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vendredi, 10 février 2012

Chypre, tête de pont russe en méditerranée

L'histoire d'amour entre Chypre et la Russie pourrait sembler suspecte à certains bien-pensants européistes sinon internationalistes.

Chypre, tête de pont russe en méditerranée

Les présidents chypriote et russe, Dimitris Christofias et Dmitry Medvedev, en 2010. / Petros Karadjias/AP/SIPA

Ex: http://mbm.hautetfort.com/

Illustration des relations russo-chypriotes: un cargo russe chargé d'armes transite par Chypre, qui le laisse filer en Syrie. Entre intérêts stratégiques de la grande Russie et nécessité économique pour la petite Chypre, les deux pays entretiennent des rapports ambigus et légalement douteux.

Le 10 janvier 2012, le cargo russe MV Chariot chargé de 35 à 60 tonnes de munitions type AK-47 en partance pour la Syrie était interpellé à Chypre, dans le port de Limassol.

Game over pour le convoyeur d’armes ? Pas tout à fait. Quelques heures plus tard, et malgré l’embargo sur les armes décidé par l’Union européenne contre le régime d'Hafez al-Assad, le gouvernement chypriote l’a laissé filer. Et le navire et ses kalachnikovs sont arrivés finalement à bon port, celui de Tartus, en Syrie.

Cette surprenante mansuétude chypriote est-elle innocente? Les liens avec la Russie sont étroits et la petite île a beaucoup à gagner du soutien russe.

  • Qu’ils soient économiques: Vladimir Poutine a promis à l’île un prêt de 2.5 milliards d’euros (dont une partie a déjà été versée), pour affronter la crise. Un chèque dont le montant équivaut à 10% du PIB de Chypre…
  • Ou politiques: la Russie défend par tradition les intérêts de Chypre au Conseil de sécurité de l’ONU, notamment sur la question de la RTCN (la "République turque de Chypre du Nord", Etat autoproclamé par Ankara après l'invasion turque de 1974, Ndlr). RTCN que Moscou ne reconnait pas. Alors le moment est mal choisi pour froisser le Kremlin.

"Limassolgrad"

Au-delà du jeu diplomatique, l’entente russo-chypriote saute aux yeux sur l’île d’Aphrodite. A Chypre, 35.000 à 40.000 habitants sont russophones. La destination plaît aux touristes russes, ils ont été 56.400 en 2011, selon le service russe des statistiques des agences de voyage.

C’est à Limassol (Sud), deuxième ville du pays, importante pour son port, que l’on peut mesurer l’emprise de la diaspora. A tel point que la ville est baptisée "Limassolgrad". Restaurants, menus, enseignes de boutiques, tout est traduit en russe. Ιl y a un journal russe, une chaine de télé, une autre de radio, et deux écoles.

Historiquement, Chypre a connu plusieurs vagues d’immigration russe. L’une d’elles à la suite de la Révolution soviétique, dans les années 20, lorsque sont arrivés les Russes travaillant dans les mines d’amiante. L’autre, beaucoup plus récente, est celle des "Pontiques", des Russes d’origine grecque venus s’installer à Chypre après la chute de l’URSS. Aujourd’hui, le visage de la diaspora a changé. Armateurs, promoteurs immobiliers, entrepreneurs, ce sont désormais ces "nouveaux Russes" qui viennent investir sur l’île.

Ils sont attirés par un taux d’imposition bas (10% pour les entreprises chypriotes) et la facilité du business. Un quart des dépôts bancaires à Chypre sont d’origine russe, tout comme le tiers des investissements étrangers. Comme hier les Libanais, ces russes multiplient les sociétés écran et compagnies off-shore.

Ιls débarquent avec des valises pleines. Ils placent leurs fortunes dans les banques ou l’immobilier. La plupart viennent à Chypre pour laver cet argent"

témoigne Irène Efstathiou, franco-russe mariée à un chypriote et membre de la communauté russe à Chypre.

"Le mouton rouge de l’Europe"

Tous ne s’y installent pas. Chypre, Etat-membre de l’UE depuis 2004, demeure une étape, un trait d’union méditerranéen utile à la Russie pour étendre certains commerces plus ou moins avouables. En particulier celui des armes, vers les pays du Moyen-Orient (Syrie, Liban, Iran et Irak) mais aussi, vraissemblablement, vers la Chine et l’Inde.

Et la Russie peut compter sur un allié de marque: le président chypriote, Demetris Christofias, russophone (il a étudié en Russie soviétique) et ex-dirigeant du parti communiste Akel. En 2008, au détour d’un voyage à Moscou, Christofias ne s’est-il pas vanté d’être "le mouton rouge de l’Europe" ?

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