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Entretien avec le collectif Zannekinbond: Socialiste Révolutionnaire et Flamand
Ex: https://rebellion-sre.fr/
Nous, animateurs de la revue Rébellion, sommes très heureux t’offrir la parole à nos camarades du collectif Zannekinbond. Ils font un important travail qu’il faut soutenir pour faire vivre une alternative socialiste révolutionnaire partout en Europe.
Pourriez-vous présenter Zannekinbond ?
Le Zannekinbond a été créé officiellement le 11 juillet 2019. Il a l’ambition d’être un groupe de réflexion dans le but d’établir un corpus idéologique de fond, avant d’être un groupe d’action. Cette possibilité n’est pas exclue à l’avenir mais nous souhaitons, pour l’instant, nous placer dans la bataille des idées. Nous voulons mener cette bataille nécessaire car en Flandre, en Belgique et dans les Pays-Bas en général, les idées que nous portons sont absentes. Alors que beaucoup de nouvelles idées intéressantes circulent à l’étranger, la mentalité de clocher et la politique des polders persistent en Flandre. La plupart restent bloqués sur les mêmes idées démodées depuis les années 1990. Dans les années 70, les idées développées en France, en Allemagne et en Italie se sont facilement propagées ici. Quand il pleut à Paris, il coule à Bruxelles et bruine à Anvers. Mais il n’y a plus d’innovation politique depuis le début des années 90.
La tribalisation politique, qui caractérisent actuellement la politique en Europe, et plus généralement le monde occidental dans son ensemble, sont apparus très tôt en Flandre. D’une part, le libéralisme progressiste de gauche et, d’autre part, la droite, libérale, conservatrice ou identitaire. Cette droite qui ,tout comme chez nos voisins du Nord, est de plus en plus guidée par des tendances venue de l’autre côté de l’Atlantique.
Les partis politiques et les protagonistes vont et viennent, mais les thèmes restent largement les mêmes, les deux partis jouant de facto le rôle d’idiots utiles du grand capital. Notre activité s’inscrit dans la diffusion d’une vision qui est, d’une part, explicitement de gauche sur le plan socio-économique, de nature socialiste sans se réduire à un mouvement spécifique au sein de la grande famille socialiste. D’autre part, le Zannekinbond souhaite offrir au nationalisme flamand un ressourcement, un nouveau souffle, loin des recettes libérales.
Nous souhaitons revenir aux origines du mouvement radical qui a défié la Belgique depuis la Première Guerre mondiale. De nombreux Flamands, même au sein du mouvement national flamand, ont oublié les batailles, les grandes figures et leurs points de vue de l’époque. Pourtant, Il est étonnant de constater à quel point les questions du passé peuvent encore inspirer les problèmes actuels.
Par exemple, nous souhaitons apporter une critique saine de la politique d’ouverture des frontières. Le discours habituel de la droite radicale n’est que trop peu de crédibilité pour une partie considérable de la population car elle s’exprime sur fond de racisme. Cette radicalité engendre une polarisation entre, d’un côté, le camp de la droite radicale qui restera toujours indigeste pour une majorité de la population et, en face, cette majorité qui reste sous l’influence d’une élite libérale et cosmopolite qui prône l’ouverture des frontières. Nous pensons qu’une politique économique de type socialiste n’est possible que si la souveraineté nationale est restaurée et si le travail n’est plus considéré comme un facteur de production mobile à l’échelle mondiale, comme le souhaitent les capitalistes. En outre, nous concentrons nos flèches sur la mise en péril du socialisme par la politique identitaire libérale. Nous affirmons que que la privation de droits nationaux et la lutte des classes coïncident. Il ne peut en être autrement.
Nous constatons qu’à l’étranger, les idées profondément innovantes sur le plan social, économique, politique et géopolitique sont dynamiques. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles prennent de plus en plus d’ampleur. L’objectif du Zannekinbond est donc d’entreprendre une nouvelle approche au débat, de développer de nouvelles idées, de lancer des analyses critiques et d’importer de nouvelles idées de l’extérieur en Flandre et de les y adapter. Par exemple en traduisant des œuvres politiques pour un public néerlandophone. L’objectif est de déconstruire le clivage habituel gauche/droite afin d’en synthétiser des idées pertinentes. Cette synthèse ne se situe pas tant « à gauche du capital, à droite de la morale » mais devrait construire un nouveau cadre de référence sur lequel de nouvelles valeurs peuvent être construites pour le 21ème siècle. Et parfois, s’inspirer et adapter les anciennes à notre siècle.
Quel lien faite vous entre combat de libération nationale et socialisme?
L’un ne va pas sans l’autre. D’une part, il ne peut y avoir de souveraineté populaire tant que les Nations, les peuples et les régions, restent soumises à des structures supranationales au service d’un ordre mondial qui est en contradiction avec l’idée de souveraineté. D’autre part, les mouvements et les partis politiques qui parlent de souveraineté et d’indépendance ne semblent pas pouvoir analyser correctement cette situation et semblent même en être souvent les plus grands défenseurs. Par exemple, au sein du Mouvement flamand traditionnel, il était jusqu’à très récemment impossible de remettre en question le rôle des multinationales, car ces dernières étaient nécessaires dans la prospérité de la Flandre en renforçant sa position concurrentielle vis-à-vis de nos voisins. La myopie l’emporte. Maintenant que ces mêmes multinationales sont activement engagées dans une politique d’identité, de genre, de communautarisme et de censure, le fusil change lentement d’épaule. Mais il est trop tard.
Pour nous, les deux sont donc inséparables : les notions de lutte des classes et de libération nationale se fondent en un mélange explosif qui peut briser le statu quo libéral. Ernst Niekisch avait déjà indiqué les moyens de la lutte des classes pour parvenir à la libération nationale. Nous récusons La croyance romantique – et ultérieure – selon laquelle il existerait une communauté populaire indivisible dans laquelle il n’y aurait pas d’intérêts opposés dans un environnement libéral-capitaliste. L’Histoire de libération du peuple flamand contredit également ce constat : la classe ouvrière flamande a été à maintes reprises trahie par son élite économique qui, dès que l’occasion de monter dans l’échelle sociale se présentait en étant incluse dans l’élite économique belge.
Avec le Zannekinbond, nous sommes vigilants aux courants de type fascistes, ou autres tendances d’extrême droite, qui s’infiltrent dans le courant national-révolutionnaire. Par le passé, en Flandre comme ailleurs en Europe, des groupes d’extrême droite ont abusé de l’étiquette « national-révolutionnaire » pour cacher leurs véritables opinions. Mais, assez rapidement, les masques tombent et, aussi bien le racisme brut que l’autoritarisme de droite, apparaissent. Pour nous, l’inspiration se trouve plus souvent dans un James Connolly ou un Henning Eichberg et certainement pas dans la Falange espagnole par exemple. Cela signifie que la résistance à l’impérialisme coïncide avec la volonté d’assurer la liberté et la souveraineté de chaque peuple sans perdre de vue le tableau européen dans son ensemble. Les luttes de libération nationale, à l’heure actuelle et en ce qui concerne l’Union européenne, mais aussi en ce qui concerne les États nationaux européens, ont connu leurs meilleurs moments.
Une Europe socialiste de Dublin à Vladivostok dans laquelle tous les peuples peuvent vivre leur spécificité culturelle et où il n’y a plus de place pour des Etats comme la Belgique, la France, l’Espagne. Notre nationalisme est basé sur l’idée que cette nation peut encore construire son propre empire tel qu’il a été propagé dans les années trente. Pour nous, ce que Jean Thiriart a appelé le « petit nationalisme » en ce qui concerne la Flandre, la Bretagne, la Corse etc. s’applique aux États européens multiethniques qui, à maintes reprises, empêchent une véritable unification européenne par leur nationalisme inspiré soit par les valeurs de 1789, soit par le traditionalisme réactionnaire catholique. Comme les jumeaux siamois, ils sont attachés par leurs élites à l’UE, à l’OTAN et à l’ordre socio-économique existant. Le statu quo institutionnel et politique est lié à l’emprise des États-Unis sur l’Europe. L’UE et sa Banque centrale européenne veillent au libre marché et à une politique néo-libérale dans les États membres. En échange de quoi ces derniers sont autorisés à s’accrocher désespérément à leur propre armée nationale au sein de l’OTAN et à leur propre corps diplomatique comme dernier noyau de leur « souveraineté nationale ». Nous saluons le fait que la Russie ait déjà montré qu’elle considère la lutte pour les droits des peuples d’Europe occidentale et d’ailleurs comme un moyen d’affaiblir le statu quo, comme en témoigne la conférence « Dialogue des nations : le droit à l’autodétermination et la construction d’un monde multipolaire » en 2015.
En ce qui concerne ce positionnement géopolitique, nous constatons le même problème au sein du Mouvement flamand traditionnel. Pendant des décennies, les nationalistes flamands se sont révélés être de grands défenseurs d’institutions telles que l’OTAN, l’UE, et ont soutenu les guerres au Moyen-Orient, parce que c’était « contre l’Islam ». Nous voyons encore qu’ils sont – avec leurs « ennemis » de gauche d’ailleurs – en première ligne lorsqu’il s’agit de mener une politique hostile à l’égard de la Russie ou de la Chine – car c’est là que les « communistes » règnent en maître. Nous sommes chaque fois très surpris de voir ces mêmes institutions supranationales se retourner finalement contre leurs vassaux. On ne mord pas la main qui nourrit, on nourrit la bouche qui mord. Le néolibéralisme en est à la pointe ; le socialisme, en revanche, est détesté. Avec le Zannekinbond, nous essayons de briser cette spirale descendante.
Ce qui se présente comme de “gauche » a non seulement quitté le nationalisme populaire, ce qui n’était certainement pas le cas par le passé, mais aussi le socialisme ! Un cocktail mortel de mondialisme, de politique identitaire et de néolibéralisme en constitue désormais l’épine dorsale et tente également de dominer le discours social, universitaire et politique. Ainsi, toute opposition à ce projet sera fondée en premier lieu sur la souveraineté nationale, et en second lieu sur le socialisme comme alternative économique au service de la communauté, et non au service du grand capital. La lutte de libération nationale est donc nécessaire pour libérer la communauté populaire et souveraine des entraves de l’oligarchie internationale afin de réaliser le véritable socialisme comme base économique et sociale au service de cette même communauté. C’est la seule alternative au néolibéralisme globalisant. Nous ne faisons aucune distinction entre le socialisme marxiste et non marxiste. Avec les éléments du passé, nous tirons les leçons nécessaires et déconstruisons et (re)construisons ce qui doit être démasqué et analysé comme une plate-forme stable pour construire des communautés et des nations solides.
En fait, la crise politique en Belgique est beaucoup plus ancienne. Pour la comprendre, il faut revenir à la naissance de l’État belge. La Belgique est une construction artificielle de l’État qui devait servir les intérêts politiques internationaux de l’époque en obtenant un équilibre des superpuissances européennes de l’époque tout en proposant un projet très libéral. La révolution belge de 1830 fut avant tout une révolution de type libérale, soutenue par la bourgeoisie libérale francophone d’une part et par le concours de l’Église catholique d’autre part pour qui la crainte du protestantisme aux Pays-Bas était justifiait de devoir accepter une constitution très libérale. En 1831, sur la recommandation de la famille bancaire britannique Rothschild, les familles Saxe-Cobourg et Gotha ont été placées sur le trône royal. L’une des principales raisons en est l’activité financière du premier roi, Léopold Ier. À aucun moment, le soulèvement belge n’a été un soulèvement ouvrier. Le nationalisme belge était et est toujours bourgeois. À l’époque, les Flamands étaient une population paysanne appauvrie dont l’élite était francisée, et la nouvelle élite belge voulait étendre cette francisation à toute la Flandre.
La crise en Belgique se renforce alors que l’élite dirigeante capitaliste belge se mondialise. Elle se transforme en une élite cosmopolite qui trouve les frontières nationales gênantes. Le libéralisme belge est en train de tuer son propre enfant, la Belgique. Plus rien ne justifice cet état, sauf peut-être encore quelques intérêts financiers de groupes capitalistes. Parce qu’un État belge unitaire s’est avéré intenable après la Seconde Guerre mondiale – les Flamands exigeant plus de droits politiques – une construction fédérale nébuleuse a été conçue. En plus de l’État fédéral, des régions et des communautés viennent s’y superposées, et ce système arrive à terme. Il est temps d’abolir définitivement cette construction belge. D’un point de vue purement électoral, la situation au niveau fédéral, belge et national devient intenable. La formation du gouvernement fédéral est extrêmement difficile car la population wallonne vote plus à gauche et la population flamande plus à droite. Cette orientation de droite en Flandre est principalement basée sur des valeurs culturelles plutôt que sur des questions socio-économiques.
En termes de politique actuelle, le gouvernement dit de Vivaldi qui est une mosaïque composées de libéraux, de sociaux-démocrates, de verts et des chrétiens-démocrates flamands, et qui a été formée après une autre longue période de négociation politique, représente le pire des mondes. Culturellement, elle exprime un libéralisme de gauche agressif par lequel elle se distingue du précédent gouvernement du Premier ministre Michel qui est désormais le président de l’Union européenne. Elle était perçue comme conservatrice et néolibérale en raison de la présence de la N-VA, parti nationaliste flamand de type libéral-conservateur. Dans une large mesure, cela était correct. Le gouvernement Michel Ier n’a pas caché son soutien aux organisations patronales en faisant reculer beaucoup de droits et acquis sociaux.
Mais à bien des égards, le gouvernement actuel ne diffère guère de son prédécesseur. La parodie de « changement » de ce gouvernement vise en fait à intégrer des sous-identités dans son administration afin de donner à l’ensemble un faux air de « justice sociale ». Celà sert à masquer les mêmes mesures néolibérales et à imposer à la population un projet social qu’elle n’a pas demandé.
De plus, la situation devient de plus en plus urgente. Les partis politiques qui composent la coalition Vivaldi se rendent compte qu’ils pourraient être le dernier gouvernement d’un État unitaire s’ils échouent dans leur tâche de reconquérir le soutien populaire. Les rapports de force évoluent. Les partis flamands séparatistes et confédéralistes voient leur influence augmenter dans les sondages, tout comme les communistes. Les « partis majoritaires » bénéficient du soutien d’une minorité de la population. En 2024, il pourrait donc y avoir un cap important. Mais cela en dit peu sur le type de société vers lequel nous évoluerons. Si ces mêmes groupes d’intérêt se recentrent sur le niveau flamand, au lieu du niveau belge comme actuellement, ce que nous constatons déjà par le lobbying de certains groupes d’intérêt et partis politiques conservateurs de droite et nationalistes flamands, alors en fin de compte, peu de choses changeront pour la communauté.
Vue depuis la France, le mouvement national flamand semble très libéral. Cette impression est une réalité?
Depuis les années 60, le mouvement national flamand s’est de plus en plus préoccupé des intérêts d’une certaine classe moyenne naissante, avec la mentalité d’épicier qui en découle. Cela lui a donné la réputation, en tant que rare mouvement nationaliste populaire en Europe, d’être marqué très à droite, très libéral et très réactionnaire. C’est une grande différence avec l’Irlande, la Corse ou l’Écosse, pour n’en citer que quelques-unes des régions européennes en lutte. L’un des rares mouvements régionalistes en Europe avec lequel vous pourriez comparer le mouvement flamand actuel est l’ancienne Lega Nord sous Umberto Bossi. Mais vous pourriez aussi avoir du mal à le qualifier de nationaliste populaire. De plus, le Mouvement flamand est aujourd’hui en proie à des clichés anticommunistes, à une adoption superficielle du nouveau langage formel de l’altright, à un populisme informe et sans but, et à un sentiment général que le gouvernement est responsable de toutes les souffrances, d’autant plus qu’il s’agit du gouvernement belge. Pourtant, le fait que des partis nationalistes flamands, tels que la Volksunie ou la N-VA, aient partagé le pouvoir à plusieurs reprises par le passé, ne semble pas constituer une objection à cela. Cela crée une symbiose entre les idées libérales et libertaires de droite, souvent issues des États-Unis, et le nationalisme populaire flamand, qui, à notre avis, est non seulement tout à fait unique en Europe, mais aussi contradictoire sur le plan interne.
Cette image libérale du mouvement flamand est donc largement correcte ou du moins compréhensible. Il est dominé par un parti conservateur-libéral de centre-droit, la N-VA, et par le Vlaams Belang, un parti radical de droite. Tous deux sont libéraux lorsqu’il s’agit de vision socio-économique. La N-VA est plus explicitement pour le libre-échange – moins de gouvernement, plus de privatisation – que le Vlaams Belang. Mais ce dernier continue aussi à prôner une économie de l’offre déterminée par les forces du marché libre. Ces dernières années, le Vlaams Belang a adopté un profil socio-économique plutôt de gauche, mais on ne peut pas se défaire de l’impression qu’il s’agit là d’un opportunisme propagandiste. La preuve étant les vote de leurs élus dans les parlements lorsque des dossiers socio-économiques sont sur la table, ainsi que de leurs attaques persistantes contre l’action syndicale.
Les deux partis soutiennent aussi explicitement le camp pro-occidental en termes de politique internationale, en laissant de côté les exceptions individuelles. La domination de ces deux partis sur la scène politique flamande conduit également à son caractère visceralement anti-socialiste. L’une des conséquences de cette main-mise politique est que la Wallonie et la population wallonne sont visées à la place de l’État belge, de sa monarchie et de ses principaux groupes capitalistes, qui de fait se maintiennent au pouvoir.
Avec le Zannekinbond, en revanche, nous souhaitons rétablir une vision de l’État belge et de son élite dirigeante comme principal ennemi du peuple flamand en lieu et place de la Wallonie et de la classe ouvrière wallonne. Nous souhaitons revenir aux véritables racines émancipatrices du Mouvement flamand. Il devrait en résulter un nouveau cadre conceptuel, adapté au 21e siècle mais avec les deux pieds dans les traditions sociales du Mouvement flamand. Bien sûr, il reste encore beaucoup de travail à faire, mais nous pensons que le moment est venu, plus que jamais !
L’Histoire du mouvement radical flamand prouve qu’il n’a pas toujours été à “droite”. Lorsqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale, le mouvement s’est radicalisé et a résolument choisi la voie anti-belge – abandonnant ainsi la voie de la réfome linguistique dans un cadre belge – cela a souvent coïncidé avec des sympathies ou des positions socialistes et révolutionnaires au début de l’entre-deux-guerres. La période 1916-1922 a clairement vu naitre des opinions révolutionnaires et socialistes parmi les vétérans du front flamands et les militants flamands. On relève des sympathies pour la rébellion de Pâques irlandaise de 1916 et pour la révolution d’octobre russe de 1917. Ces racines ont été quelque peu oubliées et Zannekinbond veut contribuer à les ramener sur le devant de la scène.
Si nous regardons la société contemporaine, nous pensons que la politique bourgeoise libérale et/ou de droite radicale ne peut pas offrir une solution de long terme. C’est surtout la politique au jour le jour en fonction du mécontentement général de la population. La phase actuelle du capitalisme tardif montre de plus en plus que la défense de la souveraineté populaire, des traditions et de l’individualité coïncide avec l’anticapitalisme, avec la volonté de repositionner la politique au-dessus de l’économie et de réguler à nouveau cette dernière, avec la volonté d’écrire une nouvelle histoire d’inspiration socialiste. Les Flamands attachent une grande importance aux valeurs de droit culturel, au respect des traditions. Mais sur le plan socio-économique, les Flamands sont souvent beaucoup plus à gauche qu’on ne le pense, y compris en Flandre même. La grande majorité de la population flamande n’est pas favorable à la privatisation de la sécurité sociale. 80 % des Flamands pensent que le grand capital devrait contribuer davantage aux revenus de l’État. Le problème, c’est que lorsqu’ils votent pour la droite bourgeoise, ils obtiennent une politique libérale, aussi et surtout sur le plan économique.
Lorsque l’on examine la genèse du mouvement flamand radical, celui qui ne se contenta plus de défendre les droits linguistiques mais qui a décidé de remettre en question l’État belge, il apparaît que bon nombre de cadres de ce mouvement se sont naturellement aligner non seulement sur les positions socialistes mais aussi sur la lutte contre l’impérialisme militaire qui a pris forme dans le mouvement pacifique flamand. Elle a conduit aux célèbres pèlerinages de l’Yser où des milliers de nationalistes flamands sont venus prêter serment d’allégeance à l’héritage politique des soldats flamands du front. Avec le Zannekinbond, nous pensons que ce mouvement pacifiste flamand a besoin d’être relancé, compte tenu de la politique d’agression de l’OTAN à l’égard de la Russie et à laquelle la Belgique atlantiste reste fidèle. Il reste un mystère pour nous, par exemple, de savoir comment les Flamands de droite, conservateurs et libéraux, parviennent à jurer allégeance au “Testament de fer” des “Fronters” et à accepter ensuite les crédits de guerre pour le soutien militaire belge en Syrie, à accepter les propositions de réintroduction du service militaire dans l’armée belge ou même d’adhésion à l’OTAN…
Comment intégrer vous la dimension européenne à votre engagement pour la Flandre ?
En ce qui nous concerne, la reconquête de la souveraineté des communautés s’inscrit avant tout dans la réalité de l’Union Européenne. Mais cela ne signifie en aucun cas une croyance ni dans une Europe des nations indépendantes, ni dans une Europe aux 100 drapeaux selon la vision de Yann Fouéré. Nous pensons que cette souveraineté ne peut être garantie que lorsqu’il existe un projet idéologique commun aux différentes communautés de personnes, qui peut être une alternative à l’ordre mondial atlantique et néo-libéral. La liberté des peuples européens, d’une part, et l’organisation d’une économie socialiste, d’autre part, ne peuvent être séparées de la (re)construction d’une Europe unifiée. Une association de peuples ne sert donc pas à subordonner ces peuples à certaines prémisses idéologiques, telles que le libre marché ou la liberté absolue des formes d’expression individuelles, ou à une oligarchie de groupes d’intérêts financiers, comme c’est le cas actuellement de l’UE, mais plutôt à soutenir les intérêts de ces peuples et à sauvegarder leur souveraineté. Le leitmotiv idéologique, c’est à dire un cadre commun socialiste et nationaliste populaire, est nécessaire pour défendre l’intégrité de ces communautés, ainsi que de promouvoir l’amitié et la fraternité entre les différents peuples. La Belgique, par contre, a été dès le départ du côté de l’Atlantisme, du côté de l’économie capitaliste volatile, du colonialisme, de l’économie de marché libérale, du développement d’un État occidentaliste.
En ce qui concerne la Flandre et ses relations avec l’Europe, nous optons pour la « civilisation de la terre », pour la fermeté, l’identité, la durabilité, les valeurs immuables et l’enracinement, une économie basée sur les principes socialistes où la politique peut diriger l’économie. Cela signifie qu’il faut regarder plus loin vers l’Est, vers un rapprochement avec l’Europe centrale et orientale, y compris la Russie. Avec le Zannekinbond, nous nous concentrons – précisément en raison de cette souveraineté des communautés – sur un espace politique eurosibérien et, par extension, sur un espace spirituel eurasien. Il y a donc certainement des questions où l’Europe a besoin d’une unification politique, mais cela ne peut se faire uniquement dans le cadre de l’Union européenne. L’UE actuelle est née des souhaits des Américains qui, avec leur plan Marshall, ont exigé que les Européens disposent désormais d’un marché plus vaste qui faciliterait l’approvisionnement en produits américains. Les élites libérales européennes ont travaillé davantage sur ce point en voulant réaliser l’unification politique par l’unification économique. Outre l’érosion de la souveraineté nationale, le résultat est une Europe impuissante sur le plan international car elle reste le jouet des Américains.
Ainsi, pour savoir quelle peut être la dimension européenne d’un futur projet flamand, il faut d’abord savoir : quelle Europe et quelle Flandre ? Ensuite, il faut déterminer quel est le cadre le plus approprié pour réaliser ces objectifs. Selon nous, il s’agit d’un projet continental de Dublin à Vladivostok, où les peuples de langues, de cultures et d’ethnies différentes peuvent préserver leur identité organique, leurs intérêts économiques et leur intégrité écologique dans un cadre idéologique partagé, une plate-forme consultative commune et, si nécessaire, une organisation de sécurité commune.
Le 4 mars 1981, un jeune mouvement nationaliste, républicain et indépendantiste, le Vlaams Blok (VB), ouvrait sa première permanence à Anvers. Le même jour, quarante ans plus tard, l’une de ses figures historiques, François « Francis » Van den Eynde, rejoint depuis la commune d’Alost le vol des oies sauvages. C’est d’ailleurs sous sa direction que chantaient en français, en néerlandais et en allemand autour du Soleil de Pierre invités et participants à la dernière soirée solennelle des universités d’été annuelles du GRECE Les Oies sauvages.
Né à Bruxelles le 1er avril 1946, Francis étudie les sciences humaines, puis travaille dans une compagnie d’assurances. Favorable à l’autodétermination de la Flandre, il s’engage très tôt à la Volksunie ainsi que dans des formations plus radicales telles que Were Di et Voorpost. L’approbation du pacte d’Egmont en 1977 par la Volksunie l’indigne. Il la quitte et milite bientôt au Parti populaire flamand (VVP). Le VVP forme en 1978 avec le Parti national flamand un cartel électoral prometteur : le Vlaams Blok.
Francis anime le VB à Gand. Il siège au conseil communal de la ville de 1988 à 2012. Élu au conseil flamand entre 1991 et 1995, il entre dès 1991 à la Chambre des représentants du Parlement fédéral belge en tant qu’élu de la Flandre orientale. De 1999 à 2001, il en est même l’un des vice-présidents. Il en démissionne, suite à sa participation – « sacrilège » pour les médiats régimistes – à une réunion de vétérans flamands du front de l’Est. Il conserve néanmoins son mandat parlementaire jusqu’en 2010.
Francis regrette qu’en changeant de nom sur les injonctions menaçantes et scandaleuses de la « justice » belge en 2004, le nouveau Vlaams Belang abandonne le solidarisme, se modère sur l’immigration et s’affadit. De plus en plus critique envers la ligne politique défendue par les instances dirigeantes, il est suspendu dès mars 2011. Il en est exclu le 27 juin suivant. À l’occasion des élections communales en 2012, il apporte un soutien public à la NVA (Nouvelle Alliance flamande).
Fier d’être Flamand et d’appartenir au monde néerlandophone qui englobe par-delà la Flandre et Bruxelles, les Pays-Bas et la nation afrikaner en Afrique australe, Francis s’affiche en Européen convaincu. Il défend à travers la réunification de l’Irlande, la cause flamande et l’émancipation de la Padanie une Europe identitaire des régions ethniques. Il participe chaque année dans la décennie 1990 aux universités d’été du GRECE en Provence. Passant aussi bien du néerlandais au français et à l’anglais, Francis s’impose au sein de l’assistance tant par sa culture, son sens de la répartie, son humour ravageur que par sa carrure massive.
Quand le brouhaha devient trop grand pendant les séances des questions des groupes de travail adressées aux conférenciers, Francis n’hésite pas à lancer tel un étudiant médiéval un tonitruant « Silentium triplex ! ». Désigné par la haute-maîtrise de l’université estivale « maître des chœurs et de la chorale », il tente bon an mal an de créer l’unisson, une gigantesque tâche pour une courte semaine fort active.
Francis Van den Eynde restera l’exemple du responsable politique affable et proche des militants de base. En lui brûlait la belle flamme de la cause des peuples d’Europe. Le mouvement flamand peut se féliciter de l’avoir compté parmi les siens.
“Brederode” / “ ’t Pallieterke”: Le poète Wies Moens: disparu il y a trente ans
L’expressionniste flamand qui refusait les “normalisations”
Le 5 février 1982, Wies Moens quittait ce monde, lui, le principal poète moderne d’inspiration thioise et grande-néerlandaise. Il est mort en exil, pas très loin de nos frontières, à Geleen dans le Limbourg néerlandais. Dans un hebdomadaire comme “’t Pallieterke”, qui cultive l’héritage national flamand et l’idéal grand-néerlandais, Wies Moens est une référence depuis toujours. Il suffit de penser à l’historien de cet hebdomadaire, Arthur de Bruyne, aujourd’hui disparu, qui s’inscrivait dans son sillage. Pour commémorer le trentième anniversaire de la disparition de Wies Moens, “Brederode”, qui l’a connu personnellement, lui rend ici un hommage mérité. L’exilé Wies Moens n’avait-il pas dit, en 1971: “La Flandre d’aujourd’hui, l’agitation politicienne qui y sévit, l’art, la littérature, tout cela ne me dit quasi plus rien. Je ne ressens aucune envie de revenir de mon exil”?
Ces mots, tous pleins d’amertume et de tristesse, nous les avons entendus sortir de la bouche de Wies Moens, alors âgé de 73 ans, lorsque nous l’avons rencontré dans son appartement de Neerbeek (Limbourg néerlandais) pour converser longuement avec lui. Nous avions insisté sur la nostalgie qu’il cultivait à l’endroit de sa chère Flandre, de son pays scaldien chéri, de sa ville de Termonde (Dendermonde) et sur la splendeur des douces collines brabançonnes près d’Asse. En ces années-là, Wies Moens était encore très alerte: il avait une élocution charmante pimentée d’un humour solide, il était un narrateur sans pareil. Mais ce poète, et ce chef populaire par excellence, observait, atterré, le délitement de la culture et l’involution générale du pays, amorcé dans les années 60. Les principes, les valeurs, qu’il avait défendus avec tant d’ardeur, périclitaient: l’inébranlable foi en Dieu du peuple des Flandres, l’esprit communautaire du catholicisme implicite de la population, l’idée de communion entre tous les membres d’un même peuple, la fierté nationale, le sens intact de l’éthique, l’idéal de l’artiste qui sert le peuple, tout cela allait à vau-l’eau.
Avec la vigueur qu’on lui connaissait, avec sa fidélité inébranlable aux principes qu’il entendait incarner, le poète septuagénaire fit une nouvelle fois entendre sa voix: elle s’éleva pour avertir le peuple des risques de déclin qu’il encourait. Il fut l’un des premiers! L’occasion lui fut donnée en 1967 lorsqu’il s’insurgea contre certains professeurs de l’université populaire de Geleen, dont il fut le directeur zélé et consciencieux à partir de 1955. Wies Moens fit entendre ses griefs contre le modernisme vide de toute substance que ces professeurs propageaient. Derrière son dos, la direction de l’université populaire décida de continuer sur cette lancée: Moens donna bien vite sa démission.
Un rénovateur
Wies Moens a été un poète avant-gardiste soucieux de ne pas se couper du peuple: il s’est engagé pour la nation flamande (et grande-néerlandaise) et n’a cessé de promouvoir des idées sociales et socialistes avancées. Dans ce contexte, il voulait demeurer un “aristocrate de l’esprit” et un défenseur de toutes les formes de distinction. Avec sa voix hachée, l’une de ses caractéristiques, le réaliste Wies Moens condamnait tous les alignements faciles sur les affres de décadence et de dégénérescence. On repère cette option dans le poème “Scheiding der werelden” (= “Divorce des mondes”), qu’il écrivit peu après avoir donné sa démission à Geleen en 1967:
“Ik wijs uw aanpassing af, Die nooit anders is Dan aanpassing benedenwaarts: Een omlaagdrukken Van het Eeuwige naar ’t vergankelijke, Van het Gave naar ’t ontwrichte, Van het Grote naar de middelmaat”
“Je rejette vos adaptations Qui ne sont jamais autre chose Qu’adaptations à toutes les bassesses Une pression vers le bas De l’Eternel vers le mortel Du grand Don vers la déliquescence De la Grandeur vers la médiocrité”.
Pendant toute sa vie Wies Moens n’a jamais été autre chose qu’un rénovateur: en toutes choses, il voulait promouvoir élévation et anoblissement. De même, bien sûr, dans ses idéaux politiques, comme, par exemple, celui, récurrent, de la réunification des Pays-Bas déchirés au sein d’un nouvel “Etat populaire Grand-Néerlandais” (= “Dietse Volksstaat”), s’étendant de la Somme au sud de la Flandre méridionale jusqu’au Dollard en Frise. Moens voulait la perfection par l’émergence d’un homme nouveau, aux réflexes aristocratiques immergés dans une foi profonde. Ce nouvel homme thiois (= Diets) serait ainsi la concrétisation du rêve du jeune poète Albrecht Rodenbach: “Knape, die telt een hele man”.
Pour évoquer ici la mémoire de Moens, notre principal poète grand-néerlandais, le rénovateur de notre art poétique moderne (que suivirent de grands poètes néerlandais comme Antoon van Duinkerken et Gabriël Smit), je commencerai par un de ses premiers poèmes, parmi les plus beaux et les plus connus, que plus personne, malheureusement, n’apprend de nos jours. Ce poème nous montre comment “l’esprit nouveau de ces temps nouveaux” d’amour fraternel s’exprimait avec force et hauteur dans les premiers recueils de Moens; prenons, par exemple, ce poème issu du recueil “De Boodschap” (= “Le Message”), de 1920:
“De oude gewaden zijn afgelegd. De frisse vaandels Staan strak In den morgen. Aartsengelen Klaroenen Den nieuwen dag.
Wie het mes van zijn haat Sleep op zijn handpalm, Inkeren zal hij bij den vijand En reiken zijn mond hem ten zoen!
Wie gin naar verdrukten En droeg vertedering in ’t hart, Hij wakkert hen op tot den Opstand Die het teken van de Gezalfden Zichtbaar maakt aan het voorhoofd Der kinderen uit de verborgenheid!
Strak staan De vaandels in den morgen. Aartsengelen Roren de trom. De jonge karavanen Zetten aan”.
“Les vieux oripeaux, nous les avons ôtés. Les étendards tout neufs Sont dressés Dans l’air du matin. Les archanges Au clairon annoncent Le jour nouveau.
Celui qui a aiguisé le couteau De sa haine dans la paume de la main, Se repentira auprès de l’ennemi Et lui tendra la bouche pour un baiser!
Qui porte attention aux opprimés Et attendrissement en son coeur Les incitera à la Rébellion, Signe des Oints, Rendra celui-ci visible au front Des enfants des ténèbres!
Dressés sont Les étendards dans l’air du matin. Les archanges Battent le tambour. Les jeunes caravanes Se mettent en marche”.
Avec des poèmes de ce genre, aux paroles drues, au symbolisme fort, avec d’autres titres, plus connus, comme “Laat mij mijn ziel dragen in het gedrang” (“Fais que je porte mon âme dans la mêlée”) ou “Knielen zal ik...” (“Et je m’agenouillerai...”) ou encore “Als over mijn hoofd de zware eskadronnen gaan...” (“Quand, au-dessus de ma tête, vont les lourds escadrons...”), Moens faisait fureur chez les jeunes amateurs de poésie, mais aussi chez les plus anciens, au début des années 20. Avec Paul Van Ostaijen, Marnix Gijsen et Karel van den Oever, il fut l’un des principaux représentant de l’expressionnisme flamand, mouvement dans lequel il incarnait le courant humanitaire.
La Flandre, au cours du 20ème siècle, n’a eu que peu de chefs, d’éducateurs du peuple et d’artistes du format de Wies Moens. Le principal de ses contemporains, parmi les artistes serviteurs du peuple et chrétiens, fut Ernest van der Hallen (1898-1948). Tous deux partageaient ce dégoût et cette haine de l’embourgeoisement et de la médiocrité que l’on retrouve chez un Romano Guardini ou un Léon Bloy.
Avant de prendre conscience des anciennes gloires nationales flamandes et néerlandaises, Wies Moens fut pris de pitié pour la misère sociale, pour la déchéance spirituelle et matérielle de la “pauvre Flandre” d’avant la première guerre mondiale. Une immense compassion naquit en lui, dès son enfance. C’est là qu’il faut voir l’origine du grand combat de son existence pour l’éducation populaire, pour l’élévation du peuple et pour sa libération. Il en témoigne dans l’esquisse épique et lyrique de sa vie, qu’il écrivit en 1944 sous le titre de “Het spoor”:
Eer ik uw grootheid zag, kende ik uw nood: Uw armoe, Volk, ging eerder in mijn hart Dan in mijn geest de rijkdom van uw roem
“Avant que je n’entrevis ta gloire, je connus ta misère, ta pauvreté, ô peuple, et ce fut d’abord en mon coeur que ta richesse et ta gloire entrèrent, bien avant qu’elles n’arrivassent en mon esprit”.
La tâche de sa vie a été d’élever le peuple haut au-dessus de ses petites mesquineries, de sa déréliction et de sa minorité: cet acharnement ne lui a rapporté que l’exil, l’ingratitude et l’incompréhension... mais aussi la conscience que “ce bon combat, il l’a mené jusqu’à l’extrême”. L’engagement social de Moens était bien plus vaste et profond que ce qui se fait en ce domaine de nos jours, avec les théories fumeuses du “progressisme”. Le souci que Moens portait au peuple s’est, au fil du temps, mué en un amour, inspiré de l’évangile, pour tout le peuple des Flandres et des Pays-Bas. A l’évidence, il a trouvé la voie du flamingantisme pour incarner cet amour, plus tard celle du nationalisme flamand et thiois, dans une perspective d’élévation du peuple, bien plus vaste que celle des partis de la politique politicienne. Dans les années 20, il émis de vigoureuses tirades contre les étudiants de l’AKVS, “parce qu’ils n’étaient pas assez sociaux”.
Un art au service de la communauté
Ce long et patient travail d’élever le peuple au-dessus de sa misère se reflète dans sa poésie, qui, sur le plan du rythme et du style, a évolué de l’expressionnisme humanitaire à connotations bibliques comme dans les recueils “De Boodschap”, “De Tocht”, “Opgangen” et “Landing” (années 20), tous marqués par un langage luxuriant, imagé et symbolique et un rythme chantant, pour aboutir, dès le milieu des années 30, à une poésie de combat pour le peuple, plus sobre et plus tranchante comme dans les recueils “Golfslag” (1935), “Het Vierkant” (1938) et “Het Spoor” (1944).
Ses derniers poèmes évoquent sa plongée dans la clandestinité, sa condamnation et son exil. “De Verslagene” (= “Le Vaincu”) de 1963 et “Ad Vesperas” de 1967 sont parfois tout compénétrés d’amertume mais, en dépit de cela, témoignent à nouveau d’une foi en Dieu inébranlée mais, cette fois, épurée, notamment dans “Verrijzenistijd” et “Late Psalm” (“Et Dieu fut... se répètent-ils...”). Jusque dans ses derniers vers, Wies Moens est resté le poète de la communauté catholique par excellence, fidèle à sa “foi néerlandaise”, selon laquelle l’art doit demeurer avant tout service à la communauté.
Wies Moens ne cessera plus jamais de nous interpeller, surtout grâce à ses premiers poèmes, dont le sublime “Laat mij mijn ziel dragen in het gedrang...”, paru dans le recueil “De Boodschap”. Il l’a écrit à 21 ans, la veille de Noël 1918, quand il était interné à la prison de Termonde, pour avoir été étudiant et activiste. Dans le deuxième ver de ce poème, il esquisse déjà tout le travail qu’il s’assigne, celui d’éduquer le peuple:
“Tussen geringen staan en hun ogen richten naar boven waar blinken Uw eeuwige sterren”.
“Se trouver parmi les humbles et tourner leurs regards vers le haut où scientillent Tes étoiles éternelles”.
C’est avec ce poème, et avec d’autres, tirés de ses premiers recueils, qu’il a fortement influencé des poètes et des écrivains catholiques et non catholiques, tant dans les Pays-Bas du Nord qu’en Flandre. Dans le Nord, citons notamment Antoon Van Duinkerken, Gabriël Smit, Henri Bruning et Albert Kuyle. C’est aussi cette poésie au service de la communauté populaire qu’il défendra et illustrera lorsqu’il deviendra le secrétaire de l’association du “Théâtre populaire flamand” (“Vlaamse Volkstoneel”), une association qu’il contribuera à rénover entre 1922 et 1926, ou lorsqu’il sera le correspondant du très officiel quotidien néerlandais “De Tijd” ou encore le collaborateur attitré de revues comme “Pogen”, “Jong Dietsland”, “Dietbrand” et “Volk” (que les Allemands jugeront “trop catholique”).
Contrairement à bon nombre de ses anciens compagnons de combat, Wies Moens n’a jamais fléchi, n’a jamais abandonné les idéaux auxquels il avait adhéré. Au contraire, l’exilé, devenu âgé, n’a cessé de rejeter les édulcorations de l’idéal, toutes les formes de concession. La Fidélité est resté sa vertu la plus forte:
“De Trouw moet blijke’ in onheils bange dagen. Zij moet als ’t koren lijden harde slagen. Het kaf stuift weg, men houdt het kostbaar graan!”.
“Elle doit demeurer, la Fidélité, dans les jours de peur et de malheur. Elle doit éprouver les coups les plus durs, comme le blé. Car alors l’ivraie partira, virevoltante, et le bon grain, si précieux, demeurera!”.
“Brederode” / “ ’t Pallieterke”. (article paru dans “’ t Pallieterke”, Anvers, 28 mars 2012).
Op 20 maart 2010 opent in het Bormshuis een nieuwe tentoonstelling:
Herman van den Reeck, een zoeker in woelige tijden
Ex: Nieuwsbrief Deltastichting - N°32 - Februari 2010
Dit jaar is het 90 jaar geleden dat op 11 juli 1920 de student Herman van den Reeck op de Grote Markt te Antwerpen tijdens een verboden Guldensporenbetoging werd neergeschoten. Amper 19 jaar oud was hij een kind van zijn tijd. Hij behoorde tot die groep van jonge mensen die aan het Atheneum te Antwerpen, toen een kweekschool van radicale Vlaams-nationalisten, het geluk hadden leraren te hebben als Pol de Mont en dr. August Borms. Van den Reeck schuwde noch de verantwoordelijkheid in de studentenbeweging, noch de actie, en dit in een tijd waarin jongeren naast hun inzet voor Vlaanderen zich vooral aangesproken voelden door een gedachtewereld die soms troebel en onklaar was met een vleugje humanistisch internationalisme en de nooit-meer-oorloggedachte die leefde na de ‘Groote Oorlog’. Die jongeren, en dus ook Van den Reeck, zoekers in een woelige tijd, hoopten op een betere wereld én een vrij, onafhankelijk Vlaanderen.
Tekenend voor die tijd is dat vooral expressionistische jonge dichters na de dood van Van den Reeck gedichten aan hem opdroegen: Victor Brunclair, Wies Moens, Paul van Ostayen, Gaston Burssens, Marnix Gijsen en Geert Pijnenburg, René de Clercq en anderen. Ook August Borms schreef in zijn cel te Leuven een "Kerkerbloempje" over zijn oud-leerling.
De uitvaart voor Van den Reeck, die de eerste "Vlaamse Martelaar sedert 1830" werd genoemd, groeide uit tot een groots huldebetoon én een anti-Belgische manifestatie.
De zinloze dood van Herman van den Reeck, wiens enige misdaad was te proberen te verhinderen dat de politie een Vlaamse leeuwenvlag zou afnemen van meisjesstudenten mag niet vergeten worden. Daarom betoont het Bormshuis met deze tentoonstelling hulde aan de jonge zoeker Herman van den Reeck.
De tentoonstelling opent op zaterdag 20 maart 2010 om 14 u. in het Bormshuis, Volkstraat 30, 2000 Antwerpen. Iedereen is welkom.
De tentoonstelling is gratis te bezoeken in het Bormshuis van dinsdag 23 maart tot en met woensdag 30 juni tijdens de openingsuren op dinsdag, woensdag en vrijdag van 14 tot 17 u. en op zaterdag van 10 tot 16 u..
Begeleide groepsbezoeken (€ 1 p/p) aan de tentoonstelling (met inbegrip van het Bormsmuseum) zijn ook mogelijk buiten deze openingsuren, mits voorafgaande afspraak met conservator Lieve van Onckelen op het volgendeE-postadres of op het telefoonnummer – 03 238 27 49, na 18 u.)