vendredi, 15 juillet 2022
Révolution et terreur au pied de la Bastille
Révolution et terreur au pied de la Bastille
Le livre d'Albert Savine, Prigioni di Francia sotto il terrore (Prisons de France sous la Terreur), introduit par Giovanni Damiano, fait la lumière sur une période historique controversée.
par Giovanni Sessa
Source: https://www.barbadillo.it/105294-rivoluzione-e-terrore-ai-piedi-della-bastiglia/
Beaucoup a été écrit et dit sur la Révolution française. C'est un événement paradigmatique de l'histoire, un moment culminant de l'avènement du monde moderne. Maintenant sur les étagères des éditions OAKS, nous trouvons un volume qui permet au lecteur d'avoir un aperçu complet de ce tournant décisif. Nous nous référons au livre d'Albert Savine, Prisons de France sous la Terreur, présenté par Giovanni Damiano (sur commande : info@oakseditrice.it, 236 pages, euro 20,00). L'auteur, qui a vécu entre le milieu du XIXe siècle et les trois premières décennies du XXe siècle, était un traducteur hors pair. Une fois installé à Paris, il a fondé une importante maison d'édition qui rendait compte avec précision de l'atmosphère culturelle et politique de cette période historique. Le catalogue de cette maison d'édition, écrit Damiano, "a fini par refléter ce monde magmatique dans lequel l'antisémitisme, le socialisme non marxiste et le boulangisme se rencontraient et se mêlaient" (p. II). En outre, il est bien connu que le boulangisme était un phénomène transversal qui a montré comment, dans des contextes historiques donnés, "les masses populaires peuvent facilement soutenir un mouvement qui tire ses valeurs sociales de la gauche et ses valeurs politiques de la droite" (p. III). Peu de temps après, l'histoire européenne allait confirmer cette intuition à grande échelle.
Le livre de Savine dresse un tableau très intéressant des années de la Terreur en France, tant sur le plan historique que littéral. Le récit s'ouvre sur l'assaut révolutionnaire du château de Chantilly : l'auteur y fait ressortir, avec un rare talent descriptif, la volonté radicalement iconoclaste des assaillants, animés par la haine de classe et le rejet de la beauté. De plus, l'ensemble du récit a pour lieu électif, les prisons. La Révolution française a été inaugurée par la prise de la Bastille, la prison de l'Ancien Régime, et clôturée par les détentions massives et les massacres de la Terreur jacobine. La prison n'était pas seulement le symbole quintessentiel de la Révolution, mais "l'épicentre, à Paris, d'une campagne paranoïaque et conspirationniste qui est entrée dans l'histoire sous le nom de Conspiration des prisons" (pp. XXII-XIII). Le livre que nous présentons fait la lumière sur les années de la Terreur dans les provinces françaises, en attirant l'attention du lecteur à la fois sur les persécutés, auxquels il accorde enfin la dignité humaine, mais aussi sur les persécuteurs, dont il décrit en détail les ressorts intérieurs et les motivations idéales.
L'intérêt de Savine se porte sur ce qui s'est passé à Arras, Lyon, Nantes mais aussi dans le Midi, où des centaines de condamnations à mort ont été enregistrées jusqu'en 1794. Les deux tribunaux révolutionnaires du Nord, à Arras et Cambrai, sont dirigés par Joseph Lebon. Leurs sentences ont conduit plus de cinq cents personnes à la guillotine. Savine décrit la psychologie perverse d'un accusateur public d'Arras, le fanatique Augustin Darthé qui, ayant paradoxalement échappé à la réaction thermidorienne, finit par être guillotiné en 1797. Lyon, pour sa rébellion de 1793 contre le gouvernement jacobin, a subi une dévastation "carthaginoise". Plus de deux mille personnes ont été exécutées, le nom de la ville a été changé en Ville Affranchie. Elle devait être rasée et reconstruite à partir de zéro comme une ville modèle de la révolution. Les prisonniers vendéens sont emmenés à Nantes, et leur triste fin par noyades collectives dans la Loire, est racontée en termes réalistes et dramatiques.
Ces pages amènent le lecteur à réfléchir sur l'issue de la Révolution. De nombreux exégètes et historiens, rappelle Damiano, ont remis en question la relation entre l'événement révolutionnaire lui-même et la Terreur. Des libéraux comme Constant, des penseurs contre-révolutionnaires et des universitaires marxistes l'ont fait. À cet égard, il faut tout d'abord tenir compte de l'avertissement de Furet : "toute lecture "fataliste" de la Terreur doit être rejetée" (p. XIII). À la lumière de la conception ouverte de l'histoire, Damiano estime que la Terreur était l'une des histoires possibles que la révolution aurait pu traverser. Par conséquent, les "nécessitaristes" historiques contre-révolutionnaires ont tout autant tort que les libéraux comme Constant. La Terreur n'a pas été un déraillement irrationnel de la révolution. Au contraire, elle répond à la logique révolutionnaire, lorsqu'elle est comprise correctement comme un "état d'exception permanent" (p. XIV). En bref, ce qui édicte la Terreur, ce qui produit l'exception, c'est "cette exception qu'est la révolution elle-même " (p. XIV). Cet événement est doté d'une énergie politique autonome : le jacobinisme et la Terreur se tiennent mutuellement.
Ils étaient des exemples paradigmatiques des résultats de l'utopisme. La société que les Jacobins voulaient réaliser était un "monde paradoxalement transparent". La société des "vertueux" théorisée par Rousseau dans Julie ou La nouvelle Héloïse, est le lieu de la restauration de la bonté originelle, du naturel perdu, donc un espace non conflictuel, pré-politique. La "vertu" des Jacobins est très différente de la "vertu" éminemment politique de Machiavel. Les Jacobins voulaient "moraliser" la dimension civile et étaient prêts à le faire même par l'usage indiscriminé de la violence, comme le montre la période de la Terreur. Ils sont le produit le plus typique de l'utopisme du XVIIIe siècle qui, après avoir conquis la dimension temporelle par rapport aux utopies de la Renaissance, décline en termes de philosophie de l'histoire, en termes de futurisme.
Dans sa phase actuelle, l'utopisme a revêtu d'autres masques, mais au fond, il est animé par les mêmes idéaux qu'alors. Pour cette raison, les pages de Savine peuvent être des contre-poisons significatifs aux maux contemporains.
19:26 Publié dans Histoire, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, révolution française, terreur, prisons, livre | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.