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vendredi, 21 juin 2024

La magie noire des dystopies

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La magie noire des dystopies

Ayhan Sönmez

Une prophétie auto-réalisatrice est une prophétie qui se réalise en tant que cause et effet direct de l'apprentissage de la prophétie en premier lieu. Un joueur à qui un diseur de bonne aventure a dit qu'il allait gagner un match se sent soudain beaucoup plus détendu par rapport à l'issue du match et joue donc mieux et gagne. L'effet placebo d'un médicament, c'est-à-dire l'effet du médicament résultant de la croyance psychologique du patient en son efficacité, est un autre exemple de prophétie autoréalisatrice. Ces prophéties ne sont pas des preuves de magie, mais plutôt de l'influence puissante de l'esprit sur les événements extérieurs ; croire en quelque chose est un pas vers sa réalisation.

De même que les événements d'une vie sont liés à la psyché, les événements d'une société, d'une civilisation dans son ensemble, sont liés à une psyché collective ou, comme l'a écrit Carl Jung, à l'inconscient collectif. Il ne s'agit pas d'un phénomène philosophique compliqué ; tout cela montre que nous sommes tous influencés les uns par les autres, et les influences collectives qui en résultent sont appelées forces sociales, qui orientent les tendances de la mode, de l'art, de la philosophie et des modèles de gouvernement. Ce qu'un membre de la société considère comme une "idée normale" à un moment donné est en fait sa connexion avec l'inconscient collectif, avec les forces sociales invisibles qui lui disent que c'est normal. Il ne sait pas consciemment comment il est arrivé à cette idée, mais il en est inévitablement convaincu, à moins qu'il ne se distancie de la société d'une manière suffisamment significative pour s'extraire de l'inconscient collectif. Mais on pourrait aussi dire que cet isolement est une condition préalable pour tous les philosophes sérieux.

L'inconscient collectif est un système vivant qui relie les gens dans son réseau. La forme de transmission la plus importante dans ce système est, et a toujours été, l'histoire. Les histoires racontées au coin du feu, écrites dans des romans, des chansons, des poèmes, entendues à la radio et, plus récemment, vues dans des séries Netflix, sont les méthodes par lesquelles les idées importantes sont transmises d'une personne à l'autre et, partant, "normalisées". Lorsque vous voyez un couple gay élever un bébé asiatique en vue de son adoption dans Modern Family, vous commencez à penser qu'il est normal que deux hommes se marient et fondent une famille. Ainsi, au lieu d'être inclus dans ce système de pensée, vous devez choisir d'en rester à l'écart. Oui, oui, il est nécessaire de rappeler les mécanismes de base de la propagande et d'en expliquer les fondements. Commençons par Black Mirror, par exemple.

L'utopie n'existe pas et, tout au long de l'histoire, de nombreuses personnes ont tenté d'imaginer un monde parfait. C'est un excellent exercice pour un esprit imaginatif et profond, car il vous oblige à cesser de vous plaindre et à commencer à imaginer, aussi minutieusement que possible, à quoi ressemblerait un monde meilleur. Cet exercice est puissant car l'esprit trouve involontairement des solutions à de nombreux problèmes fondamentaux auxquels la société est confrontée. La dystopie est une version de l'utopie. Le but de l'écriture d'une dystopie est de décrire un monde terrible. Il s'agit fondamentalement d'une entreprise nihiliste, car elle commence par poser la question suivante : "À quoi ressemblerait le monde si tout allait mal ?".

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En termes de dystopie, le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley est célèbre. Il s'agit de l'histoire d'un monde futur caractérisé par une dégénérescence sexuelle totale et l'effondrement de la structure familiale. Chaque individu naît d'un utérus artificiel et est assigné à une classe en fonction du niveau d'alcool auquel il a été exposé in utero. La devise est "tout le monde appartient à tout le monde". Le sexe est l'assouvissement de la luxure, rien d'autre. L'amour, l'engagement, l'art, l'émotion n'existent pas. Chaque individu de la société doit prendre du "Soma", une drogue qui empêche les émotions de devenir un problème. Un autre livre, 1984 de George Owell... Une société dans laquelle l'histoire est constamment modifiée pour s'adapter aux tendances politiques modernes. Quiconque se souvient de la vérité et ne se conforme pas à la nouvelle réalité est sévèrement puni par l'État. Si cela vous semble étrangement proche du monde moderne, vous n'avez pas tort. Les éléments de ces histoires sont si semblables au monde moderne que c'est comme s'ils avaient eu l'idée de ces choses directement à partir de ces romans. C'est comme si les méchants utilisaient ces romans comme des manuels d'instruction. 

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Aldous Huxley et George Orwell étaient-ils des génies brillants dont la clairvoyance les a conduits à écrire de grandes œuvres littéraires ? C'est possible. Mais le génie n'est pas une garantie de sagesse ou de moralité. Toute personne ordinaire lisant ces histoires conclura que les mondes qu'elles dépeignent ne sont pas des mondes dans lesquels on voudrait vivre. Mais en décrivant et en articulant ces horreurs avec tant de détails, les auteurs, aussi bien intentionnés soient-ils, ont déjà ouvert la boîte de Pandore. Il est fort probable qu'ils aient contribué à créer ces mondes en écrivant ces histoires.

L'énergie humaine est une ressource extrêmement précieuse. Les agences de publicité l'ont déjà compris et convertissent chaque jour l'attention humaine, la colère, etc. en argent réel et en profit. L'énergie humaine est ce qui donne à un artiste sur scène l'immense frisson que de nombreux acteurs ressentent à la fin d'une représentation. L'énergie humaine est une force puissante, et lorsqu'elle est dirigée, même par la peur, pour se concentrer intensément sur des choses très spécifiques, elle peut les faire naître. Il ne s'agit pas nécessairement d'une discussion purement surnaturelle. Penser à quelque chose de spécifique signifie que vous en parlez avec des gens ; les idées affluent dans vos exemples, vos références, vos allusions et finalement dans vos idées originales sur la façon d'organiser le monde. Il ne s'agit pas de décisions conscientes. On dit que ces idées font partie de l'inconscient et qu'elles opèrent à ce niveau, tant au niveau individuel que culturel. La popularité des livres de Huxley et d'Orwell a eu l'effet inverse de celui d'empêcher l'avenir qu'ils annonçaient ; en fait, ils l'ont fait naître.

La prière est également puissante parce qu'elle concentre l'énergie et l'attention de l'homme sur quelque chose de vrai, d'important et de bon. Par un mécanisme similaire à celui décrit ci-dessus, la prière régulière fait également passer des idées importantes dans l'inconscient et les y solidifie, alimentant ainsi le reste de nos pensées, actions et motivations inconscientes tout au long de la journée. La répétition et la poésie constituent un élément important de la prière, car c'est ainsi que les idées pénètrent le plus efficacement dans l'inconscient. C'est pourquoi il est très dangereux que la dystopie prenne la forme d'œuvres d'art et de littérature : Il s'agit d'utiliser la méthode puissante de la modélisation de l'inconscient, mais de le faire dans un but néfaste.

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On peut en dire autant des programmes télévisés actuels tels que Black Mirror, qui montrent des choses horribles comme la façon dont nous pouvons torturer les gens en les plaçant dans des simulations qui leur donnent l'impression d'être en isolement dans leur cerveau pendant des décennies en une minute. On y voit des gens dont le cerveau est équipé de puces informatiques qui enregistrent tous les événements de la vie humaine et qui sont ensuite obligés de montrer toutes les "séquences" de leur vie avant d'être autorisés à faire des choses comme contracter un prêt ou monter à bord d'un avion. Même le célèbre film Matrix est une histoire dystopique de personnes qui vivent dans des capsules et passent toute leur vie dans une simulation de la réalité, tandis que leurs corps réels sont pétrifiés dans un purgatoire vivant. Étant donné que les humains sont utilisés comme des batteries vivantes pour les extraterrestres, même les auteurs de Matrix ont compris, à un certain niveau, le pouvoir de l'énergie humaine.

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Beaucoup de gens aiment Matrix, Black Mirror, Huxley et Orwell. Ils pensent que ces dystopies nous "mettent en garde" contre les dangers de l'abandon de la morale, de la nature, de la religion et de l'humanité. Mais que s'est-il passé depuis que ces œuvres ont été introduites dans la société ? Elles n'ont pas seulement agi comme des prophéties, elles ont en fait réalisé leurs explications, puisqu'elles nous enseignent comment créer ces réalités cauchemardesques. Elles nous ont fourni le vocabulaire et le matériel linguistique nécessaires pour décrire ces cauchemars, ce qui constitue la première étape de leur construction. Dieu a utilisé la parole pour faire naître le monde. À l'instar de Dieu, les auteurs de dystopies utilisent leurs mots pour faire naître des dystopies.

De même que le toucher d'une plaie peut provoquer un plaisir masochiste pervers, ou qu'un dépressif en proie à une douleur intense peut ressentir l'extase de se couper la jambe avec un couteau, les dystopies sont une forme d'automutilation d'un inconscient collectif de plus en plus nihiliste. Quand on n'a plus d'espoir pour l'avenir, s'appuyer sur la peur et la douleur en imaginant les pires tortures imaginables pour l'humanité peut être une délicieuse extase, peut-être comme une façon de se détruire, de se punir. Il est toujours plus facile de se punir que de chercher à améliorer la situation de quelque manière que ce soit. L'apitoiement sur soi est toujours plus approprié que l'amélioration de soi.

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Rejetez les dystopies. Comme vous l'avez toujours su, vous savez au fond de vous-même qu'il s'agit de magie noire et que vous donnez vie à vos pires cauchemars parce que vous ne voulez pas faire le travail d'un héros. Vous ne voulez pas risquer l'échec, vous essayez d'espérer et vous vous battez pour cet espoir. Mais au lieu de cela, encourageons les parties les plus nobles de nous-mêmes. Rêvons d'utopies. Osons être des héros et réaliser un avenir meilleur. Au lieu de nous allonger dans une capsule et de nous lier à la dystopie, prenons l'épée et battons-nous, en nous libérant de la condamnation de l'échec.

Source : https://adimlardergisi.com/2024/05/17/distopyalarin-kara-buyusu/

 

 

mercredi, 09 novembre 2022

Mort au QI trop faible : Aldous Huxley et le nouveau principe d’Archimède

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Mort au QI trop faible : Aldous Huxley et le nouveau principe d’Archimède

Nicolas Bonnal

On sait que l’on doit liquider le mangeur inutile ou le sous-doué en informatique - qui peut être milliardaire, auquel cas Malthus et ses lieutenants l’épargneront.

Huxley est, comme on sait, un prophète noir britannique qui a décrit et célébré (et non dénoncé, comme on croit à l’école) le cauchemar que nous allons vivre grâce aux gouvernements achetés et aux populations hébétées. Auteur d’une œuvre littéraire assez médiocre aussi, cet essayiste scientifique proche d’Harari à sa manière a annoncé la couleur (douleur) dans une nouvelle nommée Le Jeune Archimède que l’on pourrait résumer ici ainsi : si tu n’es pas Mozart ou Einstein, crève. Pierre Bourdieu avait parlé pendant les crises des années 90 de ce racisme de l’intelligence, racisme qui a depuis gagné le cerveau de crétins comme notre ministre de l’économie.

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Le narrateur séjourne en Italie repère un enfant surdoué (Harari sort aussi de ces écoles) ; et cela donne les réflexions suivantes :

« J'ai pensé aux grandes différences entre les êtres humains. On classe les hommes selon la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, la forme de leur crâne. Ne serait-il pas plus judicieux de les diviser en espèces intellectuelles? Il y aurait des fossés encore plus larges entre les types mentaux extrêmes qu'entre un Bochiman et un Scandinave. Cet enfant, pensais-je, quand il sera grand, sera pour moi, intellectuellement, ce qu'un homme est pour un chien. Et il y a d'autres hommes et femmes qui sont, peut-être, presque comme des chiens pour moi. »

Donc il y a « les chiens et les Boshiman » qui, à côté de Bill Gates ou d’Harari, ne méritent pas de vivre (quand on voit comment Gates et Harari parlent ou écrivent l’anglais, on croit rire – mais passons). On continue; seul le génie a droit à l’être et à l’âme :

« Peut-être que les hommes de génie sont les seuls vrais hommes. Dans toute l'histoire de la race, il n'y a eu que quelques milliers d'hommes réels. Et nous autres, que sommes-nous ? Animaux enseignables. Sans l'aide des vrais hommes, nous n'aurions presque rien découvert du tout. Presque toutes les idées qui nous sont familières n'auraient jamais pu venir à des esprits comme le nôtre. Plantez les graines là-bas et elles pousseront ; mais nos esprits n'auraient jamais pu les générer spontanément. »

Vaste prison de médiocres, l’humanité doit son salut à une élite de cerveaux depuis réfugiés à Davos (lieu comme on sait de la Montagne magique de Mann – livre à relire pour comprendre ce qui arrive à l’Europe). Le reste ce sont des chiens, des kleb comme on disait chez moi à La Goulette :

« Il y a eu des nations entières de chiens, pensais-je ; des époques entières où aucun Homme n'est né. Des Égyptiens ternes, les Grecs ont pris une expérience grossière et des règles empiriques et ont fait des sciences. Plus de mille ans se sont écoulés avant qu'Archimède ait un successeur comparable. Il n'y a eu qu'un seul Bouddha, un seul Jésus, un seul Bach à notre connaissance, un seul Michel-Ange ».

Huxley pleure la rareté des génies :

« Est-ce par hasard, me demandais-je, qu'un Homme naît de temps en temps? Qu'est-ce qui fait qu'une constellation entière d'entre eux naissent en même temps et sont issus d'un seul peuple? Taine pensait que Léonard, Michel-Ange et Raphaël étaient nés quand ils étaient parce que le temps était venu pour les grands peintres et la scène italienne sympathique. Dans la bouche d'un Français rationaliste du XIXe siècle, la doctrine est étrangement mystique ; cela n'en est peut-être pas moins vrai. Mais qu'en est-il de ceux qui sont nés hors du temps ? Blake, par exemple. Qu'en est-il de ceux-là ? ».

Huxley passe ensuite aux généralités sur les enfants surdoués ; on croirait lire Rémy Chauvin que j’ai interviewé en 1992 – mais sur d’autres sujets plus amusants.

« Je pensais à cet étrange talent distinct et séparé du reste de l'esprit, indépendant, presque, de l'expérience. Les enfants prodiges typiques sont musicaux et mathématiques ; les autres talents mûrissent lentement sous l'influence de l'expérience émotionnelle et de la croissance. Jusqu'à trente ans, Balzac ne fit preuve que d'incompétence ; mais à quatre ans, le jeune Mozart était déjà musicien, et certaines des œuvres les plus brillantes de Pascal ont été réalisées avant qu'il ne soit sorti de son adolescence. »

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Huxley devient éducateur de son enfant de chômeur :

« Dans les semaines qui ont suivi, j'ai alterné les cours quotidiens de piano avec des cours de mathématiques. Des conseils plutôt que des leçons qu'ils étaient; car je ne faisais que des suggestions, indiquais des méthodes, et laissais à l'enfant le soin d'élaborer les idées en détail. Ainsi je l'initiai à l'algèbre en lui montrant une autre preuve du théorème de Pythagore. »

Il ne s’agit pas ici de contester l’enfance surdouée ou les Mozart : ils sont passés où d’ailleurs mon cher Huxley ? Et les Bruckner, et les Berlioz et les Mahler ? Ont-ils été trop vaccinés, comme le redoutait Rudolf Steiner  (voir mon texte) ? Peut-on citer un seul compositeur, romancier ou même cinéaste de ce siècle de désastres ?

« Guido était aussi enchanté par les rudiments de l'algèbre qu'il l'aurait été si je lui avais donné une machine fonctionnant à la vapeur, avec une lampe à alcool méthylique pour chauffer la chaudière ; plus enchanté, peut-être, car le moteur se serait cassé, et, restant toujours lui-même, aurait de toute façon perdu de son charme, tandis que les rudiments d'algèbre continuaient de croître et de fleurir dans son esprit avec une luxuriance indéfectible. Chaque jour, il faisait la découverte de quelque chose qui lui paraissait d'une beauté exquise ; le nouveau jouet était inépuisable dans ses potentialités. »

Après évidemment le génie prend son air fatigué. Pensez à la gueule de Mathusalem de Bill Gates ou de golem raté de Schwab-Hariri. Fatigué de notre misère notre génie prend froid et meurt jeune :

« C'était un été exceptionnellement chaud. Au début de juillet, notre petit Robin, peu habitué à ces températures élevées, commença à avoir l'air pâle et fatigué ; il était apathique, avait perdu l'appétit et l'énergie. Le médecin a conseillé l'air de la montagne. Nous avons décidé de passer les dix ou douze prochaines semaines en Suisse. »

Ah, la Suisse, son pognon, ses montagnes magiques, ses coffres et son Davos ! Dostoïevski en a peur d’ailleurs. C’est dans l’Idiot (sic). On y reviendra.

Sources :

http://www.naturalthinker.net/trl/texts/Huxley,Aldous/Ald...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sur_la_t%C3%A9l%C3%A9vision

https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...

 

jeudi, 26 août 2021

Le soma de Huxley et le vaccin mondialiste

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Le soma de Huxley et le vaccin mondialiste

par Nicolas Bonnal

Le soma était une plante dangereuse, si dangereuse qu'elle rendait même malade le grand dieu du ciel en personne, Indra. Les simples mortels mouraient parfois d'une dose un peu trop forte mais l'expérience procurait une telle béatitude transcendante et une telle illumination qu'elle était considérée comme un privilège qu'on ne pouvait payer trop cher.

Aussi, ce genre de toxicomanie n'était-il pas un vice personnel, mais bien une institution politique, l'essence même de la Vie, de la Liberté et de la Poursuite du Bonheur garanties par la Déclaration des Droits. Mais ce privilège inaliénable des sujets, précieux entre tous, était en même temps l'un des instruments de domination les plus puissants dans l'arsenal du dictateur. L'intoxication systématique des individus pour le bien de l'Etat (et, incidemment, pour leur propre plaisir) était un élément essentiel du plan des Administrateurs Mondiaux. La ration de soma quotidienne était une garantie contre l'inquiétude personnelle, l'agitation sociale et la propagation d'idées subversives. Karl Marx déclarait que la religion était l'opium du peuple, mais dans le Meilleur des Mondes la situation se trouvait renversée : l'opium, ou plutôt le soma, était la religion du peuple. Comme elle, il avait le pouvoir de consoler et de compenser, il faisait naître des visions d'un autre monde, plus beau, il donnait l'espoir, soutenait la foi et encourageait la charité.

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Par exemple, le calmant classique est l'opium, mais c'est aussi un stupéfiant dangereux qui, depuis les temps néolithiques jusqu'à aujourd'hui, a fait des toxicomanes et ruiné des santés sans nombre. On peut en dire autant de l'alcool, euphorisant classique, qui, selon les termes du psalmiste, « réjouit le cœur de l'homme ». Malheureusement, il ne fait pas que cela; pris en quantités excessives, il provoque la maladie, l'accoutumance et, depuis huit à dix mille ans, il a été une cause majeure de crimes, de chagrins domestiques, de dégradation morale et d'accidents évitables.

Pendant ce temps, des forces impersonnelles sur lesquelles nous n'avons presque aucun contrôle semblent nous pousser tous dans la direction du cauchemar de mon anticipation et cette impulsion déshumanisée est sciemment accélérée par les représentants d'organisations commerciales et politiques qui ont mis au point nombre de nouvelles techniques pour manipuler, dans l'intérêt de quelque minorité, les pensées et les sentiments des masses. Ces procédés seront étudiés dans les chapitres suivants; bornons-nous pour le moment à ces forces impersonnelles qui sont en train de rendre le monde si peu sûr pour les démocraties, si peu hospitalier pour la liberté individuelle.

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Un état de crise continu justifie le contrôle continu de tout et de tout le monde par les agents du gouvernement et c'est précisément cette tension entretenue à quoi l'on peut s'attendre, dans un monde où la surpopulation crée une situation telle que la dictature sous les auspices communistes devient presque inévitable.

Dans un tel univers, les Petits, avec leurs fonds de roulement insuffisants, sont gravement désavantagés; dans la concurrence avec les Gros, ils perdent leur argent et finalement leur existence même, en tant que producteurs indépendants - les Gros les ont dévorés. A mesure que les Petits disparaissent, la puissance économique en vient à être concentrée entre des mains de moins en moins nombreuses. Dans une dictature, les Grosses Affaires, rendues possibles par des progrès techniques constants et la ruine des Petites Affaires qui en est résultée, sont sous le contrôle de l'Etat - c'est-à-dire celui d'un groupe peu nombreux de chefs politiques et des soldats, policiers, fonctionnaires exécutant ses ordres. Dans une démocratie capitaliste comme les U.S.A., elles sont sous la coupe de ce que le professeur C. Wright Milis a appelé I'Elite du Pouvoir.

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https://reseauinternational.net/dostoievski-et-la-prophet...

 

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vendredi, 09 juillet 2021

Le futur entre Huxley et Orwell

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Le futur entre Huxley et Orwell

par Carlo Desideri

Source : InStoria & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-futuro-tra-huxley-e-orwell

En 1932, l'écrivain Aldous Huxley a publié l'un de ses plus célèbres romans, Le meilleur des mondes, qui est devenu à terme l'un des textes les plus représentatifs du genre dystopique dans la littérature du XXe siècle. Le monde imaginé par Huxley est un monde régi par un gouvernement mondial, où les principes éthiques et moraux tels que nous les connaissons sont complètement annulés et oubliés au profit d'une société divisée en castes, qui indiquent de véritables classes sociales, dédiée à l'idéologie progressiste et maintenue fermement par un véritable culte religieux appelé "culte de Ford", en l'honneur de l'entrepreneur américain dont la figure est adorée comme une sorte de divinité.

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Le monde est dirigé par un groupe oligarchique appelé "alpha plus", qui jouit de privilèges supérieurs à la moyenne, mais qui doit maintenir un code de conduite blindé, basé sur une socialisation poussée, un temps de solitude réduit au minimum, des relations centrées principalement sur la polygamie, et l'expression constante de louanges et d'appréciation de la société du nouveau monde ; la répudiation de ce système social n'est en aucun cas autorisée ou envisagée.

En fait, dans la deuxième partie du récit, Huxley nous montre comment une forme de l'ancienne société a survécu, dans une réserve contrôlée et gérée par le gouvernement du nouveau monde comme un véritable lieu touristique, où il est possible de rencontrer des sujets, appelés "les sauvages", qui vivent selon des règles totalement opposées au nouveau monde, dans une structure sociale monogame, qui croit fermement aux idéaux du mariage et qui est fortement liée à une croyance religieuse - au point de conduire à un véritable fanatisme - largement basée sur le christianisme, mais avec quelques éléments rituels rappelant le paganisme.

Il est important de noter que les membres du nouveau monde entrent en contact avec les habitants de la réserve en tant que simples touristes, mais ils les considèrent comme fortement inférieurs et n'ont aucunement l'intention de laisser ces individus influencer leur mode de vie. Ce ressentiment est toutefois également ressenti par les sauvages, qui considèrent le nouveau monde comme un fléau et méprisent les idéaux qu'il représente.

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Deux structures sociales, donc, liées par des idéaux extrêmes et opposés, qui ne peuvent en aucun cas envisager une coexistence autre que celle décrite par Huxley qui prévoit le pouvoir et le contrôle de l'une sur l'autre. Dans les deux cas, l'invincibilité de la structure sociale présentée dans le récit est démontrée par l'évolution de l'histoire de ce qui peut être présenté comme les deux protagonistes.

Le premier est Bernard Marx, un représentant de la classe alpha plus qui ne se reconnaît pas du tout dans les impositions sociales, tendant vers l'isolement, des sentiments profonds envers une fille unique qui suggèrent une tendance à la monogamie et cherchant toujours à se rebeller et à agir selon ses propres désirs et non ceux des autres, mais lorsqu'il est menacé d'être transféré dans un endroit isolé, loin de chez lui, précisément à cause de sa conduite négative, perdant ainsi les privilèges que lui confère sa position sociale, il décide d'embrasser complètement le style de vie du nouveau monde, devenant peut-être l'une des principales figures représentatives de l'alpha plus.

Le second est John, un personnage qui vit dans la réserve et qui est reconnu comme appartenant au groupe des sauvages, mais qui est en fait le fils du principal représentant du plus alpha, qui a abandonné une de ses nombreuses compagnes dans la réserve qui, neuf mois plus tard, donnera naissance à John. Le garçon se trouve donc être un enfant de deux mondes; il a grandi dans la réserve, mais sa famille vient du nouveau monde. Cela l'amène à développer un teint de peau différent de celui des sauvages, c'est pourquoi il est traité avec une forte distanciation au sein de la réserve. Malgré cela, il est très conditionné par le mode de vie et les principes des sauvages et, suite à son transfert dans le nouveau monde, il développe un grand sentiment de malaise et de dégoût envers cette société qui lui offre tant, en réalité beaucoup trop pour lui, et d'une manière trop différente et contre toute logique telle qu'il la comprend, un malaise qui le conduira bientôt au suicide, ayant alors réalisé qu'il ne peut pas changer le monde dans lequel il se trouve vivre.

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En 1949, un autre texte dystopique important, symbole du XXe siècle, est publié : 1984 de George Orwell, pour l'élaboration duquel il s'est inspiré du Nouveau Monde de Huxley, dans lequel il s'en prend amèrement à l'idéologie qui sous-tend les systèmes de pouvoir totalitaires, d'une manière en partie liée à l'analyse qu'il a développée dans ses travaux précédents, dont La Ferme des animaux, mais, alors que, dans ce texte, il analysait et critiquait principalement le système stalinien, dans 1984 nous pouvons trouver des éléments qui, en plus de nous ramener au stalinisme toujours fortement présent - comme la figure de Big Brother - peuvent être associés à toute forme de pouvoir totalitaire.

L'univers décrit par Orwell voit un monde divisé en trois macro-continents, constamment en guerre les uns contre les autres, formés à la suite d'une dernière grande guerre. L'histoire se déroule à Londres, qui se trouve sur le continent océanien, contrôlé par un parti totalitaire et oppressif, le Socing, dirigé par le personnage de Big Brother, dont on ne sait même pas s'il existe réellement.

Dans l'État d'Océanie, la vie de tout individu est extrêmement axée sur l'adoration et le respect du parti et de Big Brother et sur la haine des subversifs et des autres États. La société entière vit un quotidien programmé minute par minute et constamment surveillé par une série de caméras et de microphones situés partout, de la rue aux lieux de travail, et même dans les maisons; la vie privée n'est pas envisagée dans le cadre de 1984. Toute forme de subversion, même la plus minime et insignifiante, est sévèrement punie en prenant les sujets subversifs et en les transférant dans le lieu appelé le Ministère de l'Amour, où ils sont interrogés, analysés et finalement torturés jusqu'à ce que leur esprit devienne la proie du conditionnement du parti, les amenant à ressentir de la terreur, mais aussi de l'amour pour Big Brother; la vie de ces sujets, une fois soumise à la torture devient si vide et conditionnée qu'elle perd complètement son importance.

Le protagoniste de l'histoire est Winston, un homme qui travaille au ministère de la Vérité, le lieu où toutes les informations relatives à la situation interne et externe de l'État d'Océanie sont retravaillées puis rediffusées au profit de l'image du Parti, afin que la société puisse le percevoir comme parfait, supérieur à ses ennemis, internes et externes.

Winston n'est pas à l'aise avec les politiques du Parti, il déteste toute la situation qu'il est forcé de vivre, mais, en même temps, il doit faire attention à ne pas extérioriser de telles pensées. Dans l'Etat d'Océanie, en effet, il existe un organisme de surveillance appelé la psychopolice, qui a pour mission de trouver toute personne présentant des signes de pensées subversives à l'égard du parti, afin de la récupérer et de l'amener au ministère de l'amour.

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Winston cultive donc secrètement des pensées et des désirs non conformes aux principes totalitaires du parti et de Big Brother, jusqu'à ce qu'il rencontre Julia, une fille qui partage entièrement les visions de Winston. Winston et Julia entament une histoire d'amour en secret et prennent plaisir à enfreindre les règles imposées par le parti, qui incluent les relations amoureuses qui ne visent pas exclusivement la procréation et l'idolâtrie de Big Brother; toute pratique susceptible de véhiculer un plaisir personnel non lié à la figure du parti, qu'elle soit sexuelle ou ludique, est rigoureusement interdite.

Winston et Julia, dans la deuxième partie du roman, sont découverts et arrêtés. Une fois séparés, ils sont emmenés au ministère de l'Amour, où ils subissent des tortures physiques et psychologiques qui les amènent à s'abandonner totalement à une foi aveugle dans le parti, en le respectant, en le craignant et en l'aimant en même temps, ce qui rendra leur vie insignifiante et soumise au point d'éliminer totalement ce qu'ils étaient auparavant. À la fin, nous ne comprenons même pas complètement si Winston est réellement tué ou non, mais après tout ce qu'il a traversé et qui l'a façonné, cette information perd même de son importance.

L'histoire de Huxley et celle d'Orwell sont deux histoires apparemment aux antipodes l'une de l'autre, avec deux systèmes de contrôle basés sur des principes opposés, mais menant au même résultat. Les deux sociétés décrites sont complètement assujetties, liées par une idéologie unique qui ne permet aucune forme de subversion et qui punit lourdement toute forme de désobéissance.

Dans Le Nouveau Monde, le pouvoir est entre les mains d'un petit groupe d'individus ; dans 1984, au contraire, il est apparemment entre les mains d'un seul homme, mais dans les deux cas, il y a une forme de contrôle de fer, avec des moyens différents, mais menant au même résultat. Le libre arbitre est dans les deux cas complètement éteint et les systèmes décrits par les auteurs sont tous deux invincibles, les protagonistes n'ont finalement qu'une seule option: la soumission totale aux principes et au mode de vie imposés par le système, ce qui peut conduire à plus d'une conclusion, de la mort à la perte totale de la conscience de soi, mais dans tous les cas, toute forme de rébellion, qu'elle soit matériellement visible ou seulement sous forme psychologique ou spirituelle, est inévitablement éradiquée.

En 1958, Huxley publie un essai, d'une importance fondamentale pour ce qui concerne sa pensée politique et philosophique, reprenant son récit Le Nouveau Monde et associant ses éléments à la réalité géopolitique et sociale que vit la société mondiale et aux principaux événements qui, au cours des vingt-cinq dernières années, ont entraîné des crises et des changements.

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Dans son essai, Huxley n'oublie pas de considérer le texte d'Orwell, en le louant d'un point de vue qualitatif et analytique, mais en observant que, si en 1949 l'univers décrit par Orwell pouvait être fortement crédible et refléter une réalité qui, selon toute vraisemblance, pouvait se retrouver au sein d'un système totalitaire comme celui présenté dans 1984, près de dix ans plus tard, les choses semblent avoir changé. En fait, Huxley observe que la société mondiale, qu'elle soit dans un système totalitaire ou démocratique, va lentement mais sûrement dans la direction qu'il a décrite dans Le Nouveau Monde. Même en Union soviétique, explique Huxley, les gens commencent à préférer le conditionnement transmis par un système de privilèges et pas seulement le conditionnement par la peur et la répression, même si, bien sûr, les formes de répression envers les subversifs, ou les sujets considérés comme tels, continuent d'exister.

Huxley explique que certaines formes de centralisation du pouvoir, économique et politique, peuvent se produire à la suite de certaines crises qui, si elles sont mal gérées, peuvent conduire à un point de rupture qui aboutit à la centralisation du pouvoir sur un seul sujet ou un petit groupe d'élite. En effet, dans les récits de Huxley et d'Orwell, ces centralisations du pouvoir se sont produites à la suite d'une sorte de crise mondiale apparemment liée à un contexte de guerre. En particulier, Huxley affirme que l'une des principales causes susceptibles de provoquer une crise qui rendrait inévitable une telle prise de pouvoir est le danger de surpopulation, qui entraînerait un déséquilibre entre la consommation et la disponibilité des ressources.

Toutefois, de nombreux éléments peuvent conduire à un point de rupture, ou point de non-retour, qui entraînerait à son tour les conséquences décrites ci-dessus. Il suffit d'un mauvais choix, d'une confiance mal placée dans un sujet, ou un groupe restreint de sujets, qui se révèlent alors incapables de gérer certaines situations, ou qui profitent de leur position pour instaurer une forme de régime doucement ou durement coercitif.

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De nombreux exemples similaires peuvent être trouvés dans l'histoire politique, mais ils sont aussi fortement présents dans la littérature. On trouve un scénario similaire, par exemple, dans le roman Lord of the Flies de William Golding, publié en 1954. Golding imagine en effet un groupe d'enfants qui, à la suite d'un accident d'avion, se retrouvent à vivre sur une île déserte, sans guide adulte. Dans ce contexte, les enfants sont obligés de chercher un moyen de survivre par eux-mêmes et de former une société organisée.

Ils essaient donc de s'organiser dans une société semi-démocratique, mais, à la fin, la direction passera entièrement sous la responsabilité de l'un d'entre eux, celui qui s'avère être le plus fort et le plus charismatique et donc, apparemment, transmet la sécurité et la sérénité, même s'il était clair que le plus apte en réalité à assumer le rôle de guide était un autre personnage, un garçon prudent, sage et toujours dubitatif, inquiet pour l'avenir du groupe, mais constamment marginalisé et traité violemment par tous à cause de son peu de charisme et de sa piètre forme physique.

Au fur et à mesure que le leadership passe sous la coupe du mauvais sujet, ou des mauvais sujets (puisque vers la fin de l'histoire, il y aura un transfert de pouvoir), les garçons s'embarquent dans un voyage qui les amènera à faire des choix de plus en plus mauvais qui mettront en danger la structure même de la société et sa survie et qui les amèneront progressivement mais sûrement à régresser vers un état animal, abandonnant de plus en plus leur humanité.

Ces narrations romanesques, et bien d'autres encore, ont en commun la représentation d'une société d'un point de vue dystopique qui, à la suite d'une crise provoquée par diverses raisons, a atteint un point de non-retour et s'est enfoncée dans une voie qui mène inexorablement à la perte totale de ce que l'on considère aujourd'hui comme des valeurs et des droits humains. C'est pourquoi il est fondamental de pouvoir éviter d'atteindre ce point de rupture et de réagir judicieusement à certaines crises, sous quelque forme que ce soit, avant de commettre des erreurs dont il est difficile de revenir en arrière.

Carlo Desideri, In Storia.it N° 162 / Juin 2021 (CXCIII)

BIBLIOGRAPHIE

Golding W., Le Seigneur des mouches, Mondadori, Milan 2014.

Huxley A., Il Mondo Nuovo e Ritorno al Mondo Nuovo, Mondadori, Milan 2015.

Orwell G., 1984, Mondadori, Milan 2015.

Orwell G., La Fattoria degli animali, Mondadori, Milan 2014.

mardi, 09 juin 2020

En 1960, Aldous Huxley interviewé en français par Hubert Aquin

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En 1960, Aldous Huxley interviewé en français par Hubert Aquin

Rencontre exceptionnelle avec Aldous Huxley qui parle en français de ses débuts comme écrivain, des auteurs littéraires qui l'ont influencé, de son expérience de la drogue et des effets de celle-ci sur l'esprit, de son intérêt pour la psychiatrie et de ses projets littéraires. Il commente son volume, "Le Meilleur des mondes ", et donne son opinion sur la technologie moderne, la télévision et la surpopulation.
 
 
Source : Premier Plan, 12 juin 1960
Journaliste : Hubert Aquin
Animateur : Raymond Charette
Encore plus de nos archives : https://ici.radio-canada.ca/archives/...

mercredi, 07 février 2018

Néo-totalitarisme: Huxley fait le point en 1957

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Néo-totalitarisme: Huxley fait le point en 1957

Les carnets de Nicolas Bonnal

Nota : ce texte est long et dûment référencé. Il apparaîtra pessimiste à certains.

On est en 1957. Sputnik fait rêver les plus conditionnés, mais Aldous Huxley rappelle :

« En 1931, alors que j'écrivais Le Meilleur des Mondes, j'étais convaincu que le temps ne pressait pas encore. La société intégralement organisée, le système scientifique des castes, l'abolition du libre arbitre par conditionnement méthodique, la servitude rendue tolérable par des doses régulières de bonheur chimiquement provoqué, les dogmes orthodoxes enfoncés dans les cervelles pendant le -sommeil au moyen des cours de nuit, tout cela approchait; se réaliserait bien sûr, mais ni de mon vivant, ni même du vivant de mes petits-enfants. »

Il fait un constat après la guerre, comme Bertrand de Jouvenel :

« Vingt-sept ans plus tard, dans ce troisième quart du vingtième siècle après J-C. et bien longtemps avant la fin du premier siècle après F., je suis beaucoup moins optimiste que je l'étais en écrivant Le Meilleur des Mondes. Les prophéties faites en 1931 se réalisent bien plus tôt que je le pensais. L'intervalle béni entre trop de désordre et trop d'ordre n'a pas commencé et rien n'indique qu'il le fera jamais. En Occident, il est vrai, hommes et femmes jouissent encore dans une appréciable mesure de la liberté individuelle, mais même dans les pays qui ont une longue tradition de gouvernement démocratique cette liberté, voire le désir de la posséder, paraissent en déclin. Dans le reste du monde, elle a déjà disparu, ou elle est sur le point de le faire. Le cauchemar de l'organisation intégrale que j'avais situé dans le septième siècle après F. a surgi de lointains dont l'éloignement rassurait et nous guette maintenant au premier tournant. »

AH-MdM1.jpgLe communisme a facilement chuté partout finalement mais il a été remplacé parce que Debord nomme le spectaculaire intégré. Tocqueville déjà disait « qu’en démocratie on laisse le corps pour s’attaquer à l’âme. »

Le futur c’est la carotte plutôt que le bâton (cf. mes textes sur Tocqueville, Nietzsche ou le film Network) :

« A la lumière de ce que nous avons récemment appris sur le comportement animal en général et sur le comportement humain en particulier, il est devenu évident que le contrôle par répression des attitudes non conformes est moins efficace, au bout du compte, que le contrôle par renforcement des attitudes satisfaisantes au moyen de récompenses et que, dans l'ensemble, la terreur en tant que procédé de gouvernement rend moins bien que la manipulation non violente du milieu, des pensées et des sentiments de l'individu. »

La manipulation est donc à l’ordre du jour :

« Pendant ce temps, des forces impersonnelles sur lesquelles nous n'avons presque aucun contrôle semblent nous pousser tous dans la direction du cauchemar de mon anticipation et cette impulsion déshumanisée est sciemment accélérée par les représentants d'organisations commerciales et politiques qui ont mis au point nombre de nouvelles techniques pour manipuler, dans l'intérêt de quelque minorité, les pensées et les sentiments des masses. »

La clé du système est son renforcement par la démographie explosive :

« De plus, l'accroissement annuel lui-même s'accroît : régulièrement, selon la règle des intérêts composés et irrégulièrement aussi, à chaque application, par une société technologiquement retardataire, des principes de la Santé publique. A l'heure présente, cet excédent atteint 43 millions environ pour l'ensemble du globe, ce qui signifie que tous les quatre ans l'humanité ajoute à ses effectifs l'équivalent de la population actuelle des Etats-Unis - tous les huit ans et demi l'équivalent de la population actuelle des Indes. »

Huxley remet à sa place les blablas sur la pseudo-conquête spatiale :

« Une nouvelle ère est censée avoir commencé le 4 octobre 1957, mais en réalité, dans l'état présent du monde, tout notre exubérant bavardage post-spoutnik est hors de propos, voire même absurde. En ce qui concerne les masses de l'humanité, l'âge qui vient ne sera pas celui de l'Espace cosmique, mais celui de la surpopulation. »

Conséquence ? Les « trous à merde » de Donald :

« Les faits contrôlables semblent indiquer assez nettement que dans la plupart des pays sous-développés, le sort de l'individu s'est détérioré de façon appréciable au cours du dernier demi-siècle. Les habitants sont plus mal nourris; il existe moins de biens de consommation disponibles par tête et pratiquement tous les efforts faits pour améliorer la situation ont été annulés par l'impitoyable pression d'un accroissement continu de la population. »

Le « plus froid des monstres froids » (Nietzsche) va se développer. Une remarque digne de Jouvenel :

« Ainsi, des pouvoirs de plus en plus grands sont concentrés entre les mains de l'exécutif et de ses bureaucrates. Or, la nature du pouvoir est telle que même ceux qui ne l'ont pas recherché mais à qui il a été imposé, ont tendance à y prendre goût… »

Le Deep State (le « minotaure » de Jouvenel) est condamné à croître avec le totalitarisme dans les pays en voie de surpeuplement :

« Insécurité et agitation mènent à un contrôle accru exercé par les gouvernements centraux et à une extension de leurs pouvoirs. En l'absence d'une tradition constitutionnelle, ces pouvoirs accrus seront probablement exercés de manière dictatoriale. »

AH-TF2.jpgLa surpopulation américaine menacera la démocratie américaine (triplement en un siècle ! La France a crû de 40% en cinquante ans) :

« Pour le moment, la surpopulation ne constitue pas pour la liberté individuelle des Américains un danger direct, mais déjà la menace d'une menace. »

Eugéniste, proche de Carrel ici, Huxley annonce un déclin qualitatif de notre population et de notre intelligence, fait aujourd’hui reconnu :

« Malgré les nouvelles drogues-miracle et des traitements plus efficaces (on peut même dire en un certain sens, grâce à eux), la santé physique de la masse ne s'améliorera pas, au contraire, et un déclin de l'intelligence moyenne pourrait bien accompagner cette détérioration. »

Huxley critique froidement les progrès de la médecine (ou leur mauvaise gestion) :

« La mort rapide due à la malaria a été supprimée, mais une existence rendue misérable par la sous-alimentation et le surpeuplement est main- tenant la règle et une mort lente, par inanition, guette un nombre de plus en plus grand d'habitants. »

Huxley ici reprend Bernays sur la montée des élites :

« Nous voyons donc que la technique moderne a conduit à la concentration du pouvoir économique et politique ainsi qu'au développement d'une société contrôlée (avec férocité dans les Etats totalitaires, courtoisie et discrétion dans les démocraties) par les Grosses Affaires et les Gros Gouvernements. »

Notre auteur cite Fromm :

« …Notre société tend à faire de lui un automate qui paie son échec sur le plan humain par des maladies mentales toujours plus fréquentes et un désespoir qui se dissimule sous une frénésie de travail et de prétendu plaisir. »

Puis Huxley évalue la nullité des hommes modernes et par là se rapproche de René Guénon (voyez l’anonymat dans le règne de la quantité) :

« Ces millions d'anormalement normaux vivent sans histoires dans une société dont ils ne s'accommoderaient pas s'ils étaient pleinement humains et s'accrochent encore à « l'illusion de l'individualité », mais en fait, ils ont été dans une large mesure dépersonnalisés. Leur conformité évolue vers l'uniformité. »

Le futur est à la termitière :

« La civilisation este entre autres choses, le processus par lequel les bandes primitives sont transformées en un équivalent, grossier et mécanique, des communautés organiques d'insectes sociaux. A l'heure présente, les pressions du surpeuplement et de l'évolution technique accélèrent ce mouvement. La termitière en est arrivée à représenter un idéal réalisable et même, aux yeux de certains, souhaitable. »

Termitière ? Plus effrayant encore ce passage – car tous les mots sont rentrés dans notre lexique :

« Ainsi que l'a montré Mr. William Whyte dans son remarquable ouvrage, The Organization man, une nouvelle Morale Sociale est en train de remplacer notre système traditionnel qui donne la première place à l'individu. Les mots clefs en sont : « ajustement », « adaptation », « comportement social ou antisocial », « intégration », « acquisition de techniques sociales », « travail d'équipe », « vie communautaire », « loyalisme communautaire », « dynamique communautaire », « pensée communautaire », « activités créatrices communautaires »…

Car l’ingénierie sociale c’est la fin du christianisme et même du Christ :

« Selon la Morale Sociale, Jésus avait complètement tort quand il affirmait que le sabbat a été fait pour l'homme pour l'homme; au contraire, c'est l'homme qui. a été fait pour le sabbat, qui doit sacrifier ses particularités natives et faire semblant d'être la sorte de bon garçon invariablement liant que les organisateurs d'activités collectives considèrent comme le plus propre à leurs fins. »

En bon patricien britannique (voyez mon livre sur Tolkien, mes essais sur Chesterton), Huxley refuse cet assemblage :

« Un gouffre immense sépare l'insecte social du mammifère avec son gros cerveau, son instinct grégaire très mitigé et ce gouffre demeurerait, même si l'éléphant s'efforçait d'imiter la fourmi. Malgré tous leurs efforts, les hommes ne peuvent que créer une organisation et non pas un organisme social. En s'acharnant à réaliser ce dernier, ils parviendront tout juste à un despotisme totalitaire. »

Le futur indolore de la domination est programmé :

« Dans les dictatures plus efficaces de demain, il y aura sans doute beaucoup moins de force déployée. Les sujets des tyrans à venir seront enrégimentés sans douleur par un corps d'ingénieurs sociaux hautement qualifiés. »

AH-RMdM3.jpgDix ans avant Umberto Eco (voyez mon livre sur Internet), Huxley annonce un nouveau moyen âge, pas celui de Guénon bien sûr, celui de Le Goff plutôt :

« Les forces impersonnelles du surpeuplement et de l'excès d'organisation jointes aux ingénieurs sociologues qui essaient de les diriger, nous poussent vers un nouveau système médiéval. »

Huxley annonce la propagande à venir en occident :

« La propagande pour une action dictée par des impulsions plus basses que l'intérêt présente des preuves forgées, falsifiées, ou tronquées, évite les arguments logiques et cherche à influencer ses victimes par la simple répétition de slogans, la furieuse dénonciation de boucs émissaires étrangers ou nationaux, et l'association machiavélique des passions les plus viles aux idéaux les plus élevés… »

Huxley méprise la liberté de la presse en rappelant ce simple fait :

« En ce qui concerne la propagande, les premiers partisans de l'instruction obligatoire et d'une presse libre ne l'envisageaient que sous deux aspects : vraie ou fausse. Ils ne prévoyaient pas ce qui, en fait, s'est produit- le développement d'une immense industrie de l'information, ne s'occupant dans l'ensemble ni du vrai, ni du faux, mais de l'irréel et de l'inconséquent à tous les degrés. En un mot, ils n'avaient pas tenu compte de la fringale de distraction éprouvée par les hommes. »

On retombe dans le pain et les jeux de Juvénal :

« Pour trouver une situation comparable, fût-ce de loin, à celle qui existe actuellement, il nous faut remonter jusqu'à la Rome impériale, où la populace était maintenue dans la bonne humeur grâce à des doses fréquentes et gratuites des distractions les plus variées, allant des drames en vers aux combats de gladiateurs, des récitations de Virgile aux séances de pugilat, des concerts aux revues militaires et aux exécutions publiques. Mais même à Rome, il n'existait rien de semblable aux distractions ininterrompues fournies par les journaux, les revues, la radio, la télévision et le cinéma. »

Une prédiction (prédiction ou constatation ?) terrible :

« Une société dont la plupart des membres passent une grande partie de leur temps, non pas dans l'immédiat et l'avenir prévisible, mais quelque part dans les autres mondes inconséquents du sport, des feuilletons, de la mythologie et de la fantaisie métaphysique, aura bien du mal à résister aux empiétements de ceux qui voudraient la manipuler et la dominer. »

Le futur est à la « distraction ininterrompue » qui se mêlera à la propagande.

Huxley cite Albert Speer. Après Hitler on n’a pas arrêté le progrès.

« Depuis l'époque de Hitler, l'arsenal des moyens techniques à la disposition de l'aspirant-dictateur a été considérablement développé! En plus de la radio, du haut-parleur, de la caméra de cinéma et de la presse rotative, le propagandiste contemporain peut faire usage de la télévision pour transmettre non seulement la voix, mais l'image de son client et enregistrer le tout sur des bandes magnétiques. Grâce aux progrès techniques, le Grand Frère peut maintenant être omniprésent presque autant que Dieu. D'ailleurs, il n'y a pas que dans ce domaine que des atouts nouveaux ont été apportés au jeu du dictateur. Depuis Hitler, des travaux considérables ont été faits en psychologie et neurologie appliquées, domaines d'élection du propagandiste, de l'endoctrineur, et du laveur de cerveaux. »

Puis Huxley compare Hitler à Bernays, l’inventeur de la cigarette pour les femmes :

« C'est par la manipulation de « forces cachées » que les experts en publicité vous incitent à acheter leurs produits - une pâte dentifrice, une marque de cigarettes, un candidat politique - et c'est en faisant appel aux mêmes, ainsi qu'à d'autres trop dangereuses pour que s'y frotte Madison Avenue, que Hitler a incité les masses allemandes à s'acheter un Führer, une philosophie insane et une Deuxième Guerre mondiale. »

Après Hitler, la publicité commerciale. Huxley cite Vance Packard et ajoute :

« Nous n'achetons plus des oranges, mais de la vitalité. Nous n'achetons plus une voiture, mais du prestige. » Il en est de même pour tout le reste. Avec un dentifrice, nous achetons non plus un simple détersif antiseptique, mais la libération d'une angoisse : celle d'être sexuellement repoussant. Avec la vodka et le whisky, nous n'achetons pas un poison protoplasmique qui, à doses faibles, peut déprimer le système nerveux de manière utile au point de vue psychologique, nous achetons de l'amabilité, du liant, la chaleur… Avec l'ouvrage à succès du mois, nous acquérons de la culture, l'envie de nos voisins moins intellectuels et le respect des raffinés. »

AH-PP4.jpgHuxley n’est pas très optimise non plus sur l’avenir des enfants mués en de la chair à télé :

« Comme on pouvait s'y attendre, les jeunes sont extrêmement sensibles à la propagande. Ignorants du monde et de ses usages, ils sont absolument sans méfiance, leur esprit critique n'est pas encore développé, les plus petits n'ont pas atteint l'âge de raison et les plus âgés n'ont pas acquis l'expérience sur laquelle leur faculté de raisonnement nouvellement découverte pourrait s'exercer. En Europe, les conscrits étaient désignés sous le nom badin de « chair à canon ». Leurs petits frères et leurs petites sœurs sont maintenant devenus de la chair à radio et à télévision. Dans mon enfance, on nous apprenait à chanter de petites rengaines sans grand sens ou, dans les familles pieuses, des cantiques. Aujourd'hui, les petits gazouillent de la publicité chantée. »

Pas d’illusions sur les élections et la politique :

« Les partis mettent leurs candidats et leurs programmes sur le marché en utilisant les mêmes méthodes que le monde des affaires pour vendre ses produits… Les services de ventes politiques ne font appel qu'aux faiblesses de leurs électeurs, jamais à leur force latente. Ils se gardent bien d'éduquer les masses et de les mettre en mesure de se gouverner elles-mêmes, jugeant très suffisant de les manipuler et de les exploiter. »

Sur le lavage de cerveau pratiqué dans notre planète-prison, Huxley rappelle :

« Si le système nerveux central du chien peut être brisé, celui d'un prisonnier politique aussi. Il s'agit seulement d'appliquer les doses de tension voulues pendant le temps voulu. A la fin du traitement, l'interné sera dans un état de névrose ou d'hystérie tel qu'il avouera ce que ses geôliers voudront. »

Huxley explique pourquoi notre système de suggestibilité encourage le somnambulisme puis il rappelle tristement :

« L'efficacité de la propagande politique et religieuse dépend des méthodes employées et non pas des doctrines enseignées. Ces dernières peuvent être vraies ou fausses, saines ou pernicieuses, peu importe. Si l'endoctrinement est bien fait au stade voulu de l'épuisement nerveux, il réussira. »

Opiomanie ou toxicomanie ? Huxley rappelle ici le fameux soma de son roman :

« La ration de soma quotidienne était une garantie contre l'inquiétude personnelle, l'agitation sociale et la propagation d'idées subversives. Karl Marx déclarait que la religion était l'opium du peuple, mais dans le Meilleur des Mondes la situation se trouvait renversée : l'opium, ou plutôt le soma, était la religion du peuple. »

Huxley rappelle nos progrès en chimie du cerveau et il prophétise l’addiction américaine responsable aujourd’hui de dizaines de milliers de morts :

« …prenez le cas des barbituriques et des tranquillisants. Aux U.S.A., ces remèdes peuvent être obtenus avec une simple ordonnance de docteur, mais l'avidité du public américain pour quelque chose qui rendra un peu plus supportable la vie dans le milieu urbain et industriel est si grande, que les médecins ordonnent actuellement de ces spécialités au rythme de 48 millions de prescriptions par an. »

On contrôlera donc l’opposition politique par les tranquillisants !

« Les masses ne risqueront pas de créer la moindre difficulté à leur maître. Seulement, dans l'état actuel des choses, les tranquillisants peuvent empêcher certaines personnes de créer assez de difficulté, non seulement à leurs dirigeants, mais à elles-mêmes. »

On peut même gagner la guerre par les tranquillisants !

« Lors d'une récente conférence sur le méprobamate, à laquelle je participais, un éminent biochimiste proposa en riant que le gouvernement des U.S.A. envoyât gratuitement au peuple soviétique 50 milliards de doses du plus populaire des tranquillisants. La plaisanterie avait son côté inquiétant. »

Chez Huxley comme chez La Boétie le fond du problème n’est pas la malignité de la science ou des élites sinon la médiocrité de la nature humaine démontrée ici par la science...

« Les idéaux de la démocratie et de la liberté se heurtent au fait brutal de la suggestibilité humaine. Un cinquième de tous les électeurs peut être hypnotisé presque en un clin d'œil, un septième soulagé de ses souffrances par des piqûres d'eau, un quart suggestionné avec rapidité et dans l'enthousiasme par I'hypnopédie. A toutes ces minorités trop promptes à coopérer, on doit ajouter les majorités aux réactions moins rapides dont la suggestibilité plus modérée peut être exploitée par n'importe quel manipulateur connaissant son affaire, prêt à y consacrer le temps et les efforts nécessaires. »

AH-J5.jpgQuant au futur, no comment :

« La liberté individuelle est-elle compatible avec un degré élevé de suggestibilité? Les institutions démocratiques peuvent-elles survivre à la subversion exercée du dedans par des spécialistes habiles dans la science et l'art d'exploiter la suggestibilité à la fois des individus et des foules? »

Il reste que le futur, en 1957, c’est aussi, c’est surtout cent millions de couillonnes sur Instagram admirant et imitant Kylie Jenner. Huxley :

« Et l'uniformisation des êtres était encore parachevée après la naissance par le conditionnement infantile, l'hypnopédie et l'euphorie chimique destinée à remplacer la satisfaction de se sentir libre et créateur. Dans le monde où nous vivons, ainsi qu'il a été indiqué dans des chapitres précédents, d'immenses forces impersonnelles tendent vers l'établissement d'un pouvoir centralisé et d'une société enrégimentée. La standardisation génétique est encore impossible, mais les Gros Gouvernements et les Grosses Affaires possèdent déjà, ou posséderont bientôt, tous les procédés pour la manipulation des esprits décrits dans Le Meilleur des Mondes, avec bien d'autres que mon manque d'imagination m'a empêché d'inventer. »

Le monde une prison, conclue Hamlet avec Rosencrantz et Guildenstern.

Huxley poursuit cruellement par les banalités d’usage sur l’éducation qui nous rendrait résistant :

« Si nous voulons éviter ce genre de tyrannie, il faut que nous commencions sans délai notre éducation et celle de nos enfants pour nous rendre aptes à être libres et à nous gouverner nous-mêmes. »

Cette éducation (cf. la chasse aux fake news) peut aisément être recyclée en ce que l’on sait !

Il rappelle ce truisme :

« Les effets d'une propagande mensongère et pernicieuse ne peuvent être neutralisés que par une solide préparation à l'art d'analyser ses méthodes et de percer à jour ses sophismes. »

Huxley rappelle à temps que personne ne veut de contre-propagande !

« Et pourtant, nulle part on n'enseigne aux enfants une méthode systématique pour faire le départ entre le vrai et le faux, une affirmation sensée et une autre qui ne l'est pas. Pourquoi? Parce que leurs aînés, même dans les pays démocratiques, ne veulent pas qu'ils reçoivent ce genre d'instruction. Dans ce contexte, la brève et triste histoire de l'Institute for Propaganda Analysis est terriblement révélatrice. Il avait été fondé en 1937, alors que la propagande nazie faisait le plus de bruit et de ravages, par Mr. Filene, philanthrope de la Nouvelle-Angleterre. Sous ses auspices, on pratiqua la dissection des méthodes de propagande non rationnelle et l'on prépara plusieurs textes pour l'instruction des lycéens et des étudiants. Puis vint la guerre, une guerre totale, sur tous les fronts, celui des idées au moins autant que celui des corps. Alors que tous les gouvernements alliés se lançaient dans “la guerre psychologique”, cette insistance sur la nécessité de disséquer la propagande sembla quelque peu dépourvue de tact. L'Institut fut fermé en 1941. »

Huxley rappelle les raisons de cette timidité :

« L'examen trop critique par trop de citoyens moyens de ce que disent leurs pasteurs et maîtres pourrait s'avérer profondément subversif. Dans sa forme actuelle, l'ordre social dépend, pour continuer d'exister, de l'acceptation, sans trop de questions embarrassantes, de la propagande mise en circulation par les autorités et de celle qui est consacrée par les traditions locales. »

AH-Dm6.jpgDans son maigre énoncé des solutions (il n’en a pas), Huxley évoque alors la prison sans barreau (the painless concentration camp, expression mise en doute par certains pro-systèmes !) :

« Il est parfaitement possible qu'un homme soit hors de prison sans être libre, à l'abri de toute contrainte matérielle et pourtant captif psychologiquement, obligé de penser, de sentir et d'agir comme le veulent les représentants de l'Etat ou de quelque intérêt privé à l'intérieur de la nation. »

Huxley recommande de protéger les lieux publics et la télévision. Or on ne peut protéger les lieux publics et la télévision qui ne sont là que pour vendre et pour puer : il faut donc les éviter. Si ton œil t’est objet de tentation…

Il note justement que « les formes libérales serviront simplement à masquer et à enjoliver un fond situé aux antipodes du libéralisme », et que le futur n’est guère plus joyeux que le présent de Bernays : « Entre-temps, l'oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs mentaux mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera. »

Sur notre futur monopolistique, Huxley ne se fait guère d’illusions (qui s’en fait encore ?) :

« Mais c'est un fait historique aujourd'hui que les moyens de production sont rapidement centralisés et monopolisés par les Grosses Affaires et les Gros Gouvernements. Par conséquent, si vous avez foi en la démocratie, prenez des mesures pour distribuer les biens aussi largement que possible. »

Huxley, beaucoup moins méchant que ce que pensent pas mal d’antisystèmes, propose une solution de révolution médiévale digne de Chesterton et Belloc :

« Par conséquent, si vous souhaitez éviter l'appauvrissement spirituel des individus et de sociétés entières, quittez les grands centres et faites revivre les petites agglomérations rurales, ou encore humanisez la ville en créant à l'intérieur du réseau de son organisation mécanique, les équivalents urbains des petits centres ruraux où les individus peuvent se rencontrer et coopérer en qualité de personnalités complètes, et non pas comme de simples incarnations de fonctions spécialisées. »

Mais rien n’y fait (on est à l’époque du génial Mumford) :

« Nous savons que, pour la plupart de nos semblables, la vie dans une gigantesque ville moderne est anonyme, atomique, au-dessous du niveau humain, néanmoins les villes deviennent de plus en plus démesurées et le mode de vie urbano-industriel demeure inchangé. »

Huxley, qui finit par citer Dostoïevski et son grand inquisiteur, ne se fait guère d’illusions, sondages à l’appui :

« Aux U.S.A. - et l'Amérique est l'image prophétique de ce que sera le reste du monde urbano-industriel dans quelques années d'ici - des sondages récents de l'opinion publique ont révélé que la majorité des adolescents au-dessous de vingt ans, les votants de demain, ne croient pas aux institutions démocratiques, ne voient pas d'inconvénient à la censure des idées impopulaires, ne jugent pas possible le gouvernement du peuple par le peuple et s'estimeraient parfaitement satisfaits d'être gouvernés d'en haut par une oligarchie d'experts assortis, s'ils pouvaient continuer à vivre dans les conditions auxquelles une période de grande prospérité les a habitués. »

Les jeunes sont soumis, les ados sont pires que les autres, comme je l’ai constaté dans ma jeunesse et comme  le montrera le succès mondial de culture sexe, drogue, rock. Huxley :

« Que tant de jeunes spectateurs bien nourris de la télévision, dans la plus puissante démocratie du monde, soient si totalement indifférents à l'idée de se gouverner eux-mêmes, s'intéressent si peu à la liberté d'esprit et au droit d'opposition est navrant, mais assez peu surprenant. »

Il évoque les oiseaux (La Boétie évoquait les chiens) …

« Tout oiseau qui a appris à gratter une bonne pitance d'insectes et de vers sans être obligé de se servir de ses ailes renonce bien vite au privilège du vol et reste définitivement à terre. »

La suite est lyrique !

« Le cri de « Donnez-moi la télévision et des saucisses chaudes, mais ne m'assommez pas avec les responsabilités de l'indépendance », fera peut-être place, dans des circonstances différentes à celui de « La liberté ou la mort ».

Et le maître de conclure :

« Il semble qu'il n'y ait aucune raison valable pour qu'une dictature parfaitement scientifique soit jamais renversée. »

Demandez à Zuckerberg, à la NSA et à Monsanto ce qu’ils en pensent.

Sources complémentaires

Huxley – Le meilleur des mondes ; retour au meilleur des mondes (1957), sur archive.org

Nicolas Bonnal – Comment les peuples sont devenus jetables ; comment les Français sont morts ; la culture comme arme de destruction massive (Amazon.fr)

Umberto Eco – Vers un nouveau moyen âge (1972)

Bertrand de Jouvenel – Du Pouvoir (Pluriel)

Vince Packard – Hidden persuaders

Armand Mattelart – Histoire de l’utopie planétaire (la Découverte)

Chesterton – What I saw in America (Gutenberg.org)

Shakespeare – Mesure pour mesure ; Hamlet ; La tempête (inlibroveritas.net)

La Boétie – Sur la servitude volontaire (Wikisource)

Tocqueville – De la démocratie en Amérique (classiques.Uqac.ca)

Debord – Commentaires

dimanche, 19 novembre 2017

Deux vidéos sur Aldous Huxley

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Qui était Aldous Huxley ?

Une vie une oeuvre: Aldous Huxley

France Culture - Une vie une oeuvre : Aldous Huxley
 

vendredi, 15 avril 2016

Le Meilleur des mondes ou l’illusion d’un bonheur éternel

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Le Meilleur des mondes ou l’illusion d’un bonheur éternel

Le visionnaire Aldous Huxley, dans sa célèbre dystopie Le meilleur des mondes, crée une société fictive mêlant productivisme, technocratisme, eugénisme et contrôle intégral de l’individu. En préfigurant les totalitarismes, il a montré avant l’heure en quoi le scientisme aveugle ne pouvait mener qu’au désastre.

Paru en 1932, période de la montée des nationalismes et des totalitarismes, Le meilleur des mondes est devenu une référence du roman d’anticipation, à l’instar du 1984 de George Orwell. Cette dystopie, arborant un visage terrifiant, se déroule en 600 N.F (Nouvelle Ford). Ford, devenu une sorte de Jésus Christ moderne dans le livre, est l’un des créateurs d’une forme de travail dans laquelle les ouvriers consomment ce qu’ils produisent pour un salaire de 5 dollars. C’est la naissance de la célèbre Ford T noire si uniforme, si novatrice, initiatrice de la consommation de masse. Pétri d’une culture autant scientifique que littéraire, Aldous Huxley est l’auteur de quarante-sept livres qui ont pour principaux thèmes les dangereuses mutations des sociétés occidentales et la quête spirituelle des êtres.

La dystopie d’Huxley est eugéniste, elle n’hésite pas à mettre à mort les enfants qui ne correspondent pas aux critères prédéfinis. Les êtres humains ne sont plus vivipares, les enfants sont créés dans des tubes par des machines et leur destin est tracé dès le départ. Lors de leur développement, si une difformité ou une malformation apparaît, ils appartiendront aux castes inférieures Deltas et Epsilon, celles des monstres. On peut délibérément augmenter le nombre de cette caste en intervenant tôt dans la gestation et en modifiant le milieu de croissance. En revanche si un surplus d’intelligence est détecté, les êtres appartiendront à l’élite, la caste des Alphas et Bêtas. Dès leur naissance, les enfants sont conditionnés. Les mécanismes cérébraux qui sous-tendent la mémoire, les pensées, les émotions, les comportements sont sous contrôle permanent grâce à des procédés multiples et sophistiqués. Des livres et des fleurs sont montrés accompagnés très tôt aux enfants accompagnés systématiquement d’une décharge électrique ; l’objectif est d’associer de façon permanente douleur et lecture ou douleur et fleurs. La lecture est proscrite car pouvant amener des idées subversives, de même que la contemplation de la Nature susceptible de favoriser la solitude, état insupportable dans cette société où la présence des autres autour de soi se doit d’être permanente. L’innovation scientifique poussée à l’extrême empêche les gens de vieillir, et les prive de la survenue des marques dues au temps, comme les rides. Nous sommes sur le chemin du rêve transhumaniste, celui de l’homme augmenté, qui grâce à la science voit ses capacités croître jusqu’à faire de lui un être immortel. Mais serait-il toujours humain à ce moment-là ? La réalité de la mort donne du prix à la vie ; s’en affranchir, est-ce vivre encore ?

La dénonciation du bonheur obligatoire

Dans cette société huxleyienne, il est interdit d’être malheureux. Dès qu’une pensée mauvaise traverse l’esprit, il suffit de  prendre du Soma, une drogue définie par l’Administrateur comme constituant « tous les avantages du Christianisme et de l’alcool sans aucun de leurs défauts », c’est une sorte d’anxiolytique, incontournable pour retrouver le sourire. Le conditionnement des individus les pousse non seulement à être heureux de leur sort et de la caste à laquelle ils appartiennent  mais les détermine à penser qu’une situation autre est inenvisageable. Le gouvernement instaure une « paix sociale » dans laquelle toute révolte est impossible,  insensée puisque non nécessaire et non voulue ; tous les besoins sont supposés être comblés. Lorsque Bernard Marx commence à s’interroger sur lui-même et sur son instrumentalisation, qu’il tente d’en discuter avec Lenina, sa nouvelle conquête, celle-ci s’en étonne. Le conditionnement qu’elle a subi l’empêche de se voir comme un objet sexuel. Sa chosification attriste Bernard Marx qui ressent pour elle un désir monogame – suprême perversion ! – mais elle-même ne s’en émeut en rien.

Le bonheur permanent prôné se révèle dévastateur, les individus ne peuvent encaisser la moindre contrariété.  Ils deviennent fragiles, incapables de supporter la violence ou la critique car ils n’ont jamais été confrontés à de telles situations. À l’âge adulte, ils restent des enfants, inaptes à accepter la frustration, refusant les limites imposés par toute autre personne que celle ayant officiellement autorité sur eux. La société de bonheur permanent décrite par Huxley se révèle par certains côtés proches de celle de l’American way of life. Ainsi, le Cinéma Sentant, concept permettant aux spectateurs de sentir sur eux-mêmes toutes les actions du film, est à rapprocher par son  côté aliénant, asservissant de celui décrit par  Guy Debord, quand il évoque la T.S.F comme préfiguratrice de la société du spectacle : « L’aliénation du spectateur au profit de l’objet contemplé s’exprime ainsi : plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir… »

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On peut également rapprocher la société décrite d’un État totalitaire. Quand en 1951, Hannah Arendt publie Les origines du totalitarisme, elle explique que ce phénomène politique inédit incarne l’effondrement d’une sagesse qui servait de socle à la politique occidentale. Comme dans l’ouvrage d’Huxley, la nouveauté de l’organisation réside dans sa finalité qui consiste à rassembler des masses et non plus des classes ; cette multitude de gens informes, indifférents les uns aux autres, embrigadés, ce qui donne la possibilité de les conditionner et d’installer un lien vertical fort.

Modernité ou totalitarisme

aldousr_n301g9B1V71rqpa8po1_400.jpgLe Sauvage est le seul personnage à ne pas avoir subi de conditionnement. Lorsque Bernard Marx le ramène pour le présenter à son père, le chef Tomakin, le Sauvage se révèle incapable de comprendre encore moins de suivre les règles de cette civilisation. On apprend que lorsqu’il a été mis au monde, sa mère ne lui a exprimé aucun amour, n’a eu envers lui aucun geste d’affection. Rien de plus normal. Sa mère Linda, issue de cette société du bonheur permanent, n’a jamais été habituée à manifester le moindre sentiment. Les mots tels que « monogamie », « mère », et « père » étaient supprimés, bannis  du vocabulaire de la communauté. Le Sauvage reproche à cette société la perte de relation avec soi qu’elle instaure. Les individus considérés uniquement comme des consommateurs sont obnubilés par la satisfaction de leurs besoins basiques. Ils ne recherchent aucune spiritualité et encore moins d’explications sur ce qui régit le monde qui les entoure…

Ainsi, le Sauvage est peiné quand l’un de ses amis rit moqueusement lors d’une lecture de Shakespeare. Que ce soit Dieu, Shakespeare, la Solitude, tout ce qui est sérieux est considéré comme dérisoire, car dépassé par la modernité. Dans le monde décrit par Huxley, tout ce qui est incompréhensible des contemporains du Sauvage est considéré par principe comme obsolète. Ce dernier est regardé  avec stupéfaction lorsqu’il ose jeter le Soma et parler de liberté. Lorsqu’il est arrêté par l’Administrateur et que celui-ci lui demande s’il souhaite acquérir « le droit de vieillir, de devenir laid et impotent ; du droit d’avoir la syphilis et le cancer », il répond « je les réclame tous ». Il préfère largement vivre de façon lucide et endurer les réalités, aussi atroces soient-elles, d’une vraie vie, être capable d’affronter les douleurs du monde plutôt que de subir un  bonheur artificiel qui ne repose sur rien.

Le personnage du Sauvage qui s’inscrit dans un premier temps dans la tradition du « bon sauvage » popularisée par Daniel Defoe dans Robinson Crusoë, évolue par la suite. Il arrive à prendre de la distance, à réfléchir par lui-même et affirmer son opposition. Huxley par son biais exprime sa méfiance profonde envers l’État. Il consacrera dans son ouvrage : Retour au meilleur des mondes un chapitre à « l’excès d’organisation » qui mène au totalitarisme. Dans cet essai de 1958, Huxley constate combien ses prédictions entraient déjà dans les mœurs, bien plus rapidement qu’il ne l’escomptait. Il exprime ses craintes d’un Etat omniscient où « un homme soit […] obligé de penser, de sentir et d’agir comme le veulent les représentants de l’État ». Que dirait-il de notre monde avec son « prêt-à-penser » et ses injonctions péremptoires comme « manger cinq fruits et légumes par jour », « se faire dépister c’est prendre soin de son avenir » ou « les médicaments ne les prenez pas n’importe comment » ?

mardi, 30 juin 2015

Orwell, Huxley and America’s Plunge into Authoritarianism

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Legitimizing State Violence

Orwell, Huxley and America’s Plunge into Authoritarianism

by HENRY A. GIROUX
Ex: http://www.counterpunch.org

In spite of their differing perceptions of the architecture of the totalitarian superstate and how it exercised power and control over its residents, George Orwell and Aldus Huxley shared a fundamental conviction.  They both argued that the established democracies of the West were moving quickly toward an historical moment when they would willingly relinquish the noble promises and ideals of liberal democracy and enter that menacing space where totalitarianism perverts the modern ideals of justice, freedom, and political emancipation. Both believed that Western democracies were devolving into pathological states in which politics was recognized in the interest of death over life and justice. Both were unequivocal in the shared understanding that the future of civilization was on the verge of total domination or what Hannah Arendt called “dark times.”

While Neil Postman and other critical descendants have pitted Orwell and Huxley against each other because of their distinctively separate notions of a future dystopian society,[1] I believe that the dark shadow of authoritarianism that shrouds American society like a thick veil can be lifted by re-examining Orwell’s prescient dystopian fable 1984 as well as Huxley’s Brave New World in light of contemporary neoliberal ascendancy. Rather than pit their dystopian visions against each other, it might be more productive to see them as complementing each other, especially at a time when to quote Antonio Gramsci “The crisis consists precisely in the fact that the old is dying and the new cannot be born; in this interregnum a great variety of morbid symptoms appear.” [2]

Both authors provide insights into the merging of the totalitarian elements that constitute a new and more hybridized form of authoritarian control, appearing less as fiction than a threatening portend of the unfolding 21st century. Consumer fantasies and authoritarian control, “Big Brother” intelligence agencies and the voracious seductions of privatized pleasures, along with the rise of the punishing state—which criminalizes an increasing number of behaviors and invests in institutions that incarcerate and are organized principally for the production of violence–and the collapse of democratic public spheres into narrow market-driven orbits of privatization–these now constitute the new order of authoritarianism.

Orwell’s “Big Brother” found more recently a new incarnation in the revelations of government lawlessness and corporate spying by whistleblowers such as Chelsea Manning, Jeremy Hammond, and Edward Snowden.[3] All of these individuals revealed a government that lied about its intelligence operations, illegally spied on millions of people who were not considered terrorists or had committed no crime, and collected data from every conceivable electronic source to be stored and potentially used to squelch dissent, blackmail people, or just intimidate those who fight to make corporate and state power accountable.[4] Orwell offered his readers an image of the modern state in which privacy was no longer valued as a civil virtue and a basic human right, nor perceived as a measure of the robust strength of a healthy and thriving democracy. In Orwell’s dystopia the right to privacy had come under egregious assault, but the ruthless transgressions of privacy pointed to something more sinister than the violation of individual rights. The claim to privacy, for Orwell, represented a moral and political principle by which to assess the nature, power, and severity of an emerging totalitarian state. Orwell’s warning was intended to shed light on the horrors of totalitarianism, the corruption of language, the production of a pervasive stupidity, and the endless regimes of state spying imposed on citizens in the mid-20th-century.

orw84.jpgOrwell opened a door for all to see a “nightmarish future” in which everyday life becomes harsh, an object of state surveillance, and control—a society in which the slogan “ignorance becomes strength” morphs into a guiding principle of mainstream media, education, and the culture of politics. Huxley shared Orwell’s concern about ignorance as a political tool of the elite, enforced through surveillance and the banning of books, dissent, and critical thought itself. But Huxley, believed that social control and the propagation of ignorance would be introduced by those in power through the political tools of pleasure and distraction. Huxley thought this might take place through drugs and genetic engineering, but the real drugs and social planning of late modernity lies in the presence of an entertainment and public pedagogy industry that trades in pleasure and idiocy, most evident in the merging of neoliberalism, celebrity culture, and the control of commanding cultural apparatuses extending from Hollywood movies and video games to mainstream television, news, and the social media.

Orwell’s Big Brother of 1984 has been upgraded in the 2015 edition. As Zygmunt Bauman points out, if the older Big Brother presided over traditional enclosures such as military barracks, prisons, schools, and “countless other big and small panopticons, the updated Big Brother is not only concerned with inclusion and the death of privacy, but also the suppression of dissent and the widening of the politics of exclusion.[5] Keeping people out is the extended face of Big Brother who now patrols borders, hospitals, and other public spaces in order to “spot “the people who do not fit in the places they are in, banishing them from the place and departing them ‘where they belong,’ or better still never allowing them to come anywhere near in the first place.”[6]

This is the Big Brother that pushes youthful protests out of the public spaces they attempt to occupy. This is the hyper-nationalistic Big Brother clinging to notions of racial purity and American exceptionalism as a driving force in creating a country that has come to resemble an open air prison for the dispossessed. This is the Big Brother whose split personality portends the dark authoritarian universe of the 1 percent with their control over the economy and use of paramilitarised police forces, on the one hand, and, on the other, their retreat into gated communities manned by SWAT-like security forces.

The increasing militarization of local police forces who are now armed with weapons from the battlefields of Iraq and Afghanistan has transformed how the police respond to dealing with the public. Cops have been transformed into soldiers just as dialogue and community policing have been replaced by military-style practices that are way out of proportion to the crimes the police are trained to address. For instance, The Economist reported that “”SWAT teams were deployed about 3,000 times in 1980 but are now used around 50,000 times a year. Some cities use them for routine patrols in high-crime areas. Baltimore and Dallas have used them to break up poker games. In 2010 New Haven, Connecticut sent a SWAT team to a bar suspected of serving under-age drinkers. That same year heavily-armed police raided barber shops around Orlando, Florida; they said they were hunting for guns and drugs but ended up arresting 34 people for “barbering without a license”. Maricopa County, Arizona sent a SWAT team into the living room of Jesus Llovera, who was suspected of organizing cockfights.”[7]

In the advent of the recent display of police force in Ferguson, Missouri and Baltimore, Maryland it is unfair to view the impact of the rapid militarization of local police on poor black communities as nothing short of terrifying and symptomatic of the violence that takes place in authoritarian societies. For instance, according to a recent report produced by the Malcolm X Grassroots

Movement entitled Operation Ghetto Storm, ‘police officers, security guards, or self-appointed vigilantes extra judicially killed at least 313 African-Americans in 2012…This means a black person was killed by a security officer every 28 hours’. Michelle Alexander adds to the racist nature of the punishing state by pointing out that “There are more African American adults under correctional control today — in prison or jail, on probation or parole — than were enslaved in 1850, a decade before the Civil War began.”[8] Meanwhile the real violence used by the state against poor minorities of color, women, immigrants, and low income adults barely gets mentioned, except when it is so spectacularly visible that it cannot be ignored as in the cases of Eric Garner who was choked to death by a New York City policeman after he was confronted for illegally selling untaxed cigarettes. Or the case of Freddie Gray who had his spine severed and voice box crushed for making eye contact with a cop. These cases are not exceptional. For too many blacks, the police have turned their neighborhoods into war zones where cops parading as soldiers act with impunity.

Fear and isolation constitute an updated version of Big Brother. Fear is managed and is buttressed by a neoliberal logic that embraces the notion that while fear be accepted as a general condition of society, how it is dealt with by members of the American public be relegated to the realm of the private, dealt with exclusively as an individual consideration, largely removed from the collapse of authoritarian control and democratic rule, and posited onto the individual’s fear of the other. In the surveillance state, fear is misplaced from the political sphere and emergence of an authoritarian government to the personal concern with the fear of surviving, not getting ahead, unemployment, and the danger posed by the growing legions of the interminable others.  As the older order dies, a new one struggles to be born, one that often produces a liminal space that gives rise to monsters, all too willing to kidnap, torture, and spy on law abiding citizens while violating civil liberties.[9] As Antonio Gramsci once suggested, such an interregnum offers no political guarantees, but it does provide or at least gestures towards the conditions to reimagine “what is to be done,” how it might be done, and who is going to do it.[10]

Orwell’s 1984 continues to serve as a brilliant and important metaphor for mapping the expansive trajectory of global surveillance, authoritarianism, and the suppression of dissent that has characterized the first decades of the new millennium. The older modes of surveillance to which Orwell pointed, including his warnings regarding the dangers of microphones and giant telescreens that watch and listen are surprisingly limited when compared with the varied means now available for spying on people. Orwell would be astonished by this contemporary, refashioned “Big Brother” given the threat the new surveillance state poses because of its reach and the alleged “advance” of technologies that far outstretch anything he could have imagined—technologies that pose a much greater threat to both the personal privacy of citizens and the control exercised by sovereign power.

In spite of his vivid imagination, “Orwell never could have imagined that the National Security Agency (NSA) would amass metadata on billions of our phone calls and 200 million of our text messages every day. Orwell could not have foreseen that our government would read the content of our emails, file transfers, and live chats from the social media we use.”[11] Edward Snowden and other critics are correct about the dangers of the state’s infringement of privacy rights, but their analysis should be taken further by linking the issue of citizen surveillance with the rise of “networked societies,” global flows of power, and the emergence of a totalitarian ethos that defies even state-based control.[12] For Orwell, domination was state imposed and bore the heavy hand of unremitting repression and a smothering language that eviscerated any appearance of dissent, erased historical memory, and turned the truth into its opposite. For Orwell, individual freedom was at risk under the heavy hand of state terrorism.

In Orwell’s world, individual freedom and privacy were under attack from outside forces. For Huxley, in contrast, freedom and privacy were willingly given up as part of the seductions of a soft authoritarianism, with its vast machinery of manufactured needs, desires, and identities. This new mode of persuasion seduced people into chasing commodities, and infantilized them through the mass production of easily digestible entertainment, disposable goods, and new scientific advances in which any viable sense of agency was undermined. The conditions for critical thought dissolved into the limited pleasures instant gratification wrought through the use of technologies and consuming practices that dampened, if not obliterated, the very possibility of thinking itself. Orwell’s dark image is the stuff of government oppression whereas Huxley’s is the stuff of distractions, diversions, and the transformation of privacy into a cheap and sensational performance for public display. Neil Postman, writing in a different time and worried about the destructive anti-intellectual influence of television sided with Huxley and believed that repression was now on the side of entertainment and the propensity of the American public to amuse themselves to death. [13] His attempt to differentiate Huxley’s dystopian vision from Orwell’s is worth noting. He writes:

Orwell warns that we will be overcome by an externally imposed oppression. But in Huxley’s vision, no Big Brother is required to deprive people of their autonomy, maturity and history. As he saw it, people will come to love their oppression, to adore the technologies that undo their capacities to think. What Orwell feared were those who would ban books. What Huxley feared was that there would be no reason to ban a book, for there would be no one who wanted to read one. Orwell feared those who would deprive us of information. Huxley feared those who would give us so much that we would be reduced to passivity and egoism. Orwell feared that the truth would be concealed from us. Huxley feared the truth would be drowned in a sea of irrelevance. Orwell feared we would become a captive culture. … As Huxley remarked in Brave New World Revisited, the civil libertarians and rationalists who are ever on the alert to oppose tyranny “failed to take into account man’s almost infinite appetite for distractions.” In 1984, Huxley added, people are controlled by inflicting pain. In Brave New World, they are controlled by inflicting pleasure. In short, Orwell feared that what we hate will ruin us. Huxley feared that what we love will ruin us.[14]

Echoes of Huxley’s insights play out in the willingness of millions of people who voluntarily hand over personal information whether in the service of the strange sociality prompted by social media or in homage to the new surveillance state. New surveillance technologies employ by major servers providers now focus on diverse consumer populations who are targeted in the collection of endless amounts of personal information as they move from one site to the next, one geopolitical region to the next, and across multiple screens and digital apparatuses. As Ariel Dorfman points out, “social media users gladly give up their liberty and privacy, invariably for the most benevolent of platitudes and reasons,”[15] all the while endlessly shopping online, updating Facebook, and texting. Indeed, surveillance technologies are now present in virtually every public and private space – such as video cameras in streets, commercial establishments, workplaces, and even schools as well as the myriad scanners at entry points of airports, retail stores, sporting events, and so on – and function as control mechanisms that become normalized through their heightened visibility. In addition, the all-encompassing world of corporate and state surveillance is aided by our endless array of personal devices that chart, via GPS tracking, our every move, our every choice, and every pleasure.

orwell-eye.jpegAt the same time, Orwell’s warning about “Big Brother” applies not simply to an authoritarian-surveillance state but also to commanding financial institutions and corporations who have made diverse modes of surveillance a ubiquitous feature of daily life. Corporations use the new technologies to track spending habits and collect data points from social media so as to provide us with consumer goods that match our desires, employ face recognition technologies to alert store salesperson to our credit ratings, and so it goes. Heidi Boghosian points out that if omniscient state control in Orwell’s 1984 is embodied by the two-way television sets present in each home, then in “our own modern adaptation, it is symbolized by the location-tracking cell phones we willingly carry in our pockets and the microchip-embedded clothes we wear on our bodies.”[16] In this instance, the surveillance state is one that not only listens, watches, and gathers massive amounts of information through data mining, allegedly for the purpose of identifying “security threats.” It also acculturates the public into accepting the intrusion of commercial surveillance technologies – and, perhaps more vitally, the acceptance of privatized, commodified values – into all aspects of their lives. In other words, the most dangerous repercussions of a near total loss of privacy involve more than the unwarranted collecting of information by the government: we must also be attentive to the ways in which being spied on has become not only normalized, but even enticing, as corporations up the pleasure quotient for consumers who use new digital technologies and social networks – not least of all by and for simulating experiences of community.

Many individuals, especially young people, now run from privacy and increasingly demand services in which they can share every personal facet of their lives. While Orwell’s vision touches upon this type of control, there is a notable difference that he did not foresee. According to Pete Cashmore, while Orwell’s “Thought Police tracked you without permission, some consumers are now comfortable with sharing their every move online.”[17] The state and corporate cultural apparatuses now collude to socialize everyone – especially young people – into a regime of security and commodification in which their identities, values, and desires are inextricably tied to a culture of commodified addictions, self-help, therapy, and social indifference. Intelligence networks now inhabit the world of major corporations such as Disney and the Bank of America as well as the secret domains of the NSA, FBI and fifteen other intelligence agencies. As Edward Snowden’s revelations about the PRISM program revealed, the NSA also collected personal data from all of the major high tech giant service providers who according to a senior lawyer for the NSA, “were fully aware of the surveillance agency’s widespread collection of data.”[18]

The fact is that Orwell’s and Huxley’s ironic representations of the modern totalitarian state – along with their implied defense of a democratic ideal rooted in the right to privacy and the right to be educated in the capacity to be autonomous and critical thinkers– has been transformed and mutilated almost beyond recognition by the material and ideological registers of a worldwide neoliberal order. Just as we can envision Orwell’s and Huxley’s dystopian fables morphing over time from “realistic novels” into a “real life documentary,” and now into a form of “reality TV,” privacy and freedom have been radically altered in an age of permanent, non-stop global exchange and circulation. That is, in the current moment, the right to privacy and freedom have been usurped by the seductions of a narcissistic culture and casino capitalism’s unending desire to turn every relationship into an act of commerce and to make all aspects of daily life subject to market forces under watchful eyes of both government and corporate regimes of surveillance. In a world devoid of care, compassion, and protection, personal privacy and freedom are no longer connected and resuscitated through its connection to public life, the common good, or a vulnerability born of the recognition of the frailty of human life. Culture loses its power as the bearer of public memory, civic literacy, and the lessons of history in a social order where the worst excesses of capitalism are left unchecked and a consumerist ethic “makes impossible any shared recognition of common interests or goals.”[19] With the rise of the punishing state along with a kind of willful amnesia taking hold of the larger culture, we see little more than a paralyzing fear and apathy in response the increasing exposure of formerly private spheres to data mining and manipulation, while the concept of privacy itself has all but expired under a “broad set of panoptic practices.”[20] With individuals more or less succumbing to this insidious cultural shift in their daily lives, there is nothing to prevent widespread collective indifference to the growth of a surveillance culture, let alone an authoritarian state.

The worse fears of Huxley and Orwell merge into a dead zone of historical amnesia as more and more people embrace any and every new electronic device regardless of the risks it might pose in terms of granting corporations and governments increased access to and power over their choices and movements. Detailed personal information flows from the sphere of entertainment to the deadly serious and integrated spheres of capital accumulation and policing as they are collected and sold to business and government agencies who track the populace for either commercial purposes or for fear of a possible threat to the social order and its established institutions of power. Power now imprisons not only bodies under a regime of surveillance and a mass incarceration state but also subjectivity itself as the threat of state control is now coupled with the seductions of the new forms of passive inducing soma: electronic technologies, a pervasive commodified landscape, and a mind numbing celebrity culture.

Underlying these everyday conveniences of modern life, as Boghosian documents in great detail, is the growing Orwellian partnership between the militarized state and private security companies in the United States. Each day, new evidence surfaces pointing to the emergence of a police state that has produced ever more sophisticated methods for surveillance in order to enforce a mass suppression of the most essential tools for democratic dissent: “the press, political activists, civil rights advocates and conscientious insiders who blow the whistle on corporate malfeasance and government abuse.”[21] As Boghosian points out, “By claiming that anyone who questions authority or engages in undesired political speech is a potential terrorist threat, this government-corporate partnership makes a mockery of civil liberties.”[22] Nowhere is this more evident than in American public schools where a youth are being taught that they are a generation of suspects, subject to the presence of armed police and security guards, drug sniffing dogs, and an array of surveillance apparatuses that chart their every move, not to mention in some cases how they respond emotionally to certain pedagogical practices.

Whistleblowers are not only punished by the government; their lives are also turned upside down in the process by private surveillance agencies and major corporations who now work in tandem. For instance, the Bank of America assembled 15 to 20 bank officials and retained the law firm of Hunton & Williams in order to devise “various schemes to attack WikiLeaks and Greenwald whom they thought were about to release damaging information about the bank.”[23] It is worth repeating that Orwell’s vision of surveillance and the totalitarian state look mild next to the emergence of a corporate-private-state surveillance system that wants to tap into every conceivable mode of communication, collect endless amounts of metadata to be stored in vast intelligence storage sites around the country, and use that data to repress any vestige of dissent.[24]

As Huxley anticipated, any critical analysis must move beyond documenting abuses of power to how addressing contemporary neoliberal modernity has created a social order in which individuals become complicit with authoritarianism. That is, how is unfreedom internalized? What and how do state and corporate controlled institutions, cultural apparatuses, social relations, and policies contribute to making a society’s plunge into dark times self-generating as Huxley predicted? Put differently, what is the educative nature of a repressive politics and how does it function to secure the consent of the American public? And, most importantly, how can it be challenged and under what circumstances? Aided by a public pedagogy, produced and circulated through a machinery of consumption and public relations tactics, a growing regime of repression works through the homogenizing forces of the market to support the widespread embrace of an authoritarian culture and police state.

brave-new-world-cover.jpgRelentlessly entertained by spectacles, people become not only numb to violence and cruelty but begin to identify with an authoritarian worldview. As David Graeber suggests, the police “become the almost obsessive objects of imaginative identification in popular culture… watching movies, or viewing TV shows that invite them to look at the world from a police point of view.”[25] But it is not just the spectacle of violence that ushers individuals into a world in which brutality becomes a primary force for mediating relations as well as the ultimate source of pleasure, there is also the production of an unchecked notion of individualism that both dissolves social bonds and removes any viable notion of agency from the landscape of social responsibility and ethical consideration.

Absorbed in privatized orbits of consumption, commodification, and display, Americans vicariously participate in the toxic pleasures of the authoritarian state. Violence has become the organizing force of a society driven by a noxious notion of privatization in which it becomes difficult for ideas to be lifted into the public realm. Under such circumstances, politics is eviscerated because it now supports a market-driven view of society that has turned its back on the idea that social values, public trust, and communal relations are fundamental to a democratic society. This violence against the social mimics not just the death of the radical imagination, but also a notion of banality made famous by Hannah Arendt who argued that at the root of totalitarianism was a kind of thoughtlessness, an inability to think, and a type of outrageous indifference in which “There’s simply the reluctance ever to imagine what the other person is experiencing.” [26]

By integrating insights drawn from both Huxley and Orwell, it becomes necessary for any viable critical analysis to take a long view, contextualizing the contemporary moment as a new historical conjuncture in which political rule has been replaced by corporate sovereignty, consumerism becomes the only obligation of citizenship, and the only value that matters is exchange value. Precarity has replaced social protections provided by the state, just as the state cares more about building prisons and infantilizing the American public than it does about providing all of its citizens with quality educational institutions and health care. America is not just dancing into oblivion as Huxley suggested, it is also being pushed into the dark recesses of an authoritarian state. Orwell wrote dystopian novels but he believed that the sheer goodness of human nature would in the end be enough for individuals to develop modes of collective resistance he could only imagine in the midst of the haunting spectre of totalitarianism. Huxley was more indebted to Kafka’s notion of destabilization, despair, and hopelessness. For Huxley, the subject had lost his or her sense of agency and had become the product of a scientifically manufactured form of idiocy and conformity. Progress had been transformed into its opposite and science now needs to be liberated from itself. As Theodor Adorno has pointed out, where Huxley fails is that he has no sense of resistance. According to Adorno, “The weakness of Huxley’s entire conception is that it makes all its concepts relentlessly dynamic but nevertheless arms them against the tendency to turn into their own opposites.” [27] Hence, the forces of resistance are not simply underestimated but rendered impotent.

The authoritarian nature of the corporate-state surveillance apparatus and security system with its “urge to surveil, eavesdrop on, spy on, monitor, record, and save every communication of any sort on the planet”[28] can only be fully understood when its ubiquitous tentacles are connected to wider cultures of control and punishment, including security-patrolled corridors of public schools, the rise in super-max prisons, the hyper-militarization of local police forces, the justification of secret prisons and state-sanctioned torture abroad, and the increasing labeling of dissent as an act of terrorism in the United States. [29] This is part of Orwell’s narrative but it does not go far enough. The new authoritarian corporate-driven state deploys more subtle tactics to depoliticize public memory and promote the militarization of everyday life. Alongside efforts to defund public and higher education and to attack the welfare state, a wide-ranging assault is being waged across the culture on all spheres that encourage the public to hold power accountable. If these public institutions are destroyed, there will be few sites left in which to nurture the critical formative cultures capable of educating people to challenge the range of injustices plaguing the United States and the forces that reproduce them. One particular challenge comes from the success of neoliberal tyranny to dissolve those social bonds that entail a sense of responsibility toward others and form the basis for political consciousness. Under the new authoritarian state, perhaps the gravest threat one faces is not simply being subject to the dictates of what Quentin Skinner calls “arbitrary power,” but failing to respond with outrage when “my liberty is also being violated, and not merely by the fact that someone is reading my emails but also by the fact that someone has the power to do so should they choose.”[30] The situation is dire when people no longer seem interested in contesting such power. It is precisely the poisonous spread of a broad culture of political indifference that puts at risk the fundamental principles of justice and freedom which lie at the heart of a robust democracy. The democratic imagination has been transformed into a data machine that marshals its inhabitants into the neoliberal dream world of babbling consumers and armies of exploitative labor whose ultimate goal is to accumulate capital and initiate individuals into the brave new surveillance/punishing state that merges Orwell’s Big Brother with Huxley’s mind- altering soma.

Nothing will change unless people begin to take seriously the subjective underpinnings of oppression in the United States and what it might require to make such issues meaningful in order to make them critical and transformative. As Charles Derber has explained, knowing “how to express possibilities and convey them authentically and persuasively seems crucially important”[31] if any viable notion of resistance is to take place. The current regime of authoritarianism is reinforced through a new and pervasive sensibility in which people surrender themselves to the both the capitalist system and a general belief in its call for security. It does not simply repress independent thought, but constitutes new modes of thinking through a diverse set of cultural apparatuses ranging from the schools and media to the Internet. The fundamental question in resisting the transformation of the United States into a 21st-century authoritarian society must concern the educative nature of politics – that is, what people believe and how their individual and collective dispositions and capacities to be either willing or resistant agents are shaped.

I want to conclude by recommending five initiatives, though incomplete, that might help young people and others challenge the current oppressive historical conjuncture in which they along with other oppressed groups now find themselves. My focus is on higher education because that is the one institution that is under intense assault at the moment because it has not completely surrendered to the Orwellian state.[32]

First, there is a need for what can be called a revival of the radical imagination. This call would be part of a larger project “to reinvent democracy in the wake of the evidence that, at the national level, there is no democracy—if by ‘democracy’ we mean effective popular participation in the crucial decisions affecting the community.”[33] Democracy entails a challenge to the power of those individuals, financial elite, ruling groups, and large-scale enterprises that have hijacked democracy. At the very least, this means refusing to accept minimalist notions of democracy in which elections become the measure of democratic participation. Far more crucial is the struggle for the development public spaces and spheres that produce a formative culture in which the American public can imagine forms of democratic self-management of what can be called “key economic, political, and social institutions.”[34]

One step in this direction would be to for young people, intellectuals, scholars and other to go on the offensive in defending higher education as a public good, resisting as much as possible the ongoing attempt by financial elites to view its mission in instrumental terms as a workstation for capital. This means fighting back against a conservative led campaign to end tenure, define students as consumers, defund higher education, and destroy any possibility of faculty governance by transforming most faculty into adjuncts or what be called Walmart workers. Higher education should be harnessed neither to the demands of the warfare state nor the instrumental needs of corporations. In fact, it should be a viewed as a right rather than as an entitlement. Nowhere is this assault on higher education more evident than in the efforts of billionaires such as Charles and David Koch to finance academic fields, departments, and to shape academic policy in the interest of indoctrinating the young into the alleged neoliberal, free market mentality. It is also evident in the repressive policies being enacted at the state level by right-wing politicians. For instance, in Florida, Governor Rick Scott’s task force on education has introduced legislation that would lower tuition for degrees friendly to corporate interests in order to “steer students toward majors that are in demand in the job market.”[35] In Wisconsin, Governor Scott Walker drew up a proposal to remove the public service philosophy focus from the university’s mission statement which states that the university’s purpose is to solve problems and improve people’s lives. He also scratched out the phrase “the search for truth” and substituted both ideas with a vocabulary stating that the university’s goal is to meet “the state’s work force needs.”[36] But Walker’s disdain for higher education as a public good can be more readily understood given his hatred of unions, particularly those organized for educators. How else to explain his egregious comparison of union protesters to the brutal terrorists and thugs that make up ISIS and his ongoing attempts to eliminate tenure at Wisconsin’s public universities as well as to eviscerate any vestige of shared governance.[37]

bravhuxley2.jpegAnother egregious example of neoliberalism’s Orwellian assault on higher education can be found in the policies promoted by the Republican Party members who control the North Carolina Board of Governors. Just recently it has decimated higher education in that state by voting to cut 46 degree programs. One member defended such cuts with the comment: “We’re capitalists, and we have to look at what the demand is, and we have to respond to the demand.”[38] The ideology that drives this kind of market-driven assault on higher education was made clear by Republican governor, Pat McCrory who said in a radio interview “If you want to take gender studies, that’s fine, go to a private school and take it. But I don’t want to subsidize that if that’s not going to get someone a job.”[39] This is more than an example of crude economic instrumentalism, it is also a recipe for instituting an academic culture of thoughtlessness and a kind of stupidity receptive to what Hannah Arendt once called totalitarianism.

Second, young people and progressives need create the institutions and public spaces in which education becomes central to as a counter-narrative that serves to both reveal, interrogate, and overcome the common sense assumptions that provide the ideological and affective webs that tie many people to forms of oppression. Domination is not just structural and its subjective roots and pedagogical mechanisms need to be viewed as central to any politics that aims to educate, change individual and collective consciousness, and contribute to broad-based social formations. Relatedly, a coalition of diverse social movements from unions to associations of artists, educators, and youth groups need to develop a range of alternative public spheres in which young people and others can become cultural producers capable of writing themselves back into the discourse of democracy while bearing witness to a range of ongoing injustices from police violence to the violence of the financial elite.

Third, America has become a society in which the power at the state and national levels has become punitive for most Americans and beneficial for the financial and corporate elite. Punishment creep now reaches into almost every commanding institution that holds sway over the American public and its effects are especially felt by the poor, blacks, young people, and the elderly. While the American public is distracted by Bruce Jenner’ sex change, millions of young men are held in prisons and jails across the United States, and most of them for nonviolent crimes. Working people are punished for a lifetime of work by having their pensions either reduced or taken away. Poor people are denied Medicaid because right-wing politicians believe the poor should be financially responsible for their health care. And so it goes. The United States is one of the few countries that allow teenagers to be tried as adults, even though there are endless stories of such youth being abused, beaten, and in some cases committing suicide as a result of such savage treatment. Everywhere we look in American society, routine behavior is being criminalized. If you owe a parking ticket, you may end up in jail. If you violate a dress code as a student you may be handcuffed by the police and charged with a criminal offense. A kind of mad infatuation with violence is matched by an increase in state lawlessness. In particular, young people have been left out of the discourse of democracy. They are the new disposables who lack jobs, a decent education, hope, and any semblance of a future better than the one their parents inherited.

In addition, an increasing numbers of youth suffer mental anguish and overt distress even, perhaps especially, among the college bound, debt-ridden, and unemployed whose numbers are growing exponentially. Many reports claim that “young Americans are suffering from rising levels of anxiety, stress, depression and even suicide. For example, “One out of every five young people and one out of every four college students … suffers from some form of diagnosable mental illness.”[40] According to one survey, “44 percent of young aged 18 to 24 say they are excessively stressed.”[41] One factor may be that there are so few jobs for young people. In fact the Jobless rate for Americans aged 15 to 24 stands at 15.8 percent, more than double the unemployment rate of 6.9 per cent for all ages, according to the World Bank.”[42] Facing what Richard Sennett calls the “spectre of uselessness,” the war on youth serves as a reminder of how finance capital has abandoned any viable vision of democracy, including one that would support future generations. The war on youth has to be seen as a central element of state terrorism and crucial to critically engaging the current regime of neoliberalism.

Fourth, As the claims and promises of a neoliberal utopia have been transformed into an Orwellian and Dickensian nightmare, the United States continues to succumb to the pathologies of political corruption, the redistribution of wealth upward into the hands of the 1 percent, the rise of the surveillance state, and the use of the criminal justice system as a way of dealing with social problems. At the same time, Orwell’s dark fantasy of an authoritarian future continues without enough massive opposition as students, low income, and poor minority youth are exposed to a low intensity war in which they are held hostage to a neoliberal discourse that translates systemic issues into problems of individual responsibility. This individualization of the social is one of the most powerful ideological weapons used by the current authoritarian regime and must be challenged.

Under the star of Orwell, morality loses its emancipatory possibilities and degenerates into a pathology in which misery is denounced as a moral failing. Under the neo-Darwinian ethos of survival of the fittest, the ultimate form of entertainment becomes the pain and humiliation of others, especially those considered disposable and powerless, who are no longer an object of compassion, but of ridicule and amusement. This becomes clear in the endless stories we are now hearing from U.S. politicians disdaining the poor as moochers who don’t need welfare but stronger morals. This narrative can also be heard from conservative pundits such as New York Times columnist, David Brooks, who epitomize this view. According to Brooks, poverty is a matter of the poor lacking virtue, middle-class norms, and decent moral codes.[43] For Brooks, the problems of the poor and disadvantaged can be solved “through moral education and self-reliance…high-quality relationships and strong familial ties.”[44]   In this discourse soaring inequality in wealth and income, high levels of unemployment, stagnant economic growth and low wages for millions of working Americans are ignored.   What Brooks and other conservatives conveniently disregard are the racist nature of the drug wars, the strangle hold of the criminal justice system on poor black communities, police violence, mass unemployment for black youth, poor quality education in low income neighborhoods, and the egregious effect of mass incarceration on communities of color are ignored. Paul Krugman gets it right in rebutting the argument that all the poor need are the virtues of middle class morality and a good dose of resilience.[45] He writes:

So it is…disheartening still to see commentators suggesting that the poor are causing their own poverty, and could easily escape if only they acted like members of the upper middle class….Shrugging your shoulders as you attribute it all to values is an act of malign neglect. The poor don’t need lectures on morality, they need more resources — which we can afford to provide — and better economic opportunities, which we can also afford to provide through everything from training and subsidies to higher minimum wages.[46]

Lastly, any attempt to make clear the massive misery, exploitation, corruption, and suffering produced under casino capitalism must develop both a language of critique and possibility. It is not enough to simply register what is wrong with American society, it is also crucial to do so in a way that enables people to recognize themselves in such discourses in a way that both inspires them to be more critical and energizes them to do something about it. In part, this suggests a politics that is capable of developing a comprehensive vision of analysis and struggle that “does not rely on single issues.”[47] It is only through an understanding of the wider relations and connections of power that the American public can overcome uninformed practice, isolated struggles, and modes of singular politics that become insular and self-sabotaging. This means developing modes of analyses capable of connecting isolated and individualized issues to more generalized notions of freedom, and developing theoretical frameworks in which it becomes possible to translate private troubles into broader more systemic conditions. In short, this suggests developing modes of analyses that connect the dots historically and relationally. It also means developing a more comprehensive vision of politics and change. The key here is the notion of translation, that is, the need to translate private troubles into broader public issues and understand how systemic modes of analyses can be helpful in connecting a range of issues so as to be able to build a united front in the call for a radical democracy.

This is a particularly important goal given that the fragmentation of the left has been partly responsible for its inability to develop a wide political and ideological umbrella to address a range of problems extending from extreme poverty, the assault on the environment, the emergence of the permanent warfare state, the roll back of voting rights, and the assault on public servants, women’s rights, and social provisions, and a range of other issues that erode the possibilities for a radical democracy. The dominating mechanisms of casino capitalism in both their symbolic and material registers reach deep into every aspect of American society. Any successful movement for a radical democracy will have to wage a struggle against the totality of this new mode of authoritarianism rather than isolating and attacking specific elements of its anti-democratic ethos.

The darkest side of the authoritarian state feeds and legitimizes not only state violence, the violation of civil liberties, a punishing state, and a culture of cruelty, but also a culture for which violence becomes the only mediating force available to address major social problems. Under such circumstances, a culture of violence erupts and punishes the innocent, the marginalized, and those everyday people who become victims of both hate crimes and state terrorism. The killings in South Carolina of nine innocent black people once again registers the lethal combination of racist violence, a culture of lawlessness, and political irresponsibility. In this case, politics becomes corrupt and supports both the ideological conditions that sanction racist violence and the militarized institutional gun culture that it celebrates rather than scorns it. Should anyone be surprised by these killings in a state where the Confederate flag waves over the state capital, where the roads are named after Confederate generals, and where hate crimes are not reported? South Carolina is only the most obvious example of a racist legacy that refuses to die throughout the United States. Violence has become the DNA of American society. And it will continue until a broken and corrupt political, cultural, and market-driven system, now controlled largely by ideological, educational, economic, and religious fundamentalists, can be broken. Until then the bloodshed will continue, the spectacle of violence will fill America’s screen culture, and the militarization of American society will continue. Neither Orwell nor Huxley could have imagined such a violent dystopian society.

What will American society look like in the future? For Huxley, it may well mimic a nightmarish image of a world in which ignorance is a political weapon and pleasure as a form of control, offering nothing more that the swindle of fulfillment, if not something more self-deluding and defeating. Orwell, more optimistically, might see a more open future and history disinclined to fulfill itself in the image of the dystopian society he so brilliantly imagined. He believed in the power of those living under such oppression to imagine otherwise, to think beyond the dictates of the authoritarian state and to offer up spirited forms of collective resistance willing to reclaim the reigns of political emancipation. For Huxley, there was hope in a pessimism that had exhausted itself; for Orwell optimism had to be tempered by a sense of educated hope. Only time will tell us whether either Orwell or Huxley was right. But one thing is certain, history is open and the space of the possible is always larger than the one currently on display.

Henry A. Giroux currently holds the McMaster University Chair for Scholarship in the Public Interest in the English and Cultural Studies Department and a Distinguished Visiting Professorship at Ryerson University. His most recent books are America’s Education Deficit and the War on Youth (Monthly Review Press, 2013) and Neoliberalism’s War on Higher Education (Haymarket Press, 2014). His web site is www.henryagiroux.com.

Notes.

[1] Neil Postman, Amusing Ourselves To Death: Public Discourse in the Age of Show Business, (New York, NY: Penguin Books, 1985, 2005).

[2]. Antonio Gramsci, Prison Notebooks, Ed. & Trans. Quintin Hoare & Geoffrey Nowell Smith, New York: International Publishers, 1971. p. 276.

[3] I take up in great detail the nature of the surveillance state and the implications the persecution of these whistle blowers has for undermining any viable understanding of democracy. See: Henry A. Giroux, “Totalitarian Paranoia in the post-Orwellian Surveillance State,” Truthout (February 10, 2014). Online: http://www.truth-out.org/opinion/item/21656-totalitarian-paranoia-in-the-post-orwellian-surveillance-state.

[4] For an excellent description of the new surveillance state, see Glenn Greenwald, No Place to Hide (New York: Signal, 2014); Julia Angwin, Dragnet Nation: A Quest for Privacy, Security, and Freedom in a World of Relentless Surveillance (New York: Times Books, 2014);

[5] Zygmunt Bauman and David Lyon, Liquid Surveillance: A Conversation (Cambridge, UK: Polity Press, 2013).

[6] Zygmunt Bauman, Wasted Lives (London: Polity, 2004), pp.132-133.

[7] Editorial, “Cops or Soldiers: America’s Police Have Become Militarized,” The Economist (May 22, 2014). Online: http://www.economist.com/news/united-states/21599349-americas-police-have-become-too-militarised-cops-or-soldiers

[8]Michelle Alexander, “Michelle Alexander, The Age of Obama as a Racial Nightmare,” Tom Dispatch (March 25, 2012). Online: http://www.tomdispatch.com/post/175520/best_of_tomdispatch%3A_michelle_alexander,_the_age_of_obama_as_a_racial_nightmare/

[9] Heidi Boghosian, Spying on Democracy: Government Surveillance, Corporate Power, and Public Resistance, (City Lights Books, 2013).

[10]. Instructive here is Manuel Castells, Networks of Outrage and Hope: Social Movements in the Internet Age (Cambridge: Polity, 2012).

[11] Marjorie Cohn, “Beyond Orwell’s Worst Nightmare,” Huffington Post (January 31, 2014).

[12] See, for example, Manuel Castells, The Rise of the Network Society (Malden: Wiley-Blackwell, 1996) and Zygmunt Bauman, Collateral Damage: Social Inequalities in a Global Age (Cambridge: Polity Press, 2011).

[13] Ibid., pp. xix-xx

[14] Ibid., Postman, Amusing Ourselves To Death.

[15] Ariel Dorfman, “Repression by Any Other Name,” Guernica (February 3, 2014).

[16] Boghosian, op cit., p. 32.

[17] Pete Cashmore, “Why 2012, despite privacy fears, isn’t like Orwell’s 1984”, CNN (January 23, 2012). Online: http://ireport.cnn.com/docs/DOC-770499

[18] Spencer Ackerman, “US tech giants knew of NSA data collection, agency’s top lawyer insists,” The Guardian (March 19, 2014). Online: http://www.theguardian.com/world/2014/mar/19/us-tech-giants-knew-nsa-data-collection-rajesh-de

[19] Ibid. Boghosian, p. 22..

[20] Jonathan Crary, 24/7 (London: Verso, 2013), p. 16.

[21] Mark Karlin, “From Spying on ‘Terrorists Abroad’ to Suppressing Domestic Dissent: When We Become the Hunted,” Truthout, (August 21, 2013).

[22] Ibid., pp. 22-23.

[23] Arun Gupta, “Barrett Brown’s Revelations Every Bit as Explosive as Edward Snowden’s,” The Guardian (June 24, 2013).

[24] Bruce Schneier, “The Public-Private Surveillance Partnership,” Bloomberg (July 31, 2013).

[25] David Graeber, “Dead Zones of the Imagination,” HAU: Journal of Ethnographic Theory 2 (2012), p. 119.

[26] Ibid., p. 48.

[27] Theodor W. Adorno, “Aldous Huxley and Utopia”, Prisms, (Cambridge: MIT Press, 1967), pp. 106-107.

[28] Tom Engelhardt, “Tomgram: Engelhardt, A Surveillance State Scorecard,” Tom Dispath.com (November 12, 2013).

[29] I take up many of these issues in Henry A. Giroux, The Violence of Organized Forgetting (San Francisco: City Lights Publishing, 2014); The Twilight of the Social (Boulder: Paradigm Press, 2012), and Zombie Politics and Culture in the Age of Casino Capitalism (New York: Peter Lang, 2011).

[30] Quoted in Quentin Skinner and Richard Marshall, “Liberty, Liberalism and Surveillance: a historic overview,” Open Democracy (July 26, 2013).

[31] Charles Derber, private correspondence with the author, January 29, 2014.

[32]Stanley Aronowitz, “What Kind of Left Does America Need?,” Tikkun, April 14, 2014

http://www.tikkun.org/nextgen/what-kind-of-left-does-america-need

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] Lizette Alvarez, “Florida May Reduce Tuition for Select Majors,” New York Times (December 9, 2012). Online: http://www.nytimes.com/2012/12/10/education/florida-may-reduce-tuition-for-select-majors.html?_r=0

[36] Valerie Strauss, “How Gov. Walker tried to quietly change the mission of the University of Wisconsin,” The Washington Post (February 5, 2015). Online: http://www.washingtonpost.com/blogs/answer-sheet/wp/2015/02/05/how-gov-walker-tried-to-quietly-change-the-mission-of-the-university-of-wisconsin/

[37] Monica Davey and Tamar Lewinjune , “Unions Subdued, Scott Walker Turns to Tenure at Wisconsin Colleges,” New York Times (June 4, 2015). Online: http://www.nytimes.com/2015/06/05/us/politics/unions-subdued-scott-walker-turns-to-tenure-at-wisconsin-colleges.html?_r=0

[38] Andy Thomason, “As Degrees Are Cut, Critics continue to Decry Dismantling of U. of North Carolina,” The Chronicle of Higher Education (May 27, 2015). Online: http://chronicle.com/blogs/ticker/as-degrees-are-cut-critics-continue-to-decry-dismantling-of-u-of-north-carolina/99587

[39] Ibid.

[40] Therese J. Borchard. “Statistics About College Depression,” World of Psychology (September 2, 2010). Online: http://psychcentral.com/blog/archives/2010/09/02/statistics-about-college-depression/; Allison Vuchnich and Carmen Chai, “Young Minds: Stress, anxiety plaguing Canadian youth,” Global News (May 6, 2013). Online: http://globalnews.ca/news/530141/young-minds-stress-anxiety-plaguing-canadian-youth/

[41] Paul Luke, “Seriously stressed-out students on the rise on post-secondary campuses

Burdened by debt and facing a shaky job market, many students feel overwhelmed,” The Province (April 21, 2014). Online: http://www.theprovince.com/business/Seriously+stressed+students+rise+post+secondary+campuses/9756065/story.html

[42] See http://data.worldbank.org/indicator/SL.UEM.1524.ZS

[43] See, for instance, David Brooks, “The Nature of Poverty,” New York Times (May 1, 2015). Online:

http://www.nytimes.com/2015/05/01/opinion/david-brooks-the-nature-of-poverty.html?smid=tw-share&_r=0

[44] Sean Illing, “Why David Brooks Shouldn’t Talk About Poor People,” Salon (May 1, 2015). Online: http://www.slate.com/articles/news_and_politics/politics/2015/05/david_brooks_shouldn_t_talk_about_the_poor_the_new_york_times_columnist.single.html?print

[45] For an excellent rebuttal of the politics of resilience, see Brad Evans and Julien Reid, Resilient Life: The Art of Living Dangerously (London: Polity Press, 2014).

[46] Paul Krugman, “Race, Class, and Neglect,” New York Times (May 4, 2015). Online: http://www.nytimes.com/2015/05/04/opinion/paul-krugman-race-class-and-neglect.html?_r=0

[47] Ibid.

 

samedi, 27 juin 2015

Cómo nos controlan desde el poder

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Cómo nos controlan desde el poder

Después de varias crisis económicas, parece que finalmente hemos interiorizado y aceptado que existe la lucha de clases. No hace falta mantener un discurso radical para defender la idea de que en la sociedad actual existen distintas clases, y que éstas se encuentran en constante lucha por la defensa de sus intereses respectivos, que pocas veces coinciden entre clase y clase. Hoy en día cualquier persona con algo de conciencia y buena información sabe que pertenece a una clase social.

Siguiendo la lógica de la jerarquía, la clase de arriba controla a la de abajo. El poder siempre está arriba en la pirámide de las clases sociales. En cuanto a las formas que tiene el poder de controlar a las clases dominadas, es muy interesante la visión que aportan dos autores: George Orwell, famoso por sus obras ‘Rebelión en la granja’ y ’1984′, y Aldous Huxley, muy conocido también por su libro ‘Un mundo feliz’.

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Las ideas de Orwell y de Huxley, aunque diferentes, apuntan en una misma dirección: existe una clase dominante que controla a una clase dominada sin que ésta sea consciente. Para cada autor los modos de control son diferentes, pero vienen a demostrar que la lucha de clases la están ganando las clases altas, tal y como ellas mismas reconocen. Warren Buffett, uno de los hombres más ricos del mundo, dijo en el año 2006 que: “Claro que hay una guerra de clases, y es mi clase, la de los ricos, quienes la estamos ganando.”

Orwell: nos controlan a través de lo que no nos gusta

¿Qué es lo que menos nos gusta? El miedo. A nadie le gusta pasar miedo. La persona que vive con miedo no es dueño de su vida, pues está a merced del miedo y de quien se lo transmite. Eso lo han entendido muy bien las clases dominantes, que saben que es más fácil controlar a una población atemorizada que a una libre de miedos. Por ello hoy en día el uso del miedo en la política es muy frecuente.

Se han desarrollado teorías que hablan del miedo como el principal factor de control, como la “Doctrina del Shock”, propuesta por Naomi Klein, que señala al sistema capitalista como principal culpable en la dispersión del miedo. Según Klein el sistema aprovecha momentos de terror y confusión como desastres naturales, atentados terroristas o crisis económicas para llevar a cabo políticas neoliberales, intentando que la población no se de cuenta, y excusándose en que “no queda otro remedio”.

El miedo no sólo se utiliza a nivel nacional para que los gobernantes de un país consigan llevar a cabo políticas económicas o sociales, sino que también se aplica a escala global para consolidad un sistema de bloques que hemos analizado en muchas ocasiones en esta web. La división del mundo en Centro-Periferia o entre Occidente y el resto motiva ciertas tensiones que, ante los ojos de la ciudadanía, han de quedar muy bien explicadas: “ellos son los malos y nosotros los buenos”.

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Así, tal y como está configurado el mundo actualmente, tenemos una serie de países que han sido utilizados por Occidente para generar miedo entre su población. Países acusados de patrocinar el terrorismo (Irán, Libia, Siria…) o países relacionados con la falta de libertad (Cuba, Venezuela…) son objeto de ataques mediáticos en Europa y Estados Unidos, y sirven como elemento de “unificación social”, de forma que la población occidental apoya a sus líderes cuando se enfrentan a este tipo de países tan indeseables. El uso del miedo a escala global se analiza con más profundidad en el siguiente artículo:

ARTÍCULO RELACIONADO: La geopolítica del miedo (Juan Pérez Ventura, Junio 2013)

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Huxley: nos controlan a través de lo que nos gusta

Nos gusta estar distraídos. Como seres humanos tenemos esa necesidad de escapar por un momento del mundo real y relajarnos en un mar de programas de televisión, lecturas de revistas, redes sociales… No hay nada malo en abstraerse de la realidad de vez en cuando y distraernos con las cosas que nos gustan. El problema es que hoy en día no nos distraemos un rato, sino que vivimos distraídos. Y lo peor es que lo sabemos. Y nos gusta.

Es mucho más cómodo estar sentado en el sofá viendo la televisión que mirar por la ventana e intentar comprender cómo funciona el mundo y pensar en cómo se pueden cambiar las cosas. El poder de atracción de elementos como los videojuegos, la televisión, el deporte o la vida íntima de los famosos es mucho mayor que el interés por saber la verdad sobre el mundo en el que vivimos. Pero esta dura realidad no es fruto de un intrínseco gusto por la ignorancia por parte del ser humano, sino que es fomentada por parte de las clases dominantes.

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El ser humano es curioso por naturaleza. Le gusta hacerse preguntas y conocer cosas. El estado de ignorancia y de pasividad actual ha sido artificialmente creado por el poder, a través de complejos mecanismos de desinformación y con una variada oferta de productos distractores. De forma que, aunque hay buena parte de culpa en la propia ciudadanía, que se deja seducir y distraer, lo cierto es que es el poder el responsable principal de que la sociedad actual sea una sociedad inculta, desinformada y fácilmente manipulable.

Por ello una de las formas que tenemos para escapar del control de las clases dominantes es no dejarnos informar por ellas. La información es el arma más valiosa en la sociedad actual, y hoy en día está en manos del poder. Por eso no hay que dejarse informar, hay que informarse. A un ciudadano bien informado es mucho más complicado engañarle, y ese ciudadano bien informado será más libre que el que disfruta sentado en el sofá viendo la televisión.

ARTÍCULO RELACIONADO: Desinformación (Juan Pérez Ventura, Octubre 2012)

PROFUNDIZAR EN EL ANÁLISIS: Además de distraernos con los medios de comunicación, las tesis de Huxley también consideran como elemento atractivo que permite el control de la población a través del gusto el consumo. Una sociedad consumista es más fácilmente controlable, pues la producción de bienes de consumo también está controlada por las clases dominantes. En este aspecto es interesante el análisis que se hace en el siguiente artículo: La sociedad de consumo: vivir es consumir.

La realidad: nos controlan

Sea a través del miedo, como defiende Orwell, o a través de distracciones que nos gustan, como mantiene Huxley, lo cierto es que, de una forma u otra, estamos siendo controlados. Esa es la realidad.

El sistema de clases sociales se mantiene precisamente porque existe ese control por parte de las clases dominantes, que disponen de muchas más herramientas para conservar su privilegiado estatus social. A través de los medios de comunicación, de la religión, de las empresas multinacionales, de las guerras… incluso a través de la democracia.

ControlUna vez identificados los modos de control, lo que debe hacer la ciudadanía es luchar por su libertad. ¿Cómo? Contra la desinformación, información, contra el miedo, valor.

Aunque es complicado llegar a un estado de libertad total, el simple hecho de saber cómo funciona el mundo y ser consciente de que existe este sistema de control de clases ya es un pequeño logro. Y si es imposible ganar la lucha de clases, tampoco pasa nada. Siempre nos quedará el sofá.

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Juan Pérez Ventura

Creador de la web 'El Orden Mundial en el S.XXI'. Graduado en Geografía por la Universidad de Zaragoza y estudiando el 'Máster en Relaciones Internacionales, Seguridad y Desarrollo' en Barcelona. Inquieto por comprender cómo funciona el mundo y apasionado de la divulgación de conocimiento. Además de blogger, soy un viajero incansable.

jeudi, 11 avril 2013

Le Meilleur des Mondes, c'est maintenant

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Aldous Huxley

Le Meilleur des Mondes, c'est maintenant

par Stéphane Blanchonnet

Ex: http://a-rebours.ouvaton.org/

article d'abord paru sur a-rebours.fr puis repris dans L'AF2000

   Au moment où un gouvernement entreprend de liquider l'institution du mariage en en dénaturant la définition, au moment où un prétendu "droit" au mariage et un prétendu "droit" à l'enfant se substituent à la plus naturelle des institutions sociales (quelles que soient les variations de ses modalités dans le temps et l'espace), il est urgent de se replonger dans un livre où l'auteur représente une société future dans laquelle la famille traditionnelle a été abolie, les notions de père et mère ont disparu des mémoires, la reproduction et la sexualité ont été totalement dissociées (les enfants sont tous le résultat d'une fécondation et d'une gestation artificielles), la liberté sexuelle, enfin, est devenu le plus efficace moyen de contrôle social de l’État sur des individus sevrés de plaisir mais devenus pour cette raison irresponsables et incapables de responsabilité comme d'esprit critique. Ce livre, vous l'aurez sans doute reconnu, est le remarquable roman Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, qui est aussi un profond apologue, dans la grande tradition des fables et des contes philosophiques.


    Dans son essai, Retour au Meilleur des Mondes, paru en 1958 (vingt-cinq ans après le roman), Huxley se livre à une passionnante comparaison entre son propre livre et le chef d'œuvre de George Orwell, 1984. Il y écrit notamment ces lignes qui expliquent que là où Orwell avait en vue les régimes autoritaires et militaristes, lui-même dénonçait plutôt les potentialités totalitaires des démocraties libérales : « La société décrite dans le roman d'Orwell est continuellement en état de guerre, aussi le but de ses dirigeants est-il d'abord, bien entendu, d'exercer le pouvoir, générateur de grisantes délices, et ensuite de maintenir leurs sujets dans cet état de tension croissante qu'une lutte permanente exige de ceux qui la livrent. En faisant croisade contre la sexualité, les chefs parviennent à entretenir le degré de tension voulu chez leurs satellites et en même temps à satisfaire de manière extrêmement agréable leur propre appétit de puissance. Celle qui est décrite dans Le Meilleur des Mondes est une société mondiale dans laquelle la guerre a été éliminée et où le premier but des dirigeants est d'empêcher à tout prix leurs sujets de créer des désordres. Ils y parviennent (entre autres méthodes) par la légalisation d'un degré de liberté sexuelle (rendu possible par l'abolition de la famille) qui garantit pratiquement les populations de toute forme de tension émotive destructrice (ou créatrice). Dans 1984, l'appétit de puissance se satisfait en infligeant la souffrance ; dans Le Meilleur des Mondes en infligeant un plaisir à peine moins humiliant. »


    L'ouvrage d'Huxley est sans doute le plus intéressant pour comprendre la logique de notre société consumériste, hédoniste et surtout progressiste qui prétend émanciper les individus en les déracinant (la table rase permanente à l'égard de la culture, des traditions et désormais de la filiation) alors qu'elle ne fait que les couper des contraintes normales qui, en circonscrivant le périmètre de la nature humaine, lui permettent tout simplement d'exister en tant que telle. Ceux qui participent à ce mouvement littéralement insensé vers l'indifférenciation et l'indétermination absolues ne voient pas qu'un changement, qui n'est qu'un processus, un ”accident" pour parler comme les philosophes, suppose un sujet à ce processus, une "substance", donc une nature, un certain nombre de déterminations sans lesquelles il n'est pas plus de conservation nécessaire que de progrès légitime mais un pur chaos inintelligible !

Stéphane BLANCHONNET