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lundi, 08 mai 2023

Le réseau d'agents de la CIA et du MI6 dans les pays scandinaves a fait l'objet d'une fuite

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Le réseau d'agents de la CIA et du MI6 dans les pays scandinaves a fait l'objet d'une fuite: des diplomates figurent sur les listes, ainsi que des "spécialistes de la Russie"

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/historico-de-noticias/40603-2023-05-03-17-31-43

Une liste de 78 agents de la CIA et du MI6 qui travailleraient dans les pays scandinaves a été publiée en ligne. Le document comprendrait des membres actuels et anciens des services secrets. En outre, les agents se sont livrés à des activités d'espionnage tant sur le territoire des pays de l'OTAN (Danemark, Norvège et Finlande, qui ont récemment adhéré à l'Alliance) qu'en Suède, dont la demande d'adhésion à l'Alliance n'a pas encore été approuvée.

Parmi les personnes fusionnées figurent des "spécialistes de la Russie et de la Chine" ainsi que des travailleurs diplomatiques. L'un des plus anciens est Thomas Dodd, ambassadeur adjoint du Royaume-Uni en Russie et ancien ambassadeur en Finlande. Ce "diplomate" s'est rendu à plusieurs reprises à Ekaterinbourg, où il a rencontré des opposants au Centre Eltsine. Il est vrai qu'il l'a fait de manière non officielle.

Ni Londres ni Washington n'ont encore commenté la situation. Notez qu'il y a peu, en Russie, le journaliste du WSJ Evan Gershkovich a été arrêté pour espionnage : il s'est retrouvé sur la sellette. Malgré cela, Joe Biden a exigé qu'on le laisse partir. Voilà le double standard américain.

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Le document fait six pages. Il énumère 78 personnes, toutes employées par des agences de renseignement américaines ou britanniques. Les pays dans lesquels ils sont ou ont été actifs jusqu'à récemment sont le Danemark, la Norvège, la Finlande et la Suède. Les trois premiers, rappelons-le, sont membres de l'OTAN, le dernier attend l'approbation de sa demande.

Parmi les curieux personnages de la liste figure l'agent de la CIA Sonya Lim. Selon le document qui a fait l'objet d'une fuite, elle a travaillé à Copenhague jusqu'en 2020 et était conseillère à l'ambassade des États-Unis. Selon des sources ouvertes, elle n'a été déclassifiée qu'au printemps 2021.

Sa carrière d'espionne a duré 24 ans. Sonya a travaillé sous couverture dans des zones de guerre, notamment en Irak. Aujourd'hui, elle donne des conférences et des séminaires sur l'espionnage, le renseignement, la lutte contre le terrorisme et les opérations secrètes. Lors d'une interview, lorsqu'on lui a demandé si elle retournerait à la CIA si on le lui demandait, compte tenu de tout ce qui se passe autour de l'Ukraine et de la Chine, elle a répondu : "Oui".

Le profil de M. Lim sur le site web des médias spécialisés dans la sécurité nationale indique : "Au cours de son service, elle a acquis une expérience significative dans les questions géopolitiques et transnationales liées à la Russie, à la Chine, au contre-terrorisme et au contre-espionnage".

L'autre personne figurant sur la liste est Thomas Dodd. Il est ambassadeur adjoint britannique auprès de la Fédération de Russie. Des rumeurs circulent depuis longtemps sur ses liens avec le MI6. La liste divulguée sur l'internet pourrait en être une nouvelle confirmation.

Thomas Dodd a été ambassadeur britannique en Finlande de 2018 à 2021. La liste l'identifie comme un employé du MI6 qui a mené des opérations spéciales en Afghanistan. En fait, selon les informations officielles, M. Dodd a travaillé à Kaboul en tant qu'ambassadeur britannique adjoint en 2009-2010.

En Russie, il a été impliqué dans un scandale à l'automne 2022. À cette époque, M. Dodd et l'ambassadeur britannique sont arrivés officieusement à Ekaterinbourg et ont visité le Centre Eltsine. Selon les médias, ils se seraient entretenus avec des agents étrangers et leurs représentants.

Christa Neumann, première secrétaire de l'ambassade des États-Unis à Stockholm depuis 2020 et experte de la Chine et des États baltes, figure également sur la liste. Elle est mariée à Edward Newmann, officier de la CIA et expert sur la Chine, la Lituanie et l'Europe de l'Est.

Andrew Minir, qui travaille à Helsinki en tant que premier secrétaire de l'ambassade des États-Unis, est un Marine qui a servi en Afghanistan. Il est marié à Jenna Minir, qui est officier de la CIA.

Opération Bélisaire : une stratégie eurasienne pour l'Occident

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Opération Bélisaire : une stratégie eurasienne pour l'Occident

Alexander Wolfheze

Source: https://www.geopolitika.ru/pt-br/article/operacao-belisario-estrategia-eurasiana-para-o-ocidente

Discours d'Alexander Wolfheze, philosophe et écrivain néerlandais, lors de la Conférence mondiale sur la multipolarité du 29 avril 2023.

C'est un honneur de parler ici aujourd'hui au nom du peuple néerlandais, qui vit depuis plus de mille ans sur les rives grises de la mer du Nord, à la frontière maritime de la grande Eurasie, et de parler pour une grande cause qui unit tous les peuples d'Eurasie dans la lutte pour un avenir post-mondialiste, un avenir dans lequel les Pays-Bas méritent eux aussi une place au soleil.

Si une réalité historique et géopolitique mondiale est apparue clairement ces dernières années - une réalité malheureusement connue depuis longtemps par peu de gens, mais heureusement par nous tous réunis ici aujourd'hui - c'est qu'un grand mal s'est incarné en Occident. Il y a près d'un demi siècle, en 1979, la révolution iranienne nommait déjà ce mal : elle appelait l'État le plus puissant de l'Occident, les États-Unis, le "Grand Satan". Le Royaume-Uni n'était qu'un échelon sur l'échelle géopolitique de la hiérarchie démoniaque : il était le "Petit Satan". Bien entendu, si nous suivons cette ligne de description du milieu mondialiste-atlantiste, mon propre pays, les Pays-Bas, peut être décrit comme un "Mini-Satan" - une république pirate, refuge d'une petite mais ancienne et impitoyable force portée par des institutions d'usure et par un "ordre fondé sur des règles", celles de la haute finance. La plupart d'entre nous, réunis ici dans notre section européenne de la conférence multipolaire d'aujourd'hui, viennent de pays qui font - encore - partie de l'Occident unipolaire : nous tous, dissidents, savons ce que c'est que de devoir vivre et travailler dans l'antre de la bête.

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Nous, dissidents occidentaux, savons également que notre partie de l'Europe est tout aussi possédée par Satan que l'Amérique. D'une certaine manière, l'Europe occidentale est encore plus une dystopie totalitaire orwellienne, avec moins de liberté et plus de répression. Alors que l'Amérique elle-même dispose encore de certains droits constitutionnels, tels que la liberté d'expression, la liberté de réunion et l'autodéfense, ici en Europe, nous avons connu des confinements totaux, des mandats de vaccination complets, une répression policière brutale et une censure ouverte. En fait, la majeure partie de l'Europe n'est rien d'autre qu'une colonie américaine, comme l'a amplement prouvé la servilité de ses "dirigeants" lors de la crise ukrainienne et de l'affaire Nord Stream, et ces dernières décennies, elle n'a pas été en mesure de s'opposer de manière significative à l'agenda impérialiste-mondialiste. L'Europe est sous le joug de ce qui est, en fait, un gouvernement néocolonial mondialiste : la substitution ethnique (la "crise des réfugiés") installe des colons du tiers-monde sur nos terres, la dégénérescence sociale parrainée par les mondialistes (la "révolution sexuelle") dissout nos cultures indigènes, et l'usure bancaire imposée par les mondialistes (le "néolibéralisme") pille nos ressources humaines et naturelles. La "gouvernance de l'UE" et la "sécurité de l'OTAN" sont une farce : ce ne sont rien d'autre que des mécanismes de contrôle mondialistes visant à maintenir l'Europe sous la domination coloniale impitoyable d'une élite mondialiste-nihiliste qui peut être basée dans l'anglosphère mais qui pense et planifie désormais à l'échelle transnationale. Pour cette élite, le "monde ne suffit pas" : elle mène actuellement une guerre multidimensionnelle pour remporter le prix géopolitique ultime : la masse continentale eurasienne et les grandes puissances terrestres que sont la Russie et la Chine. Mais une victoire mondialiste dans cette guerre - et nous pouvons dire que la "dernière guerre insulaire du monde" d'Alexandre Douguine a commencé le 22 février 2022 - est loin d'être certaine. En effet, comme je l'ai soutenu dans mon essai, The Apocalyptic Rite of Spring, sur notre espace partagé geopolitika.ru, il semble que l'élite mondialiste ait réagi de manière excessive et qu'elle soit maintenant engagée dans une spirale descendante imparable. L'"Empire du mensonge" mondialiste est ébranlé dans ses fondements par des erreurs de calcul militaire, un désastre pour sa réputation et une ruine économique après son attaque démesurée contre la coalition eurasienne de la Russie et de la Chine. Qu'est-ce que cela signifie pour nous, dissidents occidentaux ? Quels risques et quelles opportunités la crise actuelle et l'éventuel effondrement futur de l'"Empire du mensonge" représentent-ils pour nous, dissidents ?

Nous devrions nous rappeler qu'après la chute de la Première Rome et de l'Empire romain d'Occident, l'Empire romain d'Orient a survécu pendant un millier d'années - et que la Seconde Rome, Byzance, a non seulement joué un rôle déterminant dans la re-civilisation de l'Occident pendant la Renaissance, mais aussi dans la reconquête de la Première Rome quelques décennies seulement après sa chute. Un grand général, Bélisaire, part en Occident pour détruire et expulser les royaumes barbares fondés par les Vandales, les Ostrogoths et les Visigoths. Son armée est composée de mercenaires, de barbares et d'auxiliaires issus des terres occidentales reconquises. Est-il possible que la Troisième Rome, qui est la Russie chrétienne orthodoxe restaurée, qui est le centre de notre mouvement eurasien, reconquière à nouveau la Première Rome ? C'est possible : à l'heure actuelle, la domination barbare sur l'Europe occidentale s'affaiblit lentement. Alors que les peuples terrifiés de l'Occident s'enfoncent lentement dans une nouvelle ère sombre de tyrannie, d'anarchie et de pauvreté, leurs structures de pouvoir sont de plus en plus tendues et susceptibles de se dissoudre en raison de la perte de confiance du public, du sectarisme et des luttes intestines. Dans un tel climat, une "opération Bélisaire" eurasienne - une Reconquista de l'Occident - peut devenir une option. De nombreux Occidentaux dépossédés et mécontents accepteraient volontiers une libération eurasienne de leurs terres dévastées : la restauration de la liberté, le retour de l'État de droit, la redécouverte des traditions et la renaissance de la culture. Que pouvons-nous faire, nous les dissidents occidentaux, pour faciliter cette ambitieuse mais nécessaire "opération Bélisaire" ? Nous pouvons espérer que l'année prochaine, le groupe Wagner tiendra sa parade de victoire à Berlin ou que les troupes chinoises de maintien de la paix patrouilleront dans les rues de Rome, mais je pense que le Götterdämmerung de l'Occident prendra plus de temps. Il se peut même que cela prenne une décennie, voire toute une vie. Que pouvons-nous donc faire, nous, dissidents occidentaux, maintenant ?

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Nous pouvons préparer le terrain, nous pouvons jeter les bases de la Reconquista. Certains d'entre nous peuvent le faire en exil, en travaillant comme publicistes et en soutenant le mouvement eurasien, d'autres peuvent le faire chez eux, en travaillant comme activistes et politiciens pour planter les graines de formes alternatives de gouvernance, de droit et de médias. Nous, dissidents occidentaux, connaissons mieux que quiconque l'ennemi mondialiste, ses forces et ses faiblesses. Nous pouvons analyser les obstacles et les opportunités - la réalité sur le terrain. Nous savons que seule une minorité d'Occidentaux est complice du mal mondialiste. Mon pays était réputé pour son commerce équitable, ses transactions honnêtes et sa comptabilité saine - des choses qui peuvent être utilisées pour le bien ou pour le mal. Permettez-moi donc de vous donner mon meilleur "compte-rendu" des calculs politiques. J'oserais dire que sur le noyau dur de la population occidentale, seuls 10 % sont réellement perdus politiquement - irrémédiablement englués dans la corruption, le péché et rendus fous par le phénomène "Woke". Peut-être que 20 % sont simplement des collaborateurs apolitiques, travaillant pour l'argent sans allégeance intérieure au mondialisme. Face à eux, il y a encore 10 % et 20 % - ceux qui s'opposent ouvertement ou secrètement au Nouvel ordre mondial mondialiste. Il reste donc 40 % au milieu, des gens qui veulent simplement vivre leur vie avec leur famille, qui sont très dépendants du système totalitaire et qui en ont peur. Les pourcentages ne semblent donc pas trop mauvais : l'équilibre démographique est défavorable au régime d'occupation mondialiste, ce qui n'est pas sans rappeler la situation dans les pays du Sud, comme l'Inde britannique lorsqu'elle a entamé sa lutte pour l'indépendance. En fait, une grande poussée peut faire s'écrouler tout le château de cartes mondialiste. En tant que dissidents, nous devrions travailler dans ce sens, c'est-à-dire nous préparer.

Nous devrions encourager nos amis eurasiens de l'Est à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour promouvoir une nouvelle génération d'eurasiens occidentaux - une génération qui pourra prendre les rênes du pouvoir lorsque l'ensemble du château de cartes mondialiste s'effondrera. Pour ajouter une stratégie de puissance douce à une stratégie de puissance dure. Les jeunes Occidentaux peuvent être invités à faire l'expérience de choses qui sont rares en Occident aujourd'hui : une bonne éducation, une vie religieuse, une carrière militaire, une année de travail dans une ferme ou une usine, une véritable éducation politique. Les cœurs et les esprits des masses de jeunes Occidentaux se sont depuis longtemps détournés de la décadence crasse, des illusions obsolètes et du matérialisme vide de la "voie moderne" du nihilisme mondialiste. Ils aspirent à un avenir différent, à un nouveau départ et à une vraie vie. C'est tout cela que l'Orient eurasien en pleine expansion et le nouveau mouvement eurasien peuvent leur offrir. De cette manière, nous pouvons renverser la vapeur face à l'ennemi mondialiste et atlantiste : à mesure que l'attaque mondialiste contre l'Eurasie s'enfonce et vacille, et que l'"Empire du mensonge" se brise et se fragmente, il implosera tout simplement de l'intérieur.

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Enfin, j'ai un mot d'avertissement pour nos amis de l'Est. En tant que personne née et élevée à l'Ouest, qui a vécu et travaillé à l'Ouest, je voudrais dire ceci : ne croyez pas que vous pouvez négocier avec l'élite mondialiste qui dirige l'Ouest, ne vous faites pas d'illusions en pensant qu'il peut y avoir des concessions. Ce qu'il faut, c'est une pression constante, une patience constante, un travail constant - et une volonté de fer pour mener le combat jusqu'au bout. Il n'y a pas de demi-paix avec l'ennemi mondialiste-atlantiste - ce mal doit être renversé une fois pour toutes. Cette lutte devra être menée jusqu'au bout, jusqu'au "Triomphe de la Volonté". Notre combat pour notre liberté - et la vôtre.

La volonté inébranlable
Elle aussi peut durer
Je suis toujours Bélisaire
- Henry Wadsworth Longfellow

Mayotte en ébullition

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Mayotte en ébullition

par Georges FELTIN-TRACOL

Située au nord-est du canal du Mozambique entre Madagascar et le continent africain, à l’ouest de l’océan Indien, l’île de Mayotte bénéficie depuis quelques semaines d’une attention médiatique soutenue. La raison de ce regain d’intérêt se nomme l’opération Wuambushu, ce qui signifie en mahorais « reprise », voire « reprise en main ».

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Approuvée lors d’un conseil de défense tenu à l’Élysée, cette opération doit démanteler plusieurs bidonvilles, appelés « bangas », restaurer l’ordre public et contenir les ravages d’une immigration illégale incontrôlée. L’île tropicale cumule toutes les pathologies sociales du moment. Les statistiques de l’INSEE expliquent que la moitié de la population mahoraise a moins de 17 ans, que 77 % des habitants de Mayotte vivent en dessous du seuil de pauvreté, que 67 % des 15 – 64 ans n’ont pas d’emplois, que 30 % des ménages ne disposent pas de l’eau courante et que 40 % des 60.000 logements sont indignes et sans électricité domestique. Désert médical, le territoire se sent abandonné de Paris. Ces conditions difficiles font de Mayotte le département le plus pauvre de France. Elles n’arrêtent pas les flots incessants d’immigrés clandestins plus pauvres encore. 48 % des 310.000 habitants sont d’origine étrangère. De nombreuses migrantes font exprès d’accoucher à Mayotte en sachant qu’elles seront ensuite non expulsables parce que leurs progénitures seront supposées françaises. Si de nombreuses maternités ferment dans la France périphérique, ce n’est pas le cas à Mayotte où elles sont complètes. Le système scolaire est lui aussi saturé avec des élèves étrangers illettrés qui ignorent tout d’une journée d’élève français. Il est fréquent que les classes de l’enseignement primaire accueillent des adolescents de 15 – 16 ans… L’INSEE estime par ailleurs que 55 % de la population de Mayotte parvient à maîtriser le français. S’ajoute enfin une tension permanente avec le voisin comorien.

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D’un point de vue géographique, ethnique et historique, Mayotte appartient à l’archipel des Comores. Possession française depuis le milieu du XIXe siècle, l’archipel réclame dans les années 1960 – 1970 son indépendance. En décembre 1974 se déroule un référendum d’autodétermination. Si trois îles (Grande-Comore, Mohéli et Anjouan) choisissent l’indépendance, Mayotte préfère à 63,8 % de rester un territoire français. En février 1976, un nouveau référendum confirme à 99,4 % et 82,8 % des inscrits l’attachement de l’île à la République française. Le gouvernement comorien revendique immédiatement Mayotte. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’oppose ici aux critères juridiques d’indivisibilité de l’État et d’intangibilité des frontières. L’ONU s’empare du cas de Mayotte et considère l’île comme une terre à décoloniser. Paris use alors de son droit de veto.

Jusqu’en 2011, Mayotte bénéficie d’un statut ultra-marin spécifique. Les Mahorais sont en majorité musulmans. La charia s’applique dans la vie quotidienne des autochtones. Les cadis (juges musulmans) sont des fonctionnaires d’État. La polygamie, ou pour le moins la bigamie, est autorisée et reconnue. La France soutient massivement l’économie locale balbutiante qui échoue à se développer, faute d’infrastructures suffisantes. En mars 2009, 95 % des Mahorais approuvent leur départementalisation. Deux ans plus tard, Mayotte devient le cent-unième département français. Le droit commun s’étend progressivement et interdit les mariages bigames sans toutefois annuler ceux qui existent déjà. Les aides sociales qui se déversent sur Mayotte aiguisent la convoitise des Comoriens (Anjouan est à 70 km des côtes mahoraises) dont le pays est un État en faillite rongé par une corruption endémique.

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Mayotte dispose de beaux atouts touristiques si la pauvreté et l’immigration illégale ne favorisaient pas une insécurité générale. La violence y est permanente. La délinquance pullule. Le taux de cambriolage s’élève à 18%, soit quatre fois plus qu’en Métropole. Quand elles ne dressent pas des barrages sur les routes et rançonnent les automobilistes, les bandes armées de machettes attaquent les bus de ramassage scolaire. Gendarmes et policiers surveillent les entrées et les sorties des écoles, des collèges et des lycées. L’afflux massif de Comoriens et, maintenant, d’Africains de l’Est et de Malgaches perturbe un territoire économiquement et écologiquement fragile. De vastes bidonvilles se répandent dans un territoire de 374 km².

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S’estimant chez eux et en butte aux méchants Blancs, des clandestins se mettent à chasser les Européens qu’ils rencontrent. Les Mahorais ripostent en protégeant leurs compatriotes métropolitains. Ils organisent aussi des groupes de vigilants. La détestation entre Mahorais et Comoriens est maximale. Les Mahorais soupçonnent le gouvernement comorien, dont maints membres sont franco-comoriens, de promouvoir une immigration de peuplement. Déjà, un tiers des étrangers serait né sur l’île. Dans quelques années, ils craignent que la France pose un nouveau référendum auquel participeraient sur l’injonction de l’ONU et des Comores tous les résidents de Mayotte, citoyens français ou pas. Les Mahorais rejettent ce grand remplacement insulaire.

Paris n’ignore rien de ces tensions. En 2022, il y aurait eu 25.300 reconduites à la frontière. Or les Comores revendiquent Mayotte et bloquent les expulsions. Le gouvernement comorien considère l’opération Wambushu comme une grave atteinte à la dignité humaine. Il menace de poursuivre la France devant la CPI pour crimes contre l’humanité… Emmanuel Macron sera-t-il inquiété, arrêté et jugé avant Vladimir Poutine ? Ce serait une situation cocasse d’autant que les Comores ont condamné la Russie en mars 2022.

Les associations droits-de-l’hommistes se félicitent de cette réaction. Elles applaudissent la décision du tribunal judiciaire rendue le 25 avril dernier qui suspend la destruction de bangas. Les locaux sont furieux.

La dégradation économique, sociale, migratoire et sécuritaire produit des conséquences politiques. Si la seconde circonscription qui occupe le centre et le sud de l’île est un bastion tenu par Les Républicains, la première circonscription fluctue beaucoup plus. En 2017, cette circonscription envoie au Palais-Bourbon un député La République en marche.

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En juin 2022, le candidat macroniste ne recueille que 7,24 % des suffrages. La circonscription revient à Estelle Youssouffa qui bat à 66,6 % au second tour un sans-étiquette. Membre du fameux groupe parlementaire LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), cette figure mahoraise des « Gilets jaunes » en 2018 – 2019 perturbe un discours d’Emmanuel Macron en visite sur l’île. Poursuivie pour rébellion, elle est finalement relaxée en septembre 2021. Elle vient d’adhérer à l’UDI (Union des démocrates et indépendants) présidée par le sénateur des Hauts-de-Seine Hervé Marseille. Elle qui pourfend la colonisation comorienne de fait de Mayotte, exige la fin de toute coopération avec les Comores et se bat pour un meilleur accès à l’eau. Elle aurait pu rallier le CNIP (Centre national des indépendants et paysans).

Née en 1978 dans les Hauts-de-Seine, d’un père militaire mahorais et d’une mère métropolitaine infirmière, Estelle Youssouffa suit au Québec des études en questions militaires et stratégiques et devient journaliste pour LCI, TV5 Monde, BFM TV et la branche anglophone d’Al Jazeera. Victor Boiteau dresse son portrait en dernière page de Libération du 24 août 2022. On y apprend qu’« en 2011, elle est sélectionnée pour le programme Young Leaders de la French American Foundation » où elle y côtoie diverses personnalités prometteuses dont Édouard Philippe.

À titre personnel, on peut souhaiter le retrait de la France d’une partie non négligeable de son outre-mer qui accéderait enfin à une entière souveraineté. La réalité politique oblige néanmoins de prendre en compte la volonté farouche des Mahorais de demeurer français. Le responsable néo-maurrassien de la Restauration nationale, Pierre Pujo, défendait avec ardeur dans Aspects de la France le maintien de Mayotte dans le giron français. Le centralisme bureaucratique de la Grande-Comore indispose les deux autres îles qui se révoltent en 1997. Anjouan proclame son indépendance le 3 août. Le 5, c’est au tour de Mohéli. Très vite, Anjouan réclame son rattachement à la France. Membre éminent du Front national, Jean-Claude Martinez, en « alter-nationaliste » convaincu, y voit la genèse d’un nouvel ensemble français ultra-marin. La crise s’achève en 2001 avec la formation de l’Union fédérale des Comores. L’attraction de Mayotte s’accentue encore.

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Une simple opération de police ne va pas résoudre les problèmes structurels de Mayotte. La remise en ordre effective nécessiterait la proclamation de l’état de siège, l’instauration d’un couvre-feu draconien, le déploiement d’unités de l’armée, la rupture des relations diplomatiques avec les Comores, la fin du versement des aides pour le développement, un engagement militaire aux Comores afin de constituer des zones de regroupement des expulsés de Mayotte et l’établissement d’un gouvernement provisoire pro-français. Celui-ci devrait alors imposer la politique obligatoire de l’enfant unique et solliciter le Planning familial qui aurait enfin une occasion justifiée d’exercer à bon escient ses méthodes anti-natalistes. Membre permanent du Conseil de sécurité et puissance nucléaire, la France peut se permettre cette politique du fait accompli. Elle devra simplement accepter les critiques de Washington, de Moscou, de Londres, de Pékin et de Riyad. Il faudra peut-être envisager la vive réaction de certains quartiers de Marseille, car la cité phocéenne est la première ville comorienne au monde. Le recours à l’état d’urgence réglerait cette agitation momentanée.

Pire que la Guyane et la Seine – Saint-Denis, la situation actuelle à Mayotte préfigure ce que vivra la Métropole dans deux à trois décennies. L’opération Wambushu n’est qu’un coup d’épée dans l’eau. S’affranchir de l’ignominieux État de droit serait la solution qui est, pour l’instant, impossible à réaliser par  crainte de lamentables verrous psycho-historiques.    

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 72, mise en ligne le 2 mai 2023 sur Radio Méridien Zéro.

17:41 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mayotte, comores, afrique, affaires africaines, océan indien | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La gauche otaniste

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La gauche otaniste

Carlos X. Blanco

L'OTAN est une organisation militaire dotée de nombreuses "ailes", extensions et franchises. Nous avons vu l'Union européenne se mettre à son service, surtout après l'intervention militaire spéciale de la Russie en Ukraine. Les meneurs et les fonctionnaires "pro-européens", même sans uniforme, se plient volontiers aux exigences du haut commandement, exécutent les ordres - très obligeamment - et se tiennent à la disposition de Washington. Josep Borrell est déjà un "général civil", un porte-parole du bellicisme américain, un homme "pentagonal" et otaniste.

Une "aile" de l'OTAN dont on parle moins est la gauche révisionniste (représentée en Espagne par Podemos, Más País et la nouvelle entité "Sumar"). Il est tout à fait possible de parler désormais d'une gauche otaniste. Il s'agit d'une gauche très répandue en Occident, et en particulier en Espagne, une gauche qui rejette ses origines idéologiques: "L'OTAN n'est pas faite pour desdébutants". Vous en souvenez-vous ? Moi, pour des raisons d'âge, je m'en souviens parfaitement. Je me souviens de l'arnaque du référendum. Il y avait, dans cette soi-disant "transition", une refus tranché et majoritaire au sein du peuple espagnol contre une organisation guerrière et belliciste dont la raison d'être et l'utilité pour la défense nationale étaient plus que discutables.

Avec une certaine dose de terrorisme médiatique et les manigances typiques du PSOE, l'Espagne a rejoint une telle organisation, signant des chèques en blanc et laissant son dos méridional à découvert : ce dos à découvert reste un danger, par lequel pénètrent les maux les plus nocifs pour l'Espagne: il a un nom. Il s'agit du Royaume du Maroc. L'OTAN a lavé le visage des Espagnols avec le soi-disant européanisme et a délivré un prétendu certificat d'occidentalisme: avec un visage lavé et une coiffure fraîchement peignée... mais avec l'arrière-train à découvert.

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Les décennies passent et, au-delà du PSOE, dont la praxis néolibérale ne fait plus aucun doute, dans ce pays qui est le nôtre, si usé par les menteurs et les bonimenteurs, les "penseurs de la gauche otaniste" ont émergé. L'un d'entre eux, digne d'intérêt, est Santiago Alba (photo). Ce monsieur est l'un des fondateurs du site web rebelión.org, et l'inspirateur du parti politique Podemos depuis ses tout débuts.

Dans le quotidien Público [https://blogs.publico.es/dominiopublico/46548/no-a-la-otan-si-a-que/], Don Santiago s'étonne du fait qu'il puisse y avoir des gauchistes qui ne soutiennent pas l'OTAN. En tant que philosophe, il connaît le pouvoir de l'utilisation des mots, du choix des termes et de l'appropriation d'un "récit". Cet auteur représente parfaitement la gauche otaniste : cette étrange position de ceux qui affirment que le capitalisme est certes mauvais mais qu'il n'y a pas d'alternative à la puissance abusive et hégémonique de son gendarme, les Etats-Unis. Les gendarmes du monde ont créé l'OTAN, vient nous dire la gauche otaniste, et, ma foi, nous n'aimons pas beaucoup cette organisation. Mais quelle est l'alternative, l'"autocratie" de Poutine ? D'une manière ou d'une autre, Don Santiago parle ainsi.

Nous devons parler la langue du gendarme Biden, selon le conseil de M. Alba: ne parlons pas de "guerre en Ukraine", mais d'"invasion russe" (je cite M. Alba: "donner l'illusion que c'est l'Alliance qui assiège et menace les villes ukrainiennes"). L'article de M. Alba ne tient pas compte de l'ensemble du contexte - manifestement agressif - qui conduit l'OTAN à outrepasser ses compétences dans tous les sens du terme : au-delà des limites territoriales pour lesquelles elle a été conçue, au-delà de la limite stratégique de sécurité convenue avec la Russie il y a des années, au-delà des besoins défensifs des pays membres.... En dehors de la prudence et du bon sens. L'OTAN a déclaré la guerre à la Russie par procuration. Officiellement, l'OTAN aide un pays envahi. Le pays envahi, partie intégrante de la civilisation russe depuis des siècles, est cependant un territoire où l'Occident collectif a - précédemment - forcé un changement de régime, au profit des ultra-nationalistes et des nazis anti-russes, ce qui l'arrange bien pour compléter l'"encerclement" de la Russie.

Le langage de la gauche "correcte", alignée sur le gendarme mondial, M. Biden, et sur les autres "pentagonaux", doit insister sur la dénonciation de la volonté néo-impériale de Poutine. Santiago Alba a peur d'une volonté néo-impériale, celle de la "Troisième Rome" moscovite, et il s'est plutôt habitué à l'autre volonté d'empire, celle de Biden et du Pentagone. C'est celle devant laquelle l'auteur otaniste dit que nous devons nous incliner. C'est du moins celle que nous connaissons en Occident et qui nous guide. C'est aussi celui de la gauche. Alba demande : "Que fait la Russie, par exemple, en Syrie, au Mozambique, au Mali, en Libye, pour se défendre contre l'OTAN ?

Il s'avère que certains empires ont le droit d'être omniprésents. Mais les interventions ponctuelles d'autres empires, la Russie ou la Chine, doivent être immédiatement remises en cause. Faut-il chercher des chiffres pour comparer le nombre de porte-avions, de bases militaires dans le monde, de troupes déployées à l'étranger ? La différence est écrasante : les États-Unis l'emportent dans toutes les statistiques. C'est l'empire interventionniste et omniprésent : ils sont sur toutes les mers, sur tous les continents. La présence extérieure de la Russie, au-delà des pays satellites rattachés ou territorialement contigus à la Fédération, est rare, ponctuelle, limitée. De son côté, la présence militaire de la Chine, au-delà de la défense de ses eaux et frontières juridictionnelles, est très limitée. Dans cet article, Don Santiago maintient une équidistance inacceptable. Cette équidistance rappelle les années de plomb, des années où un camp tue et tire, et où l'autre tombe sous les coups en entendant, de la bouche de son propre bourreau, le refrain : "asseyons-nous et négocions !"

Don Santiago, avec sa gauche otaniste, condamne à mort toute une trajectoire idéologique d'opposition à l'empire yankee, de lutte contre le cadre agressif et belliciste de l'OTAN, de pacifisme conscient et réaliste, de défense active de la multipolarité, de lutte au nom des peuples, des nations qui ne veulent pas continuer à être des colonies des États-Unis ou les acolytes d'une armée omniprésente et génocidaire. Il ne s'agit pas d'aimer Poutine, ni d'adhérer à son "récit". Il s'agit pour nous de dénoncer clairement l'existence d'une gauche otaniste, l'une des "jambes" sur lesquelles repose l'empire du néolibéralisme.

Le néolibéralisme. Ou gouverner pour les marchés

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Le néolibéralisme. Ou gouverner pour les marchés

Diego Fusaro

Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/tribuna-libre/40588-neoliberalismo-o-del-gobernar-para-los-mercados

Le fondement du turbo-capitalisme s'inscrit dans la vision néolibérale que Foucault a condensée dans la formule d'un gouvernement non pas "des marchés", mais "pour les marchés". Dans le langage de von Hayek, le gouvernement et l'État n'ont proprement qu'une seule tâche, qui n'est pas de "produire certains services ou biens pour la consommation des citoyens, mais plutôt de contrôler que le mécanisme de régulation de la production de biens et de services est maintenu en fonctionnement".

Droite et gauche, inféodées au capital, partagent désormais la même vision économique néolibérale, sous la bannière du fondamentalisme du libre marché, qui consiste à réduire simultanément l'État et le gouvernement au statut de simples serviteurs du marché. L'adhésion au dogme du libre cannibalisme, comme on pourrait définir le marché libre, est la revendication de la droite économique qui s'est tellement répandue qu'elle s'est transformée en Weltbild, la "vision du monde" omniprésente. Elle coïncide essentiellement avec la "liberté de s'envoyer mutuellement à la ruine" - selon la définition de Fichte dans L'État commercial fermé - et avec la suppression de toute limitation extérieure au pouvoir du plus fort (ius sive potentia). Si le keynésianisme pouvait être compris lato sensu comme la tentative de mettre le capitalisme au service des finalités sociales établies par la politique, on peut affirmer à juste titre qu'au contraire, le néolibéralisme marque la transition historique d'époque d'une politique économique à base keynésienne à une politique à matrice hayékienne : la justice sociale et la justice de marché ne coexisteront plus, car la seule qui survivra est la justice de marché, convertie - en accomplissement du théorème de Thrasymaque exprimé dans la République (338c) - en "droit du plus fort", τὸ τοῦ κρείττονος συμφέρον. Selon la vision canonique de Hayek, le concept de justice sociale est, du point de vue néolibéral, un simple ens imaginationis "vide et dénué de sens".

harvey_couv.jpgComme le souligne Harvey dans sa Brève histoire du néolibéralisme (2005), cette perspective trouve son origine dans le quadrant droit et notamment chez des théoriciens tels que von Hayek et von Mises, avant de trouver ses bastions opérationnels chez Reagan et Thatcher. L'idée générale, explique Harvey, est celle d'une dérégulation du marché, jugé capable de s'autoréguler ; une dérégulation par laquelle l'économie devient superiorem non recognoscens et l'État désouverainisé devient un simple "policier" qui surveille les marchés et les défend si nécessaire. L'ordo néolibéral a réinventé l'État avec une fonction anti-keynésienne, en tant que "garde armé" de l'ordre désordonné de la compétitivité et en tant que garant ultime des intérêts du bloc oligarchique néolibéral non frontalier et de son hégémonie.

L'État néolibéral intervient dans l'économie, mais - et c'est là la nouveauté - il est structuré de telle sorte qu'il peut être géré de manière unidirectionnelle par l'élite cosmopolite pour son propre bénéfice, grâce au changement de la relation entre la politique et l'économie ; cela va du sauvetage public des banques et des entreprises privées (avec la redéfinition de l'État comme une énorme compagnie d'assurance, émettant des polices au profit des loups cyniques de Wall Street) à la répression policière des mouvements de protestation menés par les esclaves du peuple et de la nation contre l'ordre mondialiste (du G8 à Gênes en 2001, aux places françaises occupées par les gilets jaunes en 2019).

La déresponsabilisation du politique par le marché est complétée par l'érosion progressive des bases de la légitimité de l'État démocratique et de ses fondements sociaux, issus du compromis keynésien entre le politique et l'économique : le politique doit désormais être soumis à un rôle subalterne, incapable d'interférer dans l'économie, agissant exclusivement comme son serviteur et son "garde du corps". C'est ce que nous proposons d'appeler la dépolitisation néolibérale de l'économie. A la base, le compromis keynésien était l'artifice délicat construit pour redistribuer les richesses du haut vers le bas et assurer ainsi un équilibre acceptable entre démocratie et capitalisme. Depuis la fin du socialisme réel et avec la subsomption absolue de la gauche sous le capital, la décomposition progressive de l'Etat-providence s'est poursuivie dans ses principales déterminations (des retraites aux indemnités, de la grossesse à la maladie), toutes évidemment incompatibles avec les "défis" de la compétitivité sans frontières, id est avec l'exigence de produire le plus possible au prix le plus bas possible.

Liée à la réorganisation verticale de l'équilibre des pouvoirs rendue possible par le triomphe du paradigme technocapitaliste en 1989, la dé-démocratisation se fonde, comme nous l'avons vu plus haut, sur la dé-souverainisation et, conjointement, sur la supranationalisation, c'est-à-dire sur le déplacement du centre du pouvoir de la dimension des États souverains démocratiques vers des entités transnationales post-démocratiques. Comme le souligne Costanzo Preve, "la décision politique 'publique' est vidée et rendue marginale par son transfert 'privé' vers les grands centres des oligarchies financières", avec pour conséquence le passage des parlements nationaux à des conseils d'administration privés. De cette manière, qui est légitimée comme une libération de la belligérance des États nationaux et qui, en réalité, vise à neutraliser la souveraineté démocratique (qui implique la citoyenneté et la représentation) et à renforcer de manière convergente l'oligarchie financière cosmopolite "pour les peuples superflus", la disjonction entre les mécanismes de représentation populaire et les décisions macroéconomiques est réalisée. L'économie se dépolitise en s'affranchissant de plus en plus du contrôle démocratique, de même que la politique - ou ce que l'on continue d'appeler ainsi - s'"économicise", dans la mesure où elle devient un simple suiveur des intérêts économiques des groupes dominants ("comité d'entreprise des classes dominantes", pour reprendre la formule de Marx). L'état c'est moi est aujourd'hui la formule prononcée non plus par le roi, mais par la classe oligarchique néolibérale dans son ensemble.

Cet horizon de sens inclut aussi, entre autres, les allégements fiscaux mis en œuvre par la gouvernance libérale au profit des seigneurs du capital, au motif non avéré qu'ils conduiraient à des hausses généralisées de l'emploi et des revenus. Les "requins financiers" apatrides - comme les appelait Federico Caffè - et les géants du capital sans frontières sont en fait des évadés fiscaux au sens de la loi - les géants du commerce électronique, par exemple, paient un impôt d'environ 3 % - tandis que les classes moyennes et populaires subissent une hyperpression fiscale qui, en fait, représente une expropriation permanente.

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A l'examen des rapports de force du turbo-capitalisme, il est clair que "marché" non seulement ne rime pas avec "démocratie", mais procède par vidange de son contenu et érosion de ses espaces. C'est là l'essence même de la "seconde restauration" post-1989, comme l'appelait Badiou dans Le Siècle : le capital victorieux s'empare de tout. Et il passe à l'offensive, dé-souverainisant les États-nations comme derniers bastions de résistance à la domination de l'économie mondiale, attaquant les classes moyennes et ouvrières et déconstruisant les espaces des démocraties nées au 20ème siècle, lesquelles étaient pourtant encore perfectibles. De plus en plus, surtout depuis les années 1990, la gouvernance néolibérale a avili la démocratie électorale au nom de l'expertise : et cette "expertise" à laquelle ils se réfèrent n'est jamais celle des travailleurs et des masses nationales-populaires, mais coïncide au contraire avec l'expertise exclusive des "techniciens", comme on appelle pieusement les banquiers et les top managers, en utilisant un terme anodin et faussement super partes.

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C'est Frank Fischer qui a ouvert la voie dans Technocracy and the Politics of Expertise (1990). Selon l'ordre du discours libéral, le pouvoir de décision ne sera pas dévolu au peuple souverain (ce qui est, après tout, une autre façon de dire "démocratie"), mais au "comité" - ou task force - d'"experts", c'est-à-dire de banquiers et de top managers. En d'autres termes, au-delà du théâtre des apparences, c'est l'économie, le marché et la classe dirigeante qui décident vraiment, et d'une manière qui n'a rien de démocratique. C'est également pour cette raison que le néolibéralisme peut être compris comme le détournement de l'expérience commune par le biais de l'expertise.

Comme on l'a déjà rappelé, même en ce qui concerne l'aversion pour le peuple en tant que sujet souverain (cristallisée dans la catégorie du "populisme"), la nouvelle gauche et le bloc oligarchique néolibéral font système. Et une telle involution serait synthétisée dans la formule suivante : puisque le peuple n'a pas la capacité de décider et de choisir, il faut l'annuler, pour que, sans le peuple - et c'est là le paradoxe - la démocratie puisse mieux fonctionner. C'est le résultat des conclusions tirées dans La crise de la démocratie : sur la gouvernabilité des démocraties - l'étude de 1975 préparée conjointement par Michel Crozier, Samuel Huntington et Joji Watanuki, commandée par la "Commission Trilatérale" - que les groupes dominants ont cherché de nouveaux outils conceptuels pour gouverner le peuple en régénérant la "juste distance" entre le haut et le bas, menacée à ce stade par la participation démocratique croissante et la capacité critique pas encore totalement anesthésiée des classes subalternes.

La réduction du pouvoir syndical, la réduction contrôlée de la participation populaire à la vie politique et la propagation d'une apathie généralisée ont été quelques-unes des stratégies privilégiées pour le réajustement vertical de l'équilibre des pouvoirs. La dévalorisation même du peuple en tant qu'élément essentiel de la vie démocratique a été, dans une mesure toujours plus grande après 1989, le point culminant de cette réorganisation post-démocratique caractéristique du néo-libéralisme.