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jeudi, 01 juin 2017

Emmanuel Macron, fossoyeur des dernières communautés intermédiaires?

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Emmanuel Macron, fossoyeur des dernières communautés intermédiaires?

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com 

Dans un précédent article, nous avons noté que l’élection d’Emmanuel Macron pouvait être révélatrice d’un processus de notabilisation de la vie politique française. Emmanuel Macron a bénéficié d’une « notabilité » totalement artificielle, fabriquée par les médias, grâce à laquelle il a été littéralement propulsé de l’anonymat complet jusqu’à la présidence de la République… sans passer par la case « parti politique ». Autrement dit, Emmanuel Macron a été élu parce que le Système en a fait, de toute pièce, un personnage « notable », et non en raison du soutien d’un mouvement organisé dont il aurait gravi tous les échelons.

A partir de ce constat et dans un climat idéologique qui remet ouvertement en cause les « partis traditionnels », nous nous demandions si nous n’étions pas sur le point d’assister à la mort des partis politiques. Nous avons fait valoir que le parti politique était un « corps intermédiaire » unissant des personnes, éventuellement face au pouvoir central, et qu’à ce titre la République ne pouvait accepter son existence (décret d’Allarde, loi Le Chapelier, 1791). De fait, c’est en contradiction avec ses principes fondamentaux que la République concèdera une loi sur les associations (1901) qui permettra la création de partis politiques. L’élévation rituelle d’Emmanuel Macron est donc un retour en arrière qui supprime tout intermédiaire entre l’homme consacré et le troupeau global, conformément au principe énoncé par Le Chapelier : « il n'y a plus que l'intérêt particulier de chaque individu, et l'intérêt général. Il n'est permis à personne d'inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation » (Bulletin de l’Assemblée Nationale, 14 juin 1791).

La composition du Gouvernement Edouard Philippe confirme pleinement cette remise en cause du parti politique en tant que corps intermédiaire. La moitié des ministres et secrétaires d’Etat nommés le 17 mai est issu de la « société civile » (escrimeur, éditeur, patron, biochimiste, médecin…) et n’est pas passée par un parti. Côté candidats aux législatives, la proportion est identique (50 %). Tous sont des « candidats Internet », en fait des candidats à un job, sélectionnés comme il se doit après avoir envoyé un CV, une « lettre de motivation » (sic !), une photocopie de leur pièce d’identité et une photo d’identité!

Le Système, échaudé par l’élection d’un Trump grâce aux structures du parti républicain, semble considérer qu’il est l’heure d’abattre les derniers vestiges d’un temps où le politicien était le représentant élu d’un groupe organisé. Le produit Macron incarne parfaitement cette volonté-Système d’aller vers une individualisation totale et il est vraisemblable que la politique du nouveau président de la république « française » en sera l’expression.

En matière fiscale par exemple, nous nous acheminerons probablement vers la fin du « foyer fiscal » (le foyer, c’est-à-dire le feu autour duquel la famille se rassemble). On sait en effet que la notion de foyer fiscal, notion centrale du droit définie par l’article 6 du Code général des impôts, institue un corps intermédiaire entre le contribuable et l’Etat qui le taxe : la famille. Dès le début des années 2010 de bonnes âmes font valoir que le « foyer fiscal » est source d’inégalité, qu’il heurte le droit, qu’il est complexe et… qu’il « empêche la mise en place de l’impôt à la source » (car l’employeur devrait avoir accès à des informations qui violeraient la vie privé de ses employés) ! Le prélèvement à la source, qui a les faveurs d’Emmanuel Macron, suppose donc préalablement, selon ses promoteurs eux-mêmes, la destruction du foyer fiscal. Son entrée en vigueur se traduira certes par une individualisation de l’impôt, mais surtout par une nouvelle remise en cause de la Famille en tant qu’unité indivisible. Il est vrai que la Famille est un de ces corps intermédiaires que la République n’a jamais acceptés.

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L’individualisation du prélèvement suppose une individualisation du versement mais surtout une dématérialisation du paiement. Tout va se passer par voie électronique, le Tiers payeur (l’employeur ou le banquier) ponctionnant informatiquement et de manière « indolore » (sic) les revenus du contribuable. La « philosophie » du prélèvement à la source (l’argent est dématérialisé et prélevédirectement dans le porte-monnaie du contribuable, sans acte volontaire de celui-ci) est d’autant plus intéressant pour le pouvoir oligarchique qu’il voudrait qu’un autre problème dépende de l’impôt : celui de la Dette. On sait que c’est en faisant payer une taxe à tous les épargnants que le FMI et certains économistes proposent de réduire la dette globale (une taxe qui ponctionnerait entre 10 et 30% des dépôts privés de tous les épargnants !). Une telle mesure serait néanmoins difficile à appliquer sans provoquer une ruée des épargnants sur les guichets et un inévitable cataclysme financier. Néanmoins, le « bank run » pourrait être facilement évité si l’on supprimait l’argent liquide au profit d’une monnaie électronique. Dès lors, rien ni personne ne pourrait empêcher ce suprême prélèvement à la source, cette fois dans les comptes en banque. Nous pouvons donc pronostiquer sans risque que la dématérialisation de la monnaie sera probablement un chantier important du prochain quinquennat. La propagande en faveur de la monnaie électronique a déjà commencé depuis quelques mois (propagande inspirée par l’UE, voyez ici uneconsultation bidon de la Commission, dont la seule utilité est de nous préparer à ce qui est déjà décrit comme inéluctable… afin de lutter contre le terrorisme bien sûr).

A l’obsolescence programmée des partis politiques, à la destruction du foyer fiscal, à la dématérialisation monétaire s’ajoutera très probablement un « détricotage » en règle du code du travail.

Le code du travail est pour l’essentiel le produit d’une lutte d’un corps intermédiaire qui s’appelle le « syndicat ». Le syndicat, lui-même, est le produit d’un rapport de force entre la société autochtone traditionnelle et le pouvoir républicain. La loi de 1884 marque un recul de la République contrainte de nier ses principes fondamentaux hérités de Rousseau et exprimés notamment par la loi Le Chapelier. L’essentiel du combat ouvrier autochtone a consisté à substituer un « contrat collectif » de travail en lieu et place du « contrat individuel », seul admissible selon les théories rousseauistes et républicaines. Or c’est précisément ce contrat collectif, qui fixe pour tous l’amplitude de travail, la « détermination collective » des conditions de travail, le prix du travail… qui est attaqué dans les réformes prévues du droit du travail (primauté des accords d’entreprise, réduction du nombre de branches d’entreprise, simplification du droit de licenciement, etc). La réforme du code du travail va installer un véritable « droit d’entreprise » qui isolera les salariés de leur branche et les mettra en concurrence. La prochaine étape sera le contrat individuel de travail qui les opposera à l’intérieur même de l’entreprise : il n'y aura plus que « l'intérêt particulier de chaque individu, et l'intérêt général » (Le Chapelier), c’est-à-dire l’intérêt du salarié isolé face à celui de la multinationale, sans le garde fou des droits collectifs. A terme, c’est le syndicat, comme corps intermédiaire, qui sera obsolète : le processus régressif d’individualisation du droit du travail sape le groupe comme unité indivisible.

En résumé, Emmanuel Macron est un « produit marketing » qui illustre un processus qui s’est enclenché dans toute la sphère sociale : celui de l’individualisation. Le Système ne veut plus ni parti politique, ni Famille, ni droit collectif, ni syndicats. Face à lui, il ne veut que des individus isolés et fragiles, qu’il récompensera ou punira à son gré. La Révolution a interdit les « corps intermédiaires », la résistance et les luttes du peuple autochtone ont forcé la République à les reconnaître. Désormais nous allons assister à leur éradication systématique. Détruire les communautés intermédiaires qui font obstacle au pouvoir sans partage de l’oligarchie sera sans doute le fil directeur de la présidence Macron.

Antonin Campana.

De instorting van Frankrijk: Wordt Macron door globalisten gebruikt voor oorlog tegen Rusland?

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De instorting van Frankrijk: Wordt Macron door globalisten gebruikt voor oorlog tegen Rusland?

Het onverschillige en door de media gehersenspoelde Franse volk heeft onlangs in meerderheid gekozen voor een president die Frankrijk binnen 5 jaar zal opheffen als trotse, zelfstandige natie. Frankrijk zal definitief een provincie van de EU worden, een land dat zijn grenzen wagenwijd zal openhouden voor de komst van nog eens miljoenen moslimmigranten, waar de kersverse president Macron nu al moskeeën voor wil laten bouwen. Macron lijkt niet meer dan een pion van de globalistische kliek in Washington, Brussel en Berlijn, die wel eens gebruikt kan worden voor oorlog tegen Rusland. Wellicht was Putin deze week om die reden op bezoek in Frankrijk, hopende om hem op andere gedachten te brengen voordat het te laat is?

Volgens Paul Craig Roberts, voormalig official van de regering Reagan en tegenwoordig hoofd van het Institute for Political Economy, hebben de Fransen enkele weken geleden hun allerlaatste kans om hun land en volk op democratische wijze te redden, laten schieten. ‘Na vijf jaar Macron zal er niets meer van Frankrijk zijn overgebleven.’

Macron, die letterlijk verklaarde dat er volgens hem niet zoiets als een ‘Franse cultuur’ bestaat, was de keuze van Washington, de politieke EU elite en de internationale bankiers, omdat hij een rasglobalist is die de laatste resten soevereiniteit en macht van het nationale parlement wil overhevelen naar de ongekozen bureaucraten in Brussel, die enkel de belangen van de grote banken en multinationals op het oog hebben.

Hoopt Putin -tegen beter weten in- op terugkeer gezond verstand in Europa?

Roberts begrijpt niet waarom Putin gisteren naar Macron ging, omdat ‘die volledig in de zak van Washington zit.’ Het Kremlin hoopt misschien –tegen beter weten in- dat in Europa en het Westen het gezonde verstand terugkeert, en na al die terreuraanslagen de dreiging van het islamitische terrorisme eindelijk serieus wordt genomen, om dat alsnog samen met Rusland te gaan vernietigen.

Putin zal zich ongetwijfeld realiseren dat de Europese elite de politieke islam als bondgenoot heeft gekozen, tégen Rusland, en besloten heeft om onze landen en cultuur daar stapsgewijs, maar in steeds sneller tempo, compleet door over te laten nemen.

Het is echter ook mogelijk dat Putin persoonlijk polshoogte wilde nemen of Macron zich realiseert dat hij niets meer dan een pion is, die door Washington gebruikt gaat worden voor oorlog tegen Rusland zodra het Pentagon de aanvalsplannen heeft afgerond. Een andere optie is dat Macron Putin uitnodigde op aandringen van Amerika, om de Russische president in de waan te laten dat Europa mogelijk wil afzien van dat gedoemde pad naar een militair conflict, dat ons werelddeel als één grote rokende en zwartgeblakerde puinhoop zal achterlaten.

Rusland grootste obstakel

Van de twee landen die de Amerikaanse hegemonie over de hele wereld in de weg staan, Rusland en China, is Rusland het grootse obstakel – niet enkel vanwege het enorme Russische kernwapenarsenaal en het zeer geavanceerde wapentuig, maar ook omdat Europa afhankelijk is van Russische energie.

Tegelijkertijd is Rusland kwetsbaar, omdat het feitelijk geheel op de schouders van één buitengewoon sterke leider rust: Vladimir Putin. Als die bijvoorbeeld door de CIA uit de weg wordt geruimd, kan het land wel eens een makkelijke prooi worden.

Met Amerika’s andere tegenstander, China, is dat niet zo eenvoudig, want in Beijing zetelt een collectief leiderschap, waarbinnen ook een bepaalde mate van democratie heerst. Washington probeert door het inzetten van financiële organisaties in China de heersende communistische partij te verzwakken en in diskrediet te brengen.

‘Overgave of oorlog’

‘Washington drijft de wereld naar een groot conflict,’ waarschuwt Roberts. ‘De Russische en Chineze regeringen moeten nu wel weten dat zij het doelwit zijn. Aangezien hun hoop op diplomatie steeds maar weer de bodem wordt ingeslagen door Washington en Europa, zullen zij tot de conclusie komen dat hun enige keus overgave of oorlog is.’

Putin was dan ook bloedserieus toen hij enkele jaren geleden tijdens een persconferentie vertelde dat hij in zijn jeugd op straat één ding geleerd heeft: als je er eenmaal van overtuigd bent dat een confrontatie met de vijandelijke partij niet meer te vermijden is, zorg dan dat je als eerste toeslaat.

En dat is dan ook exact wat Merkel, Macron, Juncker en bijna alle leidinggevende politici in ons eigen land over ons afroepen als ze de huidige ingeslagen koers naar een totaal geïslamiseerde anti-Russische Europese Superstaat stug blijven volhouden.

Xander

(1) PaulCraigRoberts.org

La mort des idéologies modernes et des partis politiques

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La mort des idéologies modernes et des partis politiques

par Youssef Hindi

 
Ex: http://zejournal.mobi - Youssef Hindi 

L’actuelle implosion des grands partis politiques est la conséquence directe de la mort des idéologies modernes. Idéologies modernes – principalement les messianismes matérialistes que sont le socialisme et le républicanisme [1] – entrées en crise à partir des années 1970 suite à la décomposition terminale du Catholicisme (achevée par le Concile Vatican II) contre lequel elles étaient arc-boutées et sans qui elles perdaient leur raison d’être.

Le psycho-sociologue Gustave Le Bon (1841-1931) donne dès 1895 une explication anticipatoire à l’effondrement des croyances au paradis terrestre de type socialiste :

« Ce n’est pas l’évidente faiblesse des croyances socialistes actuelles qui empêchera les religions de triompher dans l’âme des foules. Leur véritable infériorité par rapport à toutes les croyances religieuses tient uniquement à ceci : l’idéal du bonheur que promettaient ces dernières ne devant être réalisé que dans une vie future, personne ne pouvait contester cette réalisation. L’idéal de bonheur socialiste devant être réalisé sur terre, dès les premières tentatives de réalisation, la vanité des promesses apparaîtra aussitôt, et la croyance nouvelle perdra du même coup tout prestige. Sa puissance ne grandira donc que jusqu’au jour où, ayant triomphé, la réalisation pratique commencera (c’est précisément ce que l’on a vu se produire avec l’Union soviétique qui s’est effondrée sous ses propres contradictions pour laisser revenir le Christianisme en Russie). Et c’est pourquoi, si la religion nouvelle exerce d’abord, comme toutes celles qui l’ont précédée, un rôle destructeur, elle ne saurait exercer ensuite, comme elles, un rôle créateur » [2]

La crise des partis politiques

Jusque dans les années 1970 le système des partis – qui est né, comme l’a fait remarquer la philosophe Simone Weil (1909-1943), durant la période de la Terreur ayant opposée les Jacobins et les Girondins – était structuré par une droite plus ou moins enracinée dans le Catholicisme et une gauche dans le socialisme et sa variante communiste tenant lieu de contre-Eglise. En quelque sorte une thèse et son antithèse qui maintenaient l’échiquier politique français dans une stabilité exercée par ce que j’appellerais une « pesanteur idéologique ».

La mise en apesanteur idéologique du système politique français débute dans les années 1970 avec la décatholicisation sociologique de la droite ; droite privée de son garde-fou, l’Église, et qui sera absorbée idéologiquement par la gauche libérale, c’est-à-dire par la Révolution et les Lumières. Tandis que le parti communiste, qui n’existait qu’en opposition au Catholicisme et qui avait une influence sur le Parti Socialiste, disparut avec le Catholicisme de l’échiquier politique.

Logiquement, ce processus a amené la gauche et la droite à fusionner, étant privées de leurs « garde-fous » idéologico-politiques, respectivement le Parti Communiste et l’Église. C’est ce qui explique pourquoi, en 2007, le candidat de la droite libérale, Nicolas Sarkozy, à peine élu, recrute des membres du Parti Socialiste. C’est cette fusion, de ce qu’il convient d’appeler « la droite et la gauche de l’oligarchie », qui permet aujourd’hui à Emmanuel Macron de débaucher tous azimut, à droite comme à gauche. 

L’élection du banquier n’a fait qu’acter la phase finale de cette fusion idéologico-politique de la gauche et de la droite.

La mort des idéologies modernes a privé les partis politiques traditionnels de leur charpente. Ceci a conduit à leur fragmentation en sous-partis ne défendant plus donc des idéologies ou idéaux mais de simples idées séparées les unes des autres dans une incohérence et un désordre complet et que se partagent ces partis.

Le vide religieux a produit à la fois une société atomisée et, avec un temps de retard, son reflet à l’échelle politique : un système des partis éclaté.

Contrairement à ce qu’affirme les commentateurs et les hommes politiques, nous n’assistons pas à une recomposition mais à la décomposition irrémédiable du système politique. L’absence d’idéologie ou de religion rend, pour le moment, l’unification politique et sociale impossible.

L’étape suivante de cette décomposition idéologico-politique sera l’effondrement du régime et l’anarchie. Car, comme l’expliquait Gustave Le Bon :

« Alors même qu’une croyance est fortement ébranlée, les institutions qui en dérivent conservent leur puissance et ne s’effacent que lentement. Quand elle a enfin perdu complètement son pouvoir, tout ce qu’elle soutenait s’écroule. Il n’a pas encore été donné à un peuple de changer ses croyances sans être aussitôt condamné à transformer les éléments de sa civilisation. Il les transforme jusqu’à ce qu’il ait adopté une nouvelle croyance générale ; et vit jusque là forcément dans l’anarchie. Les croyances générales sont les supports nécessaires des civilisations ; elles impriment une orientation aux idées et seules peuvent inspirer la foi et créer le devoir.

Les peuples ont toujours senti l’utilité d’acquérir des croyances générales, et compris d’instinct que leur disparition devait marquer pour eux l’heure de la décadence. Le culte fanatique de Rome fut la croyance qui rendit les Romains maître du monde. Cette croyance morte, Rome dut périr. C’est seulement lorsqu’ils eurent acquis quelques croyances communes que les barbares, destructeurs de la civilisation romaine, atteignirent à une certaine cohésion et purent sortir de l’anarchie.

Ce n’est donc pas sans cause que les peuples ont toujours défendu leurs convictions avec intolérance. Très critiquable au point de vue philosophique, elle représente dans la vie des nations une vertu. » [3]

Suivant ce modèle, l’on peut anticiper, comme je l’ai écrit à plusieurs reprises [4], un effondrement du régime suivi d’une période d’anarchie qui ne prendra fin que lorsque les Français, sous l’impulsion d’un homme ou d’un groupes d’hommes, retrouveront une croyance collective capable de les unifier à nouveau. Cette désunion des Français ne date pas d’hier, elle a pour origine la Révolution de 1789 qui a opposé durant plus de deux siècles catholiques et révolutionnaires, républicains et monarchistes, dreyfusards et anti-dreyfusards, gaullistes et anti-gaullistes, gauchistes et droitards…

L’implosion du Front national et l’avenir de la droite souverainiste

Le Front national ne fait pas exception. Lui aussi subit les conséquences de la mort des idéologies modernes. La défaite de Marine Le Pen n’a fait que mettre en exergue la ligne de fracture à l’intérieur du parti.

Le Front national se dirige vraisemblablement vers une implosion qui donnera naissance à deux partis distincts : un parti néoconservateur identitaire et libéral sur le plan économique (purgé des ses éléments antisionistes et judéo-critiques) comme le souhaite Robert Ménard. Et un parti gaullo-chevènementiste que pourrait fonder Florian Philippot – un indésirable que Alain Finkielkraut soupçonne d’être trop proche idéologiquement de Alain Soral [5] – que ses petits camarades poussent vers la sortie à cause de sa ligne (centrée sur les questions socio-économiques et la sortie de l’euro) qui aurait causé, d’après eux, la défaite du Front.

Robert Ménard – dont l’avocat n’est autre que l’ultra-sioniste membre du CRIF Gilles-William Goldnadel, aussi conseiller en dédiabolisation de Marine Le Pen et qui a travaillé à son rapprochement avec Israël [6] – déclarait sur France Inter le 4 mai 2017 (entre les deux tours de l’élection présidentielle) :

« Je suis contre la sortie de l’euro, c’est un de mes désaccords avec le Front national, comme je suis contre la sortie de l’Union européenne. Je trouve que ce n’est pas la bonne solution, qu’on a bien d’autres problèmes qu’on peut régler sans sortir de l’euro. »

Le « souverainiste » Eric Zemmour se dévoilera totalement en prenant la même position que Ménard sur la question de l’euro. Le 12 mai 2017, il écrit dans le Figaro :

« Un économiste brillant, Jacques Sapir, homme de gauche et pourfendeur talentueux de l’euro, a convaincu ses nouveaux amis, Marine et Florian, que tout était possible. Que le rapprochement des deux rives, comme disait Chevènement, pourrait s’opérer autour d’un ennemi commun : l’euro… Jacques Sapir gère le cerveau de Florian Philippot, qui gère le cerveau de Marine Le Pen. Trio infernal. Trio de l’échec ».

Eric Zemmour, comme Robert Ménard et Finkielkraut (qui le fait sous un autre angle), attaque Philippot et son projet de sortie de l’euro. 

Ce qu’appelle Zemmour de ses vœux, c’est la création d’un parti néoconservateur et libéral faisant jonction avec les pseudos identitaires des Républicains comme Laurent Wauquiez et Nadine Morano. Le but étant d’empêcher toute émancipation véritable de la France qui est privée de ses organes de souveraineté par l’oligarchie judéo-protestante, israélo-anglo-américaine via l’Union européenne et l’OTAN.

Ce à quoi œuvre Eric Zemmour, comme je l’expliquais lors d’un entretien du 12 mai 2017 [7] – trois jours plus tard, Jacques Sapir fit (ou reprit) exactement la même analyse dans un texte où il répond à Zemmour [8] -, c’est à la neutralisation de toute la France de droite, identitaire et catholique, par un parti politique identitaire. C’est précisément le rôle que joue à gauche Jean-Luc Mélenchon.

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L’on voit ici toute la contradiction de la position de ce néo-FN en devenir : défendre l’identité française tout en se réclamant du libéralisme économique ; celui-là même qui, par le libre-échange mondialisé, réduit à peau de chagrin toutes les identités traditionnelles, notamment par l’immigration massive dont l’effet est double : la destruction de la culture du pays « d’accueil » et le déracinement des populations migrantes conduites justement à émigrer à cause du système libéral, notamment financier, qui appauvrit ce qu’on appelait le Tiers-monde.

Lorsque ce parti identitaire, libéral et néoconservateur sera créé, Marion Maréchal Le Pen, qui est encadrée par Gilbert Collard et Robert Ménard, pourra alors faire son « grand retour » en politique et jouer le rôle (au sens théâtral du terme) d’une Jeanne d’Arc des temps modernes, l’égérie de cette formation politique.

Mais pour ceux qui croiraient que cette droite inclut le catholicisme dans l’identité française, qu’ils se détrompent, il s’agit d’une identité républicaine comme le dit très clairement Marion Maréchal Le Pen :

« La question identitaire permet de transcender les clivages. Elle comporte une dimension abstraite, c’est vrai avec des symboles, la Marseillaise, la devise (républicaine : Liberté Égalité Fraternité), notre patrimoine républicain, et une dimension charnelle, notre terroir, notre gastronomie, la pierre locale avec laquelle on construit sa maison ». [9]

Vincent Peillon et Jean-Luc Mélenchon n’aurait pas dit mieux…

Si Ménard, Collard et Zemmour (qui est un ami de la famille) ne suffisent pas pour gérer le cerveau de Marion Maréchal Le Pen et la maintenir sur le droit chemin républicain, l’on pourra toujours faire appel à l’ami et conseiller occulte de Jean-Luc Mélenchon : Patrick Buisson.

Comme je l’écrivais plus haut, le rôle de la droite identitaire est précisément le même que celui de l’extrême gauche. Continuer à neutraliser les Français en les maintenant dans la division républicaine gauche/droite. Et à la manœuvre, nous retrouvons les mêmes individus à la solde des mêmes réseaux, à gauche comme à droite ; car la division politique ce n’est bon que pour le bas peuple…

En effet, comme le rapporte le journal Marianne (le 18 mars 2015) :

« Patrick Buisson, l’homme au dictaphone, était donc non seulement le conseiller occulte de Nicolas Sarkozy mais aussi celui de Jean-Luc Mélenchon. Vous lisez bien. De Jean-Luc Mélenchon ! C’est ce qu’affirment en tous cas deux journalistes du Monde, Ariane Chemin et Vanessa Schneider, dans leur livre « Le Mauvais Génie » ».

Les deux journalistes en question expliquèrent que :

« Mélenchon a pris l’habitude de consulter son nouvel ami avant chaque décision stratégique. Buisson met avec plaisir sa science des sondages à son service… Lorsque l’ami Jean-Luc Mélenchon se décide à concourir à la présidentielle (de 2012), son conseiller occulte le convainc chiffres à l’appui, qu’il a un espace à conquérir à gauche du PS ». [10]

Patrick Buisson dira d’ailleurs tout le bien qu’il pense de la campagne présidentielle menée par Jean-Luc Mélenchon en 2017 :

« En 2012, Mélenchon s’est en effet posé comme le chantre d’une France multiculturelle. Or, aujourd’hui, il se positionne davantage comme le candidat d’une France multiethnique, évacuant ainsi la dimension multiculturelle. Cette évolution est le résultat d’une vieille interrogation de sa part… Mélenchon est, avec Marine Le Pen, le seul à véritablement parler de religion dans cette campagne. Il adopte un discours qui emprunte des symboles à la spiritualité… Si le christianisme est le refus de la domination absolue de la marchandise, c’est-à-dire ce que la Bible condamne comme le culte des idoles, Mélenchon est plus chrétien que Fillon lorsque celui-ci se rend à Las Vegas ou entend faire de la France une smart nation ». [11]

C’est au terme de ce cirque démocratique animé par les partis politiques que débutera la politique réelle et conséquente. A défaut d’avoir supprimé les partis comme le suggérait Simone Weil, attendons que l’Histoire, qui s’accélère, les enterre.

Notes:

[1] Sur le messianisme républicain et socialiste voir : Youssef Hindi, La mystique de la laïcité, 2017, Sigest.

[2] Sur l’origine religieuse de la décomposition du système politique français voir : Emmanuel Todd, Après la démocratie, 2008, Gallimard.

[3] Gustave Le Bon, op. cit., p. 84.

[4] Voir mon article « La fin de la démocratie », 25/01/2017, Arrêt-Sur-Info : http://arretsurinfo.ch/la-fin-de-la…

[5] Le 30 avril 2017 sur RCJ : https://www.youtube.com/watch?v=LXw…

[6] http://www.lexpress.fr/actualite/po…

[7] Autopsie de l’élection présidentielle (Vernochet, Hindi) : https://www.youtube.com/watch?v=Olo…

[8] Jacques Sapir, Réponse à Zemmour, 15/05/2015, Russeurope : http://russeurope.hypotheses.org/6002

[9] http://www.medias-presse.info/mario…

[10] https://www.marianne.net/politique/…

[11] http://www.lefigaro.fr/elections/pr…


- Source : Geopolintel

Presseschau Juni 2017

Les Héros et les Saints - La mythologie grecque selon Paul Diel

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Les Héros et les Saints

La mythologie grecque selon Paul Diel

par Georges Hupin

Président de la Bannière Terre & Peuple Wallonie

Ceci est un condensé de l'ouvrage 'Le symbolisme dans la mythologie grecque' du philosophe et psychologue français d'origine autrichienne Paul Diel (1893-1972). Il est également l'auteur de 'Psychologie de la motivation', de 'Le symbolisme dans la Bible' et de 'Le symbolisme dans l'évangile de Jean'.

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Notre travail n'a d'autre objet que d'inviter à lire ce livre important (éd. Payot 1960-1980-2002, ISBN 9782228896061).
Dans sa préface, Gaston Bachelard (voir le dictionnaire) remarque, à propos des mythes, que « la fonction de symbolisation est une fonction psychique naturelle » et qu'on retrouve dans les mythes la force évolutive sans cesse active du psychisme humain. Il cite Ortega y Gasset : « L'homme n'a pas une nature, mais une histoire. Sa vie est un gérondif, faciendum (qui doit être fait), et non un participe passé, factum (un fait). »

LES HEROS ET LES SAINTS

Comme les saints, les héros mythologiques sont des modèles édifiants, des images proposées à notre réflexion. A la différence des saints, les héros ne sont pas parfaits. Animés d'une notable vitalité, ils ont un objectif, mais ils ne l'atteignent pas toujours, ou pas parfaitement. Ces images sont mythique en ce qu'elles prennent en compte le mystère de l'illimité : l'immensité de l'univers, incommensurable par rapport à l'observateur humain, et l'insondabilité du temps, passé comme à venir.

Plutôt que considérer que ces réalités illimitées, qui sont hors de sa portée, ne concernent pas l'être humain, puisqu'il nous paraît ne rien pouvoir y changer (ce qui n'est d'ailleurs qu'une apparence à nos sens limités), la mythologie, la grecque, comme les autres, a choisi de les approcher quand même, par des images symboliques intuitives. Ces symboles se révèlent d'une subtilité étonnamment pénétrante. Tant pour ce qui est de l'origine de l'univers et de la vie que pour le sens évolutif de celle-ci et pour l'aspiration de l'être humain vers sa perfection, dans la poursuite d'un accomplissement qui trouve sa confirmation dans la joie. Laquelle parvient même à sublimer l'effroi devant la mort, le mystère de la vie incluant le mystère de la mort.

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Pour ce qui concerne cette perfectibilité, indéfinie et peut-être infinie, il est apparu aux Grecs (confrontés à cette 'métaphysique de l'illimité', comme l'appelle un de nos maîtres et amis Dominique Venner) comme une évidence pour l'entendement humain que la prépondérance ne doit pas nécessairement aller à la masse des immensités gigantesques, influences indubitablement considérables. Ils se sont sentis encore plus directement impliqués dans l'illimité dans l'infinitésimal, dans le grouillement vibrionnant de l'infiniment minuscule, complexe et différencié, dont l'organicité préfigure la vie. Il leur était évident que c'est le principe qui gouverne cette métaphysique qui est le ferment de l'appétit de connaissance de leur intelligence et qui lui inspire les images intuitives les plus pénétrantes et subtiles.

Paul Diel s'applique à découvrir que, derrière les images de la symbolique mythologique, il y a, même lorsqu'elles apparaissent curieusement fantaisistes et excessives jusqu'au fabuleux (les ailes de cire qui permettent à Icare de s'envoler si haut qu'il approche trop le soleil; les oreilles d'âne du roi Midas, qui cache dans un trou sa honte que des roseaux soufflent à tous les vents...)  une signification d'une rigoureuse cohérence.

L'origine métaphysique d'un univers généré par l'esprit n'est pas figurée par les Grecs à partir d'un point de vue géocentrique, dans l'acte de l'Esprit divin flottant sur les eaux comme dans la figuration biblique, acte accompli alors en six étapes journalières. L'image de cet esprit divin est celle de la loi de la vie. La justice qui lui est inhérente s'exprime dans une théogonie, récit de l'émanation de cette légalité divine qui se dégage progressivement du chaos initial, big bang avant la lettre. Dans cette théogonie, les Grecs transposent sur le plan de la création cosmique, titanique, surhumaine, la même résistance que celle que l'être humain va opposer ensuite à la loi du sens de la vie. Les contraventions aux lois de la vie, qui sur le plan de la psychologie, voire de la psychopathologie humaine, vont se trouver décrites dans les exploits et les échecs des héros de leur mythologie, les Grecs vont les replacer dans leur représentation de la création du monde par l'esprit divin.

Chez les héros grecs, les infractions qu'ils commettent à la légalité de la vie sont sanctionnées par leur banalisation grossière dans la débauche ou par la nervosité lamentable du refoulement de leur remord. Ces mêmes dépravations vont se retrouver dans la confrontation des forces de la nature, souvent désordonnées par rapport à l'ordre naturel. Il y a une parfaite concordance dans l'évolution de la genèse du monde terrestre et dans celle de la vie de l'humanité, consciente, responsable en fonction de sa capacité de choisir.

Le chaos originel n'est toutefois pas le monde préexistant. Il figure la déroute que rencontre l'intelligence humaine lorsqu'elle cherche à sonder le mystère. Le chaos, c'est l'au-delà non seulement de la matière à analyser, mais également de l'esprit analysateur. La mythologie grecque propose comme image du sens évolutif de la vie une confrontation entre le principe matériel (Titan) et le principe spirituel (Divin). Toutefois, Paul Diel souligne : « Qu'on dise Esprit ou Matérialité, ou en s'exprimant mythiquement Ouranos et Zeus, d'une part, et Gaia et Titans, d'autre part, ce ne sont que des idées et des images représentatives. Ce qui importe, ce sont les images grâce auxquelles le mythe parvient à exprimer la relation entre ces idées fondamentales. Les Titans, fils de Gaia, symbolisent la matérialité et Zeus, descendant d'Ouranos, figure la spiritualité. Mais Zeus est lui-même fils d'un Titan: les Titans deviennent divinité, la matière se spiritualise. Dans ces figures symboliques se trouve condensée toute la légalité évolutive du monde apparent.  ». Le Mystère-Chaos demeurant distinct de ses images symboliques, on peut dire que la mythologie grecque est un monothéisme qui s'exprime par une symbolisation polythéiste et que le mythe grec est un précurseur du mythe judéo-chrétien.

De ce mystère-chaos émergent donc la Matière-Mère, personnifiée en Gaia, et l'esprit-Père, personnifié en Ouranos. Ravagée par les flots diluviens que le ciel déverse sur elle, mais fécondée par eux, Gaia ne se soumet pas volontairement aux principes d'Ouranos. Dans cette union-opposition entre le principe élémentaire et le principe formateur, la prévalence de l'esprit finira par générer la matière animée, et finalement la conscience clairvoyante. Cette opposition évolution-involution, sous la forme de spiritualisation-pervertissement, est le thème commun à toutes les mythologies, dans une alternance de régression vers le préconscient ou de progression vers le surconscient.

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Gaia est la Terre-Matière non encore maculée de vie par Ouranos, le Ciel-Père. Leurs enfants sont les forces cosmiques élémentaires et leurs déchaînements : les perturbations atmosphériques (les Cyclones), la séparation des eaux (les Océans), les éruptions et les cataclysmes par lesquels la terre se prépare à devenir propice à la vie. Les Cyclopes et les Titans sont hostiles au principe de régularité de l'esprit ordonnateur. Ouranos se dresse contre eux pour jeter ces enfants ennemis dans le Tartare, mais Gaïa libère ses enfants et les incite à la révolte ouverte. Chronos (le Temps), le plus indomptable des enfants d'Ouranos, détrônera enfin son père et lui tranchera les organes génitaux avec la faucille (emblème et espérance des moissons) et les jettera dans la mer, expression de l'inconstance et du désordre.

Du sang d'Ouranos naissent les Erinyes, divinités qui président aux châtiments. Chronos symbolise le désir insatiable de la vie grâce auquel s'établit le temporel, durée entre l'appétit et sa satisfaction. De l'écume marine qui entoure le sexe de Chronos naît Aphrodite, symbole de l'amour physique recherché pour la seule prime de jouissance physique que la nature y attache. C'est encore de la mer que proviennent les premiers vibrionnements de vie. Rhéa, l'épouse de Chronos, symbolise ce foisonnement dans la joie de vivre. Rhéa est la Terre-Mère de la vie animale, une vie jubilante que célèbrent les Corybantes. Chronos dévore ce grouillement que son épouse génère. Mais parmi ses rejetons va naître Zeus, fils divin qui saura trouver la voie de la spiritualisation, la voie de l'esprit de vie. Pour sauver ce fils préféré, Rhéa inspirée par l'esprit d'Ouranos va présenter à Chronos une pierre, à engloutir en lieu et place de l'enfant Zeus.

Devenu adulte, Zeus saura contraindre son père de rendre la vie à ses frères et soeurs : le règne de la vie soumise à l'esprit peut s'établir au niveau de la vie consciente. Celle-ci demeure toutefois capable, bien que sensible à l'esprit harmonisateur, de discordances coupables. Le règne de Zeus, symbole des qualités sublimes et de la légalité, continuera de subir l'assaut des Titans, les frères de Chronos. A présent, ils ne figurent plus seulement les forces indomptées de la nature, mais également celles de l'âme, qui anime la matière, mais est réfractaire à la spiritualisation.

Transposant la symbolisation cosmique, le mythe donne au feu la valeur symbolique de l'intellect, par opposition à la lumière-esprit. L'intellect s'attache de préférence à la satisfaction des désirs terrestres, par l'épanouissement de techniques utilitaires, notamment de l'agriculture. Les Cyclopes symbolisent l'intellect qui se met au service de l'esprit, par opposition aux Titans, qui symbolisent l'intellect révolté contre la légalité de l'esprit. Le Titan Prométhée, qui va créer l'homme, en le façonnant dans de la boue, animera celle-ci avec le feu de l'intellect qu'il a dérobé dans l'Olympe. A l'opposé, les Cyclopes vont forger dans le feu de l'intellect l'arme victorieuse de Zeus, l'éclair de la lumière spirituelle intuitive. Toutefois, l'éclair de l'intuition ne peut se produire que par le travail de l'intellect.

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Chronos et les autres Titans vaincus par Zeus seront ensevelis sous les volcans, lesquels expriment leur rage toujours indomptée. Car, malgré la victoire de l'esprit, la révolte est toujours présente dans l'être humain. Sorti de l'animalité, il risque toujours d'y revenir, en sombrant dans la banalisation. Le mythe symbolise cette menace par le monstre Typhon, que Gaia a créé dans une ultime tentative. Son nom signifie 'feu dévorant'. Il est si affreux que, d'horreur, les dieux fuient sa vue. Seul un esprit combattant peut l'affronter et Zeus est le seul à l'oser. Mais Typhon le terrasse et lui coupe les tendons des pieds, lesquels dans la symbolique du mythe représentent le mouvement libre de l'âme. Esprit nullement invulnérable, mais combattant, Zeus guérit de sa blessure et, s'armant de l'éclair lumineux, foudroie Typhon.

Les six enfants de Chronos, vainqueurs de leur père, sont Zeus, Poséidon et Hadès, Hestia, Déméter et Héra. Les trois soeurs symbolisent les étapes de l'évolution du désir humain et les trois frères la légalité qui gouverne l'opposition entre les désirs sublimes et les désirs pervers. On relèvera cette opposition chez les héros, qui sont régulièrement dévoyés de leurs aspirations sublimes vers des banalités grossières ou des refoulements vaniteux et nerveux.

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Hestia, l'aînée des filles de Rhéa, figure la joie de vivre. Elle symbolise la pureté du désir végétatif. Elle a juré de rester vierge et elle refuse la main d'Apollon (idéal spirituel trop élevé) et celle de Poséidon (multiplicité et insatiabilité des désirs). Hestia figure l'idéal élémentaire de modération. Elle est la gardienne de la flamme sacrée du foyer familial. Déméter figure, à la différence de Gaia-terre maculée de vie, la terre peuplée d'humains. Elle symbolise les désirs terrestres légitimes, la terre féconde et labourée par l'homme. Elle est la protectrice de la communauté. Héra, épouse de Zeus-Esprit, symbolise la sublimation parfaite du désir, le don de soi, l'amour, le juste choix sexuel, exclusif et durable. Elle est la protectrice de la loyauté, notamment celle de la monnaie.

Zeus symbolise la légalité qui gouverne la spiritualisation. Poséidon, qui règne sur la mer, symbolise la légalité de la banalisation et de la satisfaction désordonnée des désirs. Hadès, divinité souterraine, figure la légalité qui gouverne le subconscient et l'inhibition des désirs pervers refoulés. Mais cette trinité ne constitue toutefois qu'une essence divine unique, qui gouverne une seule matière : la spiritualisation ou, à son défaut, la banalisation ou la perversion des désirs humains.

DIVERSES FIGURES DE HEROS

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Midas
Plutôt qu'un héros, le roi Midas est un anti-héros. Il avait célébré Dionysos, dieu de la jouissance effrénée et insatiable, dans une dévotion si complète que celui-ci, connaissant le point faible de son adulateur, lui a accordé une faveur de son choix. Midas a choisi de pouvoir acquérir des richesses sans limite, en transformant en or tout ce qu'il touche. Menacé de mourir de faim, Midas reconnaît sa stupidité qu'il regrette. Pardonné, Dionysos lui donne à se prononcer entre la musique sublime de la lyre d'Apollon et la musique orgiaque de la flûte de Pan. Midas, peu sensible à la beauté, dédaigne Apollon, lequel se venge en lui faisant pousser des oreilles d'âne, consacrant sa bêtise à vouloir se faire valoir par des choix vaniteux. Midas cache sa honte sous un bonnet phrygien (symbole de la lubricité levantine). Découvert par son barbier, il prétend refouler son secret en l'enfouissant dans la terre (subconscience) : il le chuchote dans un trou qu'il a creusé : « Le roi Midas a des oreilles d'âne. » Mais un roseau qui a poussé à cet endroit s'est mis a publier à tout vent la malédiction du lucre et de la lubricité vainement refoulés.

Eros et Psyché
Eros est le dieu qui exprime la légalité de la sexualité, aussi bien dans sa forme banalisée de liaison passagère que dans sa forme sublime d'union durable. Psyché, qui symbolise l'âme, s'est laissé subjuguer par l'attrait banal d'un Eros déchaîné, qui la tient prisonnière dans un palais où il ne la rejoint que dans l'obscurité de la nuit, afin de ne pas lui découvrir sa hideur. Enfreignant l'interdit de la lumière, Psyché allume une torche qui lui révèle le vrai visage de la perversion. Elle implore Héra, personnification de la pureté de l'amour du foyer. Celle-ci lui impose des travaux de purification, qui lui restituent sa clairvoyance : Eros lui réapparaît alors sous sa forme olympienne. Héra prend soin d'unir Eros et Psyché.

Mis à part Midas, modèle de banalisation inguérissable, la mythologie grecque représente l'état de banalité plate et sans combat par la figure de l'homme-animal, le Centaure. Les Centaures n'ont guère d'importance personnelle (à l'exception de Chiron, le Centaure médecin) et apparaissent en troupeau avec les Ménades dans la Thiase, le cortège orgiaque de Dionysos. Ils symbolisent le déchaînement dans les facilités de la chute. Celle-ci porte en elle-même son châtiment, dans l'écartèlement entre la multiplicité des désirs contradictoires et dans le déchirement nerveux entre la vanité exaltée et la culpabilité refoulée. Car la frénésie dionysiaque n'est accessible qu'aux sujets de grande envergure qui se sont laissé dévoyer de leurs aspirations sublimes.

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Orphée
Le mythe attribue à ce héros la réforme des Mystères d'Eleusis, par la superposition du culte de Dionysos au rite ancien. Il exprime l'inconstance de l'artiste devant la splendeur de l'art, hésitant entre la dimension sublime d'Apollon et celle perverse de Dionysos. Son chant, qu'il accompagne sur la lyre que lui a prêtée Apollon, émeut jusqu'aux arbres et aux rochers de l'Olympe, mais flatte parfois des pervers et charme des monstres. Son épisode avec Eurydice n'est pas une aventure sentimentale, mais exprime le déchirement entre des désirs contradictoires : l'inconstance de l'artiste, nourri de la vanité de créer des images sublimes multipliées, à laquelle il sacrifie son désir d'aimer la femme de son âme. Eurydice meurt de la morsure du serpent, sinueux et souterrain symbole de la banalité infernale et du refoulement. Hadès, qui règne sur les enfers, cède à l'imploration de l'artiste : Orphée pourra faire revivre Eurydice à condition que son amour nouveau rompe avec les regrets qu'il a chantés. Orphée, au lieu de concentrer sublimement son amour sur le salut d'Eurydice, à l'exclusion de toute autre préoccupation, renoue avec la vanité typique de l'artiste, qui ne peut renoncer aux promesses de son imagination éparpillée ni aux jouissances qui pourraient lui échapper s'il s'attardait à aimer Eurydice. Une version du mythe représente Orphée déchiré par les Ménades de Dionysos. Zeus n'en placera pas moins la lyre d'Apollon parmi les constellations, consacrant le niveau sublime de l'art apollinien, par distinction avec les penchants dionysiaques de nombreux artistes. Malgré une fin peu héroïque, Orphée représente une dimension surhumaine. L'erreur dionysiaque d'Orphée est nourrie par des forces démoniaques et son échec à le sens d'un combat héroïque suivi d'une défaite. Son chant illustre le conflit qui figure dans tous les mythes entre le divin et le démoniaque. Dans une version complémentaire, Orphée, reconnaissant son aberration, se voue à Apollon et ressuscite ainsi une Eurydice symbole de son aspiration au sublime, ce qui pour Paul Diel préfigure dans le mythe chrétien Jésus vainqueur de Satan.

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Icare
Icare est le fils de Dédale, l'architecte qui sur l'ordre du roi de Crète Minos a construit le Labyrinthe, symbole d'une confusion mentale dont le sujet ne peut plus sortir. Dédale est un virtuose ingénieux de l'intellect, faculté propre à échafauder des solutions utilitaires, mais impropre à discerner le sens profond de la vie. Le sage Minos lui a commandé la construction du Labyrinthe pour y enfermer le Minotaure, un monstre mi-homme mi-taureau, né des amours de la reine Pasiphaé qu'a séduite Poséidon, le dieu qui gouverne la légalité de l'inconstance et de l'insatiabilité. Découvrant que Dédale et Icare ont conspiré contre lui avec Poséidon, Minos les fait enfermer dans le Labyrinthe. L'ingénieux Dédale conçoit alors un artifice, imparfait, mais suffisant pour s'échapper : des ailes de plumes qu'il assemble avec de la cire. Il sait que son stratagème est faillible et recommande la prudence à Icare. Mais celui-ci se laisse exalter par son imagination vaniteuse. Tout au plaisir adolescent de surpasser ses pairs, il s'élève trop près du soleil. La cire fond et, tombant dans la mer, Icare, devient la proie de Poséidon : on n'atteint pas la lucidité sublime par des subterfuges astucieux.

Tantale
Grâce à la profondeur de son repentir dans le processus élévations-chutes, Tantale s'approche de la région sublime de l'esprit et devient 'l'aimé des dieux', symboles des qualités idéalisées de l'homme chez qui leur accomplissement s'accompagne de la joie. Toutefois, l'homme parvenu dans la sphère sublime ne peut abdiquer sa condition terrestre. A la différence du mythe chrétien et de son idéal du saint, le mythe grec contraint le héros sublime à 'redescendre sur terre', dans un idéal de juste harmonie des pulsions tant corporelles que spirituelles. Le mythe de Tantale décrit ce héros admis à la table des dieux. Cédant à l'exaltation, il s'imagine leur égal. Il les invite à sa propre table et leur sacrifie le fils de sa chair terrestre, Pélops, qu'il leur sert à manger. Mais les dieux ne sont pas dupes, à la seule exception de Déméter, la mère des fruits de la terre. Zeus ressuscite Pélops et condamne Tantale pour cette exaltation ascétique qui l'a fait s'imaginer à la portée de l'Olympe : il est enchaîné sous un arbre, dont les fruits se retirent quand il veut en manger, les pied dans une source dont l'eau se retire quand il veut en boire.

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Phaéton
Il est le fils d'une mortelle et d'Hélios, l'astre solaire, qui fait mûrir les fruits terrestres, à la différence d'Apollon qui fait mûrir les fruits de l'esprit. Défié par des camarades qui mettent en doute cette filiation, Phaéton part à la recherche de son père. Celui-ci, tout à la joie de voir son fils, lui promet d'exaucer ses souhaits. Préoccupé de confondre ses détracteurs, Phaéton choisit de guider un jour durant les chevaux du char solaire et de jouer le rôle du dieu, au lieu de se contenter d'en être le fils mythique. Pour cette vaniteuse ambition, il sera puni car, s'acharnant, il a mené le char solaire hors de sa carrière régulière et s'est approché trop de la terre. Zeus doit intervenir, en foudroyant le coupable, qui est trop stupide pour reconnaître sa coulpe.

Ixion
Ce héros avait commis d'abominables forfaits, tant contre les dieux que contre les hommes qu'il a dû fuir. Mais il a reconnu ses errements et s'en est repenti. Zeus accueille amicalement le fugitif dans l'Olympe, ce qui incite celui-ci à se croire un modèle. Il s'oublie jusqu'à s'éprendre d'Héra, idéal de l'amour sublimé jusqu'à la bonté. Il veut la posséder et les dieux, ironiquement, lui façonnent un nuage à l'image d'Héra. Au lieu de revenir à la réalité, Ixion exalte son impudicité et abuse de l'image. Zeus reste indulgent tant que l'égaré ne commet pas la faute décisive : il se vante d'avoir séduit Héra et trompé l'esprit, ce qui réveille la colère du dieu, lequel précipite Ixion dans le Tartare, où il sera supplicié : attaché par les serpents de la vanité à une roue de feu qui tourne à la verticale, lui mettant perpétuellement la tête en haut puis en bas, symbolisant la folie de ses élévations et de ses rechutes incessantes.

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Bellérophon
Bellérophon, qu'on ne représente guère que chevauchant Pégase, est le type du héros jeune et innocent, prince charmant, qui surgit à point nommé pour régler son compte au monstre qui désole une contrée. Et pour épouser ensuite sous les vivats la fille du vieux roi fainéant, qui n'a effectivement rien fait pour protéger les siens. Bellérophon est le fils mythique (symbolique) du dieu de la mer, Poséidon. Celui-ci n'est pas, comme son frère Zeus, une divinité de l'Olympe, lieu de la légalité stable et lumineuse. La mer, lieu de la fécondité d'où va naître Aphrodite, est aussi celui d'une légalité mouvante, trouble et souvent perverse.

Débarquant à Argos, Bellérophon qui a éveillé la jalousie du vieux roi local, est envoyé par celui-ci se faire pendre ailleurs : il ira porter un pli fermé au roi de Lycie Jobatès. Le message recommande rien moins que de tuer le messager ! Répugnant à violer ainsi les lois de l'hospitalité, Jobatès, pour que soit quand même accomplie sa mission, obtient du héros qu'il accepte d'affronter le monstre qui dévaste son pays, la Chimère. L'issue ne lui laisse aucun doute. Animal fabuleux composite avec trois têtes, de bouc, de lion et de serpent, la Chimère est à ce titre une triple dévergondeuse d'âmes. Dans le dévoiement sexuel du bouc, consommateur débridé. Dans le dévoiement social du lion, dominateur par la force. Dans le dévoiement, à l'endroit de la lumière de la vérité, du serpent, animal souterrain et tortueux. Face à la Chimère, cancer psychique, le jeune Bellérophon, pur et innocent, ne fait en effet pas le poids.

Choqués par l'inégalité disproportionnée de ce duel, les divinités de l'Olympe décident de fournir au héros le renfort de Pégase, le cheval ailé, source de l'inspiration poétique née du sang de la Méduse décapitée par Persée. Par la vertu de ses ailes, Pégase ne procure pas seulement une position stratégiquement dominante. Il inspire surtout une vision spirituellement élevée, face à quoi la Chimère lubrique, violente et rampante est insignifiante. Bellérophon va la percer de flèches qui figurent les rayons lumineux de la pénétration spirituelle. Mais Bellérophon n'a pas hérité de Poséidon la stabilité et la luminosité nécessaire pour digérer correctement un tel événement. Sa victoire va exalter son imagination vaniteuse et il va se croire maintenant assez fort, avec l'aide de Pégase, pour conquérir l'Olympe, siège de l'esprit. Les dieux ne rient plus : le héros sera précipité dans le Tartare, attaché par les serpents de sa vanité à une roue de feu !

Paul Diel souligne à ce sujet : « L'élévation sublime n'est qu'un état passager de l'âme humaine. L'homme doit redescendre sur terre. Ses désirs corporels exigent qu'il s'en préoccupe. C'est pourquoi il se trouve menacé par le danger chimérique qui l'incite à les exalter. Le vrai héros est celui qui sait résister dans ce combat continuel, qui sait vivre alternativement sur les deux plans : le plan de l'élévation spirituelle et le plan de la vie concrète. C'est l'idéal grec de l'harmonie des désirs. Mais combien grand est le danger que l'homme, ayant atteint la sublimité dans des moments d'élévation, se croie un être sublime à l'abri de toute séduction perverse. C'est par là même qu'il redevient la proie de l'exaltation chimérique. Aussi le mythe grec ne se lasse-t-il pas d'exprimer que la victoire spirituelle -l'élévation, si parfaite semble-t-elle- porte en soi le danger le plus insidieux. L'esprit vainqueur, justement à cause de sa victoire, se trouve menacé de se transformer à nouveau en esprit vaincu, en vanité. Et même en vanité d'autant plus grande que la victoire était éclatante. »

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Persée
Persée est le fils de Zeus et de la mortelle Danaé, mythiquement fécondée, comme dans le mythe chrétien, par une nuée dont est tombée une pluie dorée, symbole de l'esprit divin. Acrise, le père de Danaé et l'ancêtre terrestre de Persée, que l'oracle avait averti qu'il serait tué par son petit-fils, expose la mère et l'enfant, qui sont sauvés par le Zeus, père mythique de Persée. Zeus patronne la puissance sublimante de ce fils-de-Dieu (dont les penchants au pervertissement sont fils-de-l'homme). Comme Bellérophon, Persée est appelé à monter Pégase afin de délivrer Andromède, une vierge qui, s'étant vantée d'être plus belle que les Néréides (notamment Amphitrite, Thétis et Galatée), a été enchaînée par elles à un rocher où la menace un monstre marin envoyé par Poséidon. Celui-ci la juge vaniteuse, asservie aux désirs terrestres et la destine au pervertissement par sa créature monstrueuse. Persée, à la différence de bien d'autres héros (Thésée, Ulysse), n'a pas besoin de la femme pour se tirer des périls. Il sauve Andromède et l'amène à la sublimité en l'épousant. Mais cette victoire n'est encore que passagère et il doit ensuite affronter Méduse, la reine des Gorgones. Méduse, avec ses soeurs Euryale et Sthéno, symbolise la perversion des trois pulsions essentielles (sociale, sexuelle et spirituelle) par la tyrannie, la lubricité et la banalisation de l'esprit ou le refoulement nerveux du regret des erreurs. D'une hideur effroyable (ou d'une séduction magique), Méduse, qui comme les Erinyes du remord a une chevelure faite de serpents, a le pouvoir de pétrifier (psychiquement) ceux qui se laissent méduser en cédant à son invitation à la regarder. Le moyen de vaincre Méduse réside dans la juste mesure (dont Apollon est le modèle) et dans la reconnaissance exacte de ses errements. Car l'exagération de sa propre culpabilité inhiberait l'effort réparateur. Méduse symbolise le désespoir qui envahit l'âme vaniteuse dans ses éclairs de lucidité. Il s'agit de ne pas céder à l'horreur de sa propre culpabilité, mais de capter sa juste image dans le miroir de la vérité. C'est d'Athéna que Persée recevra l'arme du combat, son 'bouclier luisant' qui reflète la vérité, invite à l'amour combatif pour le vrai et à la connaissance véridique de soi-même. Avec le glaive de la force lucide de l'esprit, Persée décapite Méduse. Du sang du monstre jaillit Pégase, le cheval des Muses qui figure l'élévation sublime et ses trois manifestations : le vrai, le beau, le bon. D'un coup de sabot dont Pégase frappe l'Hélicon, jaillit la source de l'inspiration poétique. Euryale et Sthéno veulent venger leur soeur, mais Pégase met Persée hors de leur portée. Cependant, le combat n'est jamais terminé, car la victoire sur la vanité peut se transformer en vanité de la victoire. C'est la lutte inlassable de toute une vie, aussi Persée emporte-t-il avec lui la tête de Méduse, rappel de vérité. Au géant Atlas, symbole de la résistance terrestre à l'esprit qui lui a refusé l'hospitalité, il montre la Méduse et le pétrifie. Toutefois, cette victoire ne se situe qu'au plan de l'essence et le monde terrestre titanique pervertissant survivra à Persée. Lorsque le héros mourra, il léguera la tête de Méduse à Athéna, qui la placera sur son égide, le bouclier lucide que lui a confié Zeus. Persée, champion vainqueur de la vie, sera immortalisé symboliquement sous la forme d'une étoile brillante, image de l'idéal. L'analogie avec le mythe chrétien est frappante : Persée et Jésus, fils mythiques de l'esprit divin, triomphent du principe de perversion.

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Oedipe
L'oracle avait averti qu'Oedipe, fils du roi de Thèbes Laïos, allait tuer son père et épouser sa mère Jocaste. Aussi Laïos fait-il exposer son fils, après avoir pris la précaution de lui faire couper les tendons des chevilles (d'où son nom qui signifie Pieds enflés), infirmité qui souligne symboliquement les faibles ressources d'une âme qui chancèle entre banalité et nervosité. Contrairement à Zeus, esprit combatif s'il en est, qui se guérit de sa mutilation, Oedipe restera estropié. Il compense cette infériorité par une ambition de pouvoir. Eduqué par un berger qui l'a recueilli et qu'il prend pour son père, Oedipe le quitte adolescent par crainte de réaliser l'oracle. Il se rend à Thèbes, qui est alors terrorisée par un monstre, le Sphinx, situation symbolique désastreuse propre aux villes gérée par un prince dévoyé. Moitié femme et moitié lion, le Sphinx dévore ceux qui, dans l'espoir de libérer la ville, l'affrontent, lorsqu'ils se révèlent incapables de résoudre l'énigme qu'il leur pose. Laïos a promis une récompense à qui vaincrait le monstre. A la différence d'un vrai héros libérateur, Oedipe convoite la récompense et, pour vaincre le mal, il ne compte pas sur sa vaillance spirituelle, mais sur la subtilité de son intellect. Dans un chemin creux qui mène à Thèbes, la voie lui est obstruée par un vieil homme qui mène un char et qui le somme de céder le passage. C'est Laïos qui se déplace sans ses insigne royaux. Injurié par ce qu'il croit être n'importe qui, le héros fort peu héroïque perd tout contrôle et tue ignominieusement le vieillard à coup de béquille. Bien loin du rôle de libérateur qu'il se croit appelé à jouer, c'est un comportement d'une banalité consternante. La fameuse énigme que lui pose le Sphinx est symbolique de la aspiration de l'homme à s'élever au-dessus de son animalité. Elle se formule comme suit : Quel est l'animal qui le matin marche à quatre pattes, le midi à deux et le soir à trois ? Oedipe, dont l'énigme décrit précisément le parcours, peut répondre : l'homme. Et le sphinx s'écroule de son rocher pour s'écraser dans l'abîme. Oedipe est acclamé comme roi et il épouse Jocaste. Désireux de compenser sa déficience physique (et spirituelle) par la domination, il n'est pas moins dévoyé dans la perversion de l'esprit que Laïos et un nouveau fléau accable bientôt Thèbes : la peste. Les prêtres affirmant que la calamité n'est que l'effet d'une culpabilité, Oedipe ordonne qu'on découvre le coupable, démontrant ainsi ses lacunes à se connaître lui-même. Le devin Tirésias, porte-voix de l'esprit, accuse Oedipe, à qui il enjoint de reconnaître ses déviances. Oedipe chasse le révélateur. Jocaste, horrifiée, se tue, mais Oedipe continue de se refuser à tout aveu. Cependant, par regret sublime d'avoir tué en lui l'esprit-père pour épouser la terre-mère, il s'arrache les yeux et se fait conduire par sa fille Antigone au sanctuaire des Euménides, à Colonne. Les Euménides sont des Erinyes bienfaisantes qui dispensent, non pas le tourment du remord, mais le regret libérateur de la coulpe reconnue dans la lucidité à l'égard de soi-même. Entraîné dans la chute par sa faiblesse, il puise dans cette chute les ressources de son élévation.
L'erreur de la psychanalyse dans la définition du complexe d'Oedipe est de réduire le moteur de celui-ci à sa seule pulsion sexuelle, qui l'aurait poussé à ne tuer son père que pour épouser sa mère.

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Jason
Chef de la confrérie des Argonautes, au nombre desquels on compte Héraclès, Thésée et Orphée, Jason embarque ses compagnons dans une entreprise commune de libération sur l'Argo (ce qui signifie 'vaisseau blanc'), à la conquête de leur purification : la Toison d'Or. La couleur dorée de la lumière solaire figure la spiritualisation et l'innocence du bélier la sublimation, à la différence de l'or métal qui représente le pervertissement alourdissant de la matière. Les déficiences des Argonautes ne se situent certes pas dans la banalité, mais dans leur tendance perverse à la domination abusive et dans leur incapacité d'une liaison sexuelle durable. La Toison d'Or est gardée par un dragon. L'objet initial de l'expédition est la domination : Jason n'accédera au trône du roi son père, tué par l'usurpateur Pélias, que s'il conquiert le Trésor sous sa signification sublime. S'il réalise l'exploit de manière purifiante, son règne sera bénéfique, tant pour lui-même que pour tout le pays (symboliquement pour le monde entier). A défaut, il ne sera lui-même qu'un usurpateur. Rescapé du massacre, Jason a été recueilli par le Centaure Chiron (ce qui est un indice de banalité). L'oracle a averti Pélias contre « un homme qui ne porte qu'une sandale », indication de la déficience spirituelle que Jason doit compenser. Pélias est disposé à abdiquer si Jason prouve sa légitimité en réalisant l'exploit de rapporter la Toison d'Or. Fait exceptionnel pour un héros libérateur, Jason ne se sent pas de force à accomplir seul l'exploit. Il convainc des compagnons de qualité, qui l'aident à construire l'Argo et à se rendre à Colchos où se trouve la Toison d'Or. En passant les Symplégades, deux rochers qui se rapprochent pour écraser l'Argo, le gouvernail est avarié, ce qui est une indication néfaste. Aétès, roi de Colchos, n'est toutefois disposé à céder la Toison qu'à la condition préalable que Jason attelle à une charrue des taureaux indomptés, dont le souffle est de feu et les pieds d'airin (indice d'une âme vaillante), pour labourer un champ et y semer les dents d'un dragon qu'a tué un autre héros libérateur. Jason y parvient, mais des dents qu'il a semées naissent des hommes de fer qu'il lui faut vaincre. Plutôt que les vaincre par la pureté de son esprit, Jason use d'un stratagème : il ramasse des pierres et les jette tantôt sur les uns et tantôt sur les autres, de sorte que les uns se croient attaqués par les autres et qu'ils s'entre-tuent. Cette victoire, qui n'est pas celle de la vaillance de l'esprit, est une trahison à la mission essentielle de justice des Argonautes. Et c'est une fois encore avec les armes de la ruse que Jason va affronter le dragon. Il séduit la magicienne Médée, fille du roi de Colchos. Héros défaillant, il ne tue pas le dragon au combat : il l'endort avec un philtre préparé par Médée et subtilise la Toison. Il a esquivé le travail intérieur de purification. Poursuivi par Aétès, il ne lui échappe que parce que Médée tue son propre frère Absyrtos et le découpe en morceaux qu'elle jette à la mer. Elle retarde ainsi Aétès qui s'applique à repêcher les lambeaux de son fils, sacrifié à la coulpe du faux héros. Celui-ci rapporte la Toison à Pélias et accède enfin au trône. Victime d'intrigues, il sera bientôt chassé du pays. Pour se soustraire à l'envoûtement de Médée, il l'abandonne. Devenue une Erynie, Médée tue leurs enfants. Désespéré, Jason se repose à l'ombre de l'Argo où il sera écrasé comme par une massue (poids mort des matérialités inanimées) par une poutre qui s'est détachée du navire, en sanction de sa banalité.

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Thésée
Fils mythique de Poséidon, Thésée est le fils corporel d'Egée, roi d'Athènes qui, en voyage loin de son pays, a séduit Actia, mère de Thésée. Obligé de rentrer à Athènes, Egée cache sous un rocher une épée (arme du combattant de l'esprit) et des sandales (arme du pied, expression de la matière animée par l'âme). Adolescent, Thésée est assez fort pour soulever le rocher. Armé et chaussé, il part à la recherche de son père. Sur le chemin d'Athènes, il tue les cruels brigands Procruste et Sinis. Il vainc le géant Sciron qui, assis au bord d'une falaise, humilie les voyageurs en exigeant qu'ils lui lavent les pieds. Alors qu'ils y sont absorbés, Sciron les pousse dans la mer où une tortue géante les dévore. Thésée fait subir le même sort à Sciron. Il s'empare de la massue du géant Péripéthès (qui est lui aussi fils mythique de Poséidon), péripétie qui marque toutefois le début de son déclin. Parvenu à Athène, il se distingue par une bravade superflue. Raillé par les Athéniens pour sa tenue barbare, sa réaction est disproportionnée : il saisit un char à boeufs et le jette par dessus un temple ! Fêté par Egée, il suscite la jalousie de Médée, répudiée par Jason et qu'Egée a épousée entre temps. Convaincue d'avoir tenté d'empoisonner Thésée, Médée est chassée de la cour d'Egée, lequel est délivré de son emprise. Ayant tué le Taureau de Marathon, Thésée a été jugé digne de partager le trône royal avec Egée. Athènes devait alors au roi de Crète Minos un tribut abominable, que son épouse Pasiphaé lui avait suggéré d'imposer: sept jeunes garçons et sept jeunes filles innocents qui sont sacrifiés en pâture au Minotaure, le monstre mi-homme mi-taureau, né des amours de Pasiphaé avec Poséidon. Minos, réputé pourtant pour sa sagesse, a honte du monstre enfanté par son épouse. Il le cache dans le Labyrinthe (figurant le subconscient), oeuvre de l'intellect de l'ingénieux Dédale. Thésée décide de neutraliser son monstrueux frère mythique. Il s'embarque avec les futures victimes du Minotaure sur un navire aux voiles noires ; il a promis de hisser des voiles blanches en cas de victoire. Fils de Poséidon, il est vulnérable à la tentation de céder à la banalité. Il doit surmonter deux périls : le monstre, qu'il doit éliminer, et le Labyrinthe, dont il doit retrouver l'issue. C'est le camp de l'injustice qui va lui fournir l'aide décisive dans la personne d'Ariane, une des filles de Minos, vierge à conquérir qui s'est éprise de lui. Elle lui apporte la pureté de son amour, afin de l'empêcher de s'égarer dans les détours du mensonge, grâce à la pelote de fil conducteur qu'elle lui prête. Vainquant le monstre par la force d'un amour vrai, il aurait suffi à Thésée, pour que sa mission soit parfaitement accomplie, qu'il remplisse sa promesse d'amour en épousant Ariane. C'est là qu'il échoue. Il tue le Minotaure, mais avec la massue du brigand (et non avec le glaive de son esprit). Exploitant l'amour d'Ariane, sa victoire est le fruit d'une trahison, l'exploit d'un pervers qui séduit ensuite Phèdre, la soeur d'Ariane, une nerveuse hystérique, que le mythe présente sous l'image de l'amazone qui combat l'homme pour en tuer l'âme. Thésée quitte ensuite la Crète comme un brigand : il rapte Phèdre et Ariane et abandonne cette dernière à Naxos, où elle va céder à Dionysos et former avec lui un couple infernal orgiaque. Dans cette trahison du héros se retrouve tant la domination abusive que la perversion sexuelle. A l'approche d'Athènes, Thésée oublie de hisser la voile blanche et Egée, le croyant tué par le Minotaure, se suicide. La défaite du héros libérateur est consommée dans la banalité : s'armant contre Pirithos, un aventurier qui pille la contrée, Thésée se lie d'amitié avec lui. Ensemble, ils vainquent les Centaures, mais à seule fin de s'emparer de leur butin et de prendre leur place au festin. Ils enlèvent Hélène, la soeur de Castor et de Pollux et la jouent aux dés. Thésée l'emporte et, pour dédommager son compagnon, il accepte de l'aider à enlever Perséphone, l'épouse de Hadès. Thésée en est arrivé à chercher le dépassement dans l'ignominie, par crânerie cynique absurde. Ce n'est qu'une fausse libération qui va sceller son sort : la chute dans le Tartare, d'où Héraclès, vainqueur de la banalisation, l'arrachera de la pierre à laquelle il a été rivé, mais n'en ramènera que l'âme morte. Son élan héroïque sera ensuite définitivement anéanti par l'emprise de son épouse, Phèdre, qui s'éprend d'Hippolyte, le fils de Thésée. Ulcérée d'être dédaignée par Hippolyte, Phèdre accuse celui-ci de projeter de tuer son père pour régner à sa place. Thésée chasse son fils qui est dévoré par un monstre marin envoyé par Poséidon. La mesure est alors comble et Thésée regagne le Tartare à jamais.

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Héraclès
Héraclès, dont le nom signifie 'gloire d'Héra', est un descendant de Persée et donc de Zeus, qui a fécondé sa mère Alcmène, en prenant les traits de son époux, Amphitryon. Héra, jalouse d'Alcmène, est hostile à Héraclès. L'image de la fécondation spirituelle évacue toutefois toute allusion à une union charnelle. Héra, qui préside à l'amour sublime, sera sanctionnée pour cette mesquinerie possessive : elle sera suspendue par une chaîne d'or entre ciel et terre, attachée à la sphère spirituelle tout en en étant exclue. Cette opposition entre la force de l'esprit et le don de l'amour va déterminer le destin d'Héraclès. Héritier de la puissance d'élan spirituel de son père mythique, il n'est pas fils d'Héra et il devra lutter dans le voie tracée par Héra contre son penchant à la dispersion sexuelle perverse. Zeus, qui souhaite former pour le monde entier un souverain juste et fort, avait décrété que ce serait l'enfant réunissant la force de l'esprit et l'équilibre de l'âme qui naîtrait à la date qu'il avait choisie (celle prévue pour la délivrance d'Alcmène). Pour déjouer ce dessein, Héra est parvenue à retarder la naissance d'Héraclès et c'est Eurystée, sujet ordinaire, qui naît à la date arrêtée par Zeus. Comme dans le mythe chrétien, le sauveur du monde ne régnera pas sur le monde, mais sur l'esprit. Héraclès devra accepter d'être le serviteur d'un médiocre, ce qui le gardera de laisser pervertir sa pulsion sociale par l'usage abusif de sa position dominante. Apollon lui enseignera à dominer sa propre faiblesse, laquelle est son ennemi essentiel. C'est dans un statut de servitude qu'il accomplira ses travaux de purification. Il ne doit pas exalter vaniteusement son élan spirituel combattif et l'oracle du dieu lui commande de se réconcilier avec Héra. Héros purificateur, ses propres faiblesses, fréquentes, ne sont que des épisodes qui, entre les victoires, lui rappellent sa propre faiblesse qu'il doit parvenir à vaincre. Il va étouffer le Lion de Némée, dompter le Taureau de Crète, capturer vivant le Sanglier d'Erymanthe, symbole de débauche effrénée, vaincre les Amazones-tueuses d'homme (auquel elles veulent se substituer au lieu de le compléter = tueuses d'âme). Dans ce combat contre la banalisation, Héraclès nettoie les Ecuries d'Augias, en y faisant passer le fleuve Alphée et en libérant les Boeufs luisants. Il tue l'Hydre de Lerne, serpent aux têtes multiples qui repoussent aussitôt coupées (il en cautérise les blessures avec son flambeau). Il affronte Géryon, un géant à trois têtes (les trois perversions : banalisation, tyrannie, débauche luxurieuse). Il vainc le géant Antée, anti-dieu qui reprend force chaque fois que son pied touche terre, ce dont l'empêchera Héraclès en le soulevant du sol. Il tue Diomède qui jetait ses victimes en pâture à ses chevaux. Il abat de ses flèches les oiseaux du Lac Stymphale, qui obscurcissaient le ciel. Il poursuit une année durant, pour la capturer vivante, la Biche aux Pieds d'airain, figure de sensibilité sublime et de force d'âme. Il va jusqu'au bout du monde pour en rapporter les Pommes d'or des Hespérides et, enfin, il dompte le chien Cerbère, gardien du Tartare, pour en ramener Thésée. En regard de ces exploits héroïques, il y a ses déficiences : Eros, profitant de son sommeil, lui dérobe ses armes ; séduit par Dionysos, il défie le dieu de résister plus longtemps que lui à la beuverie et, vaincu, il est contraint par lui de suivre sa Thiase. Il outrage ses épouses successives. Adolescent, il a épousé Mégare, mais les liens conjugaux le rendent furieux, au point qu'il saccage leur maison et tue leurs enfants avant d'abandonner sa femme. Toute sa vie sera l'expiation de ce crime. Il devient ensuite l'esclave de son épouse Omphale, acceptant de s'avilir en filant et en se parant de robes orientales. Après maintes aventures futiles, il épouse Déjanire qu'il a dû disputer à Achéloos, qui avait pris d'abord la forme d'un serpent et ensuite d'un taureau. Mais Déjanire n'est qu'une femme banale qui, pour traverser un fleuve (celui de la vie quotidienne), accepte l'aide du centaure Nessus, qui tente de la violer. Héraclès parvient à tuer Nessus par les flèches (de son esprit), mais Nessus mourant offre à Déjanire sa tunique trempée de son sang, lui garantissant l'amour de son mari si elle la lui fait porter. Déjanire accepte le présent. Mais le sang du centaure est un venin de débauche et Héraclès tombe amoureux d'Iole. La tunique lui colle à la peau et le brûle. Comprenant enfin qu'il ne parviendra jamais à se purifier de sa tendance à la débauche luxurieuse pour se réconcilier avec Héra, le héros décide de se sacrifier à elle en holocauste. Il dresse un bûcher sur lequel Zeus accepte de lancer son éclair illuminant. Surmontant son penchant dionysiaque, Héraclès renaît, comme le Phénix, en état d'élévation. Zeus accueille son fils préféré et le héros, devenu une divinité de l'Olympe, épouse Hébé, qui sert aux dieux le nectar et l'ambroisie qui leur conservent leur qualité d'âme et d'esprit.

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Asclépios
A l'inverse de l'adage 'mens sana in copore sano', qui affirme que la santé de l'esprit est conditionnée par celle du corps, la médecine à laquelle préside Apollon professe qu'il n'y a pas de vraie santé du corps sans grande santé préalable de l'esprit. Il existe toutefois une technique pour remédier aux défectuosités de la mécanique corporelle et pour permettre de la relancer provisoirement. C'est le centaure Chiron qui en conserve les formules. Cette médecine profane se préoccupe de s'affranchir, par une intellectualisation radicale, des pratiques magiques suggestives de purification. Le mythe veut que Chiron, qui s'obstine à ne soigner que les corps, souffre d'une blessure inguérissable que lui a faite au pied une flèche d'Apollon. Le mythe complète la représentation de la médecine par une troisième divinité, Asclépios, qui considère que tout être vivant est un organisme psycho-somatique. Seul l'intellect de l'homme est assez vaniteux pour concevoir l'idée, pseudo-scientifique, qu'il n'est que soma. Toutefois, la réalité des maladies de l'esprit le contraindra tôt ou tard à la prendre en compte : c'est le rôle d'Asclépios, fils d'Apollon et initiateur de la science médicale. La maladie met le patient dans un état mineur : elle le replace subconsciemment dans le monde magique de l'enfance, vis à vis du médecin dans la position de dépendance qu'il avait vis à vis de son père et, dans bien des cas, l'investit des pouvoirs d'un magicien. Mais Asclépios n'a rien d'une idole. Il figure chaque homme destiné à se purifier, à se 'diviniser' en se guérissant de sa tendance à la banalisation. Est significatif à cet égard le Gorgoneion, qui est porté comme un talisman. Les prêtres d'Asclépios invitaient les malades à venir dormir dans le temple d'Apollon et s'appliquaient ensuite à expliquer leurs rêves. La tentation d'Asclépios est d'ériger en but ultime la nécessité de prendre en compte les contingences. C'est alors la mort de l'âme de la médecine, la banalisation dont le châtiment est la foudre de Zeus. L'effort intellectuel d'Asclépios n'est légitime que tant qu'il est orienté sur les exigences de l'esprit.

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Prométhée
Au contraire du mythe d'Asclépios, qui figure l'effort intellectuel salutaire lorsqu'il est orienté sur l'exigence de l'esprit et le sens évolutif de la vie, le mythe de Prométhée figure l'effort de l'intellect pour se passer de l'esprit. Alors que Zeus a conçu l'homme comme être spirituel, animé du désir essentiel de l'élan évolutif vers le surconscient, Prométhée va le créer conscient et individué, capable de faux choix, qui le font régresser vers le préconscient animal, vers la Terre-mère. Pour modeler sa créature, Prométhée utilise le comble de la banalité : la glaise boueuse. Pour animer celle-ci, il ne prétend pas emprunter la lumière de l'Olympe, mais le feu, qui n'est que sa forme utilitaire. Et il en est réduit à le dérober. Facteur de production, l'intellect démultiplie les désirs et distrait les hommes du désir essentiel. Ils en oublient le sens de la vie et l'intellect est dès lors, bien qu'ingénieux, insensé. Prométhée, dont le nom signifie prévoyant, a un frère, Epiméthée, qui ne réfléchit pas avant d'agir, mais au contraire seulement après coup. Ce qui va l'amener à se laisser séduire par Pandore, qu'il va épouser. Elle lui offre un coffret fermé, symbole du subconscient, qui renferme tous les vices. Comme le fera Eve dans le mythe judaïque, elle va initier l'humanité au pervertissement de la banalisation ou de l'exaltation de l'imagination. Prométhée, bien qu'il ait résisté à Pandore, n'est pas sauvé pour autant, car il est toujours en opposition avec le sens de l'esprit. Il subira le châtiment de la banalisation : il sera enchaîné à la matière-rocher. Il ne sera sauvé que par le sacrifice du Centaure Chiron, principe de la guérison banale qui va céder sa place à la guérison essentielle, acquise par l'évolution de l'intellect dans l'orientation de l'esprit. Chiron va faire don à Zeus de son immortalité afin que Prométhée, revenu de sa révolte, la reçoive enfin. On notera que, Noé avant la lettre, c'est le fils de Prométhée, Deucalion, qui se charge de repeupler la terre après le déluge, en jetant derrière lui des pierres dont naissent les hommes. Compris dans toute son ampleur significative, Prométhée est la représentation symbolique de l'humanité.