lundi, 14 juin 2010
Le Koweit appartient-il à l'Irak?
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991
Le Koweit appartient-il à l'Irak?
Quelques rappels historiques
par Franz KARG von BEBENBURG
Pour pouvoir juger sereinement la volonté irakienne de conserver le Koweit, il faut savoir analyser les faits historiques. La Mésopotamie, soit le pays sis entre les deux fleuves que sont le Tigre et l'Euphrate, a toujours eu un destin changeant. Son histoire récente commence sous les Sassanides. De 226 à 651, la Mésopotamie était la région centrale de l'Empire perse. Sous les Abassides, entre 750 et 1258, elle a été le centre du monde islamique, jusqu'au moment où elle a été conquise par les Mongols. Au début du 16ième siècle, elle redevient perse. De 1638 à 1918, elle est turque. De 1915 à 1917, elle est envahie par les troupes britanniques. Au Traité de Sèvres, l'Angleterre obtient cette région et la place sous mandat. Les choses resteront telles jusqu'en 1921. Pour leur part, les Français reçoivent un mandat sur la Syrie et le Liban. En 1921, les Britanniques hissent le roi Fayçal 1er sur le trône de l'Irak mais politiquement, militairement et économiquement, le pays reste sous la coupe des Anglais.
Après plusieurs révoltes et putsch (1936, 1941, 1952), une révolution renverse la monarchie le 14 juillet 1958; le roi, sa famille et tous les membres du gouvernement sont massacrés. Le Général Kassem prend la tête du nouveau gouvernement et y reste jusqu'au jour où, en 1963, un putsch d'officier le renverse et le fait fusiller. Son successeur Aref reste au pouvoir jusqu'en 1968, quand une révolution organisée par le Parti Baath porte au pouvoir Sayyid Hassan al-Bakr. Celui-ci renonce au pouvoir en 1979 pour laisser la place au Général Saddam Hussein qui cumule les fonctions de Président et de Chef du gouvernement.
L'histoire de l'Emirat du Koweit est plus courte, du moins pour ce qui concerne sa structure étatique actuelle. A partir de 1648, le Koweit est partie intégrante de l'Empire Ottoman. En 1775, les Anglais y fondent une mission commerciale. La ville de Koweit, d'importance économique nulle, est resté jusqu'en 1950 une petite bourgade portuaire le long d'une côte désertique, torride et ne recevant preque aucune précipitation. Située à l'extrémité nord-ouest du Golfe Persique, elle a acquis progressivement de l'importance pour les Britanniques parce qu'elle devait devenir le terminus de la fameuse ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad, laquelle aurait offert à l'Empire Ottoman une voie commerciale de première importance; à l'aide de capitaux allemands, [suisses et français], les autorités turques commencent la construction de la ligne en 1903. Elle n'arrivera à Bagdad qu'en 1940. Pour contrer ce projet [qui, à leurs yeux, menaçait la route des Indes], les Britanniques déclarent le Koweit protectorat de la Couronne en 1889 et déploient toute leur énergie pour que la ligne n'atteigne pas les rives du Golfe. En 1961, le Koweit accède à l'indépendance et, malgré les protestations de l'Irak qui considère que cette région lui appartient, adhère à la Ligue arabe. Le nouveau pays est ainsi reconnu comme un Etat arabe à part entière. En juillet 1977, Irakiens et Koweitiens se mettent d'accord sur le tracé définitif de leur frontière, échangeant entre eux quelques bandes de territoire. Bandes de territoire qui poseront problème en cas d'évacuation du Koweit par les troupes irakiennes.
D'après la constitution de 1962, le Koweit est un émirat héréditaire. Le chef de l'Etat est le Cheik. Il gouverne le pays autocratiquement depuis la dissolution en 1976 de l'Assemblée Nationale. Jusqu'au moment de son expulsion par les soldats de Saddam Hussein en août 1990, le Cheik Al Ahmed Al Sabah, âgé de 64 ans, vivait dans son palais luxueux avec ses 70 femmes et sa progéniture de plus de 60 enfants. Le palais comptait 200 chambres. L'écurie de cet intéressant personnage comptait 14 avions privés, 10 Rolls-Royce, 15 Cadillac et une flotte de limousines Mercédès. Le confort de cette sympathique famille était assuré... La miséricorde d'Allah octroyait à ce bon Cheik quelque 44 millions de DM par jour. Ses petites économies personnelles se chiffreraient à environ 310 milliards de DM (un petit trois et neuf petits zéros). Très soucieux de la bonne santé de son peuple, notre brave rentier et homme d'affaires a investi 300 de ces 310 milliards à l'étranger. Des 2 millions d'habitants que compte son pays, 500.000 seulement sont citoyens koweitiens de souche arabe. La grande majorité des autres, 1,5 million de personnes, sont des travailleurs immigrés, des spécialistes ou des ingénieurs occidentaux qui travaillent dans les raffineries et l'exploitation pétrolières. Ils n'ont qu'un seul droit: se taire. Les partis y sont interdits. Ce n'est donc pas une démocratie que les Américains vont aller sauver des griffes d'un méchant fasciste.
Sans le coup de force perpétré par les Anglais en 1889 contre les Ottomans et sans le pillage systématique du Moyen Orient commis par les Français et les Anglais après 1918, il n'y aurait ni Irak, ni Syrie, ni Liban, ni Koweit. La Jordanie, elle aussi, est une création britannique datant de l'immédiat après-Versailles. Au départ, elle se composait de la Palestine et de la Transjordanie, que les bureaux londoniens ont préféré séparer en 1923. Sur les plans géopolitique et ethnique, le petit espace territoriale koweitien appartient à la Mésopotamie, donc à l'Irak. D'autant plus que le Koweit est le port naturel de la Mésopotamie. Si les Britanniques n'étaient pas intervenu et si l'on n'y avait pas découvert du pétrole en 1938, la bourgade de Koweit et la région aux alentours seraient demeurées irakiennes. Peut-on dire que Saddam Hussein a profité de l'atmosphère réunioniste qui règnait en Allemagne à la veille de la réunification formelle du 3 octobre, pour essayer son propre Anschluß, d'autant plus que ni les Russes ni les Américains ne s'opposaient plus aux désirs du peuple allemand? Pourquoi les Etats-Unis et l'URSS ont-ils accepté la réunification allemande et refusé la réunification de la Mésopotamie? Sans doute parce que le lobby sioniste s'y est opposé. Ce qui explique pourquoi l'«opinion publique internationale» a été mise en alerte. Et mobilisée contre l'Irak.
Franz Karg von Bebenburg.
(extrait de Mensch und Maß, 1991/2; adresse: Verlag Hohe Warte, Ammerseestr. 2, D-8121 Pähl).
00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, koweit, irak, monde arabe, proche-orient, moyen orient, politique internationale | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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