Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 18 avril 2021

Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé...

moutons.jpg
Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé...
 
par Jure Georges Vujic
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com/

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia dans lequel il évoque l'organisation de notre société autour de "l'impératif de santé". Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

Covid-19. Pouvoir pastoral et nouvelle théologie de la santé

Au cours des dernières années, et surtout avec la crise sanitaire du Covid-19, nous avons assisté à une augmentation du pouvoir médiatique, social et politique des savants, des experts, comme si la sphère politique, dont la tâche consiste à déterminer et à protéger les intérêts nationaux et le bien-être général de la communauté, avait cédé la place à une nouvelle caste de scientifiques qui ont colonisé l’espace public médiatique quotidien.

Les experts ont toujours existé ; cependant, tout au long de l’histoire, leur statut social et leur place dans la société ont changé en fonction de la vision du monde politique et social dominante. La notion d’expertise est étroitement liée à l’émergence de la modernité et à la complexité croissante des relations sociales et du fonctionnement économique de la société. Le discours légitimant en faveur de l’expertise, qui adhère au principe général de la gouvernance technocratique au niveau de la « gouvernance mondiale », est que la complexité des défis de la mondialisation libérale impose aux acteurs politiques de transférer leur pouvoir de décision à la société civile et aux autres acteurs non étatiques du marché, étant donné que seuls les professionnels possédant des compétences spécifiques peuvent obtenir des résultats optimaux. Dans ce contexte, le cœur du problème de la technocratie et de l’expertocratie est dans leur incompatibilité avec les principes fondamentaux de la démocratie, puisqu’ils ne détiennent aucune légitimité populaire et représentative issue des élections.

93d83ba098f9c2eca84b000e5accbc10-1587635231.jpg

Les"experts" en Belgique: une programmation particulièrement pernicieuse visant à détruire totalement la société, son système de travail, ses établissements d'enseignement, son système de santé, la convivialité sociale la plus élémentaire  et les fondements anthropologiques les plus profonds, exprimés par la famille.

Technicisation du politique et règne du « scientifiquement correct »

La crise du Covdi-19 a mis en lumière le clivage politique entre partisans de la « technicisation » du pouvoir politique qui s’appuie sur des experts et les « populistes » qui cherchent à renforcer le rôle du peuple dans le processus décisionnel. Avec l’avènement du nouveau langage néo-orwellien du pouvoir biopolitique, qui a émergé dans le cadre de la médicalisation de l’espace public, un nouveau politiquement correct a émergé, le prétendu « scientifiquement correct » imprégné de technoscientisme, afaiblissant les thèses alternatives en les reléguant au répertoire complotiste. Cependant, il faut garder à l’esprit que les experts ne forment pas un bloc monolithique, et la notion de « consensus scientifique » semble de plus en plus vague et difficile à atteindre, alors que de nombreux experts parlent de « populisme scientifique » en se référant à des thèses alternatives et critiques. Les racines philosophiques de l’expertocratie, tout comme celles de la technocratie, se retrouvent dans le constructivisme mécaniciste des Lumières puis chez les « socialistes utopiques » du xixe siècle et dans l’idéologie du saint-simonisme. Les thèses saint-simoniennes trouveront plus tard un terrain fertile dans la « gestion » et la technocratisation graduelle de la politique décrites par James Burnham dans La Révolution managériale. La notion d’expertise, née en Grande-Bretagne au xvie siècle à travers les figures d’experts médiateurs, entre progressivement dans la sphère scientifique à travers les sciences sociales contemporaines dans le cadre des études scientifiques et technologiques qui analysent les relations entre technologie et pouvoir.

La technocratisation du politique est en même temps un processus de désessentialisation de l’activité politique. Les politiciens se désengagent de plus en plus des questions délicates et complexes, transférant la responsabilité aux « experts » qui ne sont pas seulement là pour des conseils mais aussi pour formater idéologiquement l’opinion publique. Il ne faut pas oublier qu’aucune science n’est totalement neutre et qu’elle est elle-même le fruit d’un processus idéologique complexe. Transférer la responsabilité de la sphère politique publique aux experts revient à dépolitiser la politique, ce qui s’apparente à un déni du politique. Depuis Aristote et Platon, l’homme s’interroge sur la place et le pouvoir de la politique dans la société. Aujourd’hui, la confusion des rôles et des fonctions est favorisée comme dans de nombreux autres segments sociaux, et l’action publique et politique est soumise au paradigme du « solutionisme », au répertoire technique, ce qui signifie que la prise de décision politique est réduite au niveau du choix d’une solution particulière.

imagetec.jpg

Dans ce contexte, « le gouvernement des choses remplace le gouvernement des hommes » : l’expertise est en fait le reflet de notre époque moderne où l’expert autonomise et s’approprie de plus en plus la fonction politique en fragmentant notre environnement social en domaines de spécialisation technocentrique. La politique en tant que res publica, « chose publique », sera toujours orientée vers le but suprême et la dernière fin (telos), alors que la science, l’expertise, ne pose jamais la question des buts ultimes car elles relèvent de l’ordre instrumental, des moyens. Parce que la politique technocratique moderne néglige et supprime la question du « pourquoi » et des buts ultimes, approuvant exclusivement la question des méthodes et des moyens, on peut dire qu’elle est une forme de despotisme technocratique. Le pluralisme sans véritable pluralisme, la démocratie soumise à des procédures et des décisions d’experts, l’apologie du « consensus scientifique » au nom de la complexité se transforment progressivement en leviers idéologiques technocratiques de chantage et de domination. Max Weber a établi une distinction classique entre scientifiques et politiciens (Le Savant et le politique) : la politique est le domaine de la prise de décisions souveraines tandis que la science et le savant analysent les structures politiques et sociales. Dans le contexte d’une menace pour la santé et d’une menace « inconnue » comme le virus, l’éthique de responsabilité weberienne du politique et l’éthique des convictions du scientifique devraient être des domaines de responsabilités séparées.

Médicalisation de la société

L’omniprésence médiatique d’experts médicaux est également un symptôme du processus de médicalisation de la vie quotidienne publique et privée. Ce processus, qui se manifeste à travers un large éventail de mesures sanitaires et biopolitiques, est le résultat d’un long processus d’émergence de la médecine moderne et de sa consécration en tant qu’institution sociale. Présentée comme une innovation positive et un progrès social qui réduit le taux de mortalité, la médicalisation a produit une pathologisation des comportements sociaux et des problèmes sociaux comme la médicalisation de la criminalité. Ce phénomène a rencontré diverses critiques qui portent sur les excès de la médicalisation : l’invention de nouvelles maladies et la consommation excessive de médicaments., l’acharnement thérapeutique. Le philosophe Georges Canguilhem critique le réductionnisme biomédical, estimant que le corps humain ne peut être réduit à des mécanismes physico-chimiques, tandis que son disciple Michel Foucault décrira la domination de l’autorité médicale dans la sphère privée, utilisant le terme de « médicalisation » pour démontrer l’importance dominante de la médecine dans la vie sociale. La marchandisation de la santé se développe parallèlement au processus de médicalisation de l’existence, qui fait de la santé une sorte de religion séculière où le corps a définitivement remplacé l’âme selon la clé « biopolitique » de Michel Foucault. Nous trouvons les racines idéologiques de la médicalisation dans l’idéologie hygiéniste qui, en exploitant la tendance hypocondriaque des individus, aboutit à un contrôle croissant des habitudes de vie, conciliant puritanisme moral et homogénéisation conformiste des comportements, avec l’acceptation de modèles et de pratiques politiques et économiques néfastes. Les grandes « croisades » de marketing et « les guerres publiques » contre l’alcool ou le tabac, fondées sur les textes quasi sacrés de la santé publique, s’inscrivent dans cette biopolitique qui instrumentalise le « droit au bonheur » afin de standardiser les comportements en les intégrants dans la logique de consommation du marché.

5219037.jpg

L’impératif de santé, de la performance corporelle comme levier néo-darwinien d’homogénéisation sociale, est le reflet de la règle de la biocratie, une forme de règle basée sur une « vie saine », c’est-à-dire sur la maîtrise de la « vie nue » évoquée par Giorgio Agamben (Homo sacer). Bien sûr, bien que la santé soit une catégorie existentielle significative et désirable, elle ne peut jamais être une valeur absolue en soi, car nous la perdons tous tôt ou tard, et aujourd’hui elle est fixée comme valeur ultime à partir du moment où l’homme est matériellement émancipé et privé de transcendance, pour être finalement réduit au produit du marché. Le même impératif de santé est le reflet de la démonisation de la mort, le dernier démon que la société moderne cherche à exorciser à travers des mesures palliatives et thérapeutiques de prolongation artificielle de la vie. Cette foi aveugle dans la science et les experts révèle la survivance d’un résidu de l’ancienne pensée magique. La figure moderne faustienne du « savant fou » aujourd’hui prend la forme du « médecin démiurge », d’un expert-magicien, un techno-chamane miraculeux au jargon hermétique (éco, psycho, médico techno-quelque chose), qui s’appuie un réseau médiatique qui l’invite et le chouchoute régulièrement.

Il n’est pas étonnant aujourd’hui, comme le souligne l’écrivain allemand Arnold Stadler, que les virologues se substituent aux théologiens, car nous avons complètement négligé voire refoulé la dimension existentielle de la mort, dans la lutte constante pour la santé et contre les virus. Selon lui, les experts sont devenus omniprésents comme « les grands prêtres de la nouvelle religion de la santé, qui est terrestre et laïque ». La conception théologique chrétienne de la santé est substantiellement opposée à la version moderne de la théologie sécularisée de la santé, le corps et la santé se situant dans le contexte d’une perspective eschatologique de salut. En outre, un nouveau catéchisme anthropocentrique, vérifiable à l’heure du Covid-19 avec une panoplie d’injonctions ritualisées : distance sociale, port du masque, etc. intronise l’impératif de santé en véritable nouvelle religion laïque, la maladie et la mort étants perçues en tant que péchés. L’obsession de la forme physique, du bien-être, le bougisme sportif, le fanatisme végan et du produit « bio-good food », sont les leviers du nouveau hip-consommatisme du capitalisme vert. En effet, la responsabilité à l’égard de la santé se transforme en devoir qui sous-entend la culpabilité, la mauvaise conscience d’être malade, et puis on en vient peu à peu à des dispositifs de repentance, de confession qui sont au cœur du pouvoir pastoral.

Pouvoir pastoral et gouvernement des âmes

La gestion de la crise sanitaire du Covid-19 révèle l’existence d’un pouvoir qui n’est plus seulement étatique et identifiable, mais aussi l’omniprésence de techniques d’assujettissement douces, moléculaires, singulières, méthodes diffuses de pouvoir que Michel Foucault appelle le « pouvoir pastoral ». On se souvient que, depuis l’avènement des Lumières, un bon nombre de concepts et règles qui relevaient de l’ordre religieux et théologique ont été sécularisés, modifiés, adaptés afin de légitimer non seulement le principe séculier de la raison d’État aux xvie et xviie siècles, mais aussi l’État-providence à la fin du xixe et au début du xxe siècle avec l’État gestionnaire et technocratique. C’est ainsi que le mode de gouvernementalité libérale, loin d’être exclusivement profane et areligieux, fait appel à des techniques de pouvoir « moléculaires », indolores, et discrètes, qui au lieu de soumettre les citoyens à l’ordre démocratique ou au souverain par l’exercice du monopole de violence légitime, entend gouverner la conscience, et recueillir l’adhésion volontaire et passive des sujets. Dans le cadre du pouvoir pastoral, l’ensemble des théories et des pratiques classiques de la souveraineté (du roi, du prince, du peuple), les principes de philosophie politique de commandement de l’arkhè, tout comme les théories marxistes et juridiques, font défaut, dans la mesure où les techniques de direction et de gouvernement des âmes et consciences échappent aux formes modernes de commandement et d’obéissance. Tout comme le faisait remarquer Michel Foucault, « gouverner », ce n’est pas la même chose que « régner », ce n’est pas non plus la même chose que « commander », ce n’est pas, enfin, la même chose que « faire la loi ».

Michel Foucault énonce l’originalité de ce pouvoir pastoral qu’il caractérise comme « micro » et le distingue des pratiques et

7908579302_4f88f86337_z.jpg

des théories modernes du pouvoir qu’il désigne comme « macro ». Le pouvoir pastoral est « une étrange technologie de pouvoir traitant l’immense majorité des hommes en troupeau avec une poignée de pasteurs ». À la différence de la souveraineté, il ne s’exerce pas sur un territoire (cité, royaume, principauté, République), mais sur une « multiplicité en mouvement » (« troupeau » pour les pasteurs de l’Église et « population » pour les élus de la République). Le pouvoir pastoral, tout comme le biopouvoir des corps et le gouvernement de « la vie nue » chez Giorgio Agamben, s’applique aux « sujets vivants », leurs comportements quotidiens, leur subjectivité et leur conscience, en établissant des rapports complexes et sociétaux. Alors que la gestion de la crise sanitaire met en exergue la montée en puissance de l’expertocratie et de la médicalisation de la vie quotidienne, refait surface la figure emblématique et sacerdotale du pasteur qui, selon Foucault, n’est fondamentalement ni un policier, ni un juge, ni un juriste, mais un « médecin » qui use d’un pouvoir « bienfaisant ». Il soigne à la fois le troupeau et les brebis du troupeau, qu’il prend en charge une à une. À la différence de la souveraineté politique et de l’ordre juridique fondés sur la soumission à la loi, ce pouvoir pastoral s’exerce de manière collective, et de manière « distributive » (« d’individu à individu »). Le pouvoir pastoral a recours à des techniques d’individualisation, par le biais d’une « économie subtile des âmes » qui combine des mérites et les fautes-omissions, créant une relation de dépendance intégrale, un rapport de soumission non pas à la loi ou à des principes « raisonnables », en privant l’individu de sa libre volonté. Ce pouvoir pastoral qui ne s’appuie pas sur les technologies répressives est vérifiable dans le milieu de la santé, où la pratique de la confession, des techniques de l’aveu, de l’examen de conscience, est largement utilisée à des fins de normalisation en agissant sur la sensibilité de chaque sujet. Ainsi, le pasteur doit « rendre compte de tous les actes de chacune des brebis, de tout ce qui a pu leur arriver à chacune d’entre elles, de tout ce qu’elles ont pu faire à chaque moment de bien ou de mal ».

Parallèlement à la gouvernance biopolitique qui s’exerce au niveau global, visible et normative, le pouvoir pastoral, lui, s’exerce au niveau microlocal, hors de l’espace public. D’autre part, par-delà les hiérarchies d’argent, de richesse, de statut ou de naissance propre aux oligarchies libérales et capitalistes au niveau global, le pouvoir pastoral, qui opère dans l’opacité de la relation privée (d’individu à individu, d’institution à individu), dans le quotidien de l’usine, de l’école, de l’hôpital, génère des relations de pouvoir des hiérarchies, plus subtiles et beaucoup moins transparentes, qui sont à la base de la servitude volontaire, dans la mesure où il soumet le sujet qui renonce à toute forme de volonté autonome à des réseaux où chacun asservit l’autre, et où tout le monde est asservi à tout le monde.

Jure Georges Vujic (Polémia, 13 avril 2021)

Notes:

Giorgio Agamben, Homo Sacer – I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, éditions du Seuil, 1997.

Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, Paris, Seuil, 2004.

Michel Foucault, « Omnes et singulatim », in Dits et écrits, tome II.

Michel Foucault, « Histoire de la médicalisation », C.N.R.S. Editions, « Hermès, La Revue », 1988/2, n° 2.

François-Bernard Huyghe, Les Experts ou l’Art de se tromper de Jules Verne à Bill Gates, Paris, Plon, 1996.

Tendances mondiales 2040

GlobalTrends2040.jpg

Tendances mondiales 2040

Leonid Savin

Ex : https://katehon.com/

La communauté du renseignement américaine a publié son septième rapport sur les prévisions politiques de l'avenir

Le résumé du document indique que le principal facteur influençant les processus géopolitiques dans le monde sera la démographie. Il indique que "les tendances les plus nettes au cours des 20 prochaines années seront des changements démographiques majeurs, la croissance de la population mondiale ralentissant et le monde vieillissant rapidement. Certains pays développés et en développement, notamment ceux d'Europe et d'Asie de l'Est, vieilliront plus vite et connaîtront un déclin démographique qui aura des effets négatifs sur la croissance économique. En revanche, certains pays en développement d'Amérique latine, d'Asie du Sud, du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord bénéficient d'une augmentation de leur population en âge de travailler, ce qui offre des possibilités de dividende démographique combiné à des améliorations des infrastructures et des compétences. Le développement humain, notamment la santé, l'éducation et le bien-être des ménages, a entraîné des améliorations historiques dans toutes les régions au cours des dernières décennies. De nombreux pays auront du mal à tirer parti de ces avancées, voire à les maintenir. Les améliorations passées se sont concentrées sur les fondements de la santé, de l'éducation et de la réduction de la pauvreté, mais les prochains niveaux de développement sont plus complexes et doivent faire face aux vents contraires de la pandémie de COVID-19, à une croissance économique mondiale potentiellement plus lente, au vieillissement des populations et aux effets des conflits et du climat. Ces facteurs mettront les gouvernements au défi de fournir l'éducation et les infrastructures nécessaires pour stimuler la productivité de leurs classes moyennes urbaines croissantes dans l'économie du XXIe siècle. Alors que certains pays font face à ces défis et que d'autres échouent, l'évolution des tendances démographiques mondiales exacerbera presque certainement les inégalités des chances économiques au sein des pays et entre eux au cours des deux prochaines décennies, et créera des pressions et des différends plus importants en matière de migration."

L'épidémie du coronovirus fait l'objet d'une discussion spécifique et est présentée dans une section séparée. Selon les auteurs, elle a entraîné de nouvelles incertitudes en matière d'économie, de gouvernance et de technologie. Ses effets se feront encore sentir dans les années à venir. Il est également souligné que les précédents rapports de renseignement avaient prédit de nouvelles maladies potentielles et des scénarios de pandémie, mais qu'ils ne donnaient pas une image complète de ce que COVID-19 provoquerait et de son impact sur la société.

Globalement, la pandémie a entraîné les processus suivants :

- les tendances économiques catalysées par les quarantaines et les fermetures de frontières ; - la montée du nationalisme et de la polarisation ;

- l'aggravation des inégalités ; - le déclin de la confiance dans les gouvernements ;

- la faiblesse et l'échec exemplaires d'organisations internationales comme l'ONU et l'OMS ; et

- la montée des acteurs non gouvernementaux.

Pour cette raison, il est suggéré que "dans ce monde plus contesté, les communautés se divisent de plus en plus, les gens cherchant la sécurité auprès de groupes partageant les mêmes idées et basés sur des identités établies ou nouvellement connues; les États de tous types et de toutes régions luttent pour répondre aux besoins et aux attentes de populations plus connectées, plus urbaines et plus puissantes; et le système international est plus compétitif, en partie à cause des défis posés par la montée en puissance de la Chine, et plus exposé aux conflits, car les États et les acteurs non étatiques exploitent de nouvelles sources de pouvoir et érodent les normes et institutions de longue date qui ont assuré une certaine stabilité au cours des dernières décennies. Cependant, ces dynamiques ne sont pas figées à perpétuité, et nous envisageons de nombreux scénarios plausibles pour le monde de 2040, d'une renaissance démocratique à une transformation de la coopération mondiale motivée par une tragédie partagée, en fonction de la façon dont ces dynamiques interagissent et des choix que les gens font en cours de route."

eprs_brie_tt_630312_global_trends_final.jpg

Les auteurs réduisent les scénarios futurs à cinq thèmes. Les défis mondiaux, du changement climatique aux maladies en passant par les crises financières et les catastrophes d'origine humaine, se présenteront avec une fréquence et une intensité accrues dans pratiquement toutes les régions et tous les pays. La croissance continue de la migration, qui augmentera d'une centaine de millions en 2020 par rapport à 2000, affectera à la fois les pays d'où proviennent les flux et les pays où ils séjournent. Les systèmes de sécurité nationale des États devront s'adapter à ces changements. La fragmentation croissante affectera les sociétés, les États et le système international. Malgré un monde plus interconnecté grâce à la technologie, les gens seront divisés selon des lignes différentes. Le principal critère sera une communauté de vues, de croyances et de conceptions de la vérité.

Cela entraînera un déséquilibre. Le système international aura peu de moyens pour répondre à ces défis. Au sein des nations, l'écart entre les demandes des populations et les capacités des gouvernements et des entreprises va se creuser. Des manifestations de rue auront lieu dans des endroits allant de Beyrouth à Bruxelles en passant par Bogota. La concurrence au sein des sociétés s'intensifiera, entraînant des tensions accrues. Au sein des nations, la politique sera plus controversée. Dans la politique mondiale, la Chine défiera les États-Unis et le système international occidental. L'adaptation sera à la fois un impératif et une source clé d'avantages pour tous les acteurs du monde.

De la technologie à la politique démographique, toutes seront utilisées comme stratégies pour améliorer l'efficacité économique, et les pays qui réussiront seront ceux où le consensus social et la confiance pourront être atteints. Les auteurs suggèrent donc de prêter attention aux paramètres de la démographie, de l'environnement, de l'économie et du développement technologique, car ce sont eux qui détermineront les contours du monde futur. L'urbanisation va se poursuivre et, d'ici 2040, deux tiers de la population mondiale vivront dans des villes. Le nombre de villes de plus d'un million d'habitants va également augmenter. L'urbanisation ne sera pas nécessairement synonyme d'amélioration de la qualité de vie. L'Afrique subsaharienne représentera environ la moitié et l'Asie du Sud environ un tiers de l'augmentation de la pauvreté urbaine.

En somme, les problèmes de pauvreté promis depuis les hautes tribunes de l'ONU il y a plus de 20 ans (par exemple, les objectifs du millénaire pour le développement ou le programme de développement durable) non seulement subsisteront, mais seront exacerbés. Les niveaux de manque d'éducation, d'accès aux services de santé, de logement, etc. continueront à augmenter. La section sur la dynamique du système international se concentre sur la rivalité entre la Chine et les États-Unis, qui auront la plus grande influence et prendront des positions différentes sur le futur système mondial. Toutefois, leur concurrence ne sera pas aussi intense qu'à l'époque du monde bipolaire avec l'URSS et les États-Unis, car il existe déjà davantage d'acteurs capables d'affirmer leurs propres intérêts, notamment dans leur propre région.

2040title.jpg

Les pays les plus susceptibles d'en bénéficier sur le plan géopolitique et économique sont l'UE, l'Inde, le Japon, la Russie et le Royaume-Uni. Et la Corée du Nord et l'Iran sont désignés comme des fauteurs de troubles, qui apporteront plus d'incertitude et de volatilité en affirmant leurs intérêts. Il est également noté que "la Chine et la Russie vont probablement essayer de continuer à influencer les populations américaines et européennes en promouvant des récits sur le déclin de l'Occident. Ils sont également susceptibles d'étendre leur influence dans d'autres régions, comme l'Afrique, où ils sont déjà tous deux actifs".

Il est logique de citer l'intégralité de l'article sur la Russie, qui donnera un aperçu de la façon dont la communauté du renseignement américaine voit notre pays et comprend la politique russe. "La Russie restera probablement une puissance perturbatrice pendant une grande partie ou la totalité des deux prochaines décennies, même si ses capacités matérielles diminuent par rapport à celles des autres grands acteurs. Les avantages de la Russie, notamment ses importantes forces militaires conventionnelles, ses armes de destruction massive, ses ressources énergétiques et minérales, sa vaste géographie et sa volonté de recourir à la force à l'étranger, lui permettront de continuer à jouer le rôle de trouble-fête et d'intermédiaire de pouvoir dans l'ancienne Union soviétique et parfois au-delà. Il est probable que Moscou continue à essayer de renforcer les divisions en Occident et de nouer des relations en Afrique, au Moyen-Orient et ailleurs. La Russie est susceptible de rechercher des opportunités économiques et d'établir une position militaire dominante dans l'Arctique à mesure que d'autres pays renforcent leur présence dans la région. Toutefois, avec un climat d'investissement médiocre, une forte dépendance à l'égard de matières premières dont les prix sont potentiellement volatils et une petite économie qui devrait représenter environ 2 % du produit intérieur brut (PIB) mondial au cours des deux prochaines décennies, la Russie pourrait avoir du mal à projeter et à maintenir son influence à l'échelle mondiale. Le départ du président Vladimir Poutine du pouvoir, que ce soit à la fin de son mandat actuel en 2024 ou plus tard, pourrait fragiliser davantage la position géopolitique de la Russie, notamment en cas d'instabilité intérieure. De même, la réduction de la dépendance énergétique de l'Europe à l'égard de la Russie, que ce soit par le biais des énergies renouvelables ou de la diversification vers d'autres fournisseurs de gaz, minerait les revenus et le pouvoir global du Kremlin, surtout si cette réduction ne peut être compensée par des exportations vers les consommateurs d'Asie.

CRCC1.jpg

Outre la Chine, l'Inde, l'UE et le Royaume-Uni mentionnés précédemment, les puissances régionales qui tenteront d'obtenir des avantages et d'agir en tant qu'acteur influençant la stabilité régionale sont l'Australie, le Brésil, l'Indonésie, l'Iran, le Nigeria, l'Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats arabes unis. Outre les États, les ONG, les groupes religieux, les grandes entreprises technologiques et d'autres acteurs non étatiques seront très actifs sur la scène internationale. Disposant de ressources, ils construiront et promouvront des réseaux alternatifs qui, en fonction de leurs fonctions et de leurs tâches, concurrenceront ou aideront les États. Dans le même temps, les organisations mondiales interétatiques qui servaient auparavant à maintenir l'ordre international dirigé par l'Occident, notamment l'ONU, la Banque mondiale et l'OMC, vont décliner. Les dirigeants préféreront les coalitions ad hoc et les organisations régionales. En outre, le leadership occidental dans les organisations intergouvernementales sera érodé, la Russie et la Chine sapant délibérément les initiatives occidentales. Le rapport mentionne l'initiative "Belt and Road", l'OCS, la nouvelle banque de développement et le partenariat économique global régional. Quant aux conflits futurs, malgré la volonté des grandes puissances d'éviter une guerre totale, le risque de conflit interétatique sera plus élevé qu'auparavant en raison des nouvelles technologies, de l'élargissement de l'éventail des cibles, du nombre accru d'acteurs, de la complexité accrue de la dynamique de dissuasion de l'ennemi et de l'affaiblissement des normes. Le spectre des conflits peut aller de la coercition économique et des cyberopérations (non cinétiques) à la guerre hybride, y compris le recours à des insurgés, des sociétés privées et des troupes par procuration, en passant par l'utilisation de forces militaires régulières et d'armes nucléaires (conventionnelles et stratégiques). Le terrorisme n’est guère abordé : les auteurs ont fait preuve de peu d'imagination et se sont limités aux structures djihadistes mondiales connues, aux groupes chiites irano-libanais, ainsi qu'aux groupes classiques de gauche et de droite en Europe, aux États-Unis et en Amérique latine.

En conséquence, cinq scénarios sont proposés. "Trois d'entre eux dépeignent un avenir dans lequel les défis internationaux deviennent progressivement plus sérieux et les interactions sont largement déterminées par la rivalité entre les États-Unis et la Chine. Dans le scénario des démocraties montantes, les États-Unis ouvrent la voie. Dans le monde à la dérive, la Chine est l'État leader mais pas dominant au niveau mondial, et dans la coexistence compétitive, les États-Unis et la Chine prospèrent et se disputent le leadership dans un monde bifurqué. Les deux autres scénarios impliquent des changements plus radicaux. Tous deux découlent de ruptures mondiales particulièrement graves et remettent en question les hypothèses relatives au système mondial. La rivalité entre les États-Unis et la Chine est moins centrale dans ces scénarios, car les deux nations sont obligées de s'attaquer à des défis mondiaux plus vastes et plus graves et constatent que les structures actuelles sont inadéquates pour relever ces défis. Les différents ‘’bunkers géo-spatiaux’’ indiquent un monde dans lequel la mondialisation s'est effondrée et où des blocs économiques et des alliances de sécurité apparaissent pour protéger les États des menaces croissantes. Tragédie et mobilisation énoncent une histoire de changement ascendant et révolutionnaire au milieu de crises environnementales mondiales dévastatrices."

Bien entendu, en plus d'essayer de se projeter dans l'avenir en se basant sur les statistiques disponibles et les observations des décennies précédentes, la communauté du renseignement américaine avait d'autres objectifs:

1) identifier des menaces spécifiques afin que les autorités américaines (ainsi que les partenaires de Washington) puissent se concentrer sur celles-ci et allouer les ressources nécessaires aux contractants appropriés ; et

2) diaboliser certains États, idéologies et systèmes politiques. Car on voit bien l'inquiétude que suscite le déclin du système international qui a profité à l'Occident jusqu’ici. Et s'il y a des changements majeurs qui réduisent le rôle des États-Unis et de l'UE, cela sera perçu positivement dans la plupart des pays.

Alors que les deux précédents rapports sur les tendances mondiales faisaient référence à la multipolarité, celui-ci la lit entre les lignes. Probablement en raison de la multipolarité qui s'incarne progressivement, les auteurs ont tenté d'éviter ce terme, mentionnant simplement les alliances régionales sur fond de fragmentation mondiale. D'autre part, prévoir 20 ans à l'avance est une chose douteuse et ressemble plus à de la science-fiction qu'à une modélisation géopolitique.

Steve_William_Fuller_2011.jpg

Le célèbre scientifique américain Steve Fuller (photo), par exemple, relève plusieurs dispositions qui nient la possibilité même de la prédiction :

1) l'avenir est en principe inconnaissable parce qu'il n'existe pas encore et qu'on ne peut connaître que ce qui existe ;

2) l'avenir sera différent à tous égards du passé et du présent, peut-être en raison de l'indétermination de la nature, à laquelle la liberté de la volonté humaine contribue également de manière importante ;

3) les effets de l'influence mutuelle de la prédiction et de ses résultats sont si complexes que chaque prédiction génère des conséquences involontaires qui feront plus de mal que de bien. Par conséquent, chacun peut tirer des conclusions de ce rapport en fonction de ses opinions et préférences personnelles.

La insubordinación de España: un livre indispensable pour les Espagnols sur la brèche

2021-04-11-insordinacion-espana.jpg

La insubordinación de España: un livre indispensable pour les Espagnols sur la brèche

José Antonio Bielsa Arbiol

Ex : http://adaraga.com/

En l'absence d'une perspective adéquate, nous ne disposons pas encore d'un canon exportable pour la philosophie espagnole du premier quart du 21ème siècle. Malgré cela, nous ne risquerons rien si nous affirmons catégoriquement, ici, que Carlos X. Blanco deviendra (avec le temps) l'un des noms les plus importants de ce canon, qui est actuellement en voie de constitution.

L'auteur d'œuvres aussi différenciées (et remarquables) que La Caballería Espiritual, De Covadonga a la nación española ou les récents Ensayos antimaterialistas, ne doit pas être confondu avec cette légion creuse de plumitifs lacaniens qui travaillent dans la ferme de Doña Ideosofía (tout en versant du sirop marxisto-culturel et du politiquement correct dans chacune de leurs déjections intellectuelles gélatineuses).

Carlos X. Blanco est un métaphysicien habile qui a écouté la voix profonde  des montagnes: d'abord comme esthète (il le démontre dans son œuvre narrative), puis comme penseur ontologique, dans la lignée qui va de Parménide et Aristote à Spengler et autres penseurs similaires ; ses préoccupations tournent donc autour du principe d'identité : il n'est pas possible de jeter les bases d'une révolte contre le monde moderne si l'on n'a pas forgé au préalable un support doctrinal correctement stable, c'est-à-dire systématique. Ce support était déjà codifié dans la production littéraire et académique de notre auteur. Et s'il manquait encore quelque chose, voici que paraît La insubordinación de España, la quintessence de ses préoccupations ultimes sur l'Être (avec une majuscule) et l'énigme historique de l'Espagne, préoccupations ultimes qui  oscillent entre la philosophie de l'histoire et la sociologie prédictive.

La insubordinación de España comporte un heureux prologue-manifeste du grand journaliste Raúl González Zorrilla, suivi des quatre parties qui réunissent les principales thèses de l'ouvrage. Comme notre objectif n'est pas d'"éviscérer" le contenu du livre, nous nous contenterons d'annoter certaines des idées qui ressortent, explicitement ou non, du livre.

carlos x.blanco,espagne,europe,affaires européennes,livre

L'idée maîtresse que le livre illustre est peut-être que "le déclin de l'Europe n'est pas une copie exacte du déclin du monde classique ou du déclin de la Renaissance gothique-scolastique qui a débuté au 14ème siècle. Le déclin de l'Europe s'apparente à un tremblement de terre cosmique. Un séisme cosmique, c'est-à-dire un point de rupture sans possibilité de récupération: une catastrophe sublimée dont il ne restera que des particules de poussière après la démolition culturelle convenue par le Grand Capital. "L'économie capitaliste mondialisée et la technolâtrie menacent sérieusement la possibilité de survie de l’âme humaine. L'Homo sapiens simplement biologique pourra survivre, en laissant de côté les catastrophismes sur la guerre nucléaire ou la non-durabilité écologique...". Les quatre parties évoquées, successivement et par complémentarité, traitent des précédents de ce tremblement de terre, et très concrètement de ses préparatifs sur la scène espagnole : "L'Espagne va tomber", "Le meurtre de l'Espagne", "L'Espagne comme katehon" et "Notre nouveau et infâme 711". Dès leur titre, on peut deviner leur contenu, qui est percutant à tous égards, mais surtout instructif.

Cependant, il y a dans le livre de Carlos X. Blanco une idée fixe qui nous ramène à la philosophie pessimiste de l'histoire d'Emmanuel Kant, qui, dans la huitième proposition de son Idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique, établirait qu'"il y a donc une scission au cœur de l'histoire, entre ce qui est vécu par les individus, leurs passions, leurs luttes, leurs ambitions, et ce qui se passe au-delà d'eux sur le plan universel, l'exécution d'un plan caché de la nature pour établir une constitution qui régit parfaitement la politique intérieure et aussi, dans le même but, la politique extérieure".

Sur cette question capitale, impossible à appréhender aujourd'hui dans sa totalité en raison de l'hyper-fragmentation des connaissances et de la tyrannie du virtuel, s'ancre la problématique métaphysique existante qui assomme l'Espagnol ordinaire : ce sujet déconnecté de son passé, moralement infirme et intégralement malade à force de prendre soin de sa santé physique, est une aberration anthropologique pour l'Espagne, puisqu'il nie la nature substantielle même de l'être espagnol. La majeure partie des Espagnols d'aujourd'hui, cette masse somnolente, bipède et archaïque de l'après-Régime de 1978, pleurnicharde et amorphe, sans racines et apostate, brise par sa simple (in)existence la dignité de l'Espagnol historique et extemporané, cette figure robuste dont le passé glorieux n'est conservé que dans nos dépôts doctrinaux (littérature, art, architecture, etc.).

Une main invisible, en somme, gouverne les destinées de chaque Espagnol bâillonné et à jamais régressé: il semblerait que le prix de notre sauvetage soit inabordable, et qu'en devenant une masse en perdition (donc après trois siècles d'infiltration maçonnique progressive et de libéralisme prédateur), nous ayons perdu la dernière prise spirituelle solide pour nous protéger contre la froidure métallique postmoderne. Il y a un plan caché, comme l'a justement clarifié Kant, qui échappe à nos prévisions et même à notre destin historique (le non-être), non plus celui de la nation oublieuse de ses morts, mais celui d’une entité solidaire inexistante qui meurt dans les ruches sombres de nos villes agonisantes, où les lumières criminelles des télévisions illuminent les visages mortuaires des derniers Espagnols... vivants.

Contre cette catastrophe de l'esprit se bat l’auteur de La insubordinación de España, un texte qui propose des solutions et un diagnostic. Je remercie l'auteur d'avoir osé philosopher debout, devant les ruines, sans corsets conventionnels ni autres outils d'autocensure.

Carlos X. Blanco: La insubordinación de España. Letras Inquietas (Abril de 2021)

José Antonio Bielsa Arbiol

José Antonio Bielsa Arbiol est un historien, philosophe, critique de cinéma, enseignant et écrivain. Il est titulaire d'une licence en histoire de l'art et d'une licence en philosophie de l'université de Saragosse. Il publie régulièrement des articles et des essais dans des magazines, des journaux de presse et des journaux numériques sur différents sujets, et écrit également des scénarios de films, des romans, des nouvelles et de la poésie. Il est marié et vit à Saragosse où il enseigne la philosophie.

Les convulsions du sens, réflexions métapolitiques…

12720473_20191028-152521.jpg

Les convulsions du sens, réflexions métapolitiques…

Cet article se veut une sorte de conclusion de deux précédents…et une introduction à un débat diversifié. La tonalité provocatrice est délibérée dans l’espoir de susciter des réactions…hors normes habituelles.

Nous pensons que le présent, quel que soit le regard porté, est sans issue. Ceux qui prétendent détenir des solutions se voient démentis par la réalité, nonobstant la jouissance (y compris matérielle : les médiacrates etc..) qu’ils tirent de leurs illusions…partagées. Il n’y a pas de solution sociale, pas plus que de solution nationale, à la situation actuelle. En premier lieu parce que la dite « société » n’est plus qu’un agglomérat de milieux, institutions, etc … sans langage commun et donc sans possibilité de partage.

Ensuite parce que n’apparaissent pas les luttes qui créent le langage d’un nouvel ordre social.

L’ordre LIDL que nous connaissons, fait de consommation dénuées de goûts et de loisirs « low-cost » n’agonise que très lentement. L’empire romain a connu plusieurs siècles (2-3), d’épidémies (bien réelles), d’invasions et de famines avant de se disloquer et de s’effondrer.

L’impasse du présent est fortement déniée aussi perceptible qu’elle soit : Alors ?

Caractériser comme « société » voire « communauté nationale » le conglomérat d’étrangers au milieu duquel nous errons est une usurpation langagière et conceptuelle. Les relations familiales se dissolvent, de flirt en divorce, de concubinages en recompositions. Les solidarités familiales en pâtissent mais l’autisme promu du sujet triomphant et « je suis ce que je suis » (c’est-à-dire pas grand-chose) y contribue largement.

perverso-narcisista-superdotado-intelectual-funcionamiento-.jpg

Mais au-delà ce sont toutes les formes sociales constitutives d’une authentique civilisation qui se désintègrent. Cette corrosion a frappé le « peuple travailleur » : le prolétariat n’existe plus, les uns et les autres n’ayant plus rien à partager (hormis le jaune éphémère d’un gilet). La mise en œuvre d’un assistanat généralisé (RSA etc…) et d’un intérim étendu dissout les solidarités potentielles par l’éphémère relationnel.

Et ce flottement social a également produit la ban-localisation (Renaud Camus) dissolvant les liens de quartiers et promouvant la « zonification » commerciale.

En somme, et pour résumer tout cela, l’ordre du travail fût l’ordre d’un monde. Sa ruine révèle la nouvelle forme d’organisation sociale : la distribution mondiale de la production et la promotion des zones les plus productrices de plus-value (l’Afrique, l’Asie…) avec touristification commerciale du reste du monde, (la mine de Carmaux, cf : J.Jaurès a été reconvertie en musée Cap découverte) et pôle de loisirs avec coups de grisou itératifs et distractifs. Rappelons en passant la réunion en 1960 du Club de Rome et Sicco Mansholt, et sa distribution des rôles des régions d’Europe au niveau du tourisme ou autres, de Zbigniew Brezinski sur la « théorie des inutiles » : il y a ceux qui consomment et ceux qui produisent et ceux qui produisent et consomment (à lire à ce propos le livre de David Graeber : Bullshit Jobs sur les emplois inutiles et non productifs).

manipulateur_trouble-de-la-personnalité-narcissique.jpg

Pour conclure sur ce sujet, et nous prolongeons Graeber, disons que le seul but de l’économie est la production de marchandises à des fins de multiplications des bénéfices : le sens et l’utilité sont désormais caducs ou obsolètes.

Face à cela, que peut-on faire et quel monde promouvoir ? Peut-on croire en une réforme de la société existante, voire en une révolution comme le crurent voici quelques décennies les adeptes des fascismes ou des communismes ? Quels combats politiques sont porteurs de sens:que peut changer l’élection proportionnelle ? Le frexit a t-il un sens ? etc…

Que toutes ces revendications ou réformes (ou mesures telles que suppressions de la GPA-PMA etc..) aient un sens et réjouissent les citoyens qui s’agrègent autour de telles réalités postulées peut se concevoir. Mais qui, sérieusement, peut imaginer que promouvoir la société des années 60  (ou 80 selon l’âge des promoteurs) aura un sens historique durable, restaurateur d’une civilisation…

D’aucuns affirment, et d’autres ont écrit, qu’il n’y avait d’autre espoir que l’effondrement de la société marchande (et spectaculaire), afin que renaisse une humanité se forgeant une identité authentique.

Est-ce absurde ?

Après la venue du rédempteur, beaucoup espèrent en la victoire d’une incarnation de l’identité nationale, du peuple etc…Eric Zemmour, (Jean Messiha et Marion Marechal) en seront la personnification. Je meurs d’envie de poser la question à cet ami de sa conception de la remigration, du frexit et de la reconstruction de l’économie nationale etc… La définition d’une authentique démocratie : le pouvoir du peuple ? La structure sociétale…

manipulateur-narcissique.jpg

Et comment pour ce faire, échapper à la tutelle de la CEE, de la Davocratie… ?

En somme les questions fondamentales sont celles de la liberté d’agir dans la société mondialisée et la prison Europe (CEE) c’est-à-dire la définition de la Souveraineté et de la définition  précise du populisme.

A quoi servent les instances politiciennes (Conseil Départemental, Conseil Régional, Parlement, Sénat … ) ?

Ne peut-on pas leur substituer des instances corporatives associées et un référendum systématisé traduisant le pouvoir du peuple.

Souverainisme et Corporatisme (populisme) sont indissociables : Qui en fait la promotion ?

Daniel Cosculluela.