerre. Ici aussi, l’historienne s’insurge, estimant que cette amnistie découle d’un faux en écriture publique (!). Explication, photo du document à l’appui : c’est un paragraphe ajouté à la main qui amnistia Céline « à l’insu » [sic] du Tribunal militaire. En tant que biographe de Céline, l’avocat François Gibault a étudié le dossier et connaît intimement cette matière. Il estime l’hypothèse pour le moins fantaisiste : « Si le Tribunal militaire n’avait pas délibéré sur la question de l’amnistie, le Président l’aurait fait savoir quand tout le monde lui est tombé sur le dos. Idem pour les juges du Tribunal militaire. La photo qui figure en marge de l’article est un jugement-type remis par le greffier au président pour gagner du temps. Il est d’usage que le président du tribunal supprime les passages inutiles, remplisse les blancs et ajoute à la main ce qui doit l’être. » Il paraît qu’Anne Simonin veut entreprendre des recherches pour savoir s’il s’agit bien de l’écriture de Jean Roynard, le magistrat qui présidait le Tribunal militaire. Notre historienne se doute-t-elle que cette écriture peut tout aussi bien être celle du greffier, du juge-rapporteur ou d’un autre juge qui tenait la plume ? Et connaît-elle le rôle déterminant qu’eut le colonel André Camadau, en charge de l’accusation, dans cette affaire ? ² Rien n’est moins sûr…
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Bulletin célinien, n°412
Sommaire :
Pierre Laval vu par Céline
Un guide du Paris “réac et facho”
Sillonner les transports céliniens à la recherche du style
Voyage à nouveau sur les planches
Céline au bout de la nuit africaine
par Marc Laudelout
Contre Céline tout est désormais permis. Dans un fort volume d’un millier de pages, on peut, sans susciter guère de contestations, le faire passer pour un vil délateur et un actif agent de l’Allemagne alors même qu’on n’apporte aucune preuve tangible. Tout ou presque n’y est que suppositions gratuites, insinuations malveillantes, déductions fallacieuses et hypothèses bancales. Le piège est redoutable car réfuter ces calomnies vous fait ipso facto passer pour un personnage suspect. Céline, il est vrai, n’est pas un écrivain facile à défendre tant il s’est mis lui-même dans un mauvais cas. Il ne s’agit d’ailleurs pas de le défendre (son procès se tint il y a plus d’un demi-siècle) mais d’établir les faits, uniquement les faits. On aurait envie de répondre à ses détracteurs que ce n’est pas la peine d’en rajouter même si l’envie démange certains de le mettre indéfiniment en accusation. Ils n’ont de cesse de faire encore et toujours son procès. L’année du cinquantenaire de sa mort, la chaîne franco-allemande Arte, puis la Télévision suisse romande, ont précisément diffusé un documentaire refaisant Le Procès de Céline, où intervenait déjà le tandem Taguieff-Duraffour. Aujourd’hui, la revue L’Histoire publie un dossier sur le même sujet ¹ et, au début de ce mois, le tribunal de la FFDE (Fédération Française de Débat et d’Éloquence) organise au Palais de Justice de Paris un nouveau “procès Céline” !C’est dire si le livre de David Alliot et Éric Mazet vient à point nommé pour remettre les pendules à l’heure. Le lecteur y verra que ni le docteur Joseph Hogarth (Bezons) ni le docteur Herminée Howyan (Clichy) ne furent victimes des propos de leur confrère Destouches. Et, comme l’a admis l’Association des Amis de Robert Desnos, Céline n’est strictement pour rien dans le sort tragique du poète. Les auteurs démontent aussi l’assertion venimeuse selon laquelle Helmut Knochen aurait désigné Céline comme agent du SD. C’est de la même farine que la mention de son nom sur une note d’Otto Abetz le pressentant pour diriger le Commissariat général aux questions juives. Le premier biographe de Céline évoquait déjà un « document sans aucune valeur de preuve » (Gibault III, p. 257). Tout le problème réside là, en effet : n’ayant ni l’un ni l’autre de formation historique, Taguieff et Duraffour ne procèdent à aucune critique interne et externe des documents qu’ils exhument. À partir de là, c’est la porte ouverte à toutes les allégations, surtout si elles vont dans leur sens.Le plus grotesque dans la démarche de Taguieff est sans doute ailleurs : dénier à Céline toute réelle valeur littéraire. « Son pavé est conçu comme une entreprise de démolition de l’écrivain. L’intention est bien d’écarter de Céline tout lecteur, tout directeur de thèse, tout acteur, comme autrefois les catholiques jetaient l’opprobre sur Voltaire, les républicains sur Chateaubriand, les féministes sur Sade et les sacristains sur Baudelaire. »
Gageons que la grande presse ne parlera guère de cet opuscule incisif et pugnace. Ce serait mettre en question les articles convenus qui rendirent compte du bouquin de Taguieff. Les céliniens, eux, savent ce qu’il leur reste à faire : lire et faire connaître autour d’eux cet ouvrage qui y répond de si magistrale façon.
• David ALLIOT & Éric MAZET, Avez-vous lu Céline ?, Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 128 p. Diffusé par le BC (20 €, port inclus).
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Bulletin célinien n°411
octobre 2018
Sommaire :
- Céline en Italie:
Rencontre avec Valeria Ferretti
- Une « dénonciation oubliée »
- Actualité célinienne
- « Céline & Céline » de Michel Ruffin.
par Marc Laudelout
Jean-Luc Barré, qui dirige depuis une dizaine d’années la collection « Bouquins » chez Robert Laffont, accomplit une partie de la mission que n’assure plus Antoine Gallimard pour la « Bibliothèque de la Pléiade ». Celle-ci se targue d’être « un héritage augmenté des chefs-d’œuvre de notre temps ». Pour des raisons de toute évidence idéologiques, la maison Gallimard refuse une part de cet héritage. Ni Barrès, ni Bainville, ni Maurras n’y ont droit de cité. Tous trois réédités, en revanche, dans la collection « Bouquins ». On peut naturellement penser ce que l’on veut du maître de Martigues mais nier qu’il ait exercé, pendant près d’un demi-siècle, un magistère intellectuel sur ses contemporains serait grotesque. Dans un fort volume de plus d’un millier de pages, les éditions Robert Laffont rééditent donc ses grands textes, de L’Avenir de l’intelligence à Kiel et Tanger sans oublier ceux sur l’esthétique ainsi que sa poésie dont de superbes textes érotiques inédits.
Il est sans doute inutile de rappeler ici à quel point les tropismes céliniens diffèrent des tropismes maurrassiens. Attiré par la Méditerranée et l’Antiquité gréco-latine, Maurras eut une inclination pour le fascisme italien tout en vitupérant contre l’Allemagne dont il fut, tout au long de sa vie, un farouche adversaire. Alors même que Céline considérait cette germanophobie contre nature et porteuse de nouveaux périls. Dans un article paru en 1942, « La France de M. Maurras », son ami Lucien Combelle stigmatisait, lui aussi, cette germanophobie. Ce qui lui attira un commentaire acerbe de Céline lui reprochant de passer à côté de ce qui était pour lui l’essentiel : l’antiracisme de Maurras déjà tancé quatre ans auparavant dans L’École des cadavres. À la suite d’Urbain Gohier, Céline soupçonnait même des origines sémites au leader de l’Action Française.
À ce propos, signalons que l’unique livre consacré à Combelle vient d’être réédité dans cette même collection « Bouquins » avec d’autres livres de Pierre Assouline sur la période de l’Occupation : ses romans (La cliente, Lutetia, Sigmaringen), sa biographie de Jean Jardin et son essai sur l’épuration des intellectuels. C’est dire si cette période fascine depuis toujours Assouline qui s’en explique dans une préface inédite, « Apologie de la zone grise ». Il y évoque avec nuance sa relation à cette histoire complexe. Laquelle n’était pas faite que de héros et de salauds. Comment d’ailleurs qualifier un jeune Français d’une vingtaine d’années acceptant de risquer sa vie sur le front de l’Est pour des idées qu’il croit justes ? Le juif sépharade qu’est Assouline fut l’ami de Combelle qui, non seulement crut au fascisme, mais en fut un ardent militant jusqu’en juillet 1944. Cette amitié l’honore, cela va sans dire, mais ce qui le distingue encore davantage de la plupart de ses confrères, c’est le refus de tout manichéisme. Et le goût de comprendre avant de juger.
La correspondance de Céline à Combelle a été éditée par Éric Mazet dans L’Année Céline 1995 (Du Lérot, 1996, pp. 68-156). Signalons aussi l’émission télévisée de Bernard Pivot sur « Les intellectuels et la Collaboration » (Apostrophes, 1er décembre 1978) à laquelle Combelle participa [https://www.youtube.com/watch?v=IcgWGFwt7nQ] et la série d’entretiens que Pierre Assouline eut avec lui (À voix nue, France Culture, 25-29 juillet 1988) [https://www.youtube.com/watch?v=D6rWO3pEPdc].
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Par Yann P. Caspar
Ex: https://visegradpost.com
« Voici la terrible histoire de Philippe Ignace Semmelweis ». C’est ainsi que le Docteur Destouches amorce la préface de 1936 à la première édition commerciale de sa Thèse de Médecine, soutenue douze ans plus tôt à Paris, et ayant pour sujet la vie et l’oeuvre du plus célèbre médecin hongrois. Alors qu’on omet aisément de rappeler qu’avant de s’illustrer par une production littéraire hors du commun, Céline est avant tout un médecin sincèrement convaincu de sa vocation, cette thèse peut se lire comme l’étincelle qui allumera la flamme du style célinien et une lumineuse évocation du destin maudit des deux hommes.
D’une patte narguant continuellement les standards de la rédaction scientifique, Céline raconte le toujours plus insoutenable agacement de ce jeune obstétricien hongrois découvreur de l’asepsie face à la crasse et jalouse ignorance de ses confrères viennois. Peignant un monde médical majoritairement composé d’esprits invariablement tièdes, étroits et mesquins, Céline fait de Semmelweis l’archétype du génie s’acharnant passionnément à vouloir imposer ce qu’il pense être juste et vrai, sans bien sûr s’encombrer inutilement du moindre tact mondain. Quiconque sait le parcours de Céline pourra ainsi voir dans ce texte de 1924 une étonnante et splendide prophétie auto-réalisatrice rédigée par le futur prostré de Meudon, où vivant chichement ses dernières années de pestiféré avec sa femme Lucette, coupé du monde et clochardesque devant ses rares visiteurs, il écrira coup sur coup trois chefs d’oeuvre absolus : D’un château l’autre, Nord et Rigodon.
Quel est donc le génie d’un Semmelweis ? Exerçant dans une clinique où la fièvre puerpérale ravage les femmes en couche, surtout lorsque celles-ci sont tripotées par des étudiants ayant plus tôt effectué des dissections, Semmelweis comprend que cette mortalité massive est directement liée à la propagation de miasmes cadavériques dans les organes génitaux féminins. Déjà persuadé que la cause de ces décès se trouve au sein de la clinique même, son déclic survient le jour où son ami Kolletschka, souffrant d’une blessure au scalpel contractée lors d’une dissection, meurt des suites de symptômes similaires à ceux de la fièvre puerpérale.
Commentant cette révélation, Céline se plaît à souligner qu’elle intervient au retour du jeune Hongrois d’un voyage de plusieurs mois à Venise. Profondément ému par la beauté de cette ville, Semmelweis aurait tout naturellement flairé l’évidence : la pourriture cadavérique est à l’origine de la fièvre puerpérale. Ébloui par le génie de Philippe, Louis préfigure alors le sien : « La Musique, la Beauté sont en nous et nulle part ailleurs dans le monde insensible qui nous entoure. Les grandes œuvres sont celles qui réveillent notre génie, les grands hommes sont ceux qui lui donnent une forme »1.
Les accoucheurs se lavent les mains et la mortalité se met à dégringoler. Aux quatre coins de l’Europe, les médecins, tout réputés qu’ils soient, se mobilisent contre ce ridicule et vaniteux Hongrois, et entendent bien mettre un terme à cette folie hygiéniste. Semmelweis est mis à l’index, on l’humilie et l’invite prestement à rejoindre Budapest. Il arrive dans une capitale hongroise en pleine effervescence, peu de temps après le déclenchement des événements de 1848. Ce trentenaire banni de médecine s’éprend de politique avant de plonger dans une sérieuse dépression suite à la défaite des révolutionnaires. Bien que Céline n’ait jamais montré de tropisme centre-européen — et a fortiori une passion pour la Hongrie —, il met brillamment le doigt sur un caractère national hongrois : la propension magyare à savourer trop rapidement une victoire avant de se laisser happer par un état de mélancolie aggravé ; en somme, la Hongrie : une nation dont l’histoire n’est qu’une succession de sauteries sans lendemain.
L’histoire de Philippe Ignace Semmelweis, c’est celle de Louis-Ferdinand Céline. C’est celle de deux tarés se sentant dès leur adolescence investis d’une mission contre la bassesse et la lourdeur de notre monde. Reniés, exclus, ils crient, vocifèrent ; ils délirent. Ils savent que le talent est monnaie courante, alors que le génie est rare. Le talent procède de la matière grise, il est froid. Ils montrent qu’il n’y a guère que la chaleur des émotions et des tripes pour transformer le talent en génie. Imposer son génie à la société est possible en maîtrisant les codes des relations humaines — qualité que possédait assurément Louis Pasteur pour théoriser et faire reconnaître ce que le furieux Semmelweis avait senti avant lui.
1 Louis-Ferdinand Céline, Semmelweis, Collection L’Imaginaire, Gallimard, 1999, Paris, p. 67
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Bulletin célinien, n°410, septembre 2018
Sommaire :
Céline et Joyce
Un débat sur la réédition des pamphlets
Clément Rosset et Céline
Maurice Lemaître et l’ “Association israélite pour la réconciliation des Français”
Un grand livre sur Roger Nimier
En arrière-plan de ce colloque : la polémique suscitée par le projet de réédition des pamphlets par les éditions Gallimard. Une table ronde réunissant diverses personnalités fut organisée en ouverture du colloque. Nous en rendons compte dans ce numéro. À l’exception notable de Philippe Roussin, directeur de recherches au CNRS, il faut noter que tous les spécialistes de Céline sont favorables à cette réédition. Hormis François Gibault, qui s’est fait durant un demi-siècle le porte-parole de l’ayant droit ³, observons que cela a toujours été le cas. Il y a plus de trente ans déjà, nous avons publié ici leurs appréciations 4. Dont celle de Henri Godard qui, contrairement à ce qui fut sous-entendu lors de cette table ronde, s’exprima dès le début de manière claire : « Plus l’audience des textes disponibles en librairie s’accroît, plus il devient anormal que les mêmes lecteurs n’aient accès qu’en bibliothèque ou au prix du commerce spécialisé, aux écrits qu’ils trouvent cités, interprétés et jugés dans des travaux critiques. »
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Bulletin célinien n°408 (juin 2018)
Sommaire :
En marge des “Lettres familières”
Céline, le négatif et le trait d’union
Enquête sur le procès Céline [1950]
Lettres d’Alphonse Juilland à Éric Mazet (2)
Antoine Gallimard et Pierre Assouline parlent.
Angie David
En revanche, une part de son œuvre est assurément maudite au point qu’un projet de réédition a suscité de vives réactions que la plus haute autorité de l’État a estimé légitimes. La plupart des célinistes, eux, ressassent la même antienne : certes ces écrits sont intolérables mais certains passages peuvent en être sauvés. Et de citer invariablement la description de Leningrad dans Bagatelles et l’épilogue des Beaux draps. C’est perdre de vue que Céline ne perd nullement son talent dans l’invective même lorsqu’il est outrancier. Si l’on se reporte au dossier de presse de Bagatelles, on voit, au-delà des clivages idéologiques, à quel point les critiques littéraires pouvaient alors le reconnaître. « La frénésie, l’éloquence, les trouvailles de mots, le lyrisme enfin sont très souvent étonnants », relevait Marcel Arland dans La Nouvelle Revue Française. Charles Plisnier, peu suspect de complaisance envers l’antisémitisme, évoquait « un chef-d’œuvre de la plus haute classe » ². Dans une récente émission télévisée, un célinien en lut plusieurs extraits qu’il jugeait littérairement réussis, notamment l’un daubant la Russie soviétique. Passage coupé au montage. Seule la description de Leningrad a précisément été retenue.Autre réflexion: si Céline est reconnu comme un écrivain important, il n’en demeure pas moins qu’il est tenu à l’écart par l’école et l’université. Hormis Voyage au bout de la nuit et, dans une moindre mesure Mort à crédit, ses romans sont absents des programmes scolaires. Quant à l’université, on doit bien constater qu’elle organise très peu de séminaires sur son œuvre et que, parmi les universitaires habilités à diriger des recherches, rares sont ceux qui acceptent de diriger un travail sur Céline. Conséquence : le nombre de thèses à lui consacrées est en nette baisse par rapport au siècle précédent. On se croirait revenu aux années où Frédéric Vitoux puis Henri Godard rencontrèrent tous deux des difficultés à trouver un directeur de thèse. Et cela ne risque pas de s’arranger dans les années à venir.
• Angie DAVID (éd.), Réprouvés, bannis, infréquentables, Éditions Léo Scheer, 2018, 275 p. (20 €).
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