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dimanche, 19 novembre 2017

Deux vidéos sur Aldous Huxley

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Qui était Aldous Huxley ?

Une vie une oeuvre: Aldous Huxley

France Culture - Une vie une oeuvre : Aldous Huxley
 

Terrorisme: l’impossible définition

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Terrorisme: l’impossible définition

par François-Bernard Huyghe
Ex: http://www.huyghe.fr

Quiconque a assisté à un colloque sur le terrorisme connaît la scène. Au moment des questions, quelqu'un se lève pour en dénoncer les causes globales - misère, inégalité, intolérance, exclusion, etc. -. Un autre ajoute aussitôt qu'il faudrait s'accorder sur une vraie définition du terrorisme.

Une étude presque trentenaire comptabilisait 202 de ces définitions. Celle que nous ajouterions (plutôt "technique" : la pratique de l'attentat politique, symbolique et spectaculaire) ne clorait pas le débat. Mais, si nous ne sommes guère partisans du substantif "terrorisme", l'adjectif (terroriste) peut légitimement distinguer un groupe, une méthode, un acteur, etc.

Faute de consensus sur la terminologie exacte, il importe surtout de savoir ce qui ne relève pas du terrorisme, et surtout ce qui décide de son succès, sa durée ou sa disparition. Car, après-tout l'action terroriste, moyen au service d'une fin, recherche une victoire au moins symbolique.

Métamorphoses terroristes

Certes, l'assassinat politique, la révolte. le régicide et le tyrannicide (déjà approuvé par Platon) ont quelque siècles, comme le massacre d'innocents, les tueries systématiques et, plus généralement, toute horreur pouvant provoquer l'épouvante dans l'autre camp (terror, qui littéralement fait trembler). Mais, il faut attendre la Terreur avec majuscule pour que la terreur avec minuscule gagne sa désinence en "isme". Le "terrorisme" (tout comme "propagande" au sens politique) apparaît dans les dictionnaires, d'abord français en 1793, en référence à la terreur révolutionnaire d'État, celle qui fait trembler les opposants, celle qui coupe les têtes que la République n'a pu gagner. C'est la terreur "d'en haut", pratiquée par un appareil répressif public. Bien plus tardivement apparaît un terrorisme "d'en bas", ou plutôt des terrorismes, violence des individus ou de petits groupes contre le pouvoir, d'abord en Russie à la fin du XIX° siècle (le terme s'applique aux attentats d'abord dits nihilistes ou populistes), avant que le mot s'impose en français, entre deux guerres et ne remplace la notion des "crimes anarchistes".

Le terrorisme "d'en bas", le seul dont nous traiterons ici, celui du révolté, du révolutionnaire et bientôt du séparatiste ou indépendantiste, reflète d'abord un manque et une faiblesse : il utilise dans une première phase des pistolets et des bombes, en jouant la clandestinité et la surprise, faute de pouvoir aligner des foules et des mitrailleuses dans la rue. Il traduit aussi une impatience - frapper les représentants de la tyrannie avant que les masses aient développé une conscience et se soient révoltées, et, comme le reprocheront beaucoup les bolcheviks à leurs concurrents socialistes révolutionnaires, sans attendre que les "conditions objectives" soient réunies.

Au cours de la seconde guerre mondiale - où les résistants sont qualifiés de terroristes par les occupants- puis juste après, lorsque les chefs des mouvements anticolonialistes commencent par l'action armée clandestine avant que leurs chefs accèdent parfois à la la présidence d'un nouveau pays indépendant, la question se pose autrement. De Gaulle ou Mandela furent en leur temps considérés comme chefs terroristes. Yasser Arafat et Menahem Begin prix Nobel de la Paix furent assimilés à des poseurs de bombes avant de devenir des symboles de tolérance et de dialogue. Hier criminel, demain allié, admis dans les couloirs des Nations unies, l'ex terroriste mérite un traitement à part.

Il est tentant de distinguer en fonction de la cause ; il y aurait des terroristes criminels par essence d'une part et d'autre part d'authentiques insurgés, résistants et combattants de la liberté - contraints de lutter contre l'oppression et n'ayant d'autre moyen de protestation que les armes ; ils le feraient donc par nécessité et pour rétablir la démocratie. Ce distinguo est fort pratique, car il permet de faire passer une organisation de la catégorie criminelle à celle des partisans ou des freedom fighters, comme l'UCK kosovare lorsque l'Otan commença à bombarder la Serbie de Milosevic.

Mais si l'on met de côté la question du jugement moral ou politique sur l'acte terroriste, il faut bien constater qu'il sert les causes les plus contradictoires. Le terrorisme (attentat) se pratique pour détruire l'État (anarchistes, nihilistes...), pour se séparer de l'État (nationalistes, indépendantistes ou anticolonialistes), pour contraindre l'État (à libérer un prisonnier, à cesser d'aider un pays...), pour le provoquer par le chaos (comme les attentats "aveugles" des années de plomb italiennes que l'on nomme là-bas "strage di Stato", massacres d'Etat) mais aussi pour des justifications liées à l'écologie, au racisme, à la défense des animaux, à l'attente de l'Apocalypse... Et, bien sûr, au règne de Dieu.

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Outre le critère de finalité, beaucoup insistent sur le fait que l'acte terroriste touche des victimes "innocentes" ce qui implique a contrario que frapper des coupables relèverait de la légitime révolte. Mais qui est coupable de quoi et qui en juge ? Pour certains, même un soldat est une cible illégitime dès lors qu'il n'est pas en armes ou prêt au combat. Pour d'autres une femme ou enfant, un civil qui passe est "coupable" pour peu qu'il paie des impôts, puisse devenir ou engendrer un jour un soldat : il participe du système oppressif ou impie. On est toujours le coupable de quelqu'un et le complice de quelque chose : "aucun bourgeois n'est innocent" disait l'anarchiste Henry en lançant sa bombe sur le café Terminus. Tous les non jihadistes sont criminels, rappelle le discours de l'État islamique. La question de la juste fin juste renvoie à celle de la force juste.

Violences, visions et stratégies

Ici intervient un problème de perspective. Du point de vue de l'État ou des organisations internationales, le terroriste lance une attaque criminelle : il vise en cercles concentriques contre le gouvernement, les autorités et les forces de l'ordre et les fonctionnaires, les élites, les représentant de la classe, de l'ethnie, de la religion au pouvoir, les partisans de l'ordre établi, voire par extensions contre un citoyen lambda. Et il le fait de son initiative, sans être mandaté par une autorité élue ou sans représenter un peuple souverain (comme un armée, une police, une résistance...), il agit pour paniquer et contraindre.

Mais pour le terroriste, c'est la violence de l'autre qui est première : il ne ferait que riposter à une domination, à une occupation à une persécution. L'action terroriste est un crime qui se pense comme châtiment : elle s'adresse toujours à un État, ou à un groupe dénoncé comme agresseur, si bien que c'est celui qui réprime qui serait le "vrai terroriste". À la légalité formelle - la loi qui interdit de poser des bombes - le terroriste oppose une légitimité supérieure : il se réclame de la Nation occupée, de la classe dominée ou de la religion pure, il est l'instrument d'une justice plus haute. Il punit et dit souvent exécuter une sentence ou constituer un tribunal (éventuellement "révolutionnaire"). Pas de mouvement terroriste qui ne prétende tirer sa légitimité d'une injustice, venger des victimes et parler au nom d'une communauté plus large que la communauté combattante : elle "représente" les patriotes, le pays réel, les prolétaires, les colonisés, l'Oumma... Les masses suivront : il faut leur faire comprendre.

Une troisième façon de délimiter le champ du terrorisme le situerait par rapport à d'autres formes de violence politique suivant des critères stratégiques :

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Ce n'est pas la guerre en ce sens que la partie dite terroriste au conflit n'a ni État, ni armée pour la faire, ni possibilité de signer une paix qui s'inscrirait dans l'Histoire. Cela n'empêche pas que l'on veuille parfois "faire la guerre" au terrorisme comme G.W. Bush et François Hollande. On a même vu des terroristes participer à des "négociations" ou réconciliations, mais précisément, à la seconde où ils s'assoient à la table, ils cessent d'être réputés terroristes et deviennent "les représentants de l'insurrection" ou "la partie adverse". De leur côté, les partisans de l'attentat aiment souvent se désigner comme armée révolutionnaire ou armée secrète, avant-garde armée, résistance armée, soldats de Dieu, etc. Ils sont fiers de pratiquer la "guerre du pauvre", celle des gens qui n'ont ni avions ni canons, ne sortent pas en uniforme. Mais, là encore, au moment où un mouvement dit terroriste commence à occuper des zones territoriales, à gérer un appareil administratif et à défiler avec des drapeaux, il a franchi le stade purement terroriste et ouvre celui de la guerre civile. Le califat qui bat monnaie et lève l'impôt n'est plus exactement un groupuscule sur son territoire. D'où, par exemple, l'embarras du gouvernement qui dit que nous sommes en guerre ou subissons des actes de guerre, qui les bombarde "chez eux", mais qui est incapable de nous dire comment faire la guerre en France : il n'y a ni envahisseurs en uniforme à repousser, ni, comme autrefois au Liban, de quartiers entiers occupés par des milices bien visibles. La guerre donne au citoyen le droit de tuer légitimement une ennemi "public" (et non à titre "privé"), mais qui en l'occurrence?

Ce n'est pas non plus la guérilla ou la guerre de partisan. La guérillero, "à la campagne" et harassant des soldats ou des autorités locales, ne fait pas -stratégiquement parlant- comme le terroriste qui passe de la clandestinité à l'action brusque, commet des attentats dans les villes, et vise davantage suivant le mot de Raymond Aron à un effet psychologique qu'à un effet militaire.

Ce n'est pas une guerre civile, celle qui suppose l'hostilité de tous contre tous au sein de la Cité ; c'est une méthodes d'avant-gardes qui, se prétendent plus conscientes que le peuple (ou que les minorités opprimés ou que la masse des musulmans). Ce n'est pas non plus l'émeute. Dresser des barricades n'est pas la même chose que poser une bombe.

Ce n'est pas un "simple" massacre, au moins aux États-Unis où l'on tend à appeler "massacre de masse" des tueries dont la motivation idéologique est évidente mais que l'on préfère dire "motivés par la haine" . Ainsi, lorsqu'un blanc tire sur des noirs dans une église à Charleston, ou lorsque qu'un noir tire sur des policiers à Dallas, pour "tuer des blancs", les autorités commencent par exclure la qualification terroriste au profit de l'acte "de haine". Rhétoriques d'évitement assez subtiles qui rappellent celle des commentaires expliquant en France que des gens qui tuent en criant "Allah Akbar" ne sont pas forcément terroristes puisqu'ils sont déséquilibrés (la preuve : ils tuent).

Tout ces distinctions byzantines s'éclairent si l'on songe que le même courant politique peut pratiquer simultanément ou successivement diverses formes de violence. Il théorise avant de terroriser. Ainsi Daech pratique à la fois la "vraie" guerre en Irak et en Syrie où il prétend avoir créé un État, anime ou inspire des mouvements d'insurrection et de guérilla dans le Sahel, au Mali, etc., envoie des commandos (comme celui du 13 novembre 2015) exécuter des opérations extérieures, encourage un terrorisme plus ou moins spontané en recommandant aux croyants de prendre des pierres et des couteaux ou des véhicules pour attaquer près de chez eux, etc. Le tout sous l'étiquette englobante de djihad. Dans un tout autre genre, et sans amalgame, un mouvement politique peut avoir, comme les indépendantistes basques un bras armé et une façade politique légale, etc. Bref le terrorisme se prête à des stratégies hybrides et changeantes. Cette forme de violence se veut provisoire et qui vise, paradoxalement, à sa propre disparition, en vertu du principe que ce n'est qu'une étape en attendant un vraie mobilisation des masses, la constitution d'une vraie armée, une vraie révolution...

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Action et message

De tout ce qui précède, il ressort qu'il n'y a pas un terrorisme en soi, ni comme doctrine (au sens où l'on parle du bouddhisme, du marxisme, de l'existentialisme...), ni comme système permanent (tel le capitalisme ou le protectionnisme). En revanche, il y a des stratégies, intégrant la terreur et servant des buts divergents : pas de terrorisme sans passage à l'acte et sans recherche d'un dommage grave, souvent létal, mais cette action reste de l'ordre des moyens.

Mais moyens de quoi ? Par analogie avec la guerre au sens de Clausewitz, c'est "un acte de violence dont l'objet est de contraindre l'adversaire à se plier à notre volonté" mais sans les appareils militaires. Des législations caractérisent le terrorisme par la coercition ou la contrainte qu'il cherche à exercer sur un peuple ou son gouvernement. Son message de revendication dit souvent : nous sommes l'organisation Untel, nous poursuivons tel objectif proche (élargissement d'un prisonnier politique, abandon de tel décret) ou lointain (comme une société parfaite), nous allons continuer jusqu'à ce que vous cessiez de nous bombarder ou de nous réprimer, jusqu'à ce que vous libériez nos camarades, jusqu'à ce que disparaisse votre système odieux, etc.

L'équation dommage / menace / résultat, ne doit pourtant pas occulter le principal : l'action terroriste vise à faire comprendre quelque chose (suivant la formule : poudre plus encre, tuerie de masse plus réseau social...), donc à symboliser un rapport de force. Il s'agit de convaincre pour vaincre. D'où un message terroriste à décrypter.
Il arrive, du reste, que des groupes se dispensent de revendication explicite (tel al Qaïda qui estimait que la destruction des Twin Towers était un acte plus éloquent que n'importe quel discours, tant sa dimension emblématique était évidente). D'autre part, ils ne s'adressent pas seulement à leurs adversaires et pas que pour proposer l'alternative "cédez ou ce sera pire".

Ils ont énormément à raconter et cherchent autant à séduire ceux qu'ils appellent à rejoindre leur camp qu'à affaiblir les forces matérielles et surtout morales de leurs ennemis. La notion de "propagande par le fait", la théâtralité du terrorisme comme spectacle ou la phrase "les terroristes ne veulent pas que beaucoup de gens meurent, ils veulent que beaucoup de gens regardent" reflètent cette réalité.

Tout acte terroriste est publicitaire en ce qu'il cherche à attirer une attention maximale, et symbolique parce que, quand il frappe un homme (ou éventuellement, un bâtiment, un monument, etc.), la cible touchée est sensée être représenter une idée plus vaste qu'elle-même. La victime est là comme signifiant d'un signifié détesté : un fonctionnaire pour l'État, un policier pour la Répression, un banquier pour le Capitalisme, un juif pour les crimes sionistes, les Twin Towers pour l'orgueil idolâtre de l'Amérique, un jeune qui assiste à un concert pour Paris capitale de l'iniquité, un contribuable pour le gouvernement qui bombarde le califat, un passant devant une mosquée pour les chiites hypocrites complices de l'Iran et ainsi de suite.

Quand part la balle ou explose la bombe, le terroriste a déjà trouvé sa récompense et son sens : il a exprimé qu'il vengeait un tort et témoigné devant l'histoire que des hommes se sont dressés contre la force et l'injustice.

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Dans un second temps, le spectacle terroriste gagne encore plus d'audience et d'impact par la réaction même de la cible. Les médias qu'il juge vendus au système ennemi mais sur qui il exerce un effet judo, le servent objectivement : ils amplifient l'écho de l'acte et avec lui le sentiment qu'a chacun de pouvoir être menacé demain. Ces médias sont obligés d'en expliquer les motivations, ils spéculent sur de futures attaques et augmentent l'effet d'attente. Quand aux autorités, elles peuvent elles-mêmes aggraver l'impact de l'attentat par des mesures d'exception, des déclarations alarmistes, en suscitant des réflexes de solidarité des populations visées. Et si elles se livrent à une répression indistincte, cela revient aux yeux des terroriste à révéler leur "vrai visage" et à obliger chacun à choisir son camp, le vieux cycle provocation répression solidarité.

Transmettre par la violence

Ce que le terroriste est en mesure communiquer dans l'espace et de transmettre dans le temps a un effet à plus long terme.

Il arrive qu'il possède ses propres médias, ses propres réseaux comme Daech avec ses revues multilingues, ses agences de presse, des chaînes de diffusion Web 2.0. De là, une nouvelle capacité de recruter, de donner l'exemple, de provoquer des contagions d'idées et d'action. La technique de communication est fondamentale : chaque phase de l'histoire du terrorisme correspond à un média dominant : presse à imprimer (celle des quotidiens, mais aussi celle que l'on cache dans une cave pour imprimer des brûlots), radio à l'époque des mouvements séparatistes ou anticolonialistes, télévision internationale à l'époque du terrorisme pro-palestinien et d'extrême-gauche, Internet avec le djihadisme moderne.
Les réseaux sociaux ont pris le relais pour permettre une communication descendante (les superproductions des professionnels du califat : scènes d'exécutions, du front ou de la vie utopique au califat de Cham), une communication frère-vers-frère ou sœur-vers-sœur pour le recrutement ou le retour d'expérience du pays de djihad, et une communication "remontante", y compris sous forme de l'attentat filmé, une sorte de selfie sanguinolent pour l'édification des "bons croyants",... Face à cela, les pays occidentaux, sensés avoir inventé la technologie "2.0" doivent se contenter de fermer des comptes qui seront aussitôt recréés avec légère modification. Ou alors, ils produisent des vidéos de contre-influence et de contre-radicalisation qui disent en substance la même chose que les journaux télévisés.

L'action terroriste est une action pour l'Histoire, Histoire qu'elle veut accélérer (en évitant des années d'attente par la violence), Histoire qu'elle veut rejouer ou dans laquelle elle veut s'inscrire. En ce sens, ceux qui recourent au terrorisme ont besoin de créer des mythes et des mémoires. Les victoires de Ravachol ou de la bande à Bonnot, ont été remportées dans la littérature ou le cinéma, celles de l'Ira sur les fresques des murs de Dublin et dans les cérémonies commémoratives. Il ne faudrait pas, le jour - quand même envisageable - où Daech aura perdu ses derniers bastions territoriaux et où ses chefs autant été atteints par les derniers drones - que le souvenir de de l'Etat islamique se perpétue à travers la prolifération des opérations jihadistes plus ou moins spontanées (pour venger un califat une nouvelle fois détruit par les mécréants). Mais il pourrait aussi perdurer à travers les mémoires numériques, mythifié et incontrôlable sur les réseaux que nous ne savons ni interrompre, ni contrôler.

La méthode terroriste ne sert guère à conquérir un territoire ni à infliger de grandes pertes à l'adversaire, manières traditionnelles d'atteindre la victoire, mais elle parvient à démoraliser, à délégitimer ou à diviser avec une remarquable économie de moyens. Comme rhétorique s'adressant aux masses elle a aussi d'un surprenant rapport coût/résultat : elle transforme les armes les moins sophistiquées en médias et les médias les plus high-tech tech en armes. Le terrorisme est hybride et changeant. Il combine violence pure et intention stratégique, ostentation des supplices qu'il administre, secret de leur préparation et séduction de l'idéal. Daech en est l'exemple le plus fou : il attire des dizaines de combattants en leur promettant qu'ils pourront sacrifier des mécréants et des "hypocrites" (musulmans non jihadistes), et puis mourir pour se retrouver au plus près d'Allah...

Plutôt qu'une définition politico-philosophique du terrorisme, nous avons besoin d'une compréhension de leur désir politique. Car nous sommes surtout incapables de comprendre des gens qui disent haïr notre démocratie, notre prospérité et notre tolérance au profit du salut de leur âme et de la conquête du monde.

Sur la crise au Zimbabwé

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Sur la crise au Zimbabwé

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le Zimbabwé est venu brutalement dans l'actualité à la suite de ce qu'il faut bien nommer un coup d'état militaire

Ceux qui connaissent peu la situation au Zimbabwé, (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Zimbabwe) après ce qui est apparu comme un coup d'état militaire, ont encore du mal à comprendre les tenants et les aboutissants de cette crise. Le Zimbabwe, dite précédemment Rhodésie, est une ancienne colonie britannique, disposant de grandes richesses agricoles et minières. Depuis son indépendance, il a été le terrain d'une lutte permanente entre ceux des anciens propriétaires, les « fermiers blancs », qui s'efforçaient de conserver leurs biens, et les descendants des esclaves noirs qui revendiquaient pour eux la totalité du pays. Robert Mugabe avait dès l'origine pris le parti de l'indépendance complète à l'égard de ce qui restait du pouvoir blanc.

Or pourtant, dans la nuit du 14 au 15 novembre, des officiers ont annoncé être intervenus contre les « criminels » de l'entourage du président Mugabe, 93 ans, ce terme de criminels désignant la faction du parti au pouvoir, la Zanu-PF, qui soutient la femme du président,, Grace Mugabe 52 ans. Celle-ci ambitionnait de devenir présidente et avait beaucoup intrigué – et dépensé d'argent – pour ce faire. Elle était entrée en conflit ouvert avec le vice président Emmerson Mnangagwa, qui espérer succéder à Mugabe, le plus vieux chef d'Etat de la planète mais encore actif. Elle avait obtenu de son mari qu'il le limoge.

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Le Crocodile

Emmerson Mnangagwa dit Le Crocodile (voir image), dont le limogeage a provoqué mercredi le coup de force de l'armée contre le régime de Robert Mugabe, avait fui le Zimbabwe dans la suite de son éviction le 6 novembre, mais il avait promis de défier le président Mugabe et son épouse. Or il vient de rentrer au Zimbabwe le 17 novembre, manifestement avec l'accord des militaires ayant pris le pouvoir après le coup d'état.

L'armée, qui contrôle la capitale Harare, a annoncé ce même jour avoir arrêté plusieurs proches du président, se félicitant de « progrès significatifs » dans son opération de purge au sein du parti au pouvoir de la Zanu-PF. « Nous avons mis la main sur plusieurs des criminels, tandis que d'autres sont toujours en fuite », a fait savoir l'armée dans un communiqué publié dans le journal d'Etat The Herald.

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Rappelons qu'au Zimbabwe, les tensions entre factions au sein du parti au pouvoir, l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), ont dégénéré, dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 novembre, en un coup d'Etat qui n'a pas voulu se dire comme tel. Mercredi, l'armée contrôlait les rues de la capitale, Hararé, dans le cadre d'une opération destinée, selon elle, à éliminer des « criminels » de l'entourage du président Robert Mugabe.

Pendant des années, l'armée a toujours été loyale à Robert Mugabe. Des officiers lui étaient redevables, car avec le système de patronage existant au Zimbabwe, le parti au pouvoir faisait en sorte de satisfaire les généraux en leur offrant des fermes, souvent de celles fermiers blancs expropriés. Mais ils ont eu peur que Grace Mugabe, ne prenne en main les commandes de l'Etat. Le limogeage de Mnangagwa était le geste de trop, car celui-ci était l'homme fort au sein du pouvoir. Grâce Mugabé s'appuyait sur la faction au sein de la Zanu-PF opposée à Emmerson Mnangagwa dont elle avait réussi à obtenir le soutien. Celle-ci était bien moins favorable à l'armée

Emmerson Mnangagwa fut d'abord un personnage important de la lutte pour l'indépendance dans les années 1970, puis il a été ministre la plupart du temps depuis les années 1980, il a travaillé pour les services de renseignement — il fut notamment chargé de la répression dans le Matabeleland (dans l'ouest du pays) contre ce que le pouvoir percevait comme une opposition. Il a toujours été perçu comme un partisan de la ligne dure et un soutien de l'armée au sein du gouvernement.

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La Chine

Pour comprendre la situation actuelle, il faut essayer aussi de comprendre les pouvoirs et intérêts extérieurs qui s'intéressent au pays. Sans entrer dans les détails, on notera le rôle de l'Afrique du sud, qui s'est toujours positionnée comme alliée et protectrice du Zimbabwé. Par contre les pays occidentaux, et notamment la Grande Bretagne et les Etats-Unis, multiplient les manœuvres diplomatiques pour reprendre sous contrôle le gouvernement du pays. Elles ont deux buts, récupérer l'accès aux ressources considérables de celui-ci, et empêcher qu'il ne tombe davantage dans l'orbite de la Chine.

La Chine en effet a noué depuis plusieurs années de bonnes relations avec le Zimbabwé. Elle y investit massivement dans divers secteurs importants et a plusieurs fois aidé l'économie à sortir des crises considérables qu'elle n'a cessé de rencontrer depuis l'indépendance. Manifestement l'alliance avec le Zimbabwé sera un atout important dans l'effort de la Chine pour étendre son influence dans toute l'Afrique.

On aurait pu penser que le  coup d'état avait été organisé, sur le mode du « regime change », par les puissances occidentales pour obtenir un gouvernement plus docile. Mais les généraux ont affirmé qu'il n'en était rien. Les déclarations d'amitié avec la Chine ont été renouvelées.

Pour notre part, nous n'y voyons pas encore assez clair pour prévoir dans quel sens penchera Emmerson Mnangagwa, s'il revient définitivement  au pouvoir avec l'appui de l'armée. Tout laisse prévoir que ce sera dans le sens d'un approfondissement des relations avec la Chine. Cependant la forme dictatoriale du pouvoir ne devrait pas changer.  Nous y reviendrons si nécessaire. 

Référence

Nous publions ici, avec son accord, un article de Bernard Lugan, que l'on peut retrouver sur son blog L'Afrique Réelle - blog que par ailleurs nous conseillons Voir http://bernardlugan.blogspot.fr/2017/11/zimbabwe-fin-de-route-pour-robert.html. 
Le moins que l'on puisse dire est que l'auteur ne manifesta pas une sympathie aveuglante à l'égard des mouvements indépendantistes. Ceci ne retire rien à la pertinence de ses observations

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Zimbabwe : fin de route pour Robert Mugabe?

par Bernard Lugan

Robert Mugabe, dit « Comrade Bob », né en 1924 dans le dispensaire d'une mission protestante, eut, durant toute sa vie, des certitudes bornées par le christianisme révolutionnaire, par le marxisme et par la haine des Blancs.

En 1963, il fut un des fondateurs du mouvement nationaliste ZANU (Zimbabwe African National Union), avant d'être arrêté en 1964.

Le 11 novembre 1965, dirigés par Ian Smith, et en dépit des menaces de sanctions économiques et politiques, les Blancs de Rhodésie du Sud -228 000 pour 4.847.000 d'Africains-, rompirent avec la Grande-Bretagne et ils proclamèrent l'indépendance du pays sous le nom de Rhodésie. L'ONU vota des sanctions et un embargo total.

Libéré en 1975, Robert Mugabe partit pour le Mozambique où il devint le chef de l'aile militaire de la ZANU, la ZANA (Zimbabwe African National Army).

Quasiment cernée par des pays ennemis, la petite armée rhodésienne, rustique et pugnace résista à toutes les attaques. Jusqu'au moment, où, croyant acheter sa survie en la poignardant dans le dos, l'Afrique du Sud blanche lui coupa les approvisionnements en carburant. Les dirigeants rhodésiens furent alors acculés à signer les accords de Lancaster House. Puis, du 27 au 29 février 1980, eurent lieu des élections.

Ce fut un vote ethnique dans la mesure où les suffrages des 70 % de Shona se portèrent sur les candidats de Robert Mugabe, tandis que les votes des 30% de Matabélé se retrouvèrent sur les candidats de leur leader, Josuah Nkomo. Une fois de plus, l'ethno-mathématique avait donc parlé et en avril 1980, la Rhodésie devint officiellement indépendante, sous le nom de Zimbabwe.

Dans le sud du pays, en zone matabélé, une guerre tribale éclata aussitôt, les Matabélé n'acceptant pas de se voir dirigés par les Shona qu'ils avaient soumis avant la venue des Blancs. Cette révolte fut férocement écrasée par la 5° brigade de l'armée du Zimbabwe, exclusivement composée de Shona encadrés par des Nord-Coréens.

Depuis 1980, « Comrade Bob » régnait donc sur ce qui fut la prospère Rhodésie dont il fit un goulag ruiné. Et pourtant,  l'héritage laissé par le régime blanc était exceptionnel : le pays disposait d'excellentes infrastructures routières et ferroviaires, la population était largement alphabétisée et l'économie de type industriel avait un secteur agricole hautement compétitif. De plus, la politique des sanctions internationales avait contraint les Rhodésiens à créer une industrie de transformation.

Quelques années plus tard, l'héritage laissé par les « colons » ayant été dilapidé, la faillite était totale.

En 1995, l'augmentation de 67% du prix du litre d'essence et de 345% de celui du pétrole lampant utilisé pour la cuisine et l'éclairage domestique provoqua de graves émeutes dans les principales villes du pays. Leur répression fut sanglante.

En 1999 la catastrophe connut une nouvelle accélération avec l'effondrement  du dollar zimbabwéen qui  perdit 80% de sa valeur face aux devises. L'inflation dépassa alors les 57%, tandis-que le prix du gallon d'essence passa de 5 à 12 dollars zimbabwéens. Quant au taux de chômage, il atteignit les 50% Or, avec une croissance démographique de 2,8% par an, le Zimbabwe voyait arriver chaque année des dizaines de milliers de jeunes adultes sur le marché du travail.

Tentant une manœuvre de pure démagogie, Robert Mugabe fit voter par l'Assemblée l'expropriation sans indemnité des fermiers blancs, puis il ordonna à ses militants d'occuper leurs fermes. Plusieurs fermiers furent alors massacrés et leurs femmes violées...Dans le plus total silence des bonnes âmes européennes.

Or, comme les trois quarts des productions agricoles industrielles et commerciales soutenant la balance des paiements du Zimbabwe, à savoir le tabac, le paprika, le coton et l'élevage, avaient pour origine les 4000 fermes encore possédées par les Blancs, le résultat de cette spoliation ne se fit pas attendre. Dès 2001, jadis exportateur de nourriture, le Zimbabwe  fut ainsi contraint de lancer un appel à l'aide internationale pour éviter la famine... Et comme 300 000 emplois avaient été perdus dans le secteur agricole et ses dérivés, le taux de chômage bondit à 65%...

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A la fin de l'année 2007, l'inflation avoisinait en cumulé les 100 000 %. En 2008, les prix des produits alimentaires augmentèrent de 30 à 40% par jour et ceux des  transports publics de 15 à 20% par jour...Au mois  de février 2008, l'inflation était de 165 000 %, au mois de juillet de 2,2 millions de % et  le 19 août de 15 millions de % !!! Début août, la canette de bière coûtait 800 milliards de dollars zimbabwéens.

Pour le clan qui avait fait main-basse sur le pays, tout allait cependant bien puisque, le 31 juillet 2013, Robert Mugabe remporta les élections présidentielles en étant élu pour un 6° mandat...

A partir de ce moment, Grace Mugabe, l'épouse du président, prit de plus en plus d'importance dans la vie politique du pays en devenant  secrétaire nationale de la ligue féminine du parti au pouvoir.

En 2016, le pays fut une nouvelle fois au bord de la famine et le gouvernement se vit obligé d'importer des cargaisons massives de nourriture. Au mois de février, la situation fut à ce point grave que les entreprises furent contraintes de participer à l'achat de vivres à l'étranger...Mais, le 27 février, alors que le pays était en état de quasi famine, les 92 ans du président Mugabe furent fastueusement célébrés devant 50 000 invités dans une débauche de dépenses.

Le mandat de Robert Mugabe s'achevant en 2018, et, compte tenu de l'âge du président, des remous commencèrent à parcourir le parti présidentiel ; d'autant plus qu'au mois de juillet 2016, tout le pays fut secoué par d'importants mouvements sociaux. C'est dans ce contexte lourd d'orages que le clan présidentiel tenta d'imposer Grace Mugabe (48 ans), pour succéder à son époux devenu cacochyme. La fracture au sein du parti de gouvernement apparut alors au grand jour car Grace Mugabe était plus que contestée en raison de ses frasques multiples et de son insolent train de vie.

Ses opposants se rangèrent alors derrière le vice-président Emmerson Mnangagwa mais, au mois d'octobre 2017, ce dernier fut démis et il s'enfuit au Mozambique.Tout  bascula alors, car l'armée, pourtant pilier du régime, prit son parti. Certes, afin d'empêcher l'installation au pouvoir de Grace Mugabe, mais d'abord pour précéder un mouvement de purge qui allait permettre la nomination aux postes de commandement de partisans de cette dernière.

Emmerson Mnangagwa succédera-t-il à Robert Mugabe dont il fut jusqu'à ces derniers mois, non seulement l'homme de main, mais celui qui, chef de ses services de renseignement, fut l'exécuteur de ses plus basses, de ses plus sanglantes et de ses plus sordides œuvres ?

Si tel était le cas, nul doute que les démocrates et les défenseurs des droits de l'homme trouveraient en lui un interlocuteur « bienveillant »...

Bernard Lugan


[1] Le numéro de décembre 2017 de l'Afrique Réelle que les abonnés recevront le 1er décembre contiendra un important dossier consacré au Zimbabwe.

Le Southern Command à l'assaut de l'Amérique latine

Le Southern Command à l'assaut de l'Amérique latine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

southern-command-vinyl-transfer-decal-1.jpgLes Etats-Unis ont mis en place des bases militaires et déployé des troupes dans toute l'Amérique Latine. Elles dépendent du Southern Command. www.southcom.mil/ De son côté la 4e flotte patrouille dans toutes les eaux avoisinantes. Y préparent-—ils une guerre de grande ampleur? Veulent-ils occuper des territoires? Le gouvernement a toujours répondu que ces forces étaient là pour combattre des terroristes ou des narco-trafiquants.

Personne de sensée ne peut croire de telles raisons. Des forces aussi importantes ne sont pas nécessaires dans cet objectif. Il s'agit en fait d'associer militairement les Etats du continent à une présence de l'Armée américaine. Ces Etats, qui avaient il y a quelques années, tel le Brésil, sous le président Lula, voulu se dérober à cette forme d'occupation, sont aujourd'hui, ayant perdu toute indépendance, obligés de l'accepter. Non seulement ils doivent l'accepter, mais ils doivent remercier le Pentagone de tant de sollicitude.

Ainsi l'ambassade américaine à Brasilia vient de faire connaître (voir https://br.usembassy.gov/southcom-observe-humanitarian-lo... que le Southern Command a organisé les 6/13 novembre 2017 des séances d'entrainement à Tabatinga en Amazonie brésilienne. Celles-ci ont permis à l'US Army, associée à des personnels civils et militaires des Etats voisins, de conduire des « opérations de Pacification et d'Assistance humanitaire » dans cette région jusqu'ici considérée comme une chasse gardée par le Brésil, le Pérou et la Colombie. Un effectif de 50 soldats d'active de l'armée américaine, complétés par 31 membres de la Garde Nationale, ont participé à cette généreuse opération, baptisée “AmazonLog 17” ou “Operation America United,”

Les organisateurs de l'opération ont annoncé qu'elle préludait à la mise en place d'une base logistique américaine dans la région, base qui a été présentée comme internationale (Integrated Multinational Logistics Units). En clair il s'agira d'une base américaine pouvant accueillir des hélicoptères, des troupes terrestres et du matériel militaire.

De nombreux autres bénéficiaires

D'autres Etats ont depuis longtemps bénéficié d'une telle assistance. Citons entre autres le Guatemala, la Jamaïque, Panama, l'Argentine, le Pérou et le Chili. Plus récemment, en Antarctique, dans des régions dédiés en principe à des recherches scientifiques, des militaires américains pourront intervenir à partir d'une base en Terre de Feu.

Plus grave, il apparaît que les bases du Brésil, du Pérou et de la Colombie sont de plus en plus organisées pour conduire de véritables opérations militaires contre le Vénézuéla et le cas échéant la Colombie. Lorsque Donald Trump avait menacé Caracas d'une offensive de grande ampleur, si Ernesto Maduro s'entêtait à coopérer pour l'exploitation de ses considérables ressources pétrolières avec Moscou et Pékin il ne plaisantait pas. La frontière du Vénézuéla se trouve à quelques 500 km au nord de Tabatinga, précité.

Mais là encore, le prétexte humanitaire est évoqué. C'est ce que vient de déclarer l'amiral Kurt Kidd, chef du Southern Command. « L'Amérique doit se préparer à protéger les populations vénézuéliennes de l'instabilité et des famines qui se préparent ».