samedi, 31 décembre 2011
La metaphysique de la guerre
La métaphysique de la guerre
par Kerry Bolton
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Il y a un fond commun à toutes les civilisations basées sur la tradition, remontant à des siècles dans le passé et incluant géographiquement les civilisations nées en Asie, en Europe, et même jusqu’en Amérique centrale et en Amérique du Sud. La base de la civilisation traditionnelle est la création de l’ordre à partir du chaos, comme manifestation cosmique et divine. C’est pourquoi la civilisation elle-même était un produit du cosmique, et tous ses aspects avaient une signification métaphysique. Le « droit divin » des rois plaçait la souveraineté bien au-dessus de la simple politique au sens moderne : le souverain représentait le point central autour duquel gravitaient les parties les plus lointaines des empires. Une autre marque de la civilisation traditionnelle était l’institution des castes qui étaient également ordonnées d’une manière divine et cosmique : car la caste de quelqu’un représentait sa condition spirituelle, qui avait été pré-ordonnée avant sa naissance physique. Franchir la limite de sa caste revenait à devenir littéralement un « hors caste » ou paria, inférieur même à l’esclave.
La caste guerrière était la plus estimée du point de vue cosmique, car le guerrier était davantage qu’un « soldat » au sens moderne du mot ; il était un guerrier cosmique dont le devoir dharmique (pour utiliser un mot hindou qui a sa contrepartie dans toutes les civilisations traditionnelles) reflétait l’action des dieux eux-mêmes puisque le guerrier établissait l’ordre dans le royaume terrestre, de même que les dieux avaient triomphé des forces du chaos et établi l’« ordre » en créant le cosmos.
Guerre sainte
Avec cette analogie ésotérique entre le guerrier terrestre et le héros divin, la guerre devenait la guerre sainte, une action transcendant le terrestre et transformant magiquement le guerrier en un être spirituel. La guerre devenait ainsi « la voie du divin ». La caste guerrière avait ses propres rites religieux. Les samouraïs japonais, par exemple, étaient inspirés par le Zen. Les guerriers nordiques étaient dévoués à Odin, Thor ou Tyr. Les guerriers perses et plus tard romains étaient dévoués à Mithra. Krishna enseigna à Arjuna la doctrine guerrière de la violence détachée, qui transforme la bataille en guerre sainte et Arjuna en guerrier divin.
Pour le guerrier des civilisations traditionnelles, la spiritualité de la guerre garantissait la bénédiction de la divinité. Le guerrier qui était tué à la bataille atteignait souvent lui-même l’état divin, ou atteignait du moins la demeure des dieux, pour habiter parmi eux en tant que guerrier divin. Pour les Aztèques, le plus haut siège d’immortalité, la « Maison du Soleil », était le lieu de résidence non seulement des rois mais aussi des héros. Le guerrier hellénique atteignait l’Olympe en tant que héros divin, alors que les autres allaient dans la pénombre de l’Hadès. De même, les guerriers nordiques tués à la bataille continuaient à combattre et à festoyer avec les dieux Ases au Walhalla, pendant que les autres habitaient dans Hel. Le guerrier islamique dont l’âme était purifiée par le djihad habitait au paradis, de même que leurs homologues européens, les chevaliers des Croisades.
Chevalerie
A travers la guerre, les pulsions humaines et chaotiques du guerrier ainsi que son attachement aux choses matérielles étaient transcendés, et son âme était purifiée. C’est le thème commun de l’éthique spirituelle et guerrière de tous les ordres de chevalerie, dans toutes les civilisations traditionnelles. La guerre était la grande initiation, le rite sacré transcendant la condition humaine inférieure.
Le djihad était appelé le Sentier d’Allah. Le Coran dit : « Que ceux qui veulent échanger la vie contre l’Au-delà combattent pour la cause d’Allah ; qu’ils meurent ou qu’ils vainquent, Nous leur donnerons une riche récompense ». Et aussi : « Vous avez l’obligation de combattre, même si cela vous déplaît ». Le détachement personnel conseillé par le Coran est précisément celui que Krishna enseigne à Arjuna, le chef de la caste des kshatriyas : « Offre-moi toutes tes actions et repose ton esprit sur le Suprême ; libéré des vains espoirs et des pensées égoïstes, délivré du doute, jette-toi dans le combat ».
Deux formes de chevalerie se rencontrèrent au Moyen Orient, représentant la même éthique. Pour les Croisés, il ne s’agissait pas d’un combat politique mais d’une guerre sainte qui transcenda bientôt les résultats matériels et les rivalités nationales et politiques, unissant les Européens en un bloc unitaire que l’Occident n’avait pas connu depuis l’Empire romain. De nouveau, la guerre sacrée devenait un moyen d’initiation intérieure, de transcendance ésotérique. A l’époque, la Croisade était décrite en termes métaphysiques analogues à ceux de l’islam et de l’hindouisme : « Une purification qui est presque un feu du purgatoire, qu’on connaît avant la mort ». Saint Bernard fit l’éloge de la gloire de gagner sur le champ de bataille « une couronne immortelle ». Jérusalem était une cité céleste, un point central de la civilisation de l’Occident, de même que toutes les civilisations et tous les empires traditionnels avaient eu un centre. L’éthique spirituelle et guerrière des Croisades s’exprimait dans des maximes comme « Le paradis est à l’ombre des épées » ; et « le sang des guerriers est plus proche de Dieu que l’encre des savants et les prières des dévots ».
Eclipse de la chevalerie
Aujourd’hui, la civilisation occidentale est entrée dans sa phase de mort. Ce n’est pas une civilisation au sens traditionnel ; c’est pourquoi l’éthique spirituelle de la guerre a disparu. La Première Guerre Mondiale, en dépit de la mécanisation de masse et des motifs économiques bassement matérialistes, fut la dernière guerre à présenter des vestiges de chevalerie traditionnelle dans les deux camps ; ces vestiges se manifestèrent par la fraternisation entre combattants ennemis le Jour de Noël, et plus symboliquement par les honneurs rendus aux aviateurs ennemis tués au combat.
La Seconde Guerre Mondiale refléta la nature vile et non-chevaleresque de la guerre non-traditionnelle par excellence : les bombardements de saturation des Alliés sur des villes comme Dresde ; et une motivation purement basée sur une vengeance talmudique étrangère, se manifestant par l’exécution des chefs politiques et militaires des nations vaincues, à Nuremberg [1] et dans des procès similaires.
Dans une certaine mesure, la Waffen SS peut se comparer aux ordres de chevalerie des Croisades ; ce fut la seule formation militaire de la guerre dont l’éthique était fondée sur l’honneur (« Notre honneur s’appelle fidélité »), et en particulier sur le sens de la guerre « sainte » qui transcenda les frontières nationales et attira des volontaires venant de toute l’Europe, tout comme les Croisades l’avaient fait (on pourrait arguer que, dans un sens totalement différent, certains Juifs la considérèrent aussi comme une « guerre sainte »). Si la Waffen SS fut le dernier vestige de la caste guerrière traditionnelle à se manifester dans la civilisation occidentale [2], alors l’incarnation même de la décadence de l’Occident fut sûrement les GI’s américains paradant à travers l’Europe, pillant les trésors culturels [3], violant, détruisant au marteau les sculptures d’Arno Breker qui avaient décoré les jardins publics d’Allemagne, puis se retirant du Vietnam dans l’humiliation et la stupeur des drogués un demi-siècle plus tard.
Notes du traducteur
1. Les chefs nazis furent pendus en octobre 1946, pendant la période de la fête juive de Sukkot (Fête des Cabanes) ; en mars 1953, six ans et demi plus tard, Staline connut une mort suspecte (et opportune) pendant la fête juive de Pourim…
2. Deux réflexions à ce sujet : « Il ne resta aux survivants que la persécution et la répression. Mais on peut parler d’un échec très relatif, et celui qui connaît le sens de la Guerre Sainte sait à quoi nous faisons allusion… » (Ernesto Milà, Nazisme et ésotérisme, 1990). Et aussi : « C’était le prix à payer, le prix du passage » (Jean-Paul Bourre, Le Graal et l’Ordre Noir, Déterna 1999).
3. Plus récemment les GI’s firent la même chose, en pire, avec les trésors archéologiques de l’Irak. En outre ils passèrent au bulldozer la tombe de Michel Aflak, le fondateur (chrétien !) du parti Baas, et mirent à leur tableau de chasse un nombre exceptionnel de journalistes.
Article paru dans le magazine néo-zélandais The Nexus, n° 8, mai 1997.
Lectures conseillees
– Bhagavad-Gita (si possible la traduction d’Anna Kamensky, une des meilleures)
– Métaphysique de la guerre (Julius Evola, brochure)
– La doctrine aryenne du combat et de la victoire (Julius Evola, brochure)
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