Connaissez-vous Michel-Georges Micberth (1945-2013) ? En novembre 1968 le supplément littéraire du quotidien Le Monde nous apprend la création, par l’Institut Micberth, d’un prix Louis-Ferdinand Céline “destiné à découvrir et à encourager un jeune auteur d’expression française”. À cette fin, l’initiateur de ce projet fait la connaissance de Lucette ; elle vit alors dans son garage aménagé suite à l’incendie qui ravagea la maison quelques mois auparavant. Le projet fera long feu car la veuve de l’écrivain en tenait exclusivement pour un prix récompensant un récit animalier. On peut lire dans un récent recueil des textes de Micberth la relation divertissante de cette visite rédigée à l’époque et publiée quatre ans plus tard dans un hebdomadaire éphémère qu’il avait créé. Ce qui perdura, c’est l’admiration du jeune Micberth (il avait alors 23 ans) pour l’écrivain : « Savoir si Céline fut le plus grand n’a aucun intérêt, c’est du domaine de la subjectivité. Ce que l’on peut affirmer sans se tromper c’est sa dimension universelle, son éblouissante importance dans le temps et dans l’espace. »


L’anarchiste de droite qu’il était fut de toute évidence influencé par le style célinien lorsque le poète se mua en pamphlétaire. Son talent fut salué dans le BC par Jacques d’Arribehaude, détenteur, lui aussi, d’une sacrée plume: « Les textes de Micberth ont l’admirable éclat d’une série de beignes appliquées à toute volée sur les faces de pitres, de loufiats et de tarés qui règnent sur ce pauvre monde et mettent à l’abrutir une opiniâtreté, une haine, une infamie dans la délation et le sournois verrouillage juridique, qui rendraient aimable le souvenir de l’Inquisition. Dans ce monde à ce point asservi et rampant, la sainte colère de Micberth, son ironie meurtrière, sont un réconfort, une bouffée d’oxygène, proprement inestimables. Tant de verve, et de si haute tenue, ne peut que mettre en appétit, mais il s’y mêle aussi, tout comme chez Bloy, des pages d’émotion, de gravité poignante, de poésie pure, qui témoignent d’une souveraine maîtrise de style dans une langue merveilleusement vivante. » En 1973, Micberth eut les honneurs d’une “Anthologie du pamphlet de la Libération à nos jours”, éditée par Le Crapouillot, et, tout récemment, dans un hors-série centré sur “Les anars de droite” conçu par Valeurs actuelles.


Son portrait de feu Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, valait le détour : « Faux bonhomme, faux libéré, faux talent, faux semblant, faux socialiste, faux journaliste, faux penseur, faux-fuyant, mais vraie vraie salope. Depuis vingt ans, lui et son équipe du Nouvel Obs sont passés à côté de l’authentique, du singulier, de l’essentiel, de l’important pour ne pas privilégier, avec une opiniâtreté qui force la considération des ânes, que le dérisoire des sciences humaines et son cortège d’idoles de pacotille. » Il fut également un éditeur prolifique, essentiellement de monographies sur l’histoire locale de la France. Disposant du matériel phonographique nécessaire, il eut la générosité d’éditer plusieurs disques dont je lui soumis le projet. Consacrés tour à tour à Arletty, Robert Le Vigan, Albert Paraz, ils sont pour la plupart épuisés aujourd’hui¹. Écrivain, activiste, fondateur de journaux, dessinateur, ce créateur multiple était avant tout un esprit libre.

• MICBERTH, Les Vociférations d’un ange bariolé, Le Livre d’histoire – Lorisse, coll. “Petite bibliothèque insolite”, 2024, 308 p. (postface de François Richard). Prix : 35 € franco au Livre d’histoire, place du Château, F-02250 Autremencourt.
Note:
- (1) Le disque reprenant mon entretien avec Arletty a été réédité par les éditions Frémeaux.
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