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mardi, 27 avril 2021

Entretien avec le collectif Zannekinbond: Socialiste Révolutionnaire et Flamand

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Entretien avec le collectif Zannekinbond: Socialiste Révolutionnaire et Flamand

Ex: https://rebellion-sre.fr/

Nous, animateurs de la revue Rébellion, sommes très heureux t’offrir la parole à nos camarades du collectif Zannekinbond. Ils font un important travail qu’il faut soutenir pour faire vivre une alternative socialiste révolutionnaire partout en Europe.

Pourriez-vous présenter Zannekinbond ?

Le Zannekinbond a été créé officiellement le 11 juillet 2019. Il a l’ambition d’être un groupe de réflexion dans le but d’établir un corpus idéologique de fond, avant d’être un groupe d’action. Cette possibilité n’est pas exclue à l’avenir mais nous souhaitons, pour l’instant, nous placer dans la bataille des idées. Nous voulons mener cette bataille nécessaire car en Flandre, en Belgique et dans les Pays-Bas en général, les idées que nous portons sont absentes. Alors que beaucoup de nouvelles idées intéressantes circulent à l’étranger, la mentalité de clocher et la politique des polders persistent en Flandre. La plupart restent bloqués sur les mêmes idées démodées depuis les années 1990. Dans les années 70, les idées développées en France, en Allemagne et en Italie se sont facilement propagées ici. Quand il pleut à Paris, il coule à Bruxelles et bruine à Anvers. Mais il n’y a plus d’innovation politique depuis le début des années 90.

La tribalisation politique, qui caractérisent actuellement la politique en Europe, et plus généralement le monde occidental dans son ensemble, sont apparus très tôt en Flandre. D’une part, le libéralisme progressiste de gauche et, d’autre part, la droite, libérale, conservatrice ou identitaire. Cette droite qui ,tout comme chez nos voisins du Nord, est de plus en plus guidée par des tendances venue de l’autre côté de l’Atlantique.

Les partis politiques et les protagonistes vont et viennent, mais les thèmes restent largement les mêmes, les deux partis jouant de facto le rôle d’idiots utiles du grand capital. Notre activité s’inscrit dans la diffusion d’une vision qui est, d’une part, explicitement de gauche sur le plan socio-économique, de nature socialiste sans se réduire à un mouvement spécifique au sein de la grande famille socialiste. D’autre part, le Zannekinbond souhaite offrir au nationalisme flamand un ressourcement, un nouveau souffle, loin des recettes libérales.

Nous souhaitons revenir aux origines du mouvement radical qui a défié la Belgique depuis la Première Guerre mondiale. De nombreux Flamands, même au sein du mouvement national flamand, ont oublié les batailles, les grandes figures et leurs points de vue de l’époque. Pourtant, Il est étonnant de constater à quel point les questions du passé peuvent encore inspirer les problèmes actuels.

Par exemple, nous souhaitons apporter une critique saine de la politique d’ouverture des frontières. Le discours habituel de la droite radicale n’est que trop peu de crédibilité pour une partie considérable de la population car elle s’exprime sur fond de racisme. Cette radicalité engendre une polarisation entre, d’un côté, le camp de la droite radicale qui restera toujours indigeste pour une majorité de la population et, en face, cette majorité qui reste sous l’influence d’une élite libérale et cosmopolite qui prône l’ouverture des frontières. Nous pensons qu’une politique économique de type socialiste n’est possible que si la souveraineté nationale est restaurée et si le travail n’est plus considéré comme un facteur de production mobile à l’échelle mondiale, comme le souhaitent les capitalistes. En outre, nous concentrons nos flèches sur la mise en péril du socialisme par la politique identitaire libérale. Nous affirmons que que la privation de droits nationaux et la lutte des classes coïncident. Il ne peut en être autrement.

Nous constatons qu’à l’étranger, les idées profondément innovantes sur le plan social, économique, politique et géopolitique sont dynamiques. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles prennent de plus en plus d’ampleur. L’objectif du Zannekinbond est donc d’entreprendre une nouvelle approche au débat, de développer de nouvelles idées, de lancer des analyses critiques et d’importer de nouvelles idées de l’extérieur en Flandre et de les y adapter. Par exemple en traduisant des œuvres politiques pour un public néerlandophone. L’objectif est de déconstruire le clivage habituel gauche/droite afin d’en synthétiser des idées pertinentes. Cette synthèse ne se situe pas tant « à gauche du capital, à droite de la morale » mais devrait construire un nouveau cadre de référence sur lequel de nouvelles valeurs peuvent être construites pour le 21ème siècle. Et parfois, s’inspirer et adapter les anciennes à notre siècle.

Quel lien faite vous entre combat de libération nationale et socialisme?

L’un ne va pas sans l’autre. D’une part, il ne peut y avoir de souveraineté populaire tant que les Nations, les peuples et les régions, restent soumises à des structures supranationales au service d’un ordre mondial qui est en contradiction avec l’idée de souveraineté. D’autre part, les mouvements et les partis politiques qui parlent de souveraineté et d’indépendance ne semblent pas pouvoir analyser correctement cette situation et semblent même en être souvent les plus grands défenseurs. Par exemple, au sein du Mouvement flamand traditionnel, il était jusqu’à très récemment impossible de remettre en question le rôle des multinationales, car ces dernières étaient nécessaires dans la prospérité de la Flandre en renforçant sa position concurrentielle vis-à-vis de nos voisins. La myopie l’emporte. Maintenant que ces mêmes multinationales sont activement engagées dans une politique d’identité, de genre, de communautarisme et de censure, le fusil change lentement d’épaule. Mais il est trop tard.

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Pour nous, les deux sont donc inséparables : les notions de lutte des classes et de libération nationale se fondent en un mélange explosif qui peut briser le statu quo libéral. Ernst Niekisch avait déjà indiqué les moyens de la lutte des classes pour parvenir à la libération nationale. Nous récusons La croyance romantique – et ultérieure – selon laquelle il existerait une communauté populaire indivisible dans laquelle il n’y aurait pas d’intérêts opposés dans un environnement libéral-capitaliste. L’Histoire de libération du peuple flamand contredit également ce constat : la classe ouvrière flamande a été à maintes reprises trahie par son élite économique qui, dès que l’occasion de monter dans l’échelle sociale se présentait en étant incluse dans l’élite économique belge.

Avec le Zannekinbond, nous sommes vigilants aux courants de type fascistes, ou autres tendances d’extrême droite, qui s’infiltrent dans le courant national-révolutionnaire. Par le passé, en Flandre comme ailleurs en Europe, des groupes d’extrême droite ont abusé de l’étiquette « national-révolutionnaire » pour cacher leurs véritables opinions. Mais, assez rapidement, les masques tombent et, aussi bien le racisme brut que l’autoritarisme de droite, apparaissent. Pour nous, l’inspiration se trouve plus souvent dans un James Connolly ou un Henning Eichberg et certainement pas dans la Falange espagnole par exemple. Cela signifie que la résistance à l’impérialisme coïncide avec la volonté d’assurer la liberté et la souveraineté de chaque peuple sans perdre de vue le tableau européen dans son ensemble. Les luttes de libération nationale, à l’heure actuelle et en ce qui concerne l’Union européenne, mais aussi en ce qui concerne les États nationaux européens, ont connu leurs meilleurs moments.

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Une Europe socialiste de Dublin à Vladivostok dans laquelle tous les peuples peuvent vivre leur spécificité culturelle et où il n’y a plus de place pour des Etats comme la Belgique, la France, l’Espagne. Notre nationalisme est basé sur l’idée que cette nation peut encore construire son propre empire tel qu’il a été propagé dans les années trente. Pour nous, ce que Jean Thiriart a appelé le « petit nationalisme » en ce qui concerne la Flandre, la Bretagne, la Corse etc. s’applique aux États européens multiethniques qui, à maintes reprises, empêchent une véritable unification européenne par leur nationalisme inspiré soit par les valeurs de 1789, soit par le traditionalisme réactionnaire catholique. Comme les jumeaux siamois, ils sont attachés par leurs élites à l’UE, à l’OTAN et à l’ordre socio-économique existant. Le statu quo institutionnel et politique est lié à l’emprise des États-Unis sur l’Europe. L’UE et sa Banque centrale européenne veillent au libre marché et à une politique néo-libérale dans les États membres. En échange de quoi ces derniers sont autorisés à s’accrocher désespérément à leur propre armée nationale au sein de l’OTAN et à leur propre corps diplomatique comme dernier noyau de leur « souveraineté nationale ». Nous saluons le fait que la Russie ait déjà montré qu’elle considère la lutte pour les droits des peuples d’Europe occidentale et d’ailleurs comme un moyen d’affaiblir le statu quo, comme en témoigne la conférence « Dialogue des nations : le droit à l’autodétermination et la construction d’un monde multipolaire » en 2015.

En ce qui concerne ce positionnement géopolitique, nous constatons le même problème au sein du Mouvement flamand traditionnel. Pendant des décennies, les nationalistes flamands se sont révélés être de grands défenseurs d’institutions telles que l’OTAN, l’UE, et ont soutenu les guerres au Moyen-Orient, parce que c’était « contre l’Islam ». Nous voyons encore qu’ils sont – avec leurs « ennemis » de gauche d’ailleurs – en première ligne lorsqu’il s’agit de mener une politique hostile à l’égard de la Russie ou de la Chine – car c’est là que les « communistes » règnent en maître. Nous sommes chaque fois très surpris de voir ces mêmes institutions supranationales se retourner finalement contre leurs vassaux. On ne mord pas la main qui nourrit, on nourrit la bouche qui mord. Le néolibéralisme en est à la pointe ; le socialisme, en revanche, est détesté. Avec le Zannekinbond, nous essayons de briser cette spirale descendante.

Ce qui se présente comme de “gauche » a non seulement quitté le nationalisme populaire, ce qui n’était certainement pas le cas par le passé, mais aussi le socialisme ! Un cocktail mortel de mondialisme, de politique identitaire et de néolibéralisme en constitue désormais l’épine dorsale et tente également de dominer le discours social, universitaire et politique. Ainsi, toute opposition à ce projet sera fondée en premier lieu sur la souveraineté nationale, et en second lieu sur le socialisme comme alternative économique au service de la communauté, et non au service du grand capital. La lutte de libération nationale est donc nécessaire pour libérer la communauté populaire et souveraine des entraves de l’oligarchie internationale afin de réaliser le véritable socialisme comme base économique et sociale au service de cette même communauté. C’est la seule alternative au néolibéralisme globalisant. Nous ne faisons aucune distinction entre le socialisme marxiste et non marxiste. Avec les éléments du passé, nous tirons les leçons nécessaires et déconstruisons et (re)construisons ce qui doit être démasqué et analysé comme une plate-forme stable pour construire des communautés et des nations solides.

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Comment jugez-vous la situation politique de la Belgique après une dizaine d’année de crise politique ?

En fait, la crise politique en Belgique est beaucoup plus ancienne. Pour la comprendre, il faut revenir à la naissance de l’État belge. La Belgique est une construction artificielle de l’État qui devait servir les intérêts politiques internationaux de l’époque en obtenant un équilibre des superpuissances européennes de l’époque tout en proposant un projet très libéral. La révolution belge de 1830 fut avant tout une révolution de type libérale, soutenue par la bourgeoisie libérale francophone d’une part et par le concours de l’Église catholique d’autre part pour qui la crainte du protestantisme aux Pays-Bas était justifiait de devoir accepter une constitution très libérale. En 1831, sur la recommandation de la famille bancaire britannique Rothschild, les familles Saxe-Cobourg et Gotha ont été placées sur le trône royal. L’une des principales raisons en est l’activité financière du premier roi, Léopold Ier. À aucun moment, le soulèvement belge n’a été un soulèvement ouvrier. Le nationalisme belge était et est toujours bourgeois. À l’époque, les Flamands étaient une population paysanne appauvrie dont l’élite était francisée, et la nouvelle élite belge voulait étendre cette francisation à toute la Flandre.

La crise en Belgique se renforce alors que l’élite dirigeante capitaliste belge se mondialise. Elle se transforme en une élite cosmopolite qui trouve les frontières nationales gênantes. Le libéralisme belge est en train de tuer son propre enfant, la Belgique. Plus rien ne justifice cet état, sauf peut-être encore quelques intérêts financiers de groupes capitalistes. Parce qu’un État belge unitaire s’est avéré intenable après la Seconde Guerre mondiale – les Flamands exigeant plus de droits politiques – une construction fédérale nébuleuse a été conçue. En plus de l’État fédéral, des régions et des communautés viennent s’y superposées, et ce système arrive à terme. Il est temps d’abolir définitivement cette construction belge. D’un point de vue purement électoral, la situation au niveau fédéral, belge et national devient intenable. La formation du gouvernement fédéral est extrêmement difficile car la population wallonne vote plus à gauche et la population flamande plus à droite. Cette orientation de droite en Flandre est principalement basée sur des valeurs culturelles plutôt que sur des questions socio-économiques.

En termes de politique actuelle, le gouvernement dit de Vivaldi qui est une mosaïque composées de libéraux, de sociaux-démocrates, de verts et des chrétiens-démocrates flamands, et qui a été formée après une autre longue période de négociation politique, représente le pire des mondes. Culturellement, elle exprime un libéralisme de gauche agressif par lequel elle se distingue du précédent gouvernement du Premier ministre Michel qui est désormais le président de l’Union européenne. Elle était perçue comme conservatrice et néolibérale en raison de la présence de la N-VA, parti nationaliste flamand de type libéral-conservateur. Dans une large mesure, cela était correct. Le gouvernement Michel Ier n’a pas caché son soutien aux organisations patronales en faisant reculer beaucoup de droits et acquis sociaux.

Mais à bien des égards, le gouvernement actuel ne diffère guère de son prédécesseur. La parodie de « changement » de ce gouvernement vise en fait à intégrer des sous-identités dans son administration afin de donner à l’ensemble un faux air de « justice sociale ». Celà sert à masquer les mêmes mesures néolibérales et à imposer à la population un projet social qu’elle n’a pas demandé.

De plus, la situation devient de plus en plus urgente. Les partis politiques qui composent la coalition Vivaldi se rendent compte qu’ils pourraient être le dernier gouvernement d’un État unitaire s’ils échouent dans leur tâche de reconquérir le soutien populaire. Les rapports de force évoluent. Les partis flamands séparatistes et confédéralistes voient leur influence augmenter dans les sondages, tout comme les communistes. Les « partis majoritaires » bénéficient du soutien d’une minorité de la population. En 2024, il pourrait donc y avoir un cap important. Mais cela en dit peu sur le type de société vers lequel nous évoluerons. Si ces mêmes groupes d’intérêt se recentrent sur le niveau flamand, au lieu du niveau belge comme actuellement, ce que nous constatons déjà par le lobbying de certains groupes d’intérêt et partis politiques conservateurs de droite et nationalistes flamands, alors en fin de compte, peu de choses changeront pour la communauté.

Vue depuis la France, le mouvement national flamand semble très libéral. Cette impression est une réalité?

Depuis les années 60, le mouvement national flamand s’est de plus en plus préoccupé des intérêts d’une certaine classe moyenne naissante, avec la mentalité d’épicier qui en découle. Cela lui a donné la réputation, en tant que rare mouvement nationaliste populaire en Europe, d’être marqué très à droite, très libéral et très réactionnaire. C’est une grande différence avec l’Irlande, la Corse ou l’Écosse, pour n’en citer que quelques-unes des régions européennes en lutte. L’un des rares mouvements régionalistes en Europe avec lequel vous pourriez comparer le mouvement flamand actuel est l’ancienne Lega Nord sous Umberto Bossi. Mais vous pourriez aussi avoir du mal à le qualifier de nationaliste populaire. De plus, le Mouvement flamand est aujourd’hui en proie à des clichés anticommunistes, à une adoption superficielle du nouveau langage formel de l’altright, à un populisme informe et sans but, et à un sentiment général que le gouvernement est responsable de toutes les souffrances, d’autant plus qu’il s’agit du gouvernement belge. Pourtant, le fait que des partis nationalistes flamands, tels que la Volksunie ou la N-VA, aient partagé le pouvoir à plusieurs reprises par le passé, ne semble pas constituer une objection à cela. Cela crée une symbiose entre les idées libérales et libertaires de droite, souvent issues des États-Unis, et le nationalisme populaire flamand, qui, à notre avis, est non seulement tout à fait unique en Europe, mais aussi contradictoire sur le plan interne.

imageszbpal.jpgCette image libérale du mouvement flamand est donc largement correcte ou du moins compréhensible. Il est dominé par un parti conservateur-libéral de centre-droit, la N-VA, et par le Vlaams Belang, un parti radical de droite. Tous deux sont libéraux lorsqu’il s’agit de vision socio-économique. La N-VA est plus explicitement pour le libre-échange – moins de gouvernement, plus de privatisation – que le Vlaams Belang. Mais ce dernier continue aussi à prôner une économie de l’offre déterminée par les forces du marché libre. Ces dernières années, le Vlaams Belang a adopté un profil socio-économique plutôt de gauche, mais on ne peut pas se défaire de l’impression qu’il s’agit là d’un opportunisme propagandiste. La preuve étant les vote de leurs élus dans les parlements lorsque des dossiers socio-économiques sont sur la table, ainsi que de leurs attaques persistantes contre l’action syndicale.

Les deux partis soutiennent aussi explicitement le camp pro-occidental en termes de politique internationale, en laissant de côté les exceptions individuelles. La domination de ces deux partis sur la scène politique flamande conduit également à son caractère visceralement anti-socialiste. L’une des conséquences de cette main-mise politique est que la Wallonie et la population wallonne sont visées à la place de l’État belge, de sa monarchie et de ses principaux groupes capitalistes, qui de fait se maintiennent au pouvoir.

Avec le Zannekinbond, en revanche, nous souhaitons rétablir une vision de l’État belge et de son élite dirigeante comme principal ennemi du peuple flamand en lieu et place de la Wallonie et de la classe ouvrière wallonne. Nous souhaitons revenir aux véritables racines émancipatrices du Mouvement flamand. Il devrait en résulter un nouveau cadre conceptuel, adapté au 21e siècle mais avec les deux pieds dans les traditions sociales du Mouvement flamand. Bien sûr, il reste encore beaucoup de travail à faire, mais nous pensons que le moment est venu, plus que jamais !

L’Histoire du mouvement radical flamand prouve qu’il n’a pas toujours été à “droite”. Lorsqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement s’est radicalisé et a résolument choisi la voie anti-belge – abandonnant ainsi la voie de la réfome linguistique dans un cadre belge – cela a souvent coïncidé avec des sympathies ou des positions socialistes et révolutionnaires au début de l’entre-deux-guerres. La période 1916-1922 a clairement vu naitre des opinions révolutionnaires et socialistes parmi les vétérans du front flamands et les militants flamands. On relève des sympathies pour la rébellion de Pâques irlandaise de 1916 et pour la révolution d’octobre russe de 1917. Ces racines ont été quelque peu oubliées et Zannekinbond veut contribuer à les ramener sur le devant de la scène.

Si nous regardons la société contemporaine, nous pensons que la politique bourgeoise libérale et/ou de droite radicale ne peut pas offrir une solution de long terme. C’est surtout la politique au jour le jour en fonction du mécontentement général de la population. La phase actuelle du capitalisme tardif montre de plus en plus que la défense de la souveraineté populaire, des traditions et de l’individualité coïncide avec l’anticapitalisme, avec la volonté de repositionner la politique au-dessus de l’économie et de réguler à nouveau cette dernière, avec la volonté d’écrire une nouvelle histoire d’inspiration socialiste. Les Flamands attachent une grande importance aux valeurs de droit culturel, au respect des traditions. Mais sur le plan socio-économique, les Flamands sont souvent beaucoup plus à gauche qu’on ne le pense, y compris en Flandre même. La grande majorité de la population flamande n’est pas favorable à la privatisation de la sécurité sociale. 80 % des Flamands pensent que le grand capital devrait contribuer davantage aux revenus de l’État. Le problème, c’est que lorsqu’ils votent pour la droite bourgeoise, ils obtiennent une politique libérale, aussi et surtout sur le plan économique.

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Lorsque l’on examine la genèse du mouvement flamand radical, celui qui ne se contenta plus de défendre les droits linguistiques mais qui a décidé de remettre en question l’État belge, il apparaît que bon nombre de cadres de ce mouvement se sont naturellement aligner non seulement sur les positions socialistes mais aussi sur la lutte contre l’impérialisme militaire qui a pris forme dans le mouvement pacifique flamand. Elle a conduit aux célèbres pèlerinages de l’Yser où des milliers de nationalistes flamands sont venus prêter serment d’allégeance à l’héritage politique des soldats flamands du front. Avec le Zannekinbond, nous pensons que ce mouvement pacifiste flamand a besoin d’être relancé, compte tenu de la politique d’agression de l’OTAN à l’égard de la Russie et à laquelle la Belgique atlantiste reste fidèle. Il reste un mystère pour nous, par exemple, de savoir comment les Flamands de droite, conservateurs et libéraux, parviennent à jurer allégeance au “Testament de fer” des “Fronters” et à accepter ensuite les crédits de guerre pour le soutien militaire belge en Syrie, à accepter les propositions de réintroduction du service militaire dans l’armée belge ou même d’adhésion à l’OTAN…

Comment intégrer vous la dimension européenne à votre engagement pour la Flandre ?

En ce qui nous concerne, la reconquête de la souveraineté des communautés s’inscrit avant tout dans la réalité de l’Union Européenne. Mais cela ne signifie en aucun cas une croyance ni dans une Europe des nations indépendantes, ni dans une Europe aux 100 drapeaux selon la vision de Yann Fouéré. Nous pensons que cette souveraineté ne peut être garantie que lorsqu’il existe un projet idéologique commun aux différentes communautés de personnes, qui peut être une alternative à l’ordre mondial atlantique et néo-libéral. La liberté des peuples européens, d’une part, et l’organisation d’une économie socialiste, d’autre part, ne peuvent être séparées de la (re)construction d’une Europe unifiée. Une association de peuples ne sert donc pas à subordonner ces peuples à certaines prémisses idéologiques, telles que le libre marché ou la liberté absolue des formes d’expression individuelles, ou à une oligarchie de groupes d’intérêts financiers, comme c’est le cas actuellement de l’UE, mais plutôt à soutenir les intérêts de ces peuples et à sauvegarder leur souveraineté. Le leitmotiv idéologique, c’est à dire un cadre commun socialiste et nationaliste populaire, est nécessaire pour défendre l’intégrité de ces communautés, ainsi que de promouvoir l’amitié et la fraternité entre les différents peuples. La Belgique, par contre, a été dès le départ du côté de l’Atlantisme, du côté de l’économie capitaliste volatile, du colonialisme, de l’économie de marché libérale, du développement d’un État occidentaliste.

images.jpgEn ce qui concerne la Flandre et ses relations avec l’Europe, nous optons pour la « civilisation de la terre », pour la fermeté, l’identité, la durabilité, les valeurs immuables et l’enracinement, une économie basée sur les principes socialistes où la politique peut diriger l’économie. Cela signifie qu’il faut regarder plus loin vers l’Est, vers un rapprochement avec l’Europe centrale et orientale, y compris la Russie. Avec le Zannekinbond, nous nous concentrons – précisément en raison de cette souveraineté des communautés – sur un espace politique eurosibérien et, par extension, sur un espace spirituel eurasien. Il y a donc certainement des questions où l’Europe a besoin d’une unification politique, mais cela ne peut se faire uniquement dans le cadre de l’Union européenne. L’UE actuelle est née des souhaits des Américains qui, avec leur plan Marshall, ont exigé que les Européens disposent désormais d’un marché plus vaste qui faciliterait l’approvisionnement en produits américains. Les élites libérales européennes ont travaillé davantage sur ce point en voulant réaliser l’unification politique par l’unification économique. Outre l’érosion de la souveraineté nationale, le résultat est une Europe impuissante sur le plan international car elle reste le jouet des Américains.

Ainsi, pour savoir quelle peut être la dimension européenne d’un futur projet flamand, il faut d’abord savoir : quelle Europe et quelle Flandre ? Ensuite, il faut déterminer quel est le cadre le plus approprié pour réaliser ces objectifs. Selon nous, il s’agit d’un projet continental de Dublin à Vladivostok, où les peuples de langues, de cultures et d’ethnies différentes peuvent préserver leur identité organique, leurs intérêts économiques et leur intégrité écologique dans un cadre idéologique partagé, une plate-forme consultative commune et, si nécessaire, une organisation de sécurité commune.

Merci à vous camarades.

Retrouvez nos camarades sur le net :

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Jordis von Lohausen: Les «Conversations en selle» sur le destin de l’Europe et de la Russie

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Jordis von Lohausen: Les «Conversations en selle» sur le destin de l’Europe et de la Russie

par Joakim Andersen

Ex : https://motpol.nu/  

Il existe une tradition européenne en géopolitique, une tradition qui semble aujourd'hui si incompatible avec le système qu'elle en devient révolutionnaire. Parmi les représentants historiques de cette tradition figurent le Suédois Kjellén, Haushofer, Thiriart, et de Gaulle (dans une certaine mesure). Parmi les représentants contemporains, on trouve Robert Steuckers et Aleksander Douguine, même si la géopolitique de ce dernier prend volontiers des accents métaphysiques. Un penseur géopolitique très fécond dans cette tradition fut également le Baron Heinrich Jordis von Lohausen (1907-2002). H. J. von Lohausen était issu d'une famille autrichienne avec une ascendance militaire, et a participé à la Seconde Guerre mondiale en tant qu'officier et diplomate en Libye, en Pologne et en Russie, entre autres. Après la guerre, il s'engage en faveur d'une Europe libre et écrit des classiques de la géopolitique tels que Mut zur Macht et Denken in Völkern. Cette oeuvre constitue une bonne introduction à la géopolitique européenne.

Conversations en selle (Reiten für Russland: Gespräche Im Sattel)

Celui qui a de l'espace a un avenir. Seulement lui.

Reiten für Russland

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Une bonne introduction à von Lohausen est Reiten für Rußland: Gespräche im Sattel (= Chevaucher pour la Russie – Conversations en selle). Nous y suivons un groupe de soldats allemands qui participent à l'invasion de l'Union soviétique à cheval. Les soldats parlent de la guerre et des événements mondiaux auxquels ils participent, ce qui donne à Lohausen l'occasion de juxtaposer de manière dialectique différentes perspectives et vérités partielles. C'est un type de montage généralement risqué qui peut facilement devenir ennuyeux, mais qui, en l’occurrence, fonctionne bien. À une époque obsédée par le national-socialisme, qui a été vaincu depuis 70 ans, il peut être approprié de mentionner qu'il joue un rôle très périphérique dans les conversations. Les intervenants sont des soldats allemands, leurs conversations portent sur l'Allemagne, l'Europe et l'histoire du monde.

Les conversations des soldats tournent essentiellement autour de deux questions. Premièrement, pourquoi ils se battent, et deuxièmement, qui ils sont. Un soldat dit qu'il se bat pour que ses petits-enfants puissent aussi parler allemand, qu'il s'agit de savoir si l'allemand doit devenir une langue mondiale comme l'anglais ou suivre le même chemin que les langues mineures. La conversation porte ensuite sur le pouvoir dont dispose l'Angleterre grâce à sa langue mondiale :

‘’Tous les snobs sont du côté de l'Angleterre... le gentleman a remplacé le cavalier, le carnet de chèques l'épée, la "réalité" la courtoisie...’’.

5y_AF3GZO1JL8fAI_h8i7-pryXM.jpgPlusieurs soldats critiquent la civilisation métropolitaine, l'ère des masses et l'argent. On constate que ce n'est pas seulement "l'électeur ignorant" qui contrôle la vie contemporaine, mais au moins autant "l'acheteur ignorant". Et malheur à celui qui se met en travers du chemin du consommateur. Les forêts sont abattues, les vestiges de la culture sont visités jusqu'à la ruine définitive. Les millions de consommateurs sont les nouvelles majestés, et il est mauvais qu'ils soient des majestés inconnues.

Un soldat dit que la civilisation urbaine va périr, "l’élévation verticale par l’acier et le béton était une élévation vers une impasse. Le temps des grandes villes est révolu". Si c'est le cas, ils se battent pour donner aux paysans allemands un endroit où vivre.

César ou Alexandre

En Amérique, on disait "un Indien mort est un bon Indien", dans la vieille Russie "un sujet kirghize est un bon kirghize". Pour nous, c'est "un Russe libre et bon, un Ukrainien libre et bon".

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Un tel endroit existe à l'Est, mais des gens y vivent déjà. La manière d'entrer en relation avec eux joue un rôle central dans les conversations. Il y a presque un consensus sur le fait qu'il y a de la place pour les Allemands et les Russes. Les deux paradigmes d'attitudes envers les autres peuples décrits sont basés respectivement sur les campagnes gauloises de César et les campagnes perses d'Alexandre. Là où César est venu en conquérant et a écrasé la Gaule, Alexandre a eu une attitude très différente à l'égard des Perses. H. J. von Lohausen affirme que "contre les Russes, et les Russes en particulier, on ne peut tenir cette terre, seulement avec eux". L'objectif, en bref, est de gagner les Russes, et les autres peuples d'Europe de l'Est, à la cause de l'Allemagne. Comment, alors, faire cela ? écrit von Lohausen : « Le christianisme de Dostoïevski, prédit Oswald Spengler, appartient au troisième millénaire. Nous devons accomplir la tâche de la vieille Russie. Sinon, nous ne pourrons pas les surmonter. C'est ce que les Allemands ont fait avec Rome... nous devons nous connecter ici avec les Varègues, avec les Rurikides ».

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Un contrepoids à l'axe des États-Unis et de l'Angleterre ne peut être que "germano-russe". Les soldats décrivent également les Allemands et les Français comme des peuples jumeaux, et passent en revue les nombreuses occasions historiques qui ont existé pour unir ces peuples. "Les rois allemands ne divisaient pas, ils pensaient par ensembles". Il est également affirmé que "l'orgueil ennoblit le perdant, la magnanimité le vainqueur". En même temps, ils ne sont pas sûrs que les dirigeants allemands soient capables de comprendre cette nécessité, des mots comme "sous-hommes slaves" et le désir de garder "tout, la terre, la victoire, l'espace" pour eux-mêmes suggèrent que ce n'est pas le cas et que l'opportunité peut être perdue.

Allemagne et Europe

Ils veulent les océans, mais nous voulons la terre.

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La position de l'Allemagne est particulière. Spengler a déclaré qu'un pays au milieu de l'Europe doit devenir un État militaire ou périr. Les conversations en selle tournent aussi autour de cela. La position de l'Allemagne est soigneusement analysée, alors qu'elle est la seule nation européenne capable de devenir une puissance mondiale au XXe siècle. La position de l'Allemagne en fait également le seul État capable d'unir les peuples d’Europe: «Nous sommes le pont. Le seul parmi tous les peuples d'Europe... qu'est-ce que cette Europe sans l'Allemagne ? Un morceau de côte à l'extrémité ouest de l'Asie, un rien aux yeux des Russes».

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Il existe un lien naturel entre la géopolitique et l'intérêt pour les personnages nationaux, von Lohausen ne fait pas exception. Il décrit ainsi comment les Italiens "pensent avec leurs yeux", comment les Français sont enclins à l'esprit critique, etc. Il parle de "la fantaisie des Celtes", de "la sobriété des Latins", de "la détermination des Allemands".

Au centre de toute cette Europe se trouvent les Allemands, et la question est de savoir qui ils sont vraiment. Les conversations remontent à Keyserling, qui qualifiait les Allemands de ‘’peuple le plus polyvalent’’. On dit qu'ils sont les plus curieux ; comme les Russes, ils ont une certaine attitude à l'égard de l'illimité et de l'infini. La question de savoir s'ils sont un peuple, une nation ou une collection de tribus se pose également. La Prusse était probablement une nation: "un peuple a des fils, même des fils infidèles, une nation a des partisans".

L'un des soldats affirme que le nationalisme est le signe qu'un peuple est encore inachevé. Ils ne sont pas encore Allemands, ils ne sont pour l'instant qu'une nation. La question de la révolution allemande est également soulevée, "la révolution allemande, c'était la Prusse", ses instruments étaient "l'armée et l'État".

Les soldats discutent également de la relation entre le droit de vote et la conscription, ainsi que de la liberté et de l'égalité: « "Libre" et "égal" ne sont que des concepts. Vous ne pouvez pas les voir et vous ne pouvez pas les sentir. Mais le frère, le camarade, est de chair et de sang, lui faire du bien est bien, lui faire du mal est mal ».

Être ou avoir

L'imagination fait bouger l'histoire, la non-imagination la fige. L'imagination est l'âme de la politique.

Reiten für Russland – Gespräche im Sattel.

Il y a un noyau aristocratique dans la vision du monde de von Lohausen. Nous y avons déjà fait allusion dans les paragraphes consacrés à la magnanimité du vainqueur et à la civilisation urbaine moderne. Comme Thiriart, et Fromm, il fait la distinction entre l'avoir et l'être: « Toute véritable noblesse, toute culture repose sur l'être. Celui qui court après l'argent ne peut que perdre dans l'être. Un samouraï ne possédait rien d'autre que ses épées et son éducation. Sa vie a suivi le bushido, la voie du guerrier. Il n'y a pas si longtemps, on disait dans notre pays : "Celui qui jure par la bannière de la Prusse n'a que ce qui lui appartient". Regardez les États-Unis et vous trouverez le pays de la cupidité effrénée ».

Von Lohausen considère l'extermination des Indiens comme le chapitre le plus sombre de l'histoire de l'homme blanc, et y revient souvent. Les Indiens ne pouvaient pas être utilisés comme des travailleurs esclaves: "ils étaient des aristocrates, pas aussi faciles à dresser que des chiens, mais aussi indépendants que des chats. On peut atteler des bœufs à des chariots, mais pas une panthère". Selon von Lohausen, cela distingue la démocratie de la monarchie ; aux États-Unis, les indigènes ont été exterminés, ce qui n'était normalement pas le cas en Sibérie pendant la période tsariste. En même temps, il est conscient qu'il existe une "Amérique différente", avec des gens serviables et honnêtes. Mais ils ne contrôlent pas la politique.

414RDJ9PF3L._SX312_BO1,204,203,200_.jpgL'attitude aristocratique qu'il représente se caractérise également par le respect de l'ennemi: "la joie de la fierté et de la valeur de l'adversaire... deux choses rendent la guerre intéressante: le théâtre et l'adversaire". Parler de l'adversaire comme d'un "sous-homme" rime mal avec une telle attitude, et les soldats parlent aussi vers la fin que lorsque la victoire sera remportée à l'Est, il sera peut-être temps de "franchir le Rubicon" et de rentrer à Berlin. En bref, César est plus intéressant en tant que créateur d'un nouvel ordre à Rome qu'en Gaule.

L'accent mis sur l'être plutôt que sur l'avoir est lié à la description du style, qui s'apparente à la "race de l'âme" d'Evola et en partie aussi à Clauss. Dans une conversation, on dit que: « Le style, c'est avoir de la distance par rapport à soi-même, ses actions, ses intérêts, ses gains. Le style est une sagesse vécue... plus important que tous les éléments extérieurs est le chemin vers l'intérieur, plus important que tous les chemins du monde est le chemin vers les sources ».

La relation entre la politique et la moralité est également fréquemment abordée au cours des entretiens. On cite les propos de Bismarck selon lesquels "les concepts de culpabilité, de vengeance, de punition n'ont pas leur place en politique", on note également qu'il existe deux formes de politique. "Une pour les initiés et une pour le parlement, la presse et la radio". Les avis divergent dans une certaine mesure quant à savoir si cela est positif.

Dans l'ensemble, il s'agit d'un livre très précieux pour toute la mouvance non-conformiste en Europe. H. J. von Lohausen décrit la relation entre l'Europe et les États-Unis et l'Angleterre anglo-saxonne, entre "la mer et la terre". Il aborde les conditions préalables à une Europe libre et unie, ainsi que les relations entre l'État et le peuple. Son examen des Allemands et de l'Allemagne est également très intéressant, car beaucoup de choses nous rappellent les Suédois (y compris le passage de la nation au peuple, et l'élément d'un universalisme significatif). L'approche globale est également positive, car elle associe une magnanimité aristocratique à une vision de la réalité géopolitique moderne. Ce livre est donc fortement recommandé. La réalité historique d'aujourd'hui diffère de celle évoquée par les soldats fictifs de 1942, mais beaucoup de facteurs sont demeurés les mêmes. Une question intéressante, bien sûr, est de savoir dans quelle mesure les soldats allemands de l'Est ont eu des conversations similaires. Cela ne semble pas complètement impossible, beaucoup étaient instruits et beaucoup avaient des perspectives différentes de celles du national-socialisme. Certaines de ces perspectives sont encore valables aujourd'hui.

Nous trouvons le livre en format PDF ici :

https://govil.es/de/66af0289be2c9dc7

Sur H. J. von Lohausen :

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2008/03/11/h...

Extrait en français de Reiten für Russland (sur le destin de la France et de l’Allemagne):

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2008/03/10/j...

Deux fauteuils pour trois

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Deux fauteuils pour trois

par Georges FELTIN-TRACOL

Stupeurs ! Effrois ! Horreurs ! Le Berlaymont, siège de l’eurocratie, n’en revient toujours pas. Le 6 avril dernier, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se rendent à Ankara afin de relancer les discussions avec la Turquie. Devant les caméras, le président turc Recep Tayyip Erdogan accueille le duo et l’invite à prendre place. Les deux hommes s’installent dans les fauteuils. Stupéfaite, Ursula von der Leyen se contente d’un sofa un peu mis à l’écart et en face du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavuşoğlu. Le « Sofagate » vient d’éclater.

Dans les heures suivantes, un déluge de réactions négatives submerge la Toile. La médiasphère tient enfin la preuve incontestable de la misogynie et du machisme d’Erdogan. Ce n’est pas pour rien si la Turquie vient de se retirer de la Déclaration d’Istanbul qui instaure une tyrannie féministe larvée en Occident. Les folliculaires droitiers partagent pour une fois l’avis de l’extrême gauche et des centristes : le président Erdogan outrage l’Union européenne, la femme moderne et l’égalité paritaire (ou la parité égalitaire). Au XIXe siècle, un tel mépris aurait aussitôt provoqué une intervention armée vengeresse. On aurait aimé que les mêmes va-t-en-guerre eussent la même détermination belliciste au moment de la reconquête martiale azérie de l’Artsakh… Or, il faut reconnaître que pour la circonstance le dirigeant turc n’est que la victime collatérale du « Sofagate », habile prétexte pour cacher les dysfonctionnements institutionnels initiaux de l’Union pseudo-européenne. L’unité de commandement turque découvre in vivo la multiplicité du commandement, ses tiraillements permanents et l’effarante polysynodie propres à l’incurie eurocratique. L’antagonisme virulent entre Ursula von der Leyen et Charles Michel accentue l’impuissance générale.

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Les rapports entre les deux têtes de l’exécutif dit européen sont détestables dès leur entrée en fonction. Charles Michel a été de 2014 à 2019 Premier ministre fédéral belge tandis qu’Ursula von der Leyen n’a occupé que trois postes ministériels, dont la Défense, ce qui dans une Allemagne à la souveraineté limitée, n’est pas un portefeuille prestigieux. La cohabitation très courtelinesque entre le libéral belge et la chrétienne-démocrate allemande s’agrémente d’un haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en la personne du socialiste espagnol Josep Borrell. Ce dernier a d’ailleurs connu, quelques semaines plus tôt, une sévère déconvenue bien méritée à Moscou.

Ursula von der Leyen et Charles Michel rêvent chacun de régenter à leur profit l’entité euro-atlantiste. Charles Michel a pris un léger avantage en respectant le protocole. Le président du Conseil européen a en effet le rang de chef d’État, d’un État qui n’existe pas. Selon ces mêmes règles et les textes en vigueur, la présidente de la Commission européenne a le statut de chef de gouvernement même si la Commission n’est pas un vrai gouvernement. Ne le savait-elle pas ? À moins qu’elle cherche à se faire passer pour une pauvre victime d’affreux mâles… Charles Michel aurait-il pu lui laisser son fauteuil et ainsi entériner un coup d’État institutionnel interne ? Le duo aurait-il dû rester debout devant le président turc assis ? L’interprétation découlant aurait fait penser au maître d’école turc sermonnant deux élèves turbulents. On peut reprocher à Ursula von der Leyen de n’avoir pas eu le courage de s’asseoir sur les genoux de Charles Michel, voire sur ceux du président turc. Craignait-elle peut-être de provoquer l’ire des féministes jamais contentes ? Quant à mettre en face du président Erdogan deux fauteuils, cela aurait déséquilibré la photographie au désavantage des eurocrates.

En se servant du protocole, les diverses têtes de l’hydre pseudo-européenne démontrent que l’Union dite européenne est plus qu’un tigre de papier, c’est un formidable paillasson sur lequel n’importe qui peut s’essuyer. Conçue comme un espace de libre échange économique anticipant un monde uni par le doux commerce et la belle musique du pognon-roi, l’Union supposée européenne a renoncé dès sa naissance à la puissance stratégique, militaire et géopolitique. Elle préfère rester sous la protection interlope de l’OTAN. La souveraineté européenne chère au gamin de l’Élysée demeure fictive tandis qu’à rebours du discours souverainiste, la souveraineté nationale des États membres se dissipe.

L’anecdote d’Ankara révèle le caractère chimérique de l’actuelle Union européenne. Les Européens ne réaliseront pas leur unité historique à travers des transactions bancaires, des virements financiers et des échanges économiques. Leur unité ne se forgera que par le fer, le feu et le sang dans la plus grande imprévisibilité historique.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 211, mise en ligne sur TVLibertés, le 20 avril 2021.

Mnémosyne

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Mnémosyne

Álex Capua

Ex : https://animasmundi.wordpress.com

Mnémosyne (Μνημοσύνη) était une Titane, fille d'Uranus et de Gaea. Avec Zeus, elle engendra les neuf Muses. C'est la "Mémoire" (Hésiode. Theog. 134-135 ; Apollod. Bibl. 1, 1, 1, 1 ; 3, 1). Cependant, une autre généalogie qui proviendrait d'un poème cosmologique d'Alcman (7e siècle avant J.-C.), affirmait que ces neuf Muses étaient nées au début des temps comme filles d'Uranus et de Gaea. C'est pourquoi on dit qu'elles appartiennent au groupe des Titans, car elles représentent des forces mondiales anciennes et fondamentales, qui sont à l'origine du cosmos.

Selon Hésiode dans la Théogonie :

"(...) Gaea, couchée avec Uranus, a donné naissance à l'Océan des ruisseaux profonds, à Kéo, à Chrio, à Hypérion, à Japet, à Théa, à Rhéa, à Thémis, à Mnémosyne, à Phoebus à la couronne d'or, et à la douce Thétys. Après eux naquit le plus jeune, Cronos, à l'esprit tordu, le plus terrible des fils, et il était rempli d'une haine intense envers son père".

Mnémosyne est la mémoire et le souvenir et, par conséquent, elle a la capacité de se rappeler ce qui existe déjà et de faire revenir le passé dans des images du devenir titanesque. Elle ne désire pas l'avenir, car elle se plie elle-même et répète en pensée quelque chose qui s'est toujours produit et qui revient à son tour comme s'il s'agissait d'un cercle intérieur, d'une sorte de boucle. La mémoire est basée sur l'expérience et l'expérience est une répétition (événements) et des automatismes.

Comme en témoignent les sources, les poètes de la Grèce antique étaient formés à la mémorisation et à la composition orale. Dès le début de l'épopée, ils ont formé et transmis des connaissances mythologiques. Grâce à Mnémosyne, la tradition mythique était un répertoire transmis oralement qui se transmettait (de manière répétitive et riche en images) de père en fils.

Homère et Hésiode sont les épigones d'une vieille tradition de bardes qui composaient magistralement et qui sollicitaient la faveur de la Muse ou des Muses, le lien avec ce savoir mémorisé que ces divinités (les filles de la Mémoire, Mnémosyne) transmettaient au poète.

Les deux poètes étaient chargés de transmettre une ancienne tradition orale qui allait commencer à faire parler d'elle au huitième siècle avant Jésus-Christ, peu après l'introduction de l'alphabet en Grèce. Homère et Hésiode sont tous deux les gardiens d'un savoir traditionnel qui n'est pas leur invention, mais ils ont répété des thèmes et évoqué des figures divines et héroïques connues de tout le peuple hellénique, tout en réitérant des formules épiques et en invoquant, comme principal protecteur, le patronage des Muses, afin qu'elles garantissent la véracité de leurs propos. Rappelons qu'Homère commence par invoquer la Muse et qu'Hésiode nous raconte que ce sont les Muses qui lui sont apparues sur le mont Hélicon (dans la région de Thespias, en Béotie) pour lui confier la mission de transmettre le message mythique véridique et ordonné de la Théogonie et des Travaux et des Jours.

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Selon le mythe, et entre autres lieux, à Eleutherae (au nord de l'Attique) il y avait un culte où Mnémosyne était adorée et on dit qu'en une occasion à Eleutherae, Mnémosyne a libéré Dionysos de son extase, c'est-à-dire qu'elle lui a rendu sa mémoire.

Un autre mythe racontait que celui qui souhaitait descendre au sanctuaire et à l'oracle souterrain de Trophonius (en Béotie) était conduit, tout d'abord, aux fontaines d'eaux où il devait boire l'eau du Léthé (le fleuve de l'oubli) et ensuite s'immerger dans la fontaine de Mnémosyne, ce qui le ferait se souvenir de ce qu'il avait vu dans sa vie. Disons que l'initié vivrait une expérience très similaire lorsque la psyché (l'âme) quitterait le corps et se rendrait aux enfers, à Hadès, mais pas avant de se baigner dans les cinq fleuves du royaume des ombres: l'Achéron (le fleuve de la douleur), le Cocyte (le fleuve des lamentations), le Phlégéthon (le fleuve du feu), le Léthé (le fleuve de l'oubli) et le Styx (le fleuve de la haine). Cependant, il existait une autre rivière, la Mnémosyne, où les initiés aux Mystères avaient le privilège de boire afin de se souvenir de leurs vies passées et d'atteindre un statut supérieur.

On suppose que Mnémosyne est venu en aide aux initiés dans les soi-disant grands mystères jusqu'à ce qu'ils puissent atteindre la sagesse et se reconnaître eux-mêmes, leur environnement et retourner à leur lieu d'origine. En fait, dans les tablettes orphiques liées à l'initié et au monde mystique qu'il exprime :

« Je brûle de soif et je meurs ; mais donne-moi, vite, l'eau froide qui coule du marais de Mnémosyne ».

Le but de ce processus initiatique était qu'avec l'aide de la mémoire, l'initié devienne un dieu au lieu d'un mortel, le libérant de la mort et lui donnant la vraie vie.

La mémoire, la vie, la renaissance, dieu et la pleine lune sont les conquêtes mystiques contre l'oubli, la mort, le fini et le temporel qui appartiennent à ce monde. En retrouvant la mémoire du passé, l'homme s'est identifié à Dionysos.

Un exemple qui nous inciterait à nous souvenir et à préserver la mémoire avec toutes ses facultés intellectuelles et intuitives se trouve dans l'Odyssée (livre X), lorsque Circé recommande à Ulysse, pour plaire aux dieux, de rechercher la connaissance de Tirésias (l'un des plus célèbres devins de la Grande Hellade), et de pouvoir ainsi retourner dans sa patrie, Ithaque. Ulysse lui demande où il habite et Circé lui répond :

« Tirésias ne vit pas, Ulysse, du moins pas dans ce monde, il est une ombre dans le royaume d'Hadès. Cependant, il y garde son esprit intact, car lui seul a été autorisé à conserver ses dons et les facultés de son esprit, alors que les autres âmes ne sont que des ombres errantes ». (Les voyages d'Ulysse. National Geographic. Spécial Mythologie. Mars 2020).

En somme, Tirésias est présenté par Circé comme "l'aveugle qui n'a rien perdu de son esprit" (X, 492). Tirésias a donc eu le privilège de se baigner dans le fleuve de Mnémosyne, car il connaissait tout des mystères, grand prophète, médiateur entre les dieux et les hommes et avec le pouvoir de canaliser entre le monde des vivants et celui des morts.

Pour conclure. nous pouvons affirmer que Mnémosyne ne contient pas seulement la mémoire, mais domine aussi tout ce qui est rythmique. Le Cosmos a un son subtil, inappréciable pour nous, des ondes rythmiques (très similaires au courant de la mer) qui repose sur la perception accordée, éthérée et des structures harmonieuses. Le rythme enveloppe l'espace, son mouvement est toujours circulaire et son langage est rythmique. Par exemple, les Muses dansent sur la musique du Cosmos, elles dansent au son du Cosmos, accompagnées d'Apollon. Par conséquent, Mnémosyne a un rôle fondamental dans la construction progressive du Cosmos, destiné à être gouverné par Zeus.

Sources :

Diccionario Etimológico de la Mitología Griega.

Friedich Georg Jünger Los Mitos Griegos. 

García Gual. C. Introducción a la mitología griega. Alianza Editorial.